Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
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00:00Arthur de Vatrigan, bonsoir. L'Incorrect, Stéphanie et Sylvain Tesson à la une de L'Incorrect au nom du père de là et de Notre-Dame.
00:11Le point sur l'information, c'est avec Isabelle Pivoulot et on commence face à votre côté dans un instant. Bonsoir Isabelle.
00:17Bonsoir Eliott, bonsoir à tous. Cinq personnes tuées par balles dans le Nord.
00:21Deux migrants kurdes ont été abattus derrière la raffinerie de Grande-Synthe.
00:25Deux agents de sécurité ont été tués au port de Lune-Plage.
00:28La cinquième victime est décédée dans la commune de Wormwood.
00:31Un homme âgé de 22 ans s'est rendu à la gendarmerie de Giveld en fin de journée.
00:35Assurant être l'auteur des meurtres, une enquête judiciaire est ouverte.
00:40Selon un rapport alarmant d'Europol, la France est le pays le plus ciblé par le terrorisme sur le continent européen.
00:46En 2023, sur 120 attentats recensés dans 7 pays, 80 ont été menés dans l'Hexagone.
00:53Parmi eux entrent en compte les attaques de groupes séparatistes en Corse
00:57ou encore les actions violentes menées par l'ultra-gauche et l'ultra-droite.
01:01La menace principale restant le djihadisme.
01:04Trois ex-rugbymen de Grenoble condamnés pour viol avec des peines allant de 12 à 14 ans de réclusion criminelle.
01:11L'effet remonte à 2017.
01:13Une jeune femme a été violée à Bordeaux lors d'une soirée alcoolisée après un match de top 14.
01:18Les avocats des trois hommes comptent faire appel et déposer au plus vite une demande de mise en liberté.
01:25Merci Isabelle pour le point sur l'information.
01:27A la une de face à Mathieu Bocoté, François Bayrou met fin à cette image qui lui collait à la peau, celle de l'éternel second.
01:35Le voit la Premier ministre, il se présente en réconciliateur, devra d'abord éviter la censure.
01:41Homme d'expérience, le nouveau chef du gouvernement a traversé les générations
01:45et pourtant sait-on vraiment qui est François Bayrou, ses idées et son projet ?
01:50On en parle dans un instant.
01:51Mathieu Bocoté vous souhaitait revenir également sur cette polémique autour de Pierre Manant
01:55après un débat chez nos confrères du Figaro.
01:57Le philosophe est accusé de propos contre les musulmans.
02:00Un député a saisi le procureur de la République.
02:03Que s'est-il passé autour de Pierre Manant ?
02:06Élément de réponse dans cette émission.
02:09Enfin, son livre « Mémoricide » devrait atteindre les 120 000 ventes dans les prochains jours.
02:14Hier, 1,55 millions de Français l'écoutaient sur CNews.
02:17Il n'a pas rejoint sa vendée natale et est resté à Paris pour répondre à vos questions.
02:22Philippe Devilliers face à Mathieu Bocoté.
02:25Entretien à 19h30.
02:28Voilà le programme de face à Mathieu Bocoté.
02:31On va commencer par François Bayrou.
02:33François Bayrou d'ailleurs qui est attendu du côté de Beauvau.
02:37On va voir l'image.
02:38Réunion de crise parce que Mayotte est dévastée.
02:42Mayotte qui subit l'un des cyclones les plus violents de son histoire.
02:45Le cyclone Chido.
02:47Le bilan est dramatique.
02:48Au moins deux morts.
02:49On verra cette image puisqu'il y a une réunion de crise du côté de la place Beauvau.
02:54La France a donc enfin son premier ministre.
02:56Il s'agit de François Bayrou.
02:59L'homme attendait depuis longtemps d'avoir un premier rôle.
03:02Même s'il n'a pas encore le premier rôle auquel il a rêvé toute sa vie.
03:06Tout le monde croit connaître François Bayrou.
03:08Mais le connaît-on vraiment, Mathieu Bocoté ?
03:12Je ne vous imposerai pas sa fiche Wikipédia.
03:15Tout le monde peut la consulter si on le souhaite.
03:17Mais on va chercher à comprendre ce qu'il représente dans la séquence politique présente.
03:25On le sait, François Bayrou arrive après Michel Barnier.
03:28Il occupe une fonction semblable à la sienne dans l'imaginaire politique proposé aux Français.
03:34Il incarne aujourd'hui le vieux sage.
03:37Avec une nuance.
03:38Michel Barnier, c'était le vieux sage qui avait traversé toutes les institutions, même européennes.
03:43Et qui sortait au terme de sa retraite pour reprendre une fonction politique à la manière de Saint-Sinatrus improvisée.
03:51Ça n'a pas fonctionné.
03:52Aujourd'hui, c'est un autre type de vieux sage qui nous est proposé.
03:56C'est le vieux sage paysan.
03:58L'homme qui incarnerait la France rurale.
04:01Et qui, non pas surgirait, au contraire.
04:04Qui arriverait au terme de sa carrière politique.
04:06Et enfin réussirait à avoir presque le rôle pour lequel il a travaillé toute sa vie.
04:11Je dis « sagesse paysanne ».
04:13On pourrait parler aussi d'une forme de...
04:15C'est un personnage robuste, François Bayrou.
04:18Quoi qu'on pense de ses idées.
04:20Ce n'est pas exactement, pour reprendre la formule d'Alexandre Devecchio, un ectoplasme macronien.
04:25Ce n'est pas un interchangeable technocratique produit des firmes de communication comme il y en a tant aujourd'hui.
04:31Donc il y a une longue histoire.
04:33Et j'ajoute qu'il est associé à certaines scènes fortes dans sa vie.
04:37On se souvient, par exemple, de ses propos très durs à l'endroit de Daniel Cohn-Bendit.
04:41Se permettant des vérités que nul n'osait exprimer publiquement.
04:44J'en parlais avec une amie récemment.
04:46Elle me dit « oui, c'est aussi l'homme de l'autorité ».
04:48Je dis « ça ne me vient pas à l'esprit, pourquoi ? »
04:50Elle me dit « il a giflé celui qui a voulu lui faire les poches ».
04:53Et dans une société qui se couche devant, effectivement, les canailles, les voyous, les racailles.
04:58Celui qui gifle, même si c'est un enfant, sur le mode du père qui dit « un instant, je vais t'apprendre à vivre, mon garçon.
05:04Tu voulais me faire les poches, je te gifle. »
05:06Pour certains, c'est une image positive.
05:08Une fois que c'est dit, François Bayrou, c'est une histoire à l'intérieur du centre en France, du centrisme.
05:13Vous connaissez la formule de Mitterrand qui disait « le centre n'est ni à gauche, ni à gauche ».
05:20Eh bien, on pourrait dire que François Bayrou avait comme ambition de renverser cela
05:24pour faire en sorte que le centre soit ni à droite, ni à droite.
05:27Il a cherché, dans sa carrière au centre, à détacher toujours plus le centrisme du camp libéral, national, conservateur auquel il appartenait historiquement,
05:37au temps de l'UDF, et il a voulu faire en sorte que le centrisme soit autre chose,
05:43devienne le pilier, devienne le point d'équilibre autour duquel se restructurait l'ensemble de la vie politique française.
05:53Je note que c'est une rupture vraiment avec l'UDF historique.
05:56L'UDF, je dis quelquefois la blague, c'était des centristes et des centristes d'extrême droite.
06:01Vous savez tout le mal que je pense de l'étiquette d'extrême droite, mais je l'utilise dans ce modus pour rire.
06:05C'est-à-dire que c'était des gens qui étaient des centristes, mais aussi des gens, des réactionnaires anti-gaullistes.
06:10C'était toute une fédération de la droite anti-gaulliste.
06:13Je pense que François Bayrou, aujourd'hui, ne se reconnaîtrait pas dans ce qu'a été historiquement l'UDF.
06:19Et pour François Bayrou, le centrisme devait s'affranchir des forces politiques dominantes
06:24et devenir le véritable point de convergence de la politique française.
06:29Et se détacher, donc c'est toujours l'idée, on va rassembler les modérés des deux camps,
06:32on va rassembler les raisonnables des deux camps, on va fédérer tous ces gens-là
06:36et on va gouverner dans un esprit de coopération en laissant les extrêmes de côté, entre guillemets.
06:42C'est cette idée, c'était l'idée de Giscard, qu'il fallait rassembler deux Français sur trois.
06:48Je note qu'aujourd'hui, le centriste dont il nous parle rassemble à peine un Français sur cinq.
06:53Et pourtant, c'est la famille politique qui domine tout en France aujourd'hui.
06:56Alors, le centrisme de François Bayrou, qu'est-ce que c'est ?
06:59C'est d'abord un européisme. C'est un européisme militant, c'est un européisme convaincu.
07:04C'est cette idée que la France doit basculer, faire le grand saut, sinon fédéral à tout le moins,
07:08un saut fédéral implicite vers l'Europe.
07:11C'est cette méfiance, quoi qu'on en dise, envers l'identité nationale.
07:15D'ailleurs, on l'a vu dans son discours au moment de la passation des pouvoirs.
07:19Il a repris des accusations lourdes portées contre la France en matière de racisme et d'islamophobie,
07:24même s'il n'a pas repris ces mots-là exactement.
07:27C'est un homme qui incarne, on lui reconnaîtra ça, une certaine culture classique.
07:30C'est-à-dire, si on fréquente la classe politique aujourd'hui, vous tombez sur des gens qui,
07:33s'ils lisent un livre, et la plupart du temps ça ne leur arrive pas,
07:36ils sont trop occupés à lire des tweets, puis à mettre des emojis
07:39plutôt que des mots dans leurs tweets et leurs messages.
07:41S'ils lisent un livre, c'est le dernier essai à la mode, c'est tout.
07:44Mais ont-ils lu, ont-ils une culture classique, ont-ils une culture historique ?
07:48Rien du tout.
07:49Donc de ce point de vue, Bérou qui a son âge et servi par son âge, il porte une culture classique.
07:54Par ailleurs, c'est un homme hanté par l'idée d'être au premier rang toute sa vie.
07:58Je parlais de sa stratégie pour être capable de détacher le centre de la droite
08:01et de faire le point de gravité politique.
08:04Il avait déjà essayé en 1995, ne l'oublions pas, de convaincre Jacques Delors,
08:07à l'époque qui est l'incarnation du technocrate socialiste européiste,
08:11de se lancer en politique.
08:13Il n'avait pas réussi, il s'était alors rallié à droite.
08:16Mais c'est un homme qui s'est toujours voulu au centre de tout.
08:19Il croit qu'il a un destin présidentiel.
08:22Et en politique, ça c'est une chose que j'ai souvent dit à des amis qui font de la politique,
08:25si vous ne vous croyez pas essentiel, c'est que vous ne l'êtes pas.
08:28Eh bien, Bérou est convaincu d'être essentiel, il est convaincu qu'un jour,
08:32il touchera son graal.
08:35Je note qu'une fois, on l'avait interviewé dans le cadre du rendez-vous,
08:38il y a quelques mois, peut-être un an, et il avait rappelé qu'il serait candidat en 2027.
08:42Donc là, on n'est pas devant quelqu'un qui va être simplement le premier ministre,
08:45qui doit livrer un budget.
08:47Dans son esprit, Matignon est une rampe de lancement pour l'Élysée.
08:50Ça aussi, ça fait partie du calcul.
08:53Je note une chose, François Bérou, c'est celui qui, en s'alliant avec Emmanuel Macron en 2017,
08:58rend possible, fournit le véhicule politique au centrisme technocratique européiste,
09:03oligarchique, pour prendre le pouvoir.
09:06Et à ce moment-là, il se dit probablement, enfin, j'ai réussi.
09:09Ce n'est pas moi qui étais capable de l'incarner, mais j'ai réussi la chose.
09:12Sept ans plus tard, autant on pourrait dire que c'est la figure qui a initié le macronisme,
09:16on lui donne un visage politique, autant désormais, il va gérer sa liquidation.
09:20Il va gérer la liquidation du macronisme tout en cherchant à relancer sa carrière,
09:24parce qu'en politique, de ce point de vue, lui ne capitule pas.
09:27La grande question qu'on peut se poser maintenant, dans ce centrisme,
09:30c'est que puisqu'il nous dit sans cesse, et j'y reviendrai dans un instant,
09:33je veux rassembler les Français, je veux transcender ce qui nous divise,
09:36je veux être l'homme de la réconciliation,
09:39est-il prêt à se réconcilier avec des gens qui n'appartiennent pas au bloc central
09:42et aux périmètres de plus en plus limités d'un centre sous-oxygéné ?
09:47Telle est la question.
09:48Mais n'y a-t-il pas quelque chose de contradictoire, Mathieu Bocoté,
09:51entre la personnalité consensuelle de François Bayrou
09:54et une France plus divisée politiquement que jamais ?
09:57Justement, moi, ça me frappe.
09:59On nous dit que c'est l'homme du consensus, l'homme de la réconciliation,
10:02l'homme du dialogue. Bon, d'accord.
10:05Et si on veut réconcilier les Français, la grande réconciliation nationale,
10:08ça commence par reconnaître la légitimité des différentes forces politiques
10:11qui existent en France.
10:12Et là, il y a une contradiction majeure entre, d'un côté,
10:16nous tenir le discours qui n'est pas loin d'être un serment
10:19sur la grande réconciliation des Français,
10:22et, de l'autre côté, décréter par principe que ceux qui ont le culot
10:27de voter pour des blocs autres, essentiellement le bloc national,
10:30mais aussi à la rigueur la gauche radicale,
10:32parce qu'ils ont le culot de voter pour des blocs autres,
10:35ils sont exclus du consensus national.
10:37Moi, j'ai entendu parler cette semaine, ça m'a rendu un peu fou,
10:40j'entendais parler d'union nationale.
10:42Vous avez entendu cette formule, l'union nationale ?
10:44Mais l'union nationale, quand on décide d'exclure deux Français sur trois,
10:47ce n'est pas l'union nationale.
10:48C'est une clique qui confisque la nation
10:50et qui décide de se prendre pour la nation en chassant ceux qui la composent.
10:53Ce n'est pas sérieux.
10:54Quand les partis se sont rassemblés à l'Élysée
10:57pour discuter entre eux d'une éventuelle répartition des postes,
11:00d'une éventuelle répartition des ministères,
11:02il y a quelque chose de gênant à voir dans la même pièce
11:05la gauche radicale incarnée par les écolos,
11:07et de l'autre côté, la droite plutôt libérale conservatrice de M. Wauquiez,
11:12discuter ensemble comme s'ils partageaient quelque chose de plus important entre eux,
11:16par exemple, si j'ai bien compris, c'est leur truc républicain,
11:19alors que de l'autre côté, M. Wauquiez, à ce que j'en sais,
11:22est beaucoup plus idéologiquement, beaucoup plus proche de la droite nationale
11:26que des gens avec qui il avait autour de lui, autour de la table.
11:29Donc on est dans ce moment où il y a une forme de fédération.
11:32Là, je ne parle pas de M. Wauquiez ici, mais la fédération des ratés de la République.
11:35La fédération, non pas des parias, parce qu'ils n'ont même pas la force d'être des parias,
11:39mais la fédération des seconds couteaux, la fédération des oubliés,
11:43la fédération des ratés de la République qui se rassemblent ensemble
11:46et qui s'autoproclament gardiens de la République,
11:48qui décident de se négocier ensemble le gouvernement,
11:52qui réussissent à trouver une figure consensuelle,
11:54qui se distinguent justement par son manque d'aspirité idéologique,
11:57et on nous présente cela comme un moment de refondation.
12:00Il y a quelques abus dans cela.
12:02J'ajoute encore une fois ici une chose qui me semble importante.
12:05On est dans un moment où la France a besoin d'une résolution politique forte,
12:08d'une capacité de trancher.
12:10On a beaucoup parlé de la dette ces temps-ci,
12:12et il faut le faire, c'est une question centrale.
12:14On a beaucoup parlé du matraquage fiscal.
12:16Il faut le faire, c'est central.
12:18On a parlé, on devra parler encore de l'immigration.
12:21Comment sortir d'un régime qui nous condamne à la submersion migratoire ?
12:24C'est central.
12:25Et on a parlé ces jours-ci, dans l'émission juste avant nous,
12:28de ce coup de force anthropologique que cherche à faire la Haute Autorité de Santé,
12:32en cherchant à imposer, à rendre possible la transition de genre pour les mineurs,
12:39mais pas seulement, la question des mineurs est une question parmi d'autres là-dedans,
12:42à programmer la théorie du genre au cœur du système de santé,
12:45en normalisant cette idée absurde qu'on puisse naître dans le mauvais corps,
12:49en normalisant cette idée.
12:50Moi, je respecte la douleur de chacun,
12:52mais on ne peut pas poser comme thèse anthropologique
12:54l'idée que chacun décide de son identité de genre.
12:56Ça n'a aucun sens.
12:57Il y a des exceptions marginales, mais pour la plupart,
12:59« Elliot, vous ne serez jamais une femme, je ne serai jamais une femme,
13:01Arthur ne sera jamais une femme, mon épouse ne sera jamais un homme, et ainsi de suite. »
13:05Mais pour être capable de tenir tête à la technocratie,
13:08pour être capable de tenir tête à ces technocraties qui ont été investies
13:13sous le signe de l'emprise médiologique, cette fois-là par la mouvance trans radicale,
13:16il faut un premier ministre fort, un président fort, j'oserais dire,
13:19capable de lutter contre l'emprise technocratique sur la société française.
13:24Et pour l'instant, si on a simplement des gens qui négocient entre eux
13:27la possibilité d'un budget avec la promesse d'une censure dans quelques semaines,
13:32ce n'est pas très sérieux.
13:33Une citation de Michel Houellebecq à propos de François Bayrou
13:36circule beaucoup en ce moment sur les réseaux sociaux.
13:39Comment l'expliquer, Mathieu?
13:41Alors, je vous invite à lire effectivement « Soumission » de Houellebecq,
13:44qui est un livre absolument remarquable, où Bayrou joue un rôle,
13:47et je vais vous dire le rôle qui lui est présent.
13:49On peut chercher la citation sur les réseaux, la politesse m'interdit de citer
13:52ce que dit Houellebecq de Bayrou.
13:54Ce qui est dur, très dur.
13:55Je pense que « dur » est un terme mou dans les circonstances.
13:57Vulgaire.
13:58Il le liquide, en fait.
13:59Insultant.
14:00Ce qui est intéressant, c'est comment Bayrou devient premier ministre
14:03dans le livre de Houellebecq.
14:05Eh bien, on est avec un président islamiste qui cherche une forme d'accommodement
14:09avec « il faut trouver un premier ministre qui est capable de gérer la France
14:12dans ce contexte où la France a basculé dans l'islamisme »
14:14et c'est François Bayrou qui est invité et qui devient le premier ministre
14:18de la France dans de telles circonstances.
14:20Évidemment, François Bayrou n'est pas un islamiste.
14:22Ça va de soi.
14:23Mais ce qui est intéressant là-dedans, c'est que Houellebecq nous dit
14:25où culmine le Front républicain.
14:27Le Front républicain, ça consiste à rassembler tous ceux qui ont juré
14:31que le RN serait à jamais diaboliser tout ce que le RN représente,
14:34que c'était le parti à mater, le parti à interdire,
14:37le parti à décapiter juridiquement, le parti à assécher financièrement,
14:40le parti contre lequel il faut toujours faire barrage,
14:43toujours, toujours faire barrage.
14:45Houellebecq pousse la réflexion jusqu'au bout.
14:47Et qu'est-ce qu'on voit?
14:48Eh bien, le Front républicain va jusqu'aux islamistes
14:50pour être capable de mater le RN qui est vu comme le retour de Vichy,
14:53le retour des fascistes, le retour des nazis.
14:55Et dans ce cadre-là, l'alliance va jusqu'aux islamistes,
14:58mais à certains égards, n'était-ce pas ce qu'on avait au dernier législatif.
15:02On était jusqu'à l'extrême-gauche violente
15:04et d'une partie de la droite dite républicaine.
15:07Les droits républicains appelaient à voter communiste.
15:09C'est quand même pas mal, 100 millions de morts.
15:11Mais tous ces gens-là étaient unis contre le RN qui était représenté
15:13comme le retour du fascisme.
15:15Eh bien, Houellebecq poussait jusqu'au bout.
15:17Il dit que tous ces gens-là, ça amène le Front républicain
15:19culmine dans l'islamisme ou dans le consentement à l'islamisme.
15:22Et de ce point de vue-là, il nous faut une figure consensuelle
15:24capable de rassembler tous ces gens.
15:26Il nous propose la figure de François Bayrou.
15:28Je ne crois évidemment pas que François Bayrou soit islamisto-compatible,
15:31mais je constate que tout simplement, il fait partie aujourd'hui
15:33de ce consensus qui dit jamais, jamais, jamais la droite nationale
15:38pour ce qui est de la gauche radicale avec ses éléments violents,
15:40on peut toujours parler.
15:41– Je constate que j'emploie des formules molles.
15:44– Ça en dit plus sur vous.
15:47– Arthur de Vatrigan.
15:49François Bayrou, ce qui est vrai, c'est qu'il a traversé les générations.
15:52On a l'impression qu'on le connaît depuis maintenant un demi-siècle
15:54puisqu'il a commencé dans la vie politique militante en 1974.
15:58Et peu de gens le connaissent véritablement.
16:00Donc qui est François Bayrou ?
16:03– Il y a quelque chose qui m'a toujours étonné, je ne sais pas vous,
16:05sur le centre, c'est qu'ils ont toujours été Modem ou UDF,
16:08ils ont toujours été dans des gouvernements,
16:10ils ont toujours eu des groupes parlementaires,
16:11mais moi je n'ai jamais croisé un militant Modem ou UDF.
16:15Honnêtement, jamais, sur un marché, dans une élection, jamais.
16:17A croire qu'ils ont autant d'élus que de militants.
16:19Mais si on revient sur François Bayrou,
16:21c'est le profil parfait pour Emmanuel Macron aujourd'hui.
16:24Parce que si on retraçait sa longue carrière politique,
16:26ce qu'on peut dire, c'est qu'il n'a pas honte de grand-chose
16:29et qu'il a un talent rare de contentionniste.
16:31Et ce qui permet en effet d'avoir une aussi longue vie politique.
16:36Parce que si vous voulez, ce n'est pas un homme politique,
16:38en fait c'est un adaptateur.
16:39Ou alors si on veut être gentil, on peut dire que c'est une prise multiple politique.
16:43C'est-à-dire qu'il sait parfaitement se retourner quand il faut, où il faut.
16:47Comme disait Audiard, il a l'égalité dans le sang.
16:49C'est-à-dire que si les Chinois débarquaient, ils se feraient mandarins.
16:51Et j'arrêterai la citation ici parce qu'elle est plus entendable aujourd'hui.
16:55Rappelez-vous, en 2012, il appelait à voter Hollande contre Nicolas Sarkozy pour, je cite,
17:00parce que Nicolas Sarkozy se livrait à une course poursuite à l'extrême droite
17:03avec une obsession de l'immigration et une obsession des frontières.
17:06Vingt ans plus tard, finalement les frontières ce n'est plus vraiment un problème,
17:10l'immigration peut être un sujet.
17:11Et puis on fait des papouilles avec le Rassemblement national.
17:14Et c'est ce dont Emmanuel Macron a besoin, car quel est l'objectif du président de la République ?
17:19Ce n'est ni de former un gouvernement, ni d'avoir une majorité,
17:22mais c'est d'empêcher d'en avoir une contre lui.
17:25C'est-à-dire qu'on deal un accord de non-gouvernement.
17:27En gros c'est, je vous nomme, en échange vous ne faites rien.
17:30C'est la phrase de Don Salu dans La fouille des grandeurs.
17:32Je suis ministre, je ne sais rien faire.
17:33On en est là aujourd'hui.
17:34Et Macron, lui, joue la montre.
17:36Il joue la montre comme si la France, évidemment, avait le temps.
17:39Et donc lui, en fait, il regarde la France qui brûle depuis son balcon, il la contemple comme ça.
17:44Et donc si on résume grossièrement la dernière séquence politique,
17:48on a eu François Hollande qui censure le gouvernement
17:51et qui contraint Emmanuel Macron à nommer Premier ministre François Bayrou.
17:55On n'est quand même pas très loin du bac à sable de la consanguinité politique.
17:58C'est assez effrayant finalement.
18:00Et pourquoi nous sommes dans une impasse aujourd'hui ?
18:03Parce que justement la cinquième ne fonctionne plus,
18:05alors que, vous le savez, la cinquième c'est un régime formellement représentatif.
18:09Alors il l'est aujourd'hui, mais il n'est plus capable de remplir sa fonction
18:12parce que notre régime fonctionnait sur la cohabitation de mouvements politiques, philosophiques,
18:17la droite et la gauche qui s'alternaient au gré de la démocratie.
18:20Et sauf que le clivage a disparu au profit d'une élite qui,
18:23comme l'expliquait magistralement Pierre Malland dont on parlera tout à l'heure,
18:26s'est convertie à une religion européenne aussi floue qu'impérieuse.
18:30Et c'était la raison du succès d'Emmanuel Macron en 2017.
18:33Arrêtez de continuer à simuler un clivage.
18:36Mais qui en a été le symbole pendant des décennies ?
18:38C'est François Bayrou.
18:39Progressivement, les oppositions politiques ont été reléguées aux extrêmes.
18:44Et qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ?
18:45Emmanuel Macron repousse une nouvelle fois les oppositions aux extrêmes
18:49avec son fumeur crépublicain, c'est-à-dire qu'il ramène une pièce dans la boîte à casser d'autres régimes.
18:53Et avec l'accord de François Bayrou, qui peut-être finalement n'a pas si changé
18:57parce que rappelez-vous ce qu'il disait en 2006, il voulait la fin de la cinquième.
18:59Il voulait la sixième République.
19:01Il expliquait que dans la sixième République, il y avait encore un ministre.
19:04Mais que ce n'était plus un chef de gouvernement.
19:06Le Premier ministre doit redevenir le Président des ministres.
19:08Et le chef du gouvernement, c'est le Président de la République.
19:10En fait, on en en est à aujourd'hui.
19:12Alors, il y a quand même deux, trois choses à mettre à son crédit.
19:14C'est qu'il appartient au vieux monde, comme Mathieu l'a rappelé.
19:16Et c'est vrai que le vieux monde, qui c'est de Peggy et Camille Henry IV,
19:20c'est plus sexy qu'un cabinet Mackenzie et des fichiers Excel.
19:23Sur les sujets sociétaux, il s'est opposé au mariage dit pour tous.
19:26Il s'est opposé à l'IVG dans la Constitution.
19:28Je ne suis pas sûr qu'il soit très fan de la transition sur les gamins mineurs.
19:31Et il est plutôt opposé à l'euthanasie.
19:33Donc, c'est-à-dire qu'il s'oppose aux progressistes,
19:35ceux qui veulent régresser à l'époque antérieure au christianisme,
19:38selon la merveilleuse formule de Rémi Brague.
19:40Mais le seul problème, c'est que quand on ne veut pas gouverner, il faut occuper les gens.
19:43Et on les occupe comment, les députés ? Avec des lois sociétales.
19:45Ça ne coûte pas cher, ça rapporte et ça occupe un peu.
19:47Donc, on va voir rapidement si François Bayrou est prêt à s'amputer de tout.
19:51Il avait des convictions à une époque, c'était l'école.
19:54Il est devenu ministre de l'éducation nationale.
19:56On sait ce qui s'est passé après.
19:58– Autre sujet dont nous avons peu parlé, Mathieu Bocoté,
20:01depuis une semaine environ, le philosophe Pierre Manin
20:03est la cible d'une campagne de diabolisation qui a dépassé les réseaux sociaux
20:07puisqu'il est désormais relayé par le média Al Jazeera.
20:11Pourriez-vous nous en dire davantage, Mathieu ?
20:13– Oui, je pense que c'est une séquence dont on doit parler.
20:16Pierre Manin, qui est-ce, c'est un des plus grands philosophes français d'aujourd'hui.
20:20Une œuvre substantielle, un disciple de Raymond Aron
20:22qui a construit une œuvre en philosophie politique
20:24qui est une œuvre immense et reconnue par tous.
20:27De passage, au Figaro TV, à l'émission de Julie Bastier,
20:30il a posé la question la plus fondamentale,
20:32qu'il soit en politique, la question du nombre.
20:34Vous connaissez la formule de Toynbee qui dit
20:36« Trois facteurs comptent dans l'histoire, le nombre, le nombre et le nombre. »
20:40Et Manin, qui n'est pas dans un propos polémique,
20:43dit « Plus la proportion de musulmans augmente en Europe,
20:47plus ça change fondamentalement la définition de ce qu'est l'Europe.
20:51Plus ça change la définition de ce que nous sommes
20:53comme civilisation, comme société.
20:55Et dès lors, dit-il, il faut se demander
20:58comment gérer la croissance de cette masse humaine,
21:02en fait cette communauté, qui change le sens de notre civilisation.
21:06Il dit, et j'insiste là-dessus, il rappelle une formule,
21:09je ne sais pas si il cite cette formule, mais je crois que c'est de Engels,
21:12qui dit « Il arrive un moment où la quantité devient qualité.
21:15C'est-à-dire que si vous êtes avec des gens,
21:17individuellement la foi de chacun est tout à fait légitime,
21:20que ce soit les bouddhistes, orthodoxes, catholiques, musulmans,
21:22la question n'est pas là.
21:24Mais à partir de quel moment la question de l'islam
21:26devient un fait de civilisation en Europe.
21:28Et quand on sait que les civilisations ne sont pas,
21:31leur rencontre n'est pas toujours sur le mode pacifique,
21:35qu'il y a aujourd'hui un choc des civilisations,
21:37qu'il y a dans l'islam une mémoire revancharde
21:39et une forme de logique contre-coloniale qui s'exprime aujourd'hui,
21:42eh bien c'est une question légitime.
21:45Donc c'est une réflexion sur la nature de la communauté politique.
21:47Pierre Manant nous dit qu'un peuple, un pays,
21:49ce n'est pas qu'une addition d'individus ou de groupes,
21:52c'est un peuple, c'est une histoire, c'est une culture.
21:54Et quand un autre peuple s'installe par les voies de l'immigration aujourd'hui,
21:57eh bien il peut y avoir des tensions.
21:59Il ne va pas plus loin que ça.
22:01Ce qu'on a vu, et c'est absolument effrayant,
22:03c'est que la France était sortie de son contexte,
22:05donc son propos est sur les réseaux sociaux.
22:07La France est sortie de son contexte,
22:09et là on l'accuse aujourd'hui, pour avoir dit cela,
22:11de vouloir mener une forme de nettoyage ethnique en France.
22:15On l'accuse de vouloir faire des déportations.
22:17Mais Pierre Manant est étrange.
22:19Faut simplement écouter ce qu'il dit.
22:21Il n'y a pas le début d'un quart, d'un huitième d'idées
22:23qui ressemblent à ça dans son propos.
22:25Il dit simplement,
22:27si nous changeons de population, nous changeons de peuple.
22:29Si nous changeons de peuple, nous changeons de civilisation.
22:31Voulons-nous changer de civilisation?
22:33Est-il légitime de poser la question
22:35de la compatibilité culturelle
22:37des populations immigrées
22:39et de la société d'accueil?
22:41Eh bien là, d'un côté, vous l'avez dit,
22:43il y a les médias qui font,
22:45je pense que c'est AJ+,
22:47qui mènent la campagne contre lui, en laissant croire
22:49qu'il plaide pour le nettoyage ethnique
22:51et la déportation. C'est odieux.
22:53On est dans le mensonge pur et la calomnie.
22:55Et vous avez de l'autre côté, la France Insoumise,
22:57je crois que c'est M. Léaument,
22:59qui en appelle, qui veut traîner,
23:01devant les tribunaux pour ses propos.
23:03Donc il se contente d'une phrase décontextualisée.
23:05Il s'appuie sur l'interprétation qu'en font
23:07des gens qui ne sont pas loin de l'islamisme.
23:09Et le résultat, quel est-il?
23:11Eh bien, on lui met une cible dans le dos.
23:13On le pousse, en fait, à travers cela.
23:15On veut criminaliser son propos.
23:17On veut présenter son propos comme une forme
23:19de blasphème politique. Et à terme,
23:21un des plus grands philosophes français est traité aujourd'hui comme un paria.
23:23Il nous reste deux minutes, Mathieu Bocoté.
23:25Quelles seraient les conséquences de ces stratégies
23:27d'intimidation?
23:29Qui a envie d'être la cible d'une campagne d'intimidation
23:31permanente, soit de la part des islamistes,
23:33soit de la part de l'extrême gauche? C'est quand même ça l'enjeu.
23:35C'est-à-dire, on comprend que le prix à payer
23:37pour la liberté d'expression est de plus en plus élevé.
23:39Quand on sait ce qui s'est passé
23:41dans ce pays depuis
23:432015, on pourrait même retourner avant,
23:45les gens qui ont payé le prix de leur liberté
23:47d'expression lorsqu'ils se sont penchés
23:49sur des questions semblables,
23:51eh bien, on comprend qu'aujourd'hui, avoir
23:53une telle campagne, ça crée un climat
23:55qui consiste à dire, taisez-vous. Si vous ne vous taisez pas,
23:57vous risquez beaucoup, vous risquez énormément,
23:59vous risquez peut-être tout.
24:01C'est un climat d'inhibition,
24:03de terrorisme intellectuel
24:05qui pousse à l'autocensure. Et de ce point de vue,
24:07je le redis, le philosophe Pierre Manon
24:09posait la question de la composition de la communauté politique,
24:11des racines identitaires d'un pays.
24:13Même ça, on doit le criminaliser.
24:15Nous nous rentrons dans une logique
24:17complètement soviétique.
24:19Une petite minute, Arthur de Vatrigan, avant de retrouver
24:21Philippe Devilliers dans la deuxième partie.
24:23Quel regard vous portez sur cette affaire ?
24:25Pierre Manon, c'est l'un des plus grands
24:27intellectuels français,
24:29et ils sont bien nombreux aujourd'hui.
24:31On peut citer Marcel Gauchet, Chantal Delsol,
24:33Rémi Braque ou encore
24:35Finkielkraut. Je ne cite pas Mathieu,
24:37parce qu'il n'a pas encore sa carte d'identité française.
24:39Écoutez,
24:41Pierre Manon, vous fait grandir
24:43et le lire vous élève.
24:45Car il possède des qualités rares,
24:47l'humilité, la profondeur et l'intelligence.
24:49Autant de qualités qui font des hommes, des hommes
24:51sages. Et je peux vous dire qu'en tant que directeur
24:53de magazine, il y a une tâche que
24:55tout journaliste déteste faire, c'est des retranscriptions.
24:57Et bien, retranscrire
24:59Pierre Manon, pour l'avoir fait plusieurs fois,
25:01non seulement c'est une chance, mais c'est un vrai plaisir
25:03car vous apprenez et vous réfléchissez.
25:05Et d'ailleurs, lorsque vous êtes journaliste
25:07et que vous devez intervenir dans un autre média sur un sujet
25:09et que tout d'un coup, soudainement, la modestie
25:11vous attaque et vous dites je ne sais pas trop quoi penser,
25:13vous ouvrez un bouquin de Pierre Manon
25:15et vous allez trouver des réponses.
25:17Mais le drame, c'est que plus personne ne lit,
25:19plus personne n'écoute. Parce que ce qu'a dit
25:21Pierre Manon, ce n'est pas nouveau par rapport
25:23à la situation de la France qu'il avait écrit il y a dix ans.
25:25Mais si vous voulez, c'est l'inculture, la bêtise
25:27et les littrifs qui sont les grands vainqueurs.
25:29Bernadotte s'avait écrit
25:31que les ratés ne vous rateront pas,
25:33ça n'a jamais été aussi vrai aujourd'hui.
25:35La publicité, on revient dans un instant
25:37avec un invité de marque, puisque c'est
25:39Philippe Devilliers qui nous retrouve dans un instant
25:41sur CNews pour son livre Mémoricide.
25:43Philippe Devilliers
25:45face à Mathieu Bocoté.
25:47Quel beau face-à-face.
25:49Je suis très heureux de le recevoir.
25:51A tout de suite.
25:53Quasiment 19h30 sur CNews,
25:55merci d'être avec nous pour la seconde partie
25:57de Face à Mathieu Bocoté,
25:59toujours avec Mathieu et Arthur Devatrigan,
26:01bien sûr.
26:03Philippe Devilliers,
26:05qu'est-ce que vous faites sur ce plateau
26:07un samedi soir ?
26:09Moi ce qui m'arrive, c'est que tous les samedis
26:11je suis et j'ai l'honneur d'être avec
26:13Mathieu Bocoté et Arthur Devatrigan.
26:15Vous n'êtes pas dans l'avant-temps ?
26:17C'est incroyable.
26:19Je vais vous dire,
26:23si vous me permettez de prendre la parole.
26:25J'espère bien, c'est pour ça.
26:27Je suis très heureux d'être là
26:29avec vous trois,
26:31parce que
26:33Mathieu c'est un monstre.
26:35Mathieu c'est
26:37quelqu'un que j'admire énormément,
26:39que je regarde tous les jours, tous les soirs.
26:41Vous le savez, Elliot.
26:43Me retrouver avec Elliot
26:45ça me tranquillise un peu.
26:47Ça me rassure.
26:49Et puis Arthur
26:51est un grand patron
26:53de presse,
26:55un excellent journaliste, toujours très fin, très subtil.
26:57Et c'est un journal
26:59que je lis avec gourmandise.
27:01Donc je suis très heureux
27:03d'être avec vous, parce que je me sens vraiment de plein pied.
27:05Alors parlons lecture, justement.
27:07Vous avez publié il y a quelques semaines
27:09« Mémoricide ».
27:11Je crois avoir lu tous vos livres
27:13et très franchement c'est votre plus beau livre.
27:15Il est magnifique, il poursuit la réflexion
27:17qui était déjà présente dans vos mémoires.
27:19Le moment est venu de dire ce que j'ai vu.
27:23Et là, vous vous faites non seulement
27:25mémorialiste, mais aussi poète, philosophe.
27:27Et c'est une réflexion profonde sur la nature
27:29même de l'identité française
27:31que vous nous proposez ici, avec un titre
27:33« Mémoricide », qui est un titre
27:35qui suscite inévitablement un point d'interrogation.
27:37Qu'entendez-vous par « Mémoricide » ?
27:39Le mémoricide
27:41est à une nation
27:43ce que le génocide
27:45est à un peuple.
27:49Le mémoricide,
27:51c'est l'ablation de la mémoire commune.
27:53C'est-à-dire
27:55la tentative
27:57pour un peuple
27:59de survivre
28:01avec une mémoire
28:03atrophiée
28:05quand on laisse
28:07en friche
28:09la mémoire vivante du dépôt millénaire.
28:13Quand une nation
28:15cherche à vivre, à survivre
28:17avec une mémoire pénitentielle
28:19quand on invite
28:21nos propres enfants
28:23à pratiquer l'amnésie des grandeurs
28:25et l'hypermnésie des lâchetés
28:27et des défaillances.
28:31Et
28:33c'est la tentative d'un peuple
28:35de survivre avec une mémoire pire.
28:37Invertie.
28:39Si vous me passez le néologisme.
28:41Invertie,
28:43ça veut dire qu'on tente de vivre
28:45pour la première fois dans notre histoire
28:47à l'inverse
28:49de ce qu'ont vécu nos pères,
28:51à l'inverse des repères anciens,
28:53à l'inverse
28:55des voisinages, des héritages
28:57qui nous ont été
28:59transmis.
29:01Si on définit la civilisation
29:03comme un état social
29:05dans lequel
29:07celui qui vient au monde
29:09découvre
29:11très vite
29:13que ce qu'il a apporté
29:15est infiniment
29:17moins subtil que ce
29:19qu'il trouve à son arrivée,
29:21alors, nous sommes
29:23entrés dans un
29:25état social inversé,
29:29c'est-à-dire
29:31dans un monde post-historique,
29:35dans un
29:37monde
29:39où
29:41le temps long
29:45est désormais
29:47effacé
29:49par le caprice
29:51fugitif de l'illimitation
29:53marchande,
29:55un monde dans lequel, pour la
29:57première fois dans l'histoire des hommes,
29:59on tente de greffer une nouvelle
30:01mémoire sur la mémoire
30:03ancienne.
30:05J'appelle ça la transmémoire.
30:07En fait, c'est un monde, tout simplement,
30:09où on tente
30:11une expropriation
30:13mémorielle du peuple,
30:17du peuple des parias,
30:19ainsi exproprié,
30:21une dépossession,
30:23la dépossession ultime,
30:25pas seulement la dépossession
30:27de l'outil de travail, comme dit très bien
30:29Christophe Jully,
30:31avec Metropolia périphériale,
30:33on en parle souvent dans notre émission,
30:35mais là, la dépossession ultime,
30:37la dépossession de l'intime,
30:39de ce qui fait qu'un être
30:41humain tient une boue.
30:43Mais est-ce que la dépossession inaugurale,
30:45l'acte inaugural du mémoricide,
30:47est-ce que ce n'est pas ce qui se passe en Vendée
30:49au moment de la Révolution ? Seul Jenny Steen
30:51et vous nous avez convaincus aisément,
30:53à tout moment je crois, que ce qui se passe en Vendée
30:55c'est la première rébellion,
30:57en fait c'est très particulier, dans la modernité,
30:59c'est la rébellion étouffée, c'est la rébellion
31:01de l'homme incarné qui ne veut pas
31:03se faire arracher à ses héritages,
31:05qui ne veut pas mutiler son identité ni son âme,
31:07et on lui fera payer très cher pour cela,
31:09et ensuite on l'étouffera jusqu'au souvenir
31:11de sa souffrance. Est-ce que de ce point de vue,
31:13le mémoricide inaugural,
31:15ce n'est pas ce qui se passe en Vendée au moment de la Révolution ?
31:17Vous avez raison,
31:21c'est fascinant,
31:23en quelques phrases,
31:25je réponds à votre question.
31:27C'est un enchaînement
31:29chronologique,
31:31fatal,
31:33mais avec un
31:35retournement inattendu.
31:37Alors,
31:39l'engrenage,
31:41au début,
31:43est la tabula rasa,
31:45la table rase.
31:49Désormais,
31:51on ignore le passé,
31:53le passé est maudit,
31:55le passé est tellement laid.
31:57Dixit Robespierre, avec cette phrase
31:59célèbre,
32:01quand j'ai vu à quel point
32:03l'espèce humaine était dégradée,
32:05je me suis convaincu
32:07moi-même de la nécessité
32:09d'un
32:11recommencement absolu
32:13de l'humanité,
32:15d'un recommencement absolu
32:17de l'humanité. C'est parti.
32:19Le recommencement
32:21absolu,
32:23il y a un côté biblique,
32:25il choisit un mot
32:27biblique détourné,
32:29la
32:31régénération.
32:33On va régénérer l'humanité.
32:35C'est ça le propos de ceux qui
32:37portent sur les fonds baptismaux
32:39de la nouvelle
32:41religion,
32:43l'évangile
32:45des droits de l'homme,
32:47qui est censé étancher
32:49la soif des
32:51mémoires en manque, des âmes
32:53aplantes, suppliantes.
32:55Désormais,
32:57il faudra se tourner vers
32:59la nouvelle religion. La révolution
33:01n'est pas un nouveau régime, c'est une nouvelle
33:03religion. C'est-à-dire
33:05une, comme on le disait hier,
33:07une annonciation de type eschatologique
33:11avec l'idée
33:13que vous citez souvent, de l'homme
33:15générique, le nouvel homme nouveau.
33:17Il y a eu l'homme nouveau de Saint-Paul
33:19sur le chemin de Damas,
33:21et là, il y a un nouvel
33:23homme nouveau, l'homme générique.
33:25Et les Vendéens
33:27se soulèvent. Pourquoi ils se soulèvent ?
33:29C'est un exemple
33:31quasi unique de révolte
33:33sans cause économique.
33:35Ils se soulèvent parce que
33:37les bleus sont venus fondre leur cloche
33:39et leur interdisent
33:41de vivre sur les chemins de messe qu'ils empruntaient
33:43depuis mille ans.
33:45Et donc, ils se soulèvent, en fait, pour la liberté
33:47de conscience. Ils sont
33:49écrasés, ils sont exterminés.
33:51On n'a pas le droit de le dire. Ils sont condamnés
33:53deux fois à mourir.
33:55On leur dit, il ne s'est rien
33:57passé, c'était simplement une guerre civile.
33:59Et ensuite, on leur dit, et en plus, vous n'allez pas
34:01nous encombrer de vos souvenirs.
34:05Et
34:07l'historiographie officielle
34:09se sent
34:11tranquille parce qu'elle
34:13mise sur
34:15le passé
34:17qui
34:19oublie et le passé
34:21qui périme. Et
34:23à l'université, on applique la maxime
34:25de Merlin Thionville.
34:27Merlin Thionville, c'est un représentant
34:29en mission de la Convention qui se trouve
34:31sur les lieux
34:33du pardon de Bonchamps quand
34:35les Vendéens libèrent les prisonniers
34:37bleus
34:39sur l'ordre de Bonchamps.
34:41C'est le pardon qui convertit le mal
34:43en nouvelle chance.
34:45L'alchimie du
34:47pardon.
34:49Et cette alchimie vendéenne,
34:51il ne faut pas
34:53qu'elle soit connue par le reste des Français,
34:55d'excit la Convention. Et donc, il écrit au comité
34:57de salut public, cette phrase qui a guidé
34:59ma vie, qui a été un point
35:01de retournement pour moi, quand je l'ai
35:03découverte à l'âge de 18 ans,
35:05ces
35:07brigands,
35:09les brigands, on dirait aujourd'hui les déplorables
35:11de Madame Clinton,
35:13ces brigands n'ont pas le temps d'écrire
35:15tout cela s'oubliera comme tant d'autres
35:17choses. Et cette expression,
35:19quand j'ai lu ça, ces brigands
35:21n'ont pas le temps d'écrire, ça veut dire qu'en fait
35:23ils ont spéculé sur les plots.
35:25Ils n'ont pas le temps d'écrire,
35:27de toute façon, ils ne savent pas écrire, de toute façon,
35:29ils ne savent pas lire les événements,
35:31ils ne savent pas voir ce qu'ils voient, etc.
35:33Le problème,
35:35c'est que
35:37cette Maxime,
35:39elle a connu
35:41son point de retournement,
35:43les brigands n'ont pas eu le temps d'écrire
35:45mais il y a eu des historiens qui ont commencé
35:47à fouiller et les pièces sont sorties.
35:49Et
35:51les preuves sont arrivées à tel point que
35:53François Furet, qui était profondément
35:55révolutionnaire,
35:57lui-même a dit, moi je ne peux pas accepter
35:59cette élection de haine qui fait de la Vendée
36:01la statue souffrante devant
36:03toute la terreur.
36:05Les pièces sont sorties et puis
36:07tout à coup
36:09est arrivé Solzhenitsyn le 25 septembre
36:111993 et il a eu
36:13cette expression,
36:15qui change tout,
36:17la matrice des terreurs du 20ème siècle
36:19c'est en Vendée
36:23qu'elle a été inventée.
36:25Et là c'est fini,
36:27désormais les révisionnistes de la
36:29Sorbonne,
36:31les négationnistes de la Sorbonne,
36:33bientôt,
36:35je vous le prédis,
36:37lorsqu'ils feront leur congrès annuel,
36:41eux qui étaient si nombreux,
36:43il y a encore 50 ans,
36:45ils choisiront un abri
36:47à trottinette.
36:51A l'effacement
36:53de la mémoire, n'y a-t-il pas également un effacement
36:55de l'avenir ? Parce que vous parlez de l'ablation
36:57de notre mémoire,
36:59n'y a-t-il pas une autre ablation
37:01qui est celle de la quête de l'Occident
37:03depuis Aristote, à savoir la quête de la vérité,
37:05qui a permis la grandeur de la France ?
37:09Vous savez, on a défini
37:11l'Occident comme
37:15le continent de la vie interrogée.
37:19Et ce continent de la vie interrogée,
37:21il a permis
37:23ce que le moine Alquin
37:25appelait la liberté de la
37:27personne humaine. Et c'est
37:29la liberté de la personne humaine qui a fondé
37:31ce qu'on a appelé plus tard les droits de l'homme.
37:33Les droits de l'homme étant un détournement
37:35de la
37:37prophétie du moine Alquin.
37:39C'est tout cet
37:41édifice qui s'effondre aujourd'hui.
37:43Et vous avez
37:45raison de dire que
37:47lorsque la France
37:49qui est au cœur de
37:51l'Occident se
37:53détourne de son passé chrétien,
37:55elle renie
37:57l'Occident
37:59tout entier.
38:01Je pense, en vous répondant
38:03à la définition de l'Occident
38:05de l'Europe par
38:07Paul Valéry, j'appelle européenne
38:09toute terre qui a été successivement
38:11romanisée,
38:13christianisée,
38:15soumise à l'esprit
38:17de la discipline des Grecs.
38:19Aujourd'hui tout ça s'est effondré
38:21et
38:23je pense que l'Union Européenne va mourir
38:25pour cette raison
38:27qu'elle a
38:29renié son passé et
38:31qu'elle vit un véritable
38:33mémoricide. J'aurais pu faire,
38:35et c'est peut-être un livre que je ferai un jour,
38:37le mémoricide français
38:39et le mémoricide européen.
38:41Justement, vous lisant,
38:43je me dis, je pense aux différentes
38:45résistances au totalitarisme au
38:47XXe siècle. Je pense aux Polonais,
38:49je pense aux Baltes, je pense
38:51aux peuples qui, enfin on a cherché à nous
38:53convaincre que la liberté n'avait rien à voir avec
38:55l'identité. Plus vous voulez de liberté, moins
38:57vous devez avoir d'identité. Or c'est en plongeant
38:59dans leur identité que les
39:01Polonais, que les Baltes ont su résister au
39:03communisme et de ce point de vue, est-ce qu'on
39:05pourrait dire qu'en France, la mémoire de la
39:07liberté n'est pas fondatrice
39:09aussi d'une liberté nouvelle?
39:13En vous écoutant, je pensais à
39:15un ami polonais qui s'appelle
39:17M. Wroniakowski, qui était
39:19un proche du pape Jean-Paul II et qui m'a
39:21dit un jour,
39:23nous, ce qui nous a préservés,
39:25les Polonais,
39:27sous la botte soviétique,
39:29c'est
39:31que la liberté n'est pas fondatrice
39:33aussi d'une liberté nouvelle.
39:35C'est
39:37qu'on a gardé notre
39:39identité.
39:41Un peuple ne survit
39:43que s'il a l'identité et la
39:45souveraineté. Mais il se peut que dans certains
39:47moments de l'histoire, il soit privé de sa souveraineté
39:49mais qu'il garde
39:51son identité. Par exemple,
39:53les Juifs, avant la création de l'État d'Israël,
39:55ils n'avaient pas la souveraineté mais ils avaient l'identité.
39:57Or, nous,
39:59on avait les deux.
40:01Maintenant, on a perdu la souveraineté.
40:03Les Polonais ont perdu leur souveraineté
40:05pendant toutes les années,
40:07évidemment, de la
40:09guerre froide, pendant toutes les
40:11années de la soviétisation
40:13mais ils ont gardé
40:15leur identité. Et Viktor Orban,
40:17quand je l'avais rencontré, m'avait dit la même chose.
40:19Il m'avait dit, on a gardé notre identité,
40:21Magyar, etc.
40:23Et on l'a préservée,
40:25on l'a choyée. Ils veillaient
40:27avec des petites bougies tous les soirs sur leur histoire,
40:29sur leur passé. Ils le glorifiaient.
40:31Et
40:33un peuple ne peut pas vivre sans son
40:35légendaire. La Tour du Pain a dit,
40:37les peuples qui n'ont plus de légende sont condamnés à mourir de
40:39froid. Or, nous, notre problème
40:41aujourd'hui, je ne sais pas si c'est la réponse
40:43à votre question, mais moi
40:45ce qui m'affole,
40:47c'est que le pronostic
40:49vital de la France est engagé parce que la
40:51France a perdu sa souveraineté
40:53et les hommes politiques sont très contents de ça.
40:55Très contents, tous.
40:57Personne ne remet
40:59en cause la participation
41:01à l'Union Européenne dont les
41:03lois sont supérieures aux nôtres.
41:05Personne ne remet en cause Schengen,
41:07la frontière. Personne.
41:09C'est fini, c'est terminé, c'est réglé.
41:11On est pris maintenant dans la machine.
41:13On a perdu notre souveraineté,
41:15on voit avec le Mercosur ce que ça donne.
41:17Regardez l'autre jour,
41:19Sanofi. On a perdu notre souveraineté
41:21sanitaire.
41:23Donc on a perdu notre souveraineté sanitaire, notre souveraineté
41:25juridique, notre souveraineté militaire,
41:27avec l'OTAN, l'Ukraine, c'est là.
41:29On a perdu notre souveraineté
41:31et on a perdu
41:33notre identité.
41:35Parce que
41:37ce que je dis dans mon livre,
41:39à partir de mon expérience,
41:41Mathieu,
41:45un peuple,
41:47ce qu'il a de plus précieux,
41:49c'est la préservation
41:51de son droit à la continuité historique.
41:53C'est-à-dire
41:55le droit d'aller chercher
41:57dans les siècles passés
41:59les mélodies manquantes.
42:01Il y a dans votre ouvrage,
42:03vous me direz si je l'ai bien compris,
42:05une méditation aussi sur l'exil intérieur.
42:07Parce que c'est une chose d'être un exilé
42:09et c'est peut-être une douleur encore plus grande
42:11que de se sentir exilé en son propre pays.
42:13On ne reconnaît plus ces paysages culturels,
42:15ces paysages mentaux. Quelquefois, on vit même
42:17une forme d'exil religieux, quand la religion à laquelle
42:19on avait toujours cru semble se défigurer
42:21en prétendant se transfigurer.
42:23Est-ce que votre livre est une méditation aussi
42:25sur la douleur de l'exil intérieur ?
42:27Oui, parce que c'est quelque chose que je vis.
42:31C'est Edgar Kiné qui disait
42:33l'exil le plus douloureux,
42:35et d'ailleurs je reprends
42:37votre expression,
42:39ce n'est pas d'être
42:41arraché de son pays,
42:43c'est d'y vivre,
42:45mais de n'y retrouver plus rien
42:49qui ressemble à ce qui a fait
42:51tant aimer.
42:55Vous savez, il y a une phrase
42:57de De Gaulle qui dit, à chaque fois que la
42:59France s'est approchée de l'abîme,
43:01elle s'est accrochée à deux môles qui n'ont pas
43:03vacillé, le tronçon de l'épée
43:05et la pensée
43:07française. Or,
43:09aujourd'hui, on vit,
43:11je répète le mot,
43:15il y a un pronostic
43:17vital qui est en jeu,
43:19on vit
43:23une catastrophe
43:25qui peut être
43:27existentielle. Pourquoi ?
43:29Parce qu'un peuple
43:31qui sous-traite
43:33la fabrication de ses enfants
43:37aux populations immigrées,
43:39un peuple qui n'est plus capable,
43:43qui n'a plus la force de se reproduire,
43:45qui n'a plus la force
43:47de programmer la vie,
43:49c'est un peuple qui est déjà sorti
43:51de l'histoire.
43:53Mais quand on ajoute à cela
43:55que
43:57dans l'école, aujourd'hui en France,
43:59on ne transmet plus
44:01l'amour de la France,
44:05qu'est-ce que notre pays va devenir
44:07puisqu'il n'est plus
44:09capable de franciser
44:11les générations nouvelles,
44:13que ce soit les Français millénaires
44:15ou les Français de désir.
44:17– Et pourtant, votre livre est un livre d'espérance
44:19et c'est justement sur ce thème
44:21que je passe la parole à Arthur de Vatrigan,
44:23sur la part d'espérance qu'on trouve dans ce très beau livre.
44:25– Justement, sur la part d'espérance, il y a quelque chose
44:27qui s'est passé la semaine dernière,
44:29c'est surprenant, dans ces mémoricides
44:31que vous décrivez et qu'on vit tous les jours,
44:33c'est Notre-Dame. Le miracle gothique,
44:35qui est le miracle français, qui a été célébré en monde de vision,
44:37on a eu un président qui a même réussi
44:39à faire un discours non républicain
44:41au sein de la cathédrale,
44:43est-ce que ça nous dit, est-ce que ce n'est pas
44:45une source d'espoir et d'espérance
44:47qui nous montre que la flamme
44:49ne s'est pas éteinte en fait ?
44:51– Arthur, je n'aurais pas écrit mon livre
44:55si mon expérience personnelle
44:59ne m'avait pas convaincu
45:03que la France n'était pas un pays comme les autres.
45:05Il y a des pays qui s'abîment,
45:07il y a des pays qui s'effondrent.
45:09Les Amérindiens, les Égyptiens,
45:13les Romains, les Grecs, etc.
45:15Nous, pas.
45:17Pourquoi ?
45:19Il y a une sorte de rédemption française
45:21au cœur de notre peuple,
45:23au cœur de notre mémoire,
45:25malgré tout.
45:27Il y a mille ans,
45:29d'une sémantique de relèvement.
45:33Et en fait,
45:35en lisant l'histoire de France,
45:37en la lisant, en la relisant,
45:39en réfléchissant
45:41à la manière
45:43dont elle habite le monde
45:45à travers ses monuments
45:47et notamment ses trésors,
45:49je suis arrivé à la conclusion
45:51qu'il y a un mot
45:53qui revient
45:55sans cesse
45:57de génération en génération
45:59depuis Cloïs.
46:01C'est une expression
46:03qu'on entend
46:05dans les chaumières
46:07dès le Moyen-Âge.
46:09Tout est perdu.
46:11C'est l'expression du père de Jeanne d'Arc
46:13à la veillée,
46:15quand il dit à ses enfants,
46:17les pauvres enfants,
46:19la France est une nation déjetée
46:21car il y a des Français reniés.
46:23Déjà.
46:25C'était juste après le traité de Troyes,
46:27qui était un traité de Maastricht
46:29avant la lettre.
46:31Et il dit tout est perdu.
46:33Et Jeanne se relève
46:35et dit non,
46:37tout n'est pas perdu.
46:41Et on connaît la suite.
46:43La suite c'est quoi ?
46:45Comme à chaque fois,
46:47quelques temps après,
46:49le tout est perdu arrive,
46:51fait irruption de manière inattendue,
46:53le tout est sauf.
46:57Et donc pour répondre à votre question,
46:59Sœur Notre-Dame,
47:01je n'ai pas eu une nuit d'angoisse,
47:03mais je l'ai vécu
47:05comme un homme
47:07qui connaît l'histoire de France.
47:09Et donc l'angoisse sans cesse en moi
47:11a été contrebalancée par
47:13tout est perdu,
47:15les flammes sont de plus en plus en haut,
47:17la flèche est en train de s'abîmer
47:19comme une image au ralenti,
47:21dans un film.
47:23Les pompiers nous expliquent
47:25que les tours ont s'effondré
47:27et à minuit quand je viens de me coucher,
47:29on me dit non,
47:31demain tout sera sauf.
47:33Et la cérémonie,
47:35la fameuse cérémonie,
47:37elle va encore plus loin
47:39que cette petite fille Espérance,
47:41comme dirait Peggy,
47:43parce que quand j'ai vu l'archidiacre
47:45Macron
47:47face au gars
47:49avec son chum-gomme,
47:51qui est maintenant le grand nominateur du monde
47:53avec Elon Musk,
47:55qui est devenu un conservateur,
47:57lui qui était transhumaniste, etc.
48:01Et quand j'ai vu l'archidiacre dire
48:03nous sommes les héritiers
48:05d'un passé qui est plus grand que nous,
48:11là je me suis dit ça y est on a basculé,
48:13c'est-à-dire que la table rase ça marche plus,
48:15c'est-à-dire que cette idéologie des droits de l'homme,
48:17cette nouvelle religion
48:19temporelle,
48:23elle ne nous dispense pas
48:25de rechercher la transcendance,
48:27rechercher l'espérance.
48:31C'est une histoire,
48:33Clovis,
48:35Clovis quand il parle
48:37avec l'évêque Vignon
48:39à Reims,
48:41Rémy,
48:43Rémy lui cite
48:45un historien
48:47grec qui dit
48:49que toutes les sociétés obéissent à la même loi
48:51lorsqu'elles cessent de vivre de leur raison d'être,
48:53elles se décomposent de leur propre main.
48:57Et il lui explique
48:59que c'est fini l'empire romain.
49:01Mais en fait,
49:03Clovis, le conquérant,
49:05le conquérant
49:07qui fait peur aux patriciens romains,
49:09il va se laisser conquérir
49:11par sa conquête et il va être plus romain
49:13que les romains et il va créer
49:15cette civilisation française,
49:17tout est sauf,
49:19alors que l'évêque croyait que tout était perdu.
49:21Tout est perdu, tout est sauf.
49:23Philippe de Villiers, mémoricide, merci beaucoup.
49:25Je n'en ai pas plus de temps.
49:27Mais c'est pour mieux se retrouver
49:29vendredi prochain.
49:31Merci beaucoup.
49:33Merci à vous, merci Mathieu.
49:35Merci Philippe de Villiers, on se retrouve dans un instant
49:37pour l'heure des pro 2.