Jeudi 9 janvier 2025, SMART PATRIMOINE reçoit Mathieu Garnero (directeur du projet avec Novethic, ADEME) et Nicolas Redon (auteur de l’étude et Expert Finance Verte, Novethic)
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00:00Enjeu patrimoine consacré au sujet de l'engagement actionnarial, nous en parlons avec deux experts.
00:10Nicolas Rodon qui est auteur de cette étude chez Novetic et expert finance verte de Novetic.
00:16Nicolas, bonjour.
00:17Bonjour.
00:18Et Mathieu Garnero à vos côtés qui est chef de service économie et finance et qui a été à l'ADEME et qui a participé à la construction de cette étude.
00:26Bonjour Mathieu.
00:27Bonjour Nicolas.
00:28Quel est le niveau peut-être du périmètre et de ce que vous avez cherché à analyser à travers cette étude qui a été publiée en toute fin d'année 2024 je crois ?
00:35Oui, c'est ça.
00:36Alors donc c'est une étude dans le cadre d'un partenariat avec l'ADEME qui a déjà plus de 5 ans.
00:40On s'est dans un premier temps assez longuement intéressé à un panel de fonds vert et cette année on voulait élargir un petit peu l'angle d'analyse
00:48et voir plutôt que d'analyser un panel de fonds, plutôt un panel d'acteurs, donc à la fois des sociétés de gestion et des investisseurs institutionnels.
00:57Ce qui nous a amené à étudier la documentation publiée par 55 investisseurs, donc 40 sociétés de gestion et 15 investisseurs institutionnels sur le sujet de l'engagement actionnarial.
01:09Donc la documentation qui peut être volontaire, qui peut être réglementaire via diverses réglementations françaises ou européennes.
01:17Donc on n'a pas discriminé par rapport à quel effet produit quelle réglementation mais simplement chercher à avoir une vision d'ensemble de ce qu'on trouve comme information
01:26pour rendre compte des politiques et des pratiques d'engagement actionnarial.
01:30Bon, quels sont les grands enseignements alors de cette étude ?
01:33Alors les grands enseignements, il faut d'abord regarder en tête que le panel était de tailles assez diverses puisqu'on a des acteurs qui ont voté par exemple à entre 21 et 10 600 âgés.
01:45Donc ça donne un éventail assez large. On a des rapports des comptes rendus d'engagement actionnarial au cours de l'année écoulée qui font de 4 à 400 pages.
01:55Donc effectivement ça donne une idée des moyens et des forces en présence qui peuvent varier d'un acteur à l'autre.
02:01Néanmoins on observe des choses assez intéressantes, un taux de participation moyen aux assemblées générales de 89% avec même une médiane à 97%.
02:10Bon score ?
02:11Bonne participation malgré les coups que ça engendre aux âgés, des sociétés détenues en portefeuille.
02:16On a plutôt étudié les politiques qui s'appliquent aux investissements en action puisque en obligation ça serait un niveau d'analyse un peu différent.
02:27On observe aussi un vote d'opposition qui est intéressant à 23%.
02:33Donc il n'y a pas un chèque en blanc donné aux entreprises sur l'intégralité des résolutions soumises au vote.
02:40Alors ces résolutions c'est aussi un éventail assez large de chiffres puisque au sein du panel les investisseurs ont été amenés à se prononcer sur entre 400 et 110 000 résolutions sur une année.
02:5211 000 en moyenne à l'échelle de tous les acteurs et ça donne une moyenne de 17 résolutions par âgé sur lesquelles il leur faut se prononcer.
02:59Donc on comprend qu'il y a un recours aux sociétés, aux agences de conseil en voie.
03:06Mais néanmoins il y a des résolutions un peu clés sur lesquelles les investisseurs veulent se prononcer eux-mêmes et apporter leur propre analyse.
03:14Et puis il y a le sujet qui fait beaucoup parler en général des résolutions externes, résolutions d'actionnaires.
03:21Donc à l'échelle de ce qu'on peut voir dans les chiffres des rapports c'est environ 3 à 3,2% des résolutions sur lesquelles se prononce l'Assemblée qui sont déposées par des actionnaires.
03:32Donc à l'échelle de la portefeuille des sociétés de gestion ça va être chaque année environ 3% des résolutions qui sont des résolutions externes.
03:39Donc là-dessus on voit un soutien assez fort à 63% des résolutions externes et même un peu plus fort à 78% pour les résolutions environnementales.
03:51Donc il y a une volonté d'engager le dialogue sur ce sujet-là.
03:57Après la question c'est que peuvent faire les investisseurs européens face au retrait ou recul des investisseurs nord-américains.
04:06Donc sur ces résolutions environnementales déposées par des actionnaires, combien est réellement suivi des faits par la suite ?
04:13Ça c'est une autre question.
04:14Il faut peut-être préciser effectivement que le contour que représente l'engagement actionnarial ça va du dialogue apaisé, de l'échange d'informations à quelque chose de beaucoup plus dur
04:27qui peut amener même un investisseur à désinvestir de sa participation dans l'entreprise.
04:33Oui les contours sont assez vastes.
04:36Il y a souvent des boîtes à outils pour trouver la manière d'échanger ou de dialoguer qui va se prêter au contexte, à l'antériorité des démarches, au niveau de réceptivité de l'entreprise en face.
04:52Donc le désinvestissement que vous évoquez est en fait très très rare puisqu'on a trouvé que deux exemples nominatifs d'entreprises désinvesties.
05:00Donc ça figure dans les boîtes à outils dans ce qu'on appelle l'escalade.
05:04C'est-à-dire que la plupart du temps quand il y a une politique d'escalade, il est possible que ça se termine en désinvestissement.
05:10Néanmoins on voit qu'il y a des réticences quand même à aller jusque-là puisque ça serait se couper du levier de dialogue actionnarial et ainsi de suite.
05:19C'est une forme d'échec.
05:21Ça peut être vécu comme une forme d'échec d'en arriver jusque-là.
05:25Oui puisque quand on regarde le vocabulaire qui est employé, c'est vraiment quand il n'y a aucun progrès significatif, quand il n'y a vraiment aucune volonté en face d'être à l'écoute.
05:36Mais après dans les formes que peut prendre l'engagement actionnarial, ça va aussi du dialogue individuel au dialogue collectif.
05:44Et c'est ça qu'on a via des initiatives collaboratives des coalitions.
05:49Donc ça aussi on a analysé quel recours en était fait, dans quel cas, et ce qu'on observe d'ailleurs c'est plutôt pour être complémentaire aux démarches individuelles.
06:02Peut-être parfois prendre le relais quand la démarche individuelle est un peu enlisée ou dans l'impasse effectivement.
06:10Mathieu, qu'est-ce que vous retenez du côté de l'ADEME, des enseignements de cette étude, des pratiques actuelles ?
06:16Et comment est-ce qu'on peut tendre vers une optimalité en matière d'engagement actionnarial aujourd'hui selon vous ?
06:23C'est vrai que sur les enjeux de transition écologique, le dialogue actionnarial pour nous est un enjeu majeur.
06:27Parce qu'effectivement les actionnaires détiennent des parts des entreprises et on voit au chapitre justement pour orienter sur la stratégie de l'entreprise.
06:33Et donc pour nous, il y a plusieurs choses qu'on a regardées via cette étude et c'est là où ça nous intéressait.
06:37C'est déjà sur quoi porte le dialogue et donc nous on s'intéresse aux enjeux de transition écologique.
06:42Et il y a un élément central dans cet enjeu de transition écologique, c'est le plan de transition.
06:46Et aujourd'hui, on voit que la maturité des investisseurs et un peu aussi d'ailleurs du côté des entreprises,
06:52elles portent essentiellement sur la fixation de cibles climatiques et sur des éléments de gouvernance associés à ces cibles.
06:58Ce que l'on veut vouloir basculer et avancer à l'avenir, c'est plutôt d'aller regarder quels sont les leviers de décarbonation.
07:06Donc les leviers de transformation de l'entreprise et les moyens financiers qui sont mis sur ces leviers.
07:10Donc pas uniquement des promesses, mais plutôt les actions qui sont associées aux cibles qui sont données.
07:16Deuxième élément, l'enjeu d'escalade effectivement, de stratégie d'escalade.
07:22C'est quelque chose, on voit que la moitié des sociétés de gestion et investisseurs sont dotés de ce type de stratégie d'escalade.
07:29C'est des pratiques qu'on aimerait voir se massifier et être un peu plus généralisées.
07:33Alors allant effectivement jusqu'au désinvestissement, mais pas nécessairement.
07:37Et déjà les votes d'opposition aussi, puisqu'on voit que le vote est un élément central aussi dans cet élément d'engagement actionnaire.
07:45Et puis un point important aussi qui est ressorti dans l'étude, c'est en fait la difficulté aussi pour les investisseurs et pour les actionnaires
07:54d'exprimer leur avis sur les questions climatiques.
07:57Puisqu'en fait on n'a pas de cadre précis, alors hormis le cas des entreprises qui proposent une résolution climat, qui s'appellent les sound climates.
08:05Donc dans ce cas-là, effectivement, l'entreprise propose une résolution climat et les actionnaires et investisseurs peuvent s'exprimer sur la qualité du plan qui est proposé par les entreprises.
08:14Et ça, à ce sujet-là, on a travaillé avec le Forum pour l'investissement responsable à une analyse justement des plans de transition des entreprises
08:22pour éclairer justement ce vote des investisseurs.
08:25Mais dans la majeure partie des cas, il n'y a pas de résolution associée aux enjeux climatiques.
08:30Et donc les investisseurs sont obligés de détourner d'autres types de résolutions pour exprimer une forme de mécontentement.
08:37Donc ça peut être la nomination d'administrateurs, le vote du rapport annuel, etc.
08:42Donc ce qui pose quand même problème aujourd'hui et qui mériterait quand même quelques améliorations d'un point de vue dans les réglementations,
08:48justement pour pouvoir avoir un dialogue et un vote sur les questions climatiques qui soient vraiment propres justement à cette problématique.
08:58C'est une question de taille d'entreprise, c'est une question de secteur.
09:01Pourquoi est-ce que toutes les entreprises, on parle notamment d'entreprises cotées, bien sûr, n'ont pas généralisé aujourd'hui ce sound climate ?
09:09C'est effectivement un peu un regret aujourd'hui.
09:11Enfin, on a en gros une dizaine d'entreprises en France chaque année qui soumettent un sound climate.
09:16Et en général, ces entreprises-là soumettent un sound climate tous les trois ans.
09:20Aujourd'hui, c'est plutôt des grands groupes qui vont utiliser ces pratiques.
09:23Alors c'est vrai que la question du plan de transition est encore quelque chose avec une maturité relativement limitée.
09:29On espère notamment avec le développement de la CSRD que ça va être une pratique qui va se massifier dans les années à venir.
09:34Oui, on va y revenir. Effectivement, l'entrée en application en vigueur des obligations de reporting pour les entreprises sur les questions environnementales et ESG au sens large.
09:44Qu'est-ce que vous retenez des ambitions des investisseurs sur cette thématique environnementale qui reste, Nicolas, une des premières thématiques traitées à travers les résolutions en AG notamment ?
09:58En nombre de résolutions en AG, ce n'est pas forcément très prégnant.
10:04C'est environ 200 résolutions actionnariales sur des sujets environnement-climat au cours de l'année à l'échelle mondiale.
10:12Ce n'est pas énorme. Néanmoins, à travers ces 200, certains en comptent un peu plus, mais à travers cet échantillon, on peut voir quelles sont les priorités.
10:26La priorité, c'est davantage de transparence des entreprises, fournir davantage d'informations sur des sujets importants pour la compréhension de leurs investisseurs,
10:36pour arriver à savoir quel est leur niveau de préparation, leur capacité à faire face aux enjeux de décarbonation qui vont tomber sur elles.
10:45Dans un premier temps, la transparence, mieux comprendre, et après l'adoption de cibles de décarbonation, d'objectifs climat, qui soient autant que possible assez bien détaillées qu'au moyen et long terme.
11:02Ce qu'on trouve souvent, c'est la mention d'un engagement actionnarial qui va être motivé par le fait de s'assurer que les entreprises en portefeuille ont des objectifs, des plans de transition,
11:14qui soient suffisants, sincères, réalisables, crédibles. Et derrière ces objectifs, on ne sait pas exactement encore jusqu'où est placé le curseur,
11:23comment, à partir de quand on considère qu'un objectif est sincère, crédible ou réalisable. Donc c'est là où on peut s'attendre dans les années à venir à avoir un peu plus de détails,
11:34un peu plus de substance sur comment on passe du dialogue à la réelle...
11:42Oui, mais l'importance d'avoir une échelle de temps réaliste, c'est-à-dire qu'on a vu beaucoup d'entreprises, d'investisseurs, grands, mondiaux, se lancer dans des objectifs 2050, etc.
11:52avec beaucoup de marketing. L'échelle de temps, elle doit intégrer aussi des points de rendez-vous et des étapes intermédiaires pour valider les cibles de long terme qui sont affichées. C'est ça, Nicolas ?
12:05Oui, donc dans les finalités qu'il y a dans les démarches d'engagement actuarial, quand on parle de ce qui est un peu plus prescriptif, c'est-à-dire fournir aux entreprises des leviers d'action,
12:17des axes d'amélioration sur lesquels on s'attend à ce que d'ici quelques années, elles progressent. Effectivement, ça doit rester confiné à quelques années, pas tout repousser à une autre décennie.
12:28Donc là-dessus, il y a des choses qui doivent être assez vite concrètes. Après, dans les ambitions qu'on peut voir dans l'intitulé des résolutions actuariales, ça peut aller au-delà de la transparence, ça peut aller aussi à des rapports sur l'adoption d'un plan de transition en tant que tel.
12:47Et éventuellement, mais là, quand ça devient plus prescriptif, le consensus s'étire un peu, demander l'intégration de certains scopes d'émissions dans les objectifs de réduction des émissions.
13:01On a vu certaines résolutions demandant l'intégration du scope 3 dans les objectifs climat des majeurs pétrolières être un peu moins consensuels que celles qui demandent la publication d'un rapport sur le lobbying potentiellement anticlimat.
13:16Mathieu, pour conclure avec vous, et l'arrivée de CR-CRD, effectivement, dans l'idée de l'engagement actionnarial, qu'est-ce que ça va changer ?
13:23CR-CRD, c'est le rapport durabilité des entreprises, donc plusieurs centaines de données standardisées.
13:30Donc c'est vrai que ça permet de factualiser aussi des éléments sur un dialogue actionnarial puisqu'on a des données qui sont comparables, qui sont standardisées.
13:38C'est l'opportunité aussi, du coup, d'avoir la publication d'un plan de transition pour les entreprises.
13:42Il va vraiment se poser la question pour des entreprises sur des secteurs clés, sur de l'industrie, sur du bâtiment, sur du transport.
13:49Est-ce que ces entreprises vont publier un plan de transition ?
13:52Sinon, effectivement, ça peut être vraiment un problème pour les investisseurs qui vont être engagés sur le climat.
13:57Et ce qu'on a vu dans l'étude comme facteur de succès sur l'engagement actionnarial, c'est la référence à des cadres.
14:02C'est-à-dire que c'est difficile de demander à des entreprises des choses qui n'existent pas, en tout cas qui sont assez peu pratiquées.
14:07Quand on a des pratiques existantes, quand on a des cadres, alors ça peut être un reporting CDP, des science-based targets, et donc demain un plan de transition au format CSRD,
14:17c'est beaucoup plus facile d'avoir un dialogue nourri avec une entreprise en disant « conformez-vous à ce cadre, comme le font les meilleurs acteurs de votre secteur ».
14:25Et donc, c'est clairement un facteur possible de succès, en plus du fait que le rapport du rapidité fait partie du rapport annuel.
14:33Donc, c'est potentiellement aussi un élément qui est soumis au vote des actionnaires et des investisseurs.
14:38Donc, possibilité également de s'opposer au rapport en cas d'absence d'un plan de transition, par exemple, de l'entreprise sur la question climatique.
14:45La matière supplémentaire pour l'engagement actionnarial, c'est ça ?
14:47Absolument, ça donne cette matière, et c'est donc quelque chose qui peut être vraiment un outil de dialogue, au-delà d'une contrainte réglementaire, comme c'est souvent vu par les entreprises.
14:57Oui, il y a aussi l'aspect positif de la médaille. Merci beaucoup messieurs, merci de nous avoir éclairés sur ces enjeux en matière d'engagement actionnarial.
15:04Je rappelle Mathieu Garnero, qui est avec nous, chef de service économie et finance à l'ADEME, et Nicolas Redon, auteur de l'étude et expert finance verte chez Novetic.