Alors que le Parti socialiste réclame une suspension de la réforme des retraites entrée en vigueur en 2023, que François Bayrou demande un "conclave" entre les partenaires sociaux, le patron du Medef appelait récemment à un passage à un système par capitalisation. Mais qu'est-ce que s'est ? Bertrand Martinot, économiste à l'Institut Montaigne et ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, est l'invité pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 15 janvier 2025.
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00:00Il est 18h43, bonsoir Bertrand Martineau, vous êtes économiste à l'Institut Montaigne,
00:08ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, c'est un terme dont on va beaucoup entendre parler
00:12dans les prochaines semaines, la capitalisation, un mode de financement des retraites qui a
00:16longtemps été un tabou en France où l'on oppose toujours à la retraite la répartition.
00:21Le patronat pourrait bien remettre sur la table ce dossier à la faveur des négociations
00:25entre les partenaires sociaux annoncées par François Bayrou.
00:27La capitalisation, Bertrand Martineau, vous nous rappelez le principe ?
00:30Alors c'est très simple, c'est un système dans lequel vous cotisez sur un fonds qui
00:37s'accumule, un fonds d'épargne, et puis une fois en retraite, le fonds vous verse
00:42une rente, jusqu'à votre décès.
00:44Donc ça passe par un fonds de pension, c'est ça ?
00:48Alors soit c'est des fonds de pension un peu partout, comme aux Etats-Unis, disséminés
00:52dans les entreprises, ou comme d'ailleurs ça existe en France, c'est les plans d'épargne
00:55en retraite des entreprises, mais c'est beaucoup plus petit qu'aux Etats-Unis, ou alors ça
00:59passe par, comme c'est le cas dans certains pays, par des très grands fonds gérés au
01:03niveau national.
01:04Alors est-ce que cette retraite par capitalisation peut être utilisée en complément de nos
01:08retraites classiques ?
01:09Oui, alors je pense que personne ne pense sérieusement transformer les 400 et quelques
01:13milliards de pensions actuellement versées par de la capitalisation intégrale, ça poserait
01:18des problèmes techniques absolument considérables, ce serait risqué aussi parce que ça voudrait
01:22dire que tout dépendrait des rendements sur les marchés financiers, donc ceux qui
01:26sont en faveur de la capitalisation plaident pour l'introduction d'un pilier capitalisation
01:30qui représenterait 20%, 30%, 25% je ne sais pas, de l'ensemble, mais certainement pas
01:36plus.
01:37Rôtez-nous un doute quand même, ces 400 milliards que vous venez de citer, c'est sur un an ?
01:39Bien sûr.
01:40Oui, non mais je ne pense pas, c'est…
01:42416.
01:43416.
01:44416 milliards, mais on n'est même plus à un milliard près là.
01:46On est bien d'accord.
01:47Est-ce que la capitalisation existe déjà en France, et si oui, dans quelle proportion ?
01:50Alors la capitalisation est très très peu développée en France, c'est une des spécificités
01:54françaises.
01:55Elle existe dans les entreprises, dans beaucoup d'entreprises vous avez développé des systèmes
01:58par capitalisation.
01:59Elle existe chez les pharmaciens, elle existe à la Banque de France, et elle existe chez
02:05les fonctionnaires, les fonctionnaires qui cotisent déjà sur leurs primes, pas sur
02:11leur traitement, pas sur leur salaire de base, mais sur les primes pour avoir droit à un
02:15supplément de retraite sur les primes, et ce dispositif, il est financé par capitalisation.
02:20Et pour que l'on comprenne bien, c'est un placement volontaire ou une cotisation obligatoire
02:25prélevée directement par l'employeur sur notre feuille ?
02:28Alors, il y a différents cas de figure.
02:30Dans le cas des entreprises ou dans tout un tas de fonds de pension, c'est un versement
02:36volontaire, c'est comme si vous épargnez, vous n'êtes jamais obligé d'épargner,
02:39et ça peut être collectif et obligatoire.
02:42Et donc, il y a différents systèmes.
02:44Alors vu, si on voulait évidemment créer un pilier capitalisation dans le système actuel,
02:49il faudrait vraisemblablement que ce soit en toute ou partie obligatoire, parce que
02:52sinon, vous n'arrivez pas à financer le système.
02:55L'âge de départ dans tout ça, quelles conséquences en termes de durée de cotisation ?
02:58Alors, ce sont deux sujets qui sont complètement séparables.
03:02Ah oui ?
03:03Oui, parce que là, on parle du financement, alors que quand vous jouez sur l'âge légal,
03:09la durée, etc., vous jouez sur les dépenses.
03:10Oui.
03:11Donc, on peut...
03:12C'est d'ailleurs pour ça que la capitalisation a beaucoup de vertus, mais ce n'est pas du
03:17tout un outil magique, parce qu'il ne règle pas le problème des dépenses.
03:20Si vous avez beaucoup de dépenses, vous aurez de toute façon beaucoup plus de charges à
03:23payer.
03:24Alors, elle sera peut-être plus faible, on pourrait y revenir, plus faible peut-être
03:27à terme par la capitalisation, mais vous aurez quand même beaucoup, beaucoup de dépenses.
03:30Donc, ce sont deux sujets qu'on peut séparer intellectuellement.
03:32On peut séparer les deux.
03:33Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire les deux.
03:34C'est-à-dire qu'il faudrait peut-être à la fois baisser les dépenses, en tout cas
03:38maîtriser les dépenses de reprête, et par ailleurs introduire un pilier capitalisation.
03:41Mais les deux sujets peuvent être discutés séparément.
03:44Dans un cas, vous avez un problème de dépense, dans l'autre, on discute des modalités
03:46de financement.
03:47Pardon, mais si c'est l'une des solutions pour financer nos retraites, pourquoi ne l'a
03:51pas-t-on mis en place, ne l'a pas… Pourquoi on a tant attendu pour dire « c'est ça
03:58la solution » ?
03:59Ou en tout cas, une des solutions.
04:00Donc, encore une fois, ce n'est pas une solution magique.
04:02Il y a une réticence française ?
04:04Alors, elle n'est pas française, elle est tout simplement financière et elle pose
04:08une difficulté, qui est la période de transition.
04:11C'est-à-dire que pendant la période de transition, vous allez, admettons, vous allez
04:14passer 20% par exemple, ou 25% du système actuel, vous allez le financer progressivement
04:22par capitalisation.
04:23C'est quelque chose de progressif.
04:24La difficulté, c'est qu'il va falloir que vous cotisiez pour vous, ces 25%, mais
04:30il va quand même falloir payer les retraites par répartition en stock, en cours.
04:34Et donc, vous risquez d'avoir une double charge pendant un certain nombre d'années.
04:37Et quand je dis un certain nombre d'années, c'est quelques dizaines d'années.
04:40Alors, on peut lisser ces évolutions, on peut mettre au pot, on peut déjà constituer
04:44un actif, un fonds, on peut déjà le doter à la base, pour ne pas partir de zéro, évidemment.
04:50Donc, il y a tout un tas de mécanismes financiers qui permettent de lisser, d'assouplir l'effort,
04:55mais il y a quand même un effort à faire, parce que ce fonds, il faut bien le constituer.
04:58Donc, il y a un problème au début, c'est un peu difficile.
05:02Les syndicats, ils sont pour la plupart opposés, pourquoi ? Il y a une forme d'injustice
05:05de leur point de vue ?
05:06Alors, c'est, je crois, une mauvaise compréhension, ça rappelle des débats du début du XXe siècle,
05:11puisqu'on a déjà mis en place un système par capitalisation.
05:13Et il y avait un affrontement entre l'extrême gauche de l'époque, je ne sais pas si on
05:17peut l'appeler comme ça, et Jean Jaurès.
05:19Jean Jaurès, qui était docteur en philosophie, mais qui comprenait très très bien l'économie
05:23et la finance, n'avait pas de mots assez durs sur les syndicats de l'époque qui refusaient
05:29la capitalisation.
05:30Alors, pourquoi ? Je ne sais pas, il faudrait leur demander, mais le capital, ce n'est
05:34pas quelque chose qui est appelé, il faut que ça repose sur le travail, le capital,
05:37c'est pour les capitalistes.
05:38Inversement, Jean Jaurès expliquait que les salariés aient accès aux fruits du capital,
05:45alors même qu'ils épargnent peu, finalement, et qu'ils n'ont pas d'actifs, surtout
05:48les plus modestes.
05:49Qu'ils aient accès aux fruits du capital grâce à la capitalisation, c'est plutôt
05:53bien pour les salariés et pour les travailleurs.
05:55Et Jean Jaurès le disait dans des termes qu'on pourrait reprendre aujourd'hui.
05:58Vous nous dites que c'est soumis aux aléas des marchés financiers, autrement dit, en
06:01cas de crise financière, il y a un risque de perte, de grosse perte ?
06:05Alors, c'est du long terme, c'est-à-dire que ce n'est pas parce que vous avez toujours
06:10un matelas de trésorerie, donc quand vous avez des pertes pendant quelques années,
06:12vous avez un matelas, c'est de la gestion financière, les entreprises savent le faire,
06:16les grands fonds de pension savent le faire, donc vous pouvez lisser ces évolutions financières.
06:20Et donc, oui, il y a des risques, bien entendu, mais il y a des risques aussi sur la répartition.
06:24Les risques sur la répartition, bien sûr, ils sont liés à la démographie, alors ce
06:29n'est plus un risque, c'est une réalité.
06:31Donc, vous avez des rendements à la répartition qui diminuent année après année du fait
06:36du vieillissement.
06:37Deuxième risque, c'est sur la croissance, quand la croissance s'effondre, où trouver
06:41les recettes ? Et puis, vous avez un troisième risque, qu'on oublie toujours, un risque
06:44politique.
06:45Aujourd'hui, quand vous avez 25 ans ou 20 ans, vous rentrez sur le marché du travail,
06:48on vous promet quelque chose et vous croyez que dans 45 ans, les gouvernements vont tenir
06:52leurs promesses, donc vous avez un risque politique.
06:53On ne se sépare pas sans une question plus politique.
06:56François Bayrou se dit prêt à annoncer la suppression de 4000 postes dans l'éducation
07:00nationale.
07:01Qu'en pensez-vous ?
07:02Je n'ai pas d'avis sur la question particulière de l'éducation nationale, je vois juste
07:06que le nombre d'agents publics a considérablement augmenté ces dernières années et qu'il
07:09serait temps de réfléchir à la question.
07:11Merci beaucoup Bertrand Martineau, je crois que vous avez quand même répondu, économiste
07:14à l'Institut Montaigne.
07:15Merci d'avoir pris la parole ce soir sur RTL.
07:17Dans un instant, un homme qui capitalise sur son humour, il bénéficie du dispositif carrière
07:21drôle.
07:22Marc-Antoine Lebray, c'est le Breaking News.