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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Pour l'ampleur de ses conséquences, le dossier de police que Jacques-Antoine ouvre aujourd'hui est sans doute le plus extraordinaire que nous ayons connu depuis le début de cette émission.
00:30L'affaire commence en février 1963. Nasser est au pouvoir en Égypte, Ben Gurion en Israël.
00:50Quant à Fribourg en Brisgao, en Allemagne, une jeune fille très petite et très fragile rentre chez elle. Elle s'appelle Heidi Gerg. Elle vient de terminer sa journée de jeune avocate, elle va être l'héroïne de ce dossier extraordinaire.
01:09À peine a-t-elle tourné la clé dans la serrure que la sonnerie du téléphone retentit. Elle tressaille, ouvre la porte nerveusement, trébuche sur son sac à main qu'elle a laissé tomber, le ramasse et court vers l'appareil téléphonique dont elle saisit le combiné.
01:28« Allô ? Fraulein Heidi Gerg ? » Cette voix au bout du fil, elle la reconnaît pour l'avoir déjà entendue au moins une fois. Mais où ? Qui est-ce ? Heidi se laisse tomber dans un fauteuil, l'appareil à la main ne dit rien mais écoute.
01:56« Si le bien de votre père vous tient à cœur, trouvez-vous le samedi 2 mars à 16 heures dans le hall de l'hôtel des Trois Rois à Bâle. »
02:12Heidi est devenue très pâle, elle est glacée de peur. « Allô ? Allô ? » fait la voix. Heidi voudrait raccrocher ce téléphone qui lui brûle les doigts, étouffer cette voix terrifiante qui répète « Allô ? Allô ? »
02:33« Vous m'entendez ? »
02:35Car le père d'Heidi, c'est Paul Jens Gerg, 56 ans, un électronicien sorti d'un institut de recherche physique spécialiste allemand de la fusée qui travaille actuellement en Egypte à la mise au point d'un engin militaire.
02:50Il a, il y a 8 ans, travaillé en France à la construction de la fusée Véronique. Bref, pour résumer, disons que le papa d'Heidi est l'un de ces éternels enfants à qui on a eu l'imprudence de confier des laboratoires pour qu'il puisse s'amuser à fabriquer des lance-pierres monstrueusement perfectionnées.
03:09Mais Heidi aime beaucoup son papa. La voix au bout du fil s'énerve. « Allô ? Vous êtes là ? Si vous êtes là, répondez ! »
03:17« Je suis là » dit Heidi. « Viendrez-vous ? » demande la voix. « Je viendrai » répond Heidi.
03:29À l'autre bout du fil, il y a un déclic, puis la tonalité du téléphone, la voix mystérieuse a raccroché.
03:39Heidi, atterrée, affolée et perdue, reste un long moment écrasée au creux de son fauteuil. Notre avocate n'est elle-même qu'une petite fille bien petite et bien fragile. Que fait ?
03:54Et oui, je vous le demande un peu. Que peut-elle faire ? Car elle sait les dangers qui menacent les savants allemands qui travaillent en Égypte.
04:04C'est alors qu'elle va prendre une décision dont les conséquences vont être incalculables. Dans son affolement, elle va avoir un geste qui lui sera reproché longtemps car il va mobiliser brusquement tous les services secrets, tous les espions d'un bout à l'autre de la planète.
04:20Ce geste, c'est de décrocher le téléphone pour appeler la police. Mais entendons-nous bien, pour appeler la petite police de tous les jours, pas une police secrète, non, la petite police allemande, elle croit naïvement appeler au secours les gendarmes comme on appelle les pompiers.
04:37C'est du moins ce qu'elle prétendra car, vous allez le voir, chers amis, tout va devenir rapidement si monstrueusement compliqué que tout ce qui est vrai va devenir à moitié faux et tout ce qui est faux à moitié vrai.
04:52Le samedi de mars, comme Heidi l'a promis, elle arrive à l'heure prévue en taxi devant l'hôtel des trois rois à Bâle en Suisse. Un deuxième taxi qui les suivait s'arrête de l'autre côté de la place.
05:06Heidi et son frère Reiner, 19 ans, sortent du taxi et entrent dans l'hôtel par la porte tournante. Ils vont s'asseoir dans deux fauteuils face à une table basse et attendent.
05:20C'est tout juste s'ils osent regarder autour d'eux car ils sont devenus, peut-être sans pouvoir l'éviter, les acteurs d'un mélodramatique roman d'espionnage. En effet, la police suisse, avertie par la police allemande, les a prévenus qu'elle a dissimulé des micros sous toutes les tables.
05:36Heidi cherche à se rassurer mais ses mains sont moites. À travers les vitres de la porte tournante, elle peut deviner la silhouette de sa tante, la sœur de son père en manteau de fourrure, qui, morte d'inquiétude, encadrée de deux détectives, attend dans le taxi stationné de l'autre côté de la place.
05:54Comment, dans le va-et-vient des clients, reconnaître la présence qui se veut amie et protectrice des policiers ? Et si la police n'était pas au rendez-vous ?
06:06De son côté, Rainer essaie de rassurer sa sœur. Rien de grave ne peut arriver ici, tout de suite, en public, et leur père, qui est loin, ne risque rien dans l'immédiat. Il suffira de discuter.
06:18En réalité, il ne risque rien, en effet. Un nombre inusité de clients des policiers en civil se trouvent réunis dans ce palace, lisant le journal, jouant entre les hommes d'affaires ou regardant les flots gris du Rhin qui roulent sous les fenêtres.
06:34Et justement, ce que l'on reprochera à Heidi plus tard, c'est d'avoir organisé un guet-apens digne d'un mauvais roman d'espionnage.
06:43Caesar, un homme, grand, large, coiffé d'un chapeau tyrolien à plumes, les yeux masqués par des lunettes noires, traverse le hall.
06:52Plus tard, Heidi devait confier que, si son seul sentiment n'avait été la peur, elle aurait ri de voir ce grand garçon déguisé de façon aussi conventionnelle en agent secret. Mais la caricature de l'agent secret s'incline devant eux et prend place dans un fauteuil.
07:08Je me présente. Otto Franz Jacklich. Autrichien. Spécialiste des recherches anticancéreuses. L'ami qui veut vous rencontrer ne va pas tarder à nous rejoindre. Il vous expliquera mieux que moi ce que nous attendons de vous.
07:25De près, Heidi remarque un nez à l'arête aigu qui coupe une face large et pâle. La quarantaine est sûre de lui, mais pas aussi terrifiant qu'elle l'imaginait, et même très courtois.
07:37Bientôt, entrée du deuxième personnage. Epaules larges et nuque épaisse, comme Jacklich, mais d'aspect plus discret malgré ses longues moustaches blondes et ses lunettes.
07:48Bengal. Fonctionnaire du ministère de l'éducation nationale d'Israël. Je suis chargé d'une mission spéciale en Europe, celle de contacter les savants allemands qui travaillent en Égypte et de les ramener à de meilleurs sentiments.
08:01Mademoiselle Gurge, je vous ai fait venir pour vous persuader de convaincre votre père d'abandonner son travail pour Nasser.
08:10Bengal s'exprime avec lenteur et difficulté.
08:16Ce n'est pas à moi de décider pour mon père, répond Heidi.
08:20Jacklich, qui a l'élocution plus aisée que son compagnon, revient à la charge.
08:25Le sort de votre père est entre vos mains, mademoiselle. Vous devez obtenir de lui qu'il renonce à travailler pour l'Égypte. Persister serait une grande imprudence de sa part.
08:37Vous savez que certains de ses collègues ont été victimes d'accidents divers. L'un d'eux fut même mortel.
08:50Heidi le sait.
08:52Un instant, elle s'était sentie mieux, mais son angoisse peu à peu la reprend. Elle balbutie de temps en temps les objections, mettant tout son espoir dans les témoins muets qu'elle espère là, sous la table et parmi les messieurs qui déambulent dans le hall.
09:06Mademoiselle Goerge, dit Bengal, je ne suis pas de ces juifs qui désirent une vengeance contre les Allemands. Simplement, j'aime mon pays et je ne peux pas admettre qu'un autre pays prépare une guerre pour exterminer Israël.
09:21Nous sommes, ajoute Jacklich, prêts à vous payer le voyage d'avion que vous devez faire pour ramener votre père en Allemagne.
09:28Il faut être solide pour faire face à une telle situation. Heidi ne l'est pas. Ce supplice va-t-il prendre fin ? Son frère, la voyant s'effondrer, se penche vers elle pour la soutenir.
09:42Nous vous laissons réfléchir, Mademoiselle Goerge, dit Bengal en se levant. Mais ne tardez pas, ajoute Jacklich.
09:53Il est 17 heures. Heidi voit s'éloigner avec soulagement les épaules larges et les nuques épaisses des deux personnages. Et comme le hall se dépeint plus rapidement, Heidi comprend que les policiers étaient là.
10:08Rainer la soutient par le bras lorsqu'ils sortent à leur tour et s'engouffrent dans le taxi où les accueillent avec soulagement la tante en manteau de fourrure.
10:17Mais tandis que la voiture file vers l'aéroport où Heidi prendra aussitôt l'avion pour le caire, car elle ne se sent plus en sécurité en Allemagne, se joue l'incroyable deuxième acte de ce dossier extraordinaire.
10:29Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
10:35Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
10:40Donc tandis que Heidi Goerge se rend à l'aéroport, Bengal et Jacklich, ces deux interlocuteurs déguisés en agents secrets, surveillés de loin par la police, se rendent à pied à la gare de Baal et montent dans le rapide 591 qui part à 19 heures pour Zurich.
10:55Lorsqu'à 19h26, le train entre en gare de Zurich, une douzaine de policiers en civil sont là qui reprennent la filature.
11:03À pied, les deux hommes traversent la ville et gagnent le Congress House, un immense restaurant-casino au bord du lac.
11:11Ce soir-là au Congress House, il y a une grande fête costumée, le bal des artistes, 2000 personnes travesties, masquées, s'écrasant déjà dans les salles immenses.
11:21Les policiers s'inquiètent, ils craignent de voir ceux qui les suivent disparaître à la faveur du bal ou bien nouer des contacts sans qu'ils puissent identifier leurs interlocuteurs.
11:31Mais les deux agents s'installent simplement au bar et ressortent une heure plus tard pour se séparer devant le bâtiment.
11:39Bengal suit le bord du lac et lorsqu'il arrive à la hauteur du Central Building, un bâtiment exactement à côté du consulat d'Israël, il se sent saisi aux épaules.
11:48« Suivez-nous », disent les policiers.
11:51Un moment plus tard, Joklik est arrêté lui aussi par une autre équipe de policiers dans le centre de la ville.
11:58Heidi est arrivée au quai, elle a retrouvé son père et se repose de ses émotions.
12:03Elle croit ne plus jamais entendre parler de l'affaire car un blackout total couvre la double arrestation.
12:10Seize jours s'écoulent avant que Heidi la prenne par la presse.
12:14Si le secret a été gardé deux semaines, c'est que le Conseil fédéral suisse a beaucoup hésité quant à l'attitude à prendre et consulter les plus hautes instances.
12:23On envisage une expulsion discrète des deux agents, mais il se peut que des pressions diplomatiques soient exercées pour que cette solution ne soit pas adoptée.
12:33Quant au gouvernement israélien, il se refuse au moindre commentaire sur l'arrestation des deux agents par la police suisse.
12:40A partir de là, chers amis, nous allons suivre l'extraordinaire progression des événements de plus en plus dramatiques et importants dont l'issue va sans doute vous surprendre.
12:49Mais ce que je vous demande, c'est de ne pas oublier Heidi.
12:52Heidi, une gamine ou presque, qui a déclenché ces événements en appelant les gendarmes au secours.
12:58Heidi, réfugiée dans son hôtel du Caire, qui voudrait bien oublier toute cette affaire.
13:01Heidi, dont certains journaux disent qu'en prévenant la police pour se rendre ensuite au rendez-vous, elle a bel et bien organisé un guet-apens dans le but de faire arrêter les deux agents.
13:11Dans l'esprit de ces journaux, il ne s'agit donc pas d'un geste de défense, mais bel et bien d'une attitude délibérément offensive envers Israël.
13:20Le 19 mars, le gouvernement israélien déclare qu'à sa connaissance, les savants allemands qui travaillent pour l'Egypte ne construisent pas seulement des fusées, mais aussi des armes chimiques et bactériologiques interdites par les conventions internationales.
13:35C'est alors qu'on apprend la disparition du directeur Astutgart de l'Institut de recherche pour la propulsion à réaction, le docteur Heinz Krug, qui avait accompli de nombreux voyages en Egypte durant l'hiver, le printemps et l'été précédents.
13:50Enquête faite, les autorités israéliennes font savoir que le professeur Otto Franz Joklik, spécialiste en radiologie et titulaire de plusieurs titres et distinctions universitaires que Heidi a fait arrêter, aurait été autrefois au service de l'Egypte.
14:06Il aurait été responsable des achats en Europe et du recrutement d'autres experts pour le gouvernement du Caire.
14:13Joklik aurait pris contact avec des offices israéliens en Allemagne occidentale et aurait déclaré qu'il avait décidé de cesser toute collaboration avec les Égyptiens pour des motifs de moralité.
14:23Il se serait déclaré prêt à dissuader d'autres spécialistes allemands.
14:27Le rendez-vous qu'il avait pris à l'hôtel des trois rois à Baal avec Heidi avait lieu dans ce but.
14:33Un point, c'est tout.
14:35Mais on apprend que les laboratoires du professeur Pils en Égypte ont reçu un paquet piégé en provenance de Hambourg, dont l'explosion a défiguré la secrétaire du professeur qui est devenue aveugle à la suite de ses blessures.
14:50Un journal israélien écrit « La Suisse est-elle intéressée à un succès de la collaboration égypto-allemande dans le domaine de la production d'armes non conventionnelles ? »
15:01D'ailleurs, Israël durcit sa position et ne cache pas que si Bengal était traduit devant un tribunal, on pourrait révéler en détail les transactions des compagnies helvétiques avec l'Égypte qui cadrent mal avec la neutralité de la Suisse.
15:16Le 20 mars, le parquet de Baal s'explique sur l'arrestation des deux hommes qu'a rencontrés Heidi.
15:22D'une part, la police a voulu simplement empêcher qu'il arrive quelque chose à Heidi et à son frère.
15:27D'autre part, Joklik est interdit de séjour en Suisse car il aurait déjà tenté d'abattre un collaborateur du père d'Heidi.
15:34L'audition des enregistrements de la conversation des trois rois établira si l'attitude des deux prévenus peut être qualifiée d'attentat à la liberté individuelle et d'activité illégale au service d'une nation étrangère.
15:48Là-dessus, un beau matin, Heidi reçoit un choc.
15:52Elle voit son nom en caractère de trois centimètres de haut dans la manchette de certains journaux qui l'accusent d'être au service de l'Égypte et d'avoir elle-même pris contact avec Joklik pour organiser la rencontre aux trois rois, sachant à l'avance qu'il tiendrait des propos permettant son arrestation.
16:09Bref, cela s'appelle de la provocation.
16:13Le parquet de Bâle rejette cette déclaration comme totalement inexacte et déclare qu'il n'a agi ni par sympathie ni par antipathie envers les deux États ennemis, mais pour assurer le respect de la loi.
16:25C'est alors que l'ingénieur Kleinwetcher, spécialiste des fusées lui aussi en rentrant de son usine qui fournit du matériel aux Égyptiens, est arrêté par une automobile placée en travers de la route et proprement mitraillé.
16:39Kleinwetcher s'en tire sans dommage, mais la poursuite de ses trois agresseurs échoue et deux d'entre eux se réfugient en Suisse.
16:49Le 23 mars, le ministre égyptien de l'Orientation nationale affirme que les 30 savants allemands en Égypte ne travaillent pas à la bombe atomique, mais à la recherche chimique et physique.
17:01La santé d'Haïdi, qui n'était déjà pas si brillante car je vous l'ai dit c'est une jeune personne fragile, sa santé donc semble brusquement s'altérer.
17:1010 mars, la presse israélienne attaque l'Allemagne de l'Ouest.
17:1427 mars, le conseil de la Ligue arabe condamne la campagne d'Israël contre les savants allemands.
17:1928 mars, le gouvernement de l'Allemagne de l'Ouest déclare qu'il ne possède aucun indice prouvant que des Allemands travaillent en Égypte à la fabrication d'armes interdites,
17:29mais il incite ses ressortissants à l'étranger, à rentrer en Allemagne si leurs activités contribuent à accroître les tensions politiques et condamnent les Allemands qui travaillent dans les pays en guerre à la fabrication d'armements.
17:42Haïdi, qui souffre de l'estomac, entre à l'hôpital.
17:46Israël trouve la déclaration de l'Allemagne de l'Ouest décevante, c'est une échappatoire puisqu'en fait l'Allemagne ne fait rien.
17:532 avril, les savants allemands en Allemagne affirment qu'ils ne travaillent pas sur des armes interdites.
17:59À l'hôpital, les médecins déclarent qu'il faut opérer Haïdi.
18:04Un certain Yacoff est parvenu à organiser pour Israël la meilleure police secrète du monde.
18:09Lorsqu'il l'a fait arrêter à Eichmann, Ben-Gurion l'a embrassé avec effusion, mais aujourd'hui, avec les agissements de la police secrète de Yacoff en Suisse et en Allemagne, rien ne va plus.
18:19Et Ben-Gurion, qui s'efforce depuis des années d'arriver à une réconciliation avec l'Allemagne, ne veut pas dans son pays d'une explosion hystérique anti-allemande.
18:29Il demande d'arrêter immédiatement la campagne contre l'Allemagne.
18:33Yacoff donne sa démission.
18:35Malgré l'avis de Goldamer, il est sacrifié à la raison d'État.
18:406 avril. L'Allemagne de l'Ouest envisage d'interdire aux Allemands de travailler en Égypte.
18:458 avril. Nous approchons de la fin de cette fantastique affaire.
18:49Les savants allemands travaillant en Égypte déclarent qu'ils pourraient renoncer à leur nationalité si on le leur interdisait.
18:5614 avril. Ah mais non, s'esclarent les Américains. Nous ne sommes pas du tout d'accord. Nous préférons voir en Égypte des savants allemands plutôt que des techniciens communistes.
19:07Cette fois, on en arrive au comble du comble de l'absurde, de l'horreur, de la démesure.
19:14Parce que la pauvre Heidi a, à tort ou à raison, dans un moment de panique, appelé les gendarmes à son secours, l'Amérique et la Russie se fout droit du regard.
19:25Heidi à ce moment-là entre dans la salle d'opération de l'hôpital.
19:29Et lorsqu'elle sort de cet hôpital après une grave opération de l'estomac, elle se trouve placée devant un difficile cas de conscience.
19:38Le procès de Bengal et Joklik doit avoir lieu à Berne le 10 juin. Heidi est évidemment priée de s'y présenter comme témoin essentiel de l'accusation.
19:47D'une part, elle voudrait ne plus jamais entendre parler de cette affaire démente et pourrait en effet s'y dérober étant donné la grave intervention chirurgicale qu'elle vient de subir.
19:55D'autre part, ayant été le point de départ d'un conflit diplomatique tellement important et inattendu, il lui paraît qu'elle doit se montrer à la hauteur des circonstances.
20:06Enfin, elle souhaite certainement prouver, si c'est possible, que le rendez-vous des trois rois à Bâle n'était pas un guet-apens et encore moins une provocation de sa part.
20:14Aussi, le 10 juin, découvre-t-elle dans la salle du tribunal la caricature de l'agent secret devenu un accusé discret, presque effacé.
20:26Et Bengal, le chargé de mission spéciale avec ses petites moustaches blondes et ses lunettes, qui la toise avec un petit sourire.
20:34Inutile de dire que les juges helvétiques ont beaucoup de mal à démêler cet embrouillé mini policier.
20:41Aussi préfère-t-il, en deux coutuillers à peau, abandonner le chef d'accusation le plus grave, celui d'activité illicite au bénéfice d'un état étranger.
20:50Il ne reste plus dès lors contre les accusés que des charges mineures, dont ils cherchent à se blanchir, et la formidable affaire devient un petit procès de rien du tout, une petite affaire de quartier à un chien écrasé.
21:03Heidi est menacée de ridicule.
21:06« Nous n'avons exercé de contraintes sur personne », déclare Joklik.
21:10« Pas plus sur mademoiselle que sur les femmes des savants atomistes résidant en Égypte.
21:15Nous avons simplement mis ces dames en garde contre les dangers que pouvaient encourir leur père et leurs époux.
21:20Dangers que l'on ne peut pas nier puisqu'il y a déjà eu des victimes.
21:23Dans le cas de mademoiselle Heidigergue, nous avons même été particulièrement aimables puisque nous lui avons affaire de lui payer le billet d'avion qu'elle devait prendre pour aller chercher son père en Égypte.
21:31Si toutefois son père avait accepté de revenir, bien entendu, » ajoute aimablement Wengal.
21:39Lorsqu'Heidi s'avance à la barre, elle paraît encore plus petite, plus pâle et plus tremblante.
21:45« C'est faux », dit-elle.
21:47« Ces hommes ont menacé mon père.
21:49Tout le monde dans le prétoire se tait pour l'entendre parler d'une voix douce et ferme.
21:54Si certains des propos qu'ils ont tenus peuvent prêter à confusion, si avec beaucoup de mauvaise foi on peut leur attribuer un autre sens, j'affirme que le ton qu'ils employaient, lui, ne laissait aucun doute quant à leur caractère menaçant.
22:09Malgré les dénégations des accusés et les interventions de l'avocat, Heidi maintient tous les termes de sa déposition.
22:17Alors ?
22:19Alors, devant Heidi sidérée, le défenseur des accusés évoque l'état de santé délicat de la jeune fille, sa nervosité maladive, qui ont pu concourir, je cite, « à égarer son esprit jusqu'à faire naître une légende qui ressemble en tout point à un roman d'aventure. »
22:36Quand on relit les comptes rendus de l'affaire si longtemps après, on ne peut s'empêcher de sourire.
22:41Allons, quoi ? S'il s'agissait d'une légende, d'une histoire de petite fille romantique, alors pourquoi M. Ben-Gurion et le colonel Nasser, pourquoi le président de l'Allemagne de l'Ouest et le Conseil fédéral helvétique, pourquoi le gouvernement américain et le gouvernement russe et la Ligue arabe et j'en parle, c'est des meilleurs, s'en sont-ils mêlés ?
22:59En tout cas, savez-vous comment se termine ce formidable dossier de police ? Eh bien, il dit, Ben Gal et Je Clique vont redescendre ensemble les escaliers du palais de justice de Berne, car les deux prévenus n'ont été condamnés qu'à deux mois de prison, amplement couverts, bien sûr, par la prévention.
23:59Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1. Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.

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