Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
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00:00 Quasiment 19h sur CNews, merci d'être avec nous pour face à Mathieu Bocoté.
00:04 Cher Mathieu, bonsoir.
00:05 Bonsoir.
00:06 Bonne année.
00:07 Bonne année, chère Amie.
00:08 Parce qu'on ne s'est pas croisé cette semaine.
00:09 Tous mes voeux pour l'année 2024.
00:10 Arthur de Vatrigan, bonne année.
00:12 Bonsoir.
00:13 La une de l'incorrect ce mois-ci.
00:15 La France va-t-elle craquer avec une magnifique une et des personnages qui ont évidemment
00:22 une grande réflexion sur l'état de notre pays ?
00:25 On commence l'émission dans un instant, mais avant cela, on souhaite également la
00:29 bonne année à Augustin Donadio, qu'on n'a pas vu cette semaine et qui va nous rappeler
00:32 les principaux titres de l'information.
00:35 Cher Augustin, bonsoir.
00:36 Bonsoir, Elliot.
00:37 Bonne année à vous aussi.
00:39 Le département du Pas-de-Calais reste placé en vigilance orange.
00:43 11 écoles, collèges et lycées resteront fermés lundi pour la rentrée des classes.
00:47 Mais la décrue des fleuves de l'Aa, la Lysplaine et la Cange s'est déjà amorcée.
00:53 Elle devrait s'accélérer avec la montée en puissance des pompes venues de plusieurs
00:56 pays européens ainsi que du temps sec prévu pour les prochains jours.
01:01 Le bilan du séisme au Japon s'est alourdi ce samedi.
01:05 126 personnes ont perdu la vie lors du tremblement de terre de 7,5 sur l'échelle de Richter
01:10 survenu le 11 janvier dernier.
01:12 Les secours japonais continuent à fouiller inlassablement les décombres à la recherche
01:17 d'éventuels miraculés.
01:18 Deux femmes âgées ont été retrouvées vivantes jeudi après être restées bloquées quatre
01:23 jours sous les décombres.
01:24 Et la frayeur de ces passagers d'un Boeing d'Alaska Airlines.
01:28 Regardez ces images.
01:29 Ils ont dû atterrir en urgence après l'envol spectaculaire de la porte de secours de leur
01:34 avion juste après le décollage aux Etats-Unis.
01:36 Les 177 passagers et membres d'équipage sont indemnes mais la compagnie a décidé de clouer
01:42 au sol ses 65 Boeing 737-9 pour procéder évidemment à des vérifications.
01:47 A la une de face à Mathieu Bocotte, une réflexion de l'avocat Richard Malka interpelle.
01:55 Il voit dans la religion le point commun de toutes les dernières attaques terroristes
01:59 et revient sur la notion de laïcité à la française.
02:01 Dans cette équation, Richard Malka omet-il l'inconnu majeur qui est d'ailleurs connu
02:06 de tous.
02:07 Que vous donnerait Mathieu Bocotte dans votre première édito ?
02:10 A la une également, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a le sens du timing.
02:14 Le rapport sur l'immigration est publié avec deux semaines de retard et il assume
02:18 pas question de montrer non-faille majeure en matière de lutte contre l'immigration
02:21 illégale en plein débat sur la question à l'Assemblée.
02:24 Alors à quoi sert la Cour des comptes ? A quoi joue Pierre Moscovici ? On en parle dans
02:29 cette émission.
02:30 Enfin Mathieu Bocotte, vous recevez ce soir le philosophe Pierre Manand, professeur de
02:33 philosophie politique.
02:35 Vous allez revenir sur le poids de Jacques Delors, des hommages hier aux Invalides et
02:39 une mise en scène qui fait polémique autour du drapeau européen, plus visible que le
02:43 drapeau français.
02:44 Voilà le programme face à Mathieu Bocotte.
02:47 C'est parti.
02:48 Et pour commencer Mathieu Bocotte, vous voulez revenir sur le dernier numéro de Franc-Tireur
03:05 où l'avocat Richard Malca, défenseur bien connu de la laïcité, affirme que la critique
03:10 est un marqueur de la liberté.
03:13 Vous y voyez un lien avec une autre de ses déclarations, il y a quelques semaines, où
03:18 il accusait la religion d'être la cause du terrorisme.
03:22 Et c'est sur ces deux réflexions que vous voulez commencer cette nouvelle année de
03:25 face à vos côtés.
03:26 Oui, la critique de Dieu, si je me rappelle bien la citation d'en Franc-Tireur.
03:30 Alors c'est assez intéressant parce que Malca est une figure admirable.
03:34 Une figure admirable, c'est quelqu'un qui se bat pour la liberté d'expression, c'est
03:38 quelqu'un qui ose dire des choses souvent qui peuvent l'amener à risquer sa peau.
03:44 Il ne faut pas l'oublier, on est devant quelqu'un qui ne se contente pas de défendre de manière
03:47 abstraite la liberté d'expression, mais qui s'engage sur le terrain le plus dangereux
03:51 qui soit, la critique souvent des islamistes.
03:54 Et pourtant, dans les deux déclarations auxquelles je ferai écho, c'est comme s'il battait
03:59 en retraite conceptuellement et ça m'intéresse pourquoi?
04:02 Parce que ce point de vue, le sien, est très présent dans l'espace public et me semble
04:07 inexact.
04:08 Je m'explique.
04:09 Il nous dit donc que la critique de Dieu est la marque distinctive de l'esprit de liberté.
04:13 Peut-être faudrait-il être plus précis aujourd'hui.
04:15 La critique de Dieu ou la critique d'un visage particulier de la divinité telle qu'on se
04:20 la représente, c'est-à-dire la divinité telle qu'on se la représente en islam, premier
04:24 élément.
04:25 La critique de Dieu en tant que tel, vous savez dans les pays chrétiens, ce n'est pas très
04:27 dangereux.
04:28 La critique de Dieu, si vous la faites aux États-Unis, si vous la faites au Canada,
04:31 en France en tant que tel, vous ne risquez pas grand-chose.
04:33 Si vous critiquez Allah, vous risquez peut-être davantage.
04:37 De même, il y a un segment qui est assez intéressant.
04:40 Alors, en fait, l'année dernière, le Malcain était de passage sur la 5.
04:44 Et il y a un passage qui est remonté à la surface ces derniers jours, qui est devenu
04:47 viral sur Twitter.
04:48 Et je cite ce passage parce qu'il est très intéressant.
04:51 «Mettons les pieds dans le plat, si on ne regarde pas les choses en face et si on ne
04:56 dit pas que le point commun de toutes les attaques terroristes qu'on a vues depuis
04:59 des années, c'est la religion, alors on ne dit rien.
05:03 Soyons sérieux, ce n'est pas la religion en tant que telle qui est le point commun
05:08 de ces attaques, c'est à certains égards l'islam, mais surtout l'islamisme.
05:12 Or, refusant de nommer en particulier pour nommer en général, eh bien, il nous conduit
05:19 – je reviendrai peut-être sur une fausse piste.
05:21 Il y a trois hypothèses.
05:22 La première, il aurait tout simplement peur de dire les choses parce qu'il craindrait
05:27 pour sa vie, ce qui serait compréhensible, mais ce n'est pas le cas.
05:30 Malka est un homme intelligent et courageux, plus courageux que plusieurs personnes qui
05:34 se portent à la défense de la liberté d'expression, donc ne remettons pas en question son courage.
05:37 Est-ce qu'il craint plutôt en disant «la religion en général», plutôt que «l'islam»
05:42 ou «l'islamisme»?
05:43 La distinction est importante, mais le lien doit être refait.
05:46 Est-ce que c'est parce qu'il a peur de faire le jeu de l'extrême droite en critiquant
05:50 selon la formule connue, en basculant dans une logique discriminatoire pour cibler une
05:55 religion plutôt qu'une autre?
05:57 Peut-être est-ce cela.
05:58 Il écrit dans «Franc-Tireur», la revue spécialisée de la mise à distance par
06:01 rapport à la tenaille identitaire.
06:02 Donc peut-être est-ce cela, mais encore une fois, je ne crois pas.
06:05 Je pense que sincèrement, chez lui, il y a cette conviction ancrée dans un certain
06:09 républicanisme français qu'il existe une telle chose que la religion en général
06:13 et les subdivisions, en particulier le catholicisme, l'islam, le bouddhisme, l'hindouisme, faites
06:18 la liste, qui chacune d'entre elles sont des nuances d'un grand tout finalement très
06:23 négatif que serait la religion.
06:25 Et c'est ce qu'il nous dit finalement.
06:26 C'est la religion le problème, ce n'est pas l'islam.
06:28 L'islam, pour l'instant, mais hier, c'était, il le dit d'ailleurs dans cet entretien qui
06:31 est remonté à la surface, qui est viral, il nous dit «hier, c'était les chrétiens
06:35 au temps de l'Inquisition, qui étaient des chrétiens radicalisés, qui pratiquaient
06:38 l'Inquisition et des chrétiens qui voulaient vivre leur vie tranquillement à l'abri
06:42 de la persécution religieuse ou des persécutions des autres».
06:45 Est-ce qu'on peut vraiment comparer l'islam tel qu'il se déploie aujourd'hui au christianisme
06:48 du temps de l'Inquisition?
06:49 On pourrait en douter.
06:51 Mais l'autre élément central à travers cela, c'est qu'on nous dit que le progrès de l'esprit
06:55 humain dans nos sociétés passe par l'éradication complète de la religion.
06:59 Il ne devrait en rester qu'un résidu de spiritualité pour les uns et pour les autres.
07:04 Chacun pourrait se construire sa religion intérieure, spirituelle, mais l'idée d'une
07:09 religion comme marqueur de civilisation, comme point d'identité pour un peuple, comme point
07:12 d'identité pour une civilisation, manifestement pour Malka, il faudra s'en débarrasser dans
07:17 tous ses visages.
07:18 Mais le problème c'est qu'encore une fois aujourd'hui, ce ne sont pas tous ses visages
07:21 qui posent au crime.
07:24 On assassine plus facilement aujourd'hui en disant « Allahou Akbar » qu'en disant
07:29 « Je vous salue Marie, mère de Dieu, priez pour nous mon répéteur.
07:33 » On assassine assez rarement de cette manière.
07:35 Gardons ça à l'esprit.
07:37 Autrement dit, qui dénonce la religion pour parler des attentats comme le fait Malka ne
07:41 va pas jusqu'au bout de son diagnostic.
07:43 C'est un peu ça.
07:44 C'est un peu ça.
07:45 Ou alors, soit il ne va pas au bout de son diagnostic, soit il nous conduit dans une
07:49 fausse piste, un mauvais diagnostic.
07:51 Premièrement, il faut le rappeler, toutes les religions ne sont pas interchangeables.
07:54 Toutes les religions n'engendrent pas les mêmes conséquences sociales.
07:57 Il suffit, on peut tenir à l'écart l'islam un instant, il suffit de lire Max Weber.
08:02 Max Weber qui disait « L'éthique protestante d'une société ne donne pas les mêmes résultats
08:06 que l'éthique catholique d'une société.
08:08 » Donc à l'intérieur même du christianisme, les différentes branches du christianisme
08:11 n'accouchent pas des mêmes résultats sociaux, des mêmes effets sociaux et culturels.
08:16 Donc la religion en tant que telle, ça ne veut pas dire grand chose, sinon que vous
08:20 êtes dans le parti de ceux qui refusaient fondamentalement la possibilité même d'une
08:23 transcendance, la possibilité même du ciel.
08:25 Deuxième chose qu'on doit garder à l'esprit, chaque religion s'inscrit dans une ère culturelle
08:30 et civilisationnelle.
08:31 Et même le catholicisme qui se veut, ou le christianisme qui se veut une religion universelle,
08:35 l'islam aussi soit dit en passant est un universalisme, ne l'oublions jamais.
08:38 L'islam est un universalisme.
08:40 Et bien chaque religion s'inscrit dans une ère culturelle ou civilisationnelle particulière.
08:45 Et dès lors, dire « la religion » en général, c'est se placer au niveau de Sirius pour
08:50 commenter la réalité de nos peuples, la réalité de nos sociétés.
08:53 Donc je pense que la notion de « la religion » ne veut pas dire grand chose finalement,
08:57 ça nous détourne encore une fois d'un examen précis des choses.
09:00 Ensuite, imaginons, prenons Paris au sérieux, le Paris laïciste radical, l'éradication
09:06 sociale du fait religieux, n'en resterait qu'une spiritualité intérieure.
09:10 Je pense qu'on peut constater une chose au terme du XXe siècle, quand les grandes religions
09:14 s'effondrent, ce n'est pas la croyance qui disparaît, ce sont les croyances loufoques
09:19 et absurdes qui se multiplient.
09:21 C'est ce que disait Chesterton, quand les hommes cessent de croire en Dieu, ils ne se
09:26 mettent pas suffisamment plus à croire en rien du tout, ils se mettent à croire en
09:28 n'importe quoi.
09:29 Et on peut dire de notre époque, qui a perdu tous les rituels, de la naissance à la mort,
09:34 passant par le mariage, tout les rituels qui structuraient l'existence, on avait un effondrement
09:38 de ces rituels-là, et aujourd'hui il y a une forme de bricolage de références spirituelles
09:44 un peu étranges sur le mode New Age.
09:45 J'ai souvent dit à la blague, quand vous sacrifiez le Christ, vous vous retrouvez avec
09:48 les cristaux.
09:49 Et ça, je pense qu'on y est un peu aujourd'hui.
09:51 Cela dit, sur le plan politique, ça me semble assez fondamental, en refusant de nommer l'islamisme,
09:58 et en refusant de nommer l'islam, je fais la distinction, mais encore une fois c'est important,
10:03 on refuse tout à l'heure de nommer l'ennemi en quelque sorte.
10:06 L'islamisme ici, pas l'islam l'ennemi, mais l'islamisme, qui nous désigne, qui
10:09 nous attaque, qui nous confronte, qui veut nous conquérir, ce n'est pas la religion
10:14 aujourd'hui en Occident qui oblige les hommes et les femmes à se séparer, qui oblige les
10:17 femmes à porter le voile, qui pousse justement aux assassinats comme on les voit en France
10:20 trop souvent, qui a entraîné la mort de Dominique Bernard, c'est l'islamisme.
10:24 Et quand vous menez une bataille, si vous ne nommez pas véritablement l'ennemi, vous
10:28 êtes condamné à la perdre.
10:29 J'ajoute une chose, quand on a la posture très franc-tireur, un peu comme celle-là,
10:33 eh bien, ça nous oblige pour donner l'impression de donner des coups à tout le monde, de temps
10:38 en temps on critique l'islamisme, mais ensuite on va chercher les derniers catholiques traditionnalistes
10:42 à persécuter pour montrer qu'on tape également sur les représentants de toutes les religions.
10:46 Je m'excuse, la messe en Athènes, ce n'est pas exactement la même chose qu'un attentat
10:50 terroriste ou simplement le fait d'islamiser un quartier.
10:52 Richard Malcay affirme aussi, je le cite, « si on renonce à la laïcité, on retournera
10:58 aux guerres de religion ».
10:59 Oui et non.
11:00 Vous savez, les États-Unis, le 11 septembre, les Américains ne sont pas exactement un
11:05 pays laïc à la française.
11:07 Et pourtant, l'islamisme leur a déclaré la guerre.
11:09 Vous noterez d'ailleurs que les Américains ont eu de la difficulté à le comprendre
11:11 au début.
11:12 Parce qu'au début, ils ont bien compris que c'est l'islamisme qui les attaquait,
11:15 mais ils se sont perdus eux-mêmes alors, dans une forme d'universalisme terriblement abstrait,
11:20 en disant « en fait, c'est une guerre contre le mal, contre la terreur, « axis of evil
11:23 », l'axe du mal ».
11:24 Donc, les Américains, eux-mêmes, après le 11 septembre, ont été incapables de nommer
11:28 correctement l'ennemi qui venait de les frapper.
11:31 Ça les a conduits en Irak et on sait la suite des événements.
11:34 La Grande-Bretagne a été attaquée par l'islam politique, par l'islamisme.
11:39 À ce que j'en sais, la Grande-Bretagne n'est pas le paradis de la laïcité.
11:42 Alors, il faut bien voir que l'islamisme déclare la guerre à une civilisation.
11:46 Et on a beau dire, et ce n'est pas la laïcité qui pacifie les rapports entre l'islam et
11:51 l'ensemble du monde occidental.
11:52 En France, cela dit, la France trouve dans sa laïcité un marqueur identitaire distinctif.
11:58 Mais comme j'aime rappeler, de ce point de vue, rien n'est plus particulariste que
12:02 l'universalisme français.
12:03 Il faut garder ça à l'esprit.
12:05 Deux dernières choses, il ne faut pas oublier que si l'islam s'est implanté dans les
12:09 sociétés occidentales, ce n'est pas par sa puissance persuasive remarquable ou par
12:13 son audace spirituelle convaincante, c'est simplement par un effet d'immigration massive.
12:18 Il ne faut pas l'oublier.
12:19 Ce n'est pas la religion qui progresse en elle-même.
12:21 C'est une population porteuse de cette religion.
12:24 Et tant qu'on aura l'immigration massive, en fait, vous ne pouvez pas avoir l'immigration
12:28 massive sans avoir l'islam.
12:29 C'est comme ça.
12:30 Et vous ne pouvez pas avoir l'islam sans avoir l'islamisme.
12:32 L'islam, ce n'est pas l'islamisme, mais l'un vient avec l'autre.
12:35 Et de ce point de vue, quand vous avez aujourd'hui, comme on le voit de plus en plus, on nous
12:38 le rapporte, dans des écoles, notamment des jeunes filles, des jeunes femmes, « françaises
12:43 de souche », qui décident de se voiler elles-mêmes aujourd'hui.
12:47 Mais qu'est-ce que c'est?
12:48 C'est simplement la dynamique de l'assimilation qui recommence en France.
12:50 Mais ce problème, ce ne sont pas les étrangers qui s'assimilent à la France, ce sont les
12:54 Français qui s'assimilent à une civilisation étrangère plus forte, plus conquérante,
12:58 qui impose ces normes.
12:59 Mal nommer les choses, c'est rajouter Arthur de Vatrigan, du malheur au monde.
13:03 C'est comme ça qu'il faut voir, apprécier, interpréter les propos de Richard Malka?
13:08 Oui, dire « la religion », ça n'a aucun sens.
13:12 Ça n'a aucun sens, parce que comme Mathieu l'a très bien dit, la religion, ce n'est
13:15 pas un concept qui est uniforme.
13:17 Il n'y a pas une religion, il y a des religions, il y a des croyances.
13:20 Alors je sais qu'on aime bien essayer d'expliquer des choses sur quelque chose qu'on connaît,
13:23 donc on méconnaît l'islam et donc on essaie d'appliquer le modèle de l'islam sur
13:27 le modèle du christianisme.
13:28 Il faut juste relire tout ce qu'a écrit Rémi Braque sur le sujet.
13:31 L'islam n'est pas le christianisme, pour plusieurs raisons.
13:35 Alors évidemment, c'est une religion, à partir du moment où on s'entendrait sur
13:37 le thème de ce que veut dire religion, partons sur une croyance.
13:40 Ok, c'est ça, mais c'est aussi un ensemble de normes qui règlent la vie humaine et qui,
13:46 à l'origine de ces normes, c'est Dieu.
13:48 Or, Dieu est le législateur de ces règles et donc aucun nouveau législateur peut être
13:52 supérieur à Dieu, logiquement.
13:53 Alors on pourrait dire oui, mais chez les catholiques, Dieu aussi, évidemment, est
13:56 supérieur à tout législateur, même s'il s'appellerait Macron-Jupiter.
14:00 Très bien, sauf qu'il y a quelque chose qui rentre en ligne de compte, qui est peut-être
14:06 une des choses uniques dans la religion chrétienne, qui est la morale individuelle.
14:09 L'islam règlemente la vie civile.
14:12 Vous avez des règles économiques, vous avez des règles familiales, vous avez des règles
14:15 de vêture, des règles de nourriture, des règles d'hygiène, bref, vous avez des règles
14:19 qui légifèrent la morale individuelle.
14:21 Or, la morale individuelle, dans notre civilisation et dans le christianisme, elle est fondamentale
14:26 parce qu'elle ne supporte pas de loi, sinon celle de la conscience, de votre conscience,
14:30 de ma conscience, de la conscience de ma conscience.
14:31 Donc on se rend bien compte que vouloir traiter le problème de l'islam comme une religion,
14:35 ça ne marche pas, parce que l'islam, en fait, il faudrait traiter le problème de
14:39 deux coexistences, de deux systèmes que beaucoup de choses opposent.
14:44 L'une d'origine humaine, certes largement influencée par le christianisme, et l'autre
14:49 d'origine divine.
14:50 Mais évidemment, ce qu'on voit chez Richard Malka et chez beaucoup d'autres, malgré
14:54 tout le courage qu'ils ont, ça je ne le remets pas en question, c'est que ce sont
14:58 des enfants des lumières, finalement, qui voient dans la religion, mais ils le disent
15:01 eux-mêmes, un enfermement ou une infantilisation.
15:04 Et notamment lorsqu'ils comparent de manière assez grotesque l'inquisition avec le djihad.
15:09 Alors certes, la légende noire de l'inquisition française, et je ne parle pas de l'inquisition
15:13 espagnole et de Torquemada et ses folies, française, est assez tenace.
15:16 On la doit aux lumières, qui pour mieux briller, ont voulu assombrir un peu le passé, ça
15:20 on le sait, mais sauf que si on lit tous les histoires bien sérieux, ils vous expliquent
15:22 qu'à l'époque c'était un progrès, et à tel point que c'est un progrès,
15:25 parce qu'elle nous a laissé en héritage la procédure inquisitoire qui est dans notre
15:28 justice aujourd'hui.
15:29 Bref.
15:30 Et sur plusieurs siècles d'ailleurs, si on regarde, les condamnés, éloi, mort de
15:33 l'inquisition, sont très très faibles par rapport, par exemple, aux morts de la
15:37 révolution française.
15:38 Et c'est là qu'est l'os, en fait, pour ces gens-là, pour Richard Malka, c'est
15:41 qu'à longtemps, les plus grands massacres seraient commis au nom de Dieu, donc au nom
15:44 de la religion, parce que la religion pervertit la raison.
15:46 Bon, très bien, un, on demande de relire J.-B.
15:49 XVI et tous ses travaux sur l'articulation de la foi et de la raison, ou simplement le
15:52 discours au Bernadin qu'il a fait quand il est nu en France, et deux, si on s'arrête
15:56 là-dessus, c'est quand même vite passé sur le communiste et sur le nazif qui a fait
15:58 des millions de morts, et pourtant Dieu était absent des débats.
16:01 Donc, bon, après, on se revendique, et ils se revendiquent beaucoup, de Voltaire et du
16:05 droit au blasphème comme la liberté.
16:07 Il faut rappeler deux choses, c'est qu'un, la dernière condamnation de quelqu'un chez
16:11 nous pour blasphème, c'est le Chevalier de la Barre, c'est en 1766, ça a été fait
16:14 par un tribunal civil, et des gens de l'Église avaient essayé de sauver sa vie.
16:19 Et deuxième chose, concernant Voltaire, on connaît tous sa phrase, "je ne suis pas d'accord
16:22 avec vous, patati patata", ce qu'on oublie de toujours dire, c'est qu'il a quand même
16:25 embastillé deux fois la Bommelle parce qu'il avait osé critiquer son siècle de Louis XIV.
16:29 Donc, le blasphème, c'est outragé, c'est sacré, très bien, sauf que si on se relit
16:33 Rémi Braque, on se découvre que le christianisme n'est pas la religion du sacré mais la religion
16:37 de la sainteté, ce qui n'est pas complètement la même chose, et qu'aujourd'hui le sacré
16:40 se trouve pas dans les religions.
16:41 Le sacré, on le trouve dans la République, on le retrouve dans les droits de l'homme,
16:44 on le retrouve dans l'IVG par exemple, qu'on veut concessionnaliser, on le retrouve dans
16:47 le progrès.
16:48 Et là, bizarrement, on n'arrive pas trop à attaquer, et où si on imagine, vous avez
16:52 vu la sortie de la ministre de la Santé, le tombeau d'insulte qu'elle s'est pris, c'est
16:55 parce qu'elle a visité l'Institut de la Fondation Lejeune.
16:58 Bon, dernière chose, Richard Malka a brandi le totem de la laïcité, expliquant que ça
17:04 m'a été sa mi-fin en guerre de religion.
17:05 Guerre de religion en 1905, je ne crois pas, parce que la réalité c'est que c'est une
17:09 religion de substitution, et que la IIIe République, dont la majorité des responsables étaient
17:14 soit protestants, soit agnostiques, tendance maçon, était bien contente de la mettre
17:18 en place pour des raisons idéologiques.
17:20 Bref, la laïcité peut être un outil juridique important, pourquoi pas, sauf que ça ne régla
17:24 jamais le problème de fond, parce que la question, encore une fois, elle est civilisationnelle.
17:28 On va recevoir Pierre Manon tout à l'heure, qui parle de l'expression de terrain vague.
17:32 Qu'est-ce qu'on a à offrir aux gens ? Un terrain vague, c'est-à-dire un terrain nu, avec juste
17:36 des règles qui disent "vous avez le droit de faire ce que vous voulez au nom des libertés
17:40 individuelles", ou un commun qui s'appellerait la France, qui naît de l'alliance des fonds
17:44 baptismaux du trône de Reims, c'est-à-dire un commun que chacun peut épouser, à condition
17:48 qu'il le souhaite.
17:49 Voilà pour le premier édito.
17:51 Parlons à présent de la Cour des comptes qui cache la réalité.
17:55 On apprenait il y a quelques jours que la Cour des comptes avait décidé de garder
17:58 secret un rapport documentant le manque de moyens investis dans la lutte contre l'immigration
18:03 illégale.
18:04 Elle l'avait gardé secret, car à l'origine, elle devait paraître pendant le débat sur
18:09 la loi immigration.
18:10 Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, assume par ailleurs la non-divulgation
18:15 du rapport.
18:16 Il ne voulait pas s'immiscer, disait-il, dans le processus politique.
18:21 Que retenez-vous, cher Mathieu Bocoté, de cette séquence ?
18:23 Que tout cela est étonnamment banal.
18:25 Et je m'explique.
18:26 On est devant un régime, quand j'entends par régime, c'est au-delà des partis, les
18:30 principaux partis reconnus comme légitimes dans la concurrence pour l'exercice du pouvoir.
18:35 On est dans un régime fondamentalement immigrationniste.
18:37 Donc la politique, et ça c'est vrai partout en Occident, il ne faut pas se tromper, la
18:41 politique d'immigration c'est soit plus ou toujours plus, mais jamais moins, et certainement
18:48 pas redéfinir les paramètres du régime pour ne plus être immigrationniste.
18:52 On se retrouve ici avec des informations majeures.
18:55 Des informations qui auraient pu faire basculer le débat sur l'immigration, de la part d'une
18:59 autorité dont la fonction est d'éclairer le débat public de la manière la plus éclairée,
19:05 pour faire en sorte que tous puissent voter en ayant toutes les informations nécessaires
19:09 pour bien voter en fonction de leur conception de l'intérêt général.
19:13 Eh bien l'administration décide de faire de la politique.
19:16 Surprise?
19:17 Pas de surprise.
19:18 Il ne faut pas se compter des histoires.
19:20 L'administration qui participe au régime considérait que ces informations risquaient
19:24 de faire en sorte que la démocratie aille dans la mauvaise direction.
19:27 Et on le sait aujourd'hui pour l'idéologie dominante, si la démocratie va dans le sens
19:32 d'une défense des identités nationales, d'une défense de la souveraineté plutôt
19:37 que de ce qu'ils appellent l'état de droit qui est dans les faits un état de droit dévoyé,
19:40 eh bien ce n'est plus vraiment la démocratie.
19:41 Pour eux, la démocratie, c'est le déploiement de la révélation diversitaire.
19:45 Je note, soit dit en passant, que les grandes autorités qui se permettent de confisquer,
19:49 de garder pour elles des informations qui pourraient amener les gens à mal voter, ça
19:52 existe aussi aux États-Unis.
19:53 Je donne un exemple.
19:54 Autour de Twitter, rappelez-vous la dernière présidentielle, le fait que Twitter ait décidé
19:59 de cacher les informations autour du fils de Joe Biden, Hunter Biden, en disant que
20:04 ça risquait si ça… et puis on comprend que Twitter était en lien en ces matières-là
20:07 avec d'autres autorités à l'intérieur d'un État.
20:09 On se disait que si cette information-là circule, le commun des mortels risque de mal
20:14 voter, risque de ne pas voter pour la bonne personne, risque de voter pour Donald Trump.
20:17 Donc, l'idée n'est pas d'être pour ou contre Trump ici, mais l'idée de voir
20:21 que Twitter a décidé, et on l'a vu avec un journal, le New York Post, qui faisait
20:24 circuler des informations, qui avait écrit des articles sur le fils de Joe Biden, de
20:28 censurer la diffusion d'informations qui risquait de faire dévier le bon électeur,
20:35 qui autrement dit, qui doit voter dans la bonne direction.
20:36 Alors, qu'est-ce qu'on doit voir à travers cela?
20:38 Eh bien, de plus en plus, l'immigration massive se présente à nous non pas comme
20:42 une fatalité, mais comme un projet, comme un projet tout simplement qui est porté par
20:46 les actions européennes, qui est porté par les institutions nationales qui sont de plus
20:50 en plus post-nationales.
20:51 Et de ce point de vue, cette omission ou cette décision de Pierre Moscovici est moins étonnante
20:57 que révélatrice.
20:58 À propos de la question migratoire, il faut aussi, selon vous, parler du cas de la Belgique.
21:02 Pourquoi la Belgique?
21:03 C'est absolument passionnant.
21:04 C'est un article paru il y a quelques jours sur 7 sur 7, si je ne me trompe pas, où on
21:08 voyait l'évolution de la question migratoire en Belgique.
21:11 Je note quelques chiffres.
21:12 37,3 % des citoyens en Belgique sont issus de l'immigration.
21:16 Ça, c'est plus du tiers du pays.
21:18 On doit comprendre.
21:19 Il doit y avoir un terme pour qualifier ça, mais il ne me vient pas à l'esprit.
21:21 Transition démographique, je crois.
21:22 À Bruxelles, 82,5 % de la population.
21:27 À Anvers, 62 %, à Gannes, 41 %.
21:31 Vous avez une espèce de bascule historique absolument fascinante.
21:35 La composition du pays se transforme.
21:38 Ensuite, je note une chose, ceux qui commentent l'article, parce que normalement, on pourrait
21:43 se dire, devant ça, on est vraiment devant une submersion migratoire.
21:45 Qu'est-ce qu'on fait?
21:46 Est-ce qu'on peut encore stopper les choses?
21:47 Pas du tout.
21:48 On dit, mais c'est une très bonne nouvelle.
21:51 C'est formidable ce qui arrive là parce que ça participe justement à la transformation
21:55 de la Belgique en état d'une créativité culturelle remarquable.
21:59 On nous dit, c'est l'état laboratoire.
22:01 C'est l'état laboratoire et l'immigration massive va même sauver la Belgique.
22:05 Comment ça?
22:06 C'est un peu bizarre quand même cette idée.
22:07 Alors, on donne quelques exemples.
22:08 Ça va sauver la danse parce qu'on nous dit, Bruxelles, qui est un laboratoire de la créativité
22:15 culturelle en matière de danse, s'il n'y avait pas toute cette immigration, on n'aurait
22:18 pas ça en Belgique.
22:19 Donc, vive l'immigration massive.
22:20 C'est le même argument qu'on nous a présenté, rappelez-vous, pendant le débat sur l'immigration,
22:23 l'an passé maintenant, quand on disait que c'est l'immigration massive qui sauve la
22:26 blanquette de veau.
22:27 Parce que si vous n'avez pas des immigrés pour travailler dans les cuisines des restaurants,
22:31 eh bien, vous n'aurez pas accès à la blanquette de veau qui est portée par ces restaurants,
22:34 rendue possible par ces immigrés.
22:35 Ah, il fallait y penser.
22:36 Et au Québec, on a un argument semblable.
22:38 C'est l'immigration massive qui sauve le français parce que la langue française.
22:41 Parce que sinon, s'il n'y avait pas d'immigration massive, le Québec se laisserait diluer par
22:45 le continent.
22:46 Donc, l'immigration massive est toujours présentée comme une espèce d'immigration
22:49 salvatrice.
22:50 Donc, on doit l'applaudir en toutes circonstances.
22:52 Mais surtout, ce que nous dit dans cet article, c'est que le sociologue qui est invité à
22:57 commenter l'article, l'immigration va sauver la démocratie.
23:00 Comment ça?
23:01 Il dit, pensez-vous que tous ces gens qui arrivent en Belgique vont voter ensuite pour
23:04 les nationalistes flamands?
23:05 Parce que vous savez, il y a un cas en Belgique d'indépendantisme.
23:08 C'est la Flandre qui pense à son indépendance.
23:11 Il y a un parti indépendantiste marqué à l'extrême droite, comme on dit, le Vlaams
23:14 Belang, qui est un parti à la fois conservateur sur le plan identitaire, conservateur sur
23:18 le plan social, nationaliste au sens large du mot et indépendantiste.
23:21 Et ce que dit le sociologue, c'est tant mieux, tant mieux, puisque tous ces immigrés qui
23:25 vont arriver ne risquent pas de voter pour ce parti infréquentable.
23:29 Parce que c'est un parti antidémocratique.
23:31 Non, parce qu'ils ne voteront pas pour lui, ils vont sauver la démocratie en servant
23:35 de minorité de blocage électoral.
23:37 Alors, vous comprenez?
23:38 Et là, ça nous fait penser au fait, par exemple, je donne des exemples, les conseillers
23:42 de Tony Blair qui disaient à l'époque qu'il faut une immigration massive.
23:44 Pourquoi?
23:45 Pour être capable de renforcer l'électorat travailliste qu'on est en train de perdre
23:49 dans le pays.
23:50 Ça nous fait penser au gouvernement canadien qui avait dit, après le référendum sur
23:52 l'indépendance du Québec en 1995, il faut augmenter l'immigration pour éviter que
23:56 la prochaine fois, il y ait une possibilité que le camp du oui à l'indépendance l'emporte
23:59 parce qu'on mise sur le vote issu de l'immigration pour bloquer le camp du oui.
24:02 En 2012, François Hollande qui se fait élire, et qu'est-ce qu'on voit devant lui?
24:06 Des drapeaux étrangers et non pas le drapeau français pour célébrer sa victoire, comme
24:10 si finalement sa victoire était moins celle de la France que les drapeaux qu'on prend
24:13 ici devant lui.
24:14 Autrement dit, l'immigration, comme instrument de neutralisation des majorités historiques
24:18 occidentales, s'est revendiquée ici comme un progrès à tout le monde.
24:21 Et disons que ces gens sont honnêtes de leur point de vue.
24:23 Quel regard vous portez sur l'exemple belge, le laboratoire belge, Arthur de Batrigan?
24:29 Je reviendrai plutôt sur Moscovici parce que Mathieu ne s'étonne plus de rien.
24:33 C'est très bien.
24:34 Moi, je trouve ça effrayant.
24:35 Il y avait un planning.
24:36 La Cour des comptes devait publier ce rapport le 13 décembre, soit deux jours avant la
24:41 commission mixte paritaire.
24:42 Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, explique "je ne l'ai pas
24:47 fait à titre, j'ai choisi à titre personnel de ne pas le faire pour pas que ce rapport
24:51 soit utilisé et qu'il interfère avec la loi".
24:54 Alors à quoi sert un rapport déjà si on ne doit pas l'utiliser?
24:56 Ce qui est assez effrayant.
24:58 Alors on sait très bien que monsieur Moscovici ne souhaitait pas qu'il soit utilisé dans
25:01 un sens, c'est-à-dire dans le sens d'un durcissement du projet parce que ce rapport
25:06 donnait des éléments factuels qui appuyaient le durcissement du projet.
25:10 Or, ça allait à l'encontre des idées de monsieur Moscovici.
25:12 Donc on appelle ça de la rétention d'informations pour des raisons idéologiques.
25:15 Quand on a ce poste-là, je trouve ça effrayant.
25:17 Moi qui croyais que la Cour des comptes était au service de la France, il faut croire que
25:20 non.
25:21 Ou alors c'est monsieur Moscovici qui s'approprie la Cour des comptes pour ses idées personnelles,
25:24 ce qui est encore plus embêtant.
25:25 Et c'est un scandale d'autant plus important qu'il l'assume complètement, c'est-à-dire
25:29 qu'il piétine la démocratie puisqu'il s'agissait du vote des deux chambres, du
25:33 Sénat et du Parlement.
25:34 Et en plus d'un mépris gravissime pour les Français et ses représentants qui sont beaucoup
25:39 trop bêtes pour pouvoir bien utiliser ce rapport.
25:41 Je trouve ça vraiment effrayant.
25:43 Alors qu'est-ce que dit ce rapport?
25:44 Rien que nous ignorons et surtout pas ce que les Français subissent, c'est-à-dire
25:47 que la lutte contre l'immigration illégale est largement insuffisante, la lutte menée
25:52 par l'État.
25:53 Les vikings de QTF et d'immigrés en situation régulière le savent, l'ont remarqué.
25:59 Et l'autre point, c'est le coût de cette lutte qui coûte 1,8 milliard d'euros par
26:02 an à l'État, donc à la France.
26:04 On est content de payer des impôts, surtout pour voir ce résultat.
26:07 Moi pour vous rendre optimiste, j'ajouterai un petit chiffre en ce début d'année.
26:10 C'est non pas le coût de la lutte, mais le coût annuel de l'immigration en France,
26:14 c'est-à-dire les dépenses moins les recettes.
26:17 C'est 54 milliards d'euros par an.
26:19 Donc il paraît que c'est une chance pour la France.
26:22 C'est une chance qui coûte quand même très très cher.
26:24 La publicité, on revient dans un instant.
26:26 Pierre Manand, le philosophe, sera votre invité.
26:29 Cher Mathieu Bocote, à tout de suite.
26:30 19h30 sur CNews, la suite de Face à Mathieu Bocote, mais d'abord le point sur l'information,
26:39 c'est avec Augustin Donadieu.
26:41 À Paris, un homme de 30 ans est décédé à l'hôpital au lendemain de son interpellation
26:46 par six policiers en Seine-Saint-Denis.
26:48 La victime aurait reçu une douzaine de décharges électriques de taser.
26:51 Le soir des fêtes, 18 fonctionnaires sont intervenus en plusieurs temps pour interpeller
26:56 l'homme en état de surexcitation et d'agressivité, selon le parquet de Bobigny.
27:01 Une autopsie sera effectuée lundi pour déterminer les causes exactes du décès.
27:05 Anthony Blinken poursuit sa tournée diplomatique au Proche-Orient.
27:10 Il s'est longuement entretenu avec le président turc Recep Tayyip Erdogan à Istanbul aujourd'hui.
27:15 Prochaine étape pour le chef de la diplomatie américaine, la Jordanie, Israël, puis la
27:20 Cisjordanie occupée pour tenter d'éviter un embrasement régional après l'élimination
27:25 ciblée du numéro 2 du Hamas mardi dernier.
27:27 Et Patrick Sébastien, victime d'un cambriolage à son domicile de Boulogne-Biancourt.
27:33 L'animateur que nous avons joint n'était pas présent avec sa femme au moment des faits.
27:37 Selon lui, les auteurs sont des professionnels et ils ont cassé la baie vitrée à l'aide
27:40 d'un cendrier en passant par le jardin.
27:42 Le montant du préjudice n'est pas connu pour le moment, mais il nous a indiqué qu'il
27:46 s'agissait essentiellement d'effets personnels de sa femme.
27:48 En début de semaine, c'est le domicile de Nico Saliagas dans le Val-de-Marne qui avait
27:52 été la cible d'une tentative de cambriolage.
27:55 Merci pour le point sur l'information.
27:58 Bonsoir Pierre Manon.
27:59 Bonsoir.
28:00 Vous êtes philosophe, vous êtes le premier invité de l'année 2024 pour Mathieu Boccote.
28:05 Cher Mathieu Boccote, pourquoi avoir invité ce soir Pierre Manon ?
28:08 L'année 2024 sera une année où à tout le moins la première moitié consacrer vraiment
28:12 à la question européenne.
28:13 Et rares sont, je crois, les philosophes politiques en France à avoir pris au sérieux l'enjeu
28:17 européen, l'objet européen, l'entité européenne.
28:20 Et c'est par ailleurs le cas de Pierre Manon qui lui a consacré véritablement des pages
28:23 essentielles à cette question.
28:25 Pierre Manon, bonsoir.
28:26 Bonsoir.
28:27 Une question toute simple, on l'a vu il y a quelques jours, la mort de Jacques Delors
28:32 annonçait en quelque sorte l'importance de la question européenne pour l'année
28:35 à venir.
28:36 Est-ce qu'on peut dire que pour la première fois, donc la charge chérbonnée qui est associée
28:40 à son décès évidemment, est-ce qu'on peut dire que pour la première fois depuis un
28:44 bon moment, la question européenne devient une question politique fondamentale à l'Europe
28:48 à l'horizon des élections européennes de 2024 ?
28:51 Je ne pense pas que ce soit nouveau.
28:54 C'est une question fondamentale depuis que l'Europe a commencé d'être construite.
29:00 Simplement, la situation est différente sur un point que précisément la personnalité
29:05 de Jacques Delors peut permettre de cerner.
29:08 Jacques Delors, comment dire, représente, était représentant brillant, influent d'un
29:19 côté la démocratie chrétienne et aussi un syndicalisme chrétien, la CFDT, ce qui
29:26 deviendra la CFDT.
29:28 Donc, il était membre d'une tradition importante de la politique européenne et je dirais de
29:35 certains principes d'association qui, à la fois, influaient les nations et qui, à partir
29:42 de cette influence dans les différentes nations, a contribué à donner crédit et perspective
29:49 moral et social à la construction européenne.
29:52 Jacques Delors renvoie à une situation où il y avait continuité entre la vie sociale
30:01 et morale des nations et la nouvelle communauté que l'on espérait fonder à partir de la
30:06 vie sociale et morale de ces nations.
30:09 Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans une telle situation.
30:13 Les forces sociales intérieures des nations qui portaient le projet européen, donc la
30:19 démocratie chrétienne et aussi la social-démocratie, ces forces sociales sont étiolées pour le
30:25 moins, sinon effacées.
30:27 Et donc, maintenant, la chose européenne doit tenir sur elle seule.
30:33 Il n'y a plus de continuité entre la spontanéité sociale des nations européennes et la construction
30:40 européenne qui devient de plus en plus une construction abstraite, si j'ose dire, et
30:46 détachée de la vie des nations européennes.
30:49 Alors, une des phrases qui a marqué l'histoire politique de Jacques Delors, c'est lorsqu'il
30:53 dit au moment du référendum de Maestric, « ceux qui sont pour le camp du non devraient
30:56 quitter la vie politique ». Est-ce qu'on peut dire qu'avec lui, et c'est un héritage
31:00 peut-être des 30 dernières années, l'Europe s'est moins présentée comme un projet politique
31:04 qu'à la manière d'un horizon moral indépassable ? Donc, être pour l'Europe, c'est être
31:08 pour le bien, et ne pas être favorable à la construction européenne telle qu'elle
31:12 se présentait à nous, c'était s'avouer coupable d'une forme de moralité dégradée.
31:16 Je ne pense pas qu'il ait été le plus strident dans ce genre de formulation.
31:23 Si vous voulez, la classe politique européenne s'est installée dans cette posture qui,
31:30 évidemment, simplifie considérablement les choses en considérant qu'icône qui fait
31:34 des réserves sur la manière dont les choses se passent doit être écartée de la vie
31:40 convenable, en quelque sorte, de la société convenable.
31:42 Ce qui est important de voir, c'est que là, aujourd'hui, nous continuons de faire courir
31:59 en quelque sorte un dispositif qui, en quelque sorte, a perdu tout élément d'orientation,
32:05 tout élément pour se guider.
32:06 On l'envisage aujourd'hui, nous sommes à 27, d'aller vers 30, 35, ce qui rendra
32:13 évidemment encore plus impuissante une Europe qui est déjà impuissante.
32:16 Aujourd'hui, les classes politiques européennes continuent d'entretenir, si j'ose dire,
32:21 une machine dont chacun voit qu'elle tourne sur elle-même et ne produit aucune force,
32:27 ni aucune justice ne produisant aucune force.
32:29 Donc, la question qui se pose à nous est de savoir dans quel régime politique vivons-nous
32:36 et qu'est-ce que l'Europe a par rapport à notre régime politique, par rapport à nos
32:41 nations.
32:42 C'est à cette question que les politiques doivent répondre.
32:46 Et je réponds à leur place, mais ils ne me demandent pas mon avis, mais vous me permettez
32:51 de le donner.
32:52 Qu'est-ce que l'Union européenne, qu'est-ce qu'elle est aujourd'hui ?
32:56 Elle est en réalité la création de nations qui sont gouvernées par des régimes représentatifs,
33:05 dont des nations gouvernées par leur Parlement, par leurs institutions représentatives et
33:10 qui ont délégué un certain nombre de compétences à des institutions communes européennes.
33:17 Donc, il n'y a pas de souveraineté européenne.
33:20 L'organisation européenne est une sorte d'organisation internationale qui assure la
33:25 collaboration sur certaines compétences communes de nations qui, par ailleurs, dont
33:30 la légitimité politique par ailleurs, est fondée sur des républiques représentatives.
33:35 Voilà en quoi consiste la construction européenne.
33:39 En réalité, au-dessus de cela, s'est construite une idéologie, une sentimentalité, une rhétorique
33:52 de sublime européen, mais qui n'est fondée sur rien.
33:57 Qui n'est fondée sur rien car le signe que l'Europe comme souveraine n'existe pas,
34:05 c'est que l'Europe ne prend aucune décision de souveraineté.
34:08 L'Europe n'a été incapable de produire la moindre quantité de force militaire, diplomatique,
34:15 pour obtenir des effets souhaités et désirés par l'ensemble européen.
34:20 Donc, il faut se rendre compte qu'en réalité, alors que nous continuons de vivre dans des
34:27 États en principe représentatif, qui ont fait quelques délégations de souveraineté
34:31 à des institutions communes, on nous persuade que nous vivons en quelque sorte dans un nouveau
34:37 monde qui a laissé derrière lui les nations.
34:41 En réalité, non.
34:42 L'Europe telle qu'elle est n'existerait pas sans la vie politique des différentes
34:47 nations.
34:48 Elle n'existe que par les nations qui lui donnent vie.
34:51 D'ailleurs, qu'est-ce que l'Europe ? L'Europe, c'est cette ère de civilisation
34:57 très unique dans l'histoire où une communauté de civilisation est fondée sur une pluralité
35:05 de corps politiques en rivalité.
35:07 Il n'y a que deux exemples.
35:08 Il y a l'exemple des cités grecques et l'exemple de la civilisation européenne.
35:15 Est-ce que vous n'avez pas une vision exagérément généreuse de l'endroit de l'Europe ? Je
35:20 m'explique.
35:21 Vous dites qu'il n'y a pas de souveraineté européenne.
35:22 Or, dans les faits, quand les Italiens, par exemple, avant les dernières élections,
35:26 pensent à voter pour Giorgia Melloni, on pense qu'elle peut prendre le pouvoir, Mme
35:31 von der Leyen dit que si ça tourne mal, nous avons les moyens pour corriger la situation.
35:36 On voit un régime de sanctions lorsqu'une nation vote mal.
35:39 L'Hongrie, la Pologne, l'Italie peut-être, qui sait, demain la France.
35:43 Donc, lorsqu'un vote ne s'inscrit pas dans l'idéologie européiste, la Commission dispose
35:47 de pouvoir néanmoins pour punir les peuples qui votent mal.
35:51 La Commission n'a aucun pouvoir en réalité.
35:53 L'Italie n'est pas punie par la Commission.
35:57 L'Italie est punie par la République fédérale allemande ou, comme précédemment, la République
36:03 fédérale et la France, lorsque M.
36:05 Monti a été conduit vers le poste de Premier ministre en Italie.
36:12 Les nations constitutives de l'Europe usent de la rhétorique européenne, usent des prétextes
36:18 européens pour faire valoir leurs souhaits.
36:23 Qu'est-ce que la réalité de la vie européenne ? L'Europe est construite sur quoi ? Sur
36:31 la suzeraineté allemande, sur l'hégémonie allemande.
36:34 Elle s'est construite autour du mark, transformée en euro, et construite autour de l'influence
36:44 prédominante allemande.
36:45 Hégémonie acceptée, si j'ose dire, avec plus ou moins de bonne volonté ou plus ou
36:51 moins de satisfaction par l'ensemble des nations qui l'entourent.
36:55 Donc, ne nous faisons pas une idée, ne prenons pas à la lettre l'idéologie européenne,
37:03 l'idéologie européiste.
37:04 En réalité, ce qui se passe continue de se passer entre les nations.
37:09 Et il importe que les membres des nations se rendent compte de cela et ne se laissent
37:16 pas emporter par cette rhétorique ou cette représentation totalement, comment dire,
37:24 irréelle.
37:25 Arthur de Vatrigan.
37:26 Alors, si je comprends bien, c'est l'Allemagne, en fait, qui est le...
37:31 Il y avait cette expression dans le foot, vous savez, le foot, c'est un jeu qui joue
37:34 à 11 contre 11.
37:35 À la fin, c'est l'Allemagne qui gagne.
37:36 On pourrait dire l'Europe, c'est un jeu qui joue à 27.
37:38 À la fin, c'est l'Allemagne qui gagne.
37:40 Mais la question, c'est est-ce que c'est un braquage ou un coup d'État des Allemands
37:43 ou est-ce une soumission des autres pays et notamment des Français ?
37:46 Et si c'est le cas, pourquoi se soumettre à l'Allemagne ?
37:49 Parce qu'a priori, même économiquement, on n'y a pas trop intérêt, on n'est pas
37:52 gagnant dans l'affaire.
37:53 Non, mais bon, d'abord, reconnaissons aux Allemands qu'ils sont les seuls à reconnaître
38:01 explicitement que l'Europe n'est pas souveraine.
38:08 C'est la Cour constitutionnelle allemande qui, de façon très développée, précise,
38:16 claire, a expliqué après Lisbonne, en 2009, elle a expliqué qu'il n'y avait pas de
38:23 souveraineté européenne parce qu'il n'y a pas de peuple européen.
38:25 Si donc les Allemands sont un peuple qui est représenté par au Bundestag et si jamais
38:34 il s'agissait de passer à une souveraineté européenne, alors le peuple allemand devrait
38:39 explicitement décider de se fondre dans un peuple européen.
38:43 Tant que les choses n'en viennent pas là, les pouvoirs de l'Europe sont des pouvoirs
38:49 délégués par la souveraineté, par la souveraineté qui réside dans le corps politique allemand,
38:54 qui réside dans le peuple allemand, qui réside, qui s'exprime dans le Bundestag.
38:59 Donc l'Allemagne se considère, n'est-ce pas, comme une république qui se gouverne
39:05 elle-même en concédant ou en délégant des compétences à l'Union européenne.
39:11 Tel est l'état effectif de la situation.
39:14 Alors pour le reste, hégémonie, coup d'état, hégémonie me convient.
39:20 L'Allemagne est le pays central qui, avec la chute du communisme, si j'ose dire, a
39:28 retrouvé son espace naturel, son mini-empire spontané, naturel qu'elle a toujours eu
39:35 à l'est de l'Europe.
39:37 Elle l'a retrouvé dans des conditions très avantageuses pour tout le monde, puisque c'était
39:42 dans des conditions entièrement pacifiques.
39:45 Donc il est assez naturel que ce concert des nations trouve son centre de gravité dans
39:54 la principale puissance.
39:55 Alors maintenant, est-ce que ça signifie qu'il faut être satisfait de cette situation
39:59 pour un pays comme la France, surtout quand l'Allemagne prend des décisions qui sont
40:02 tellement contraires à nos intérêts et depuis bien longtemps ?
40:05 Ce qu'on peut reprocher, je dirais, il n'y a rien à reprocher aux Allemands.
40:10 Ils font, si j'ose dire, ils exercent leur influence comme, si j'ose dire, j'imagine
40:17 nous le ferions si nous étions à leur place.
40:19 Mais simplement, ce qui est déplacé, c'est pour nous de mimer d'abord cette co-direction
40:26 de l'Europe qui, bon, je ne veux pas, si, je vais quand même le dire, mais ce couple
40:33 franco-allemand, les Français le savent, tout le monde le sait, sauf apparemment ceux
40:37 qui nous gouvernent.
40:38 C'est une légende française.
40:40 C'est une légende française.
40:41 Donc, considérons l'Allemagne comme un pays ami, mais qui a pris l'habitude, surtout
40:47 dans les dernières années, de prendre des décisions extrêmement contraires à nos
40:51 intérêts et parfois marquées par une hostilité, si je dirais, une sorte de malveillance qui
40:58 commence à devenir en effet lourde à supporter.
41:00 Voilà.
41:01 Mais encore une fois, nous vivons, je suis désolé, nous vivons dans nos nations et
41:10 c'est ce qui se passe dans nos nations qui est déterminant pour la vie européenne.
41:15 Et que si ce sont les normes européennes qui nous étouffent, qui faussent l'expression
41:23 démocratique que sais-je, ce sont des choses que nous avons acceptées depuis des années.
41:30 Donc, encore une fois, il n'est pas vrai que les choses se passent ailleurs.
41:35 Les choses se passent chez nous.
41:37 Et pourtant, vous me permettrez de… Vous avez quelques éléments au moment de la présidentielle
41:43 de 2022.
41:44 Il y a chez les Républicains, par exemple, on a Michel Barnier, qui n'est pas, à ce
41:47 que j'en sais, un souverainiste, un foudre de guerre souverainiste chez les Républicains,
41:52 qui dit pour le temps, il faut que le droit national prime sur le droit européen.
41:55 Plusieurs, à la France Insoumise, au Rassemblement National, chez Reconcaître, une partie des
42:00 LR, plaident pour ce primat du droit national sur le droit européen.
42:03 Ce à quoi une bonne partie de la classe politique dit non, il ne faut pas, le droit européen
42:08 doit primer, c'est la condition même du projet européen.
42:12 Donc, comment comprenez-vous ce désir de faire primer le droit européen sur le droit
42:17 national, qui est présent néanmoins dans la classe politique française et évidemment
42:20 dans la nomenclature bruxelloise ?
42:22 Comme vous savez, cette idée de la suprématie du droit européen remonte à 1964, le fameux
42:34 arrêt Costa, où pour la première fois, la Cour de Justice européenne a décidé que
42:45 le droit européen avait primauté sur les droits nationaux, c'est-à-dire que l'Europe
42:51 était une communauté de droits.
42:53 C'est, si j'ose dire, le coup d'État originel qui est devenu permanent de l'Union
42:59 européenne.
43:00 Il ne faut vraiment pas savoir ce qu'est la vie politique, ce qu'est la vie sociale,
43:06 ce qu'est l'existence d'une société politique, de penser qu'on peut instituer
43:11 un ordre juridique sans base politique.
43:14 L'Europe est fondée sur ce non-sens.
43:18 C'est impossible.
43:21 Et vérification, ce n'est pas moi qui dis que c'est impossible.
43:23 Vérification, depuis le début, ça n'a toujours pas été transformé en institution
43:28 politique et ça ne peut pas être transformé en institution politique.
43:31 Si on voulait que l'Europe devienne une institution politique, si on voulait que l'Europe devienne
43:35 une puissance, c'était très simple, difficile en pratique, mais très simple à concevoir.
43:41 Il s'agissait de le décider.
43:43 Donc, qu'est-ce qu'on faisait ? On faisait comme les États américains, les colonies
43:47 américaines ont fondé un exécutif commun, un législatif commun.
43:52 Est-ce que jamais a-t-il été question de fonder un législatif commun ou un exécutif
44:00 commun dans un peuple représentant et gouvernant un peuple commun, un peuple européen ? Non,
44:06 il n'en a jamais été question.
44:08 Donc, l'Europe n'a pas été fondée en direction d'un projet en réalité.
44:12 L'Europe a été fondée en fuyant ce qu'était l'Europe ancienne.
44:17 L'Europe a été fondée par rapport à son histoire.
44:19 La construction européenne, c'est une réflexion sur le passé de l'Europe.
44:23 Diriez-vous une répudiation ? En tout cas, si vous voulez, pour le dire d'un mot, des
44:31 mots lourds de sens, n'est-ce pas ? On peut dire, il m'arrive de dire cela, Verdun et
44:39 la Shoah ont en quelque sorte disqualifié l'indépendance des nations européennes.
44:46 On donnait, rétrospectivement, la conscience qu'on en a pris, c'est qu'il ne faut pas
44:52 laisser aux nations une indépendance dans leur gouvernement qui puisse conduire à des
45:00 catastrophes comme les guerres hyperboliques du XXe siècle ou comme la Shoah.
45:04 Est-ce que les peuples ont accepté cette confiscation, cette délégitimation de l'indépendance ?
45:07 Les peuples, les gouvernants, il ne faut pas non plus les séparer entièrement.
45:18 Les gouvernants et les peuples se communiquent quand même.
45:21 Oui, d'une certaine façon, cette idée est devenue, s'est emparée quand même de nos
45:36 sociétés, l'Europe s'est construite sur la peur de nous-mêmes, d'une certaine façon,
45:42 sur la peur de ce que nous pouvions faire.
45:44 Donc, nous nous sommes réformés de telle sorte que, n'est-ce pas, nos nations ne puissent
45:52 plus jamais faire ça.
45:54 Non, plus jamais faire ça.
45:56 Donc, nous nous sommes construits sur des empêchements, nous nous sommes construits
46:00 pour nous empêcher.
46:01 Et c'est ça qui est la contradiction majeure de ce que j'appellerais le Parti européen,
46:09 qui dit "constitution de l'Europe, constitution de l'Europe", mais l'Europe s'est construite
46:12 pour nous empêcher de faire.
46:15 Et donc, nous ne faisons pas, et donc nous ne ferons pas l'Europe puissance, puisque
46:20 nous nous sommes organisés pour ne pas produire de puissance.
46:23 Vous imaginez si la France indépendante était dangereuse, ou l'Allemagne indépendante
46:27 est dangereuse telle qu'elle est.
46:29 Alors, plus encore l'Europe, parce que l'Europe représentant des centaines de millions de
46:33 personnes, si elle devenait indépendante, elle deviendrait un acteur majeur et donc
46:37 un acteur dangereux, comme la Chine, la Russie, les États-Unis.
46:43 Le temps d'une dernière question brève d'Arthur de Matrigan.
46:45 Ça s'est construit contre, mais est-ce que dans ce cas-là, ça ne s'est pas arrivé
46:50 en interne, à l'intérieur de la France ? Par exemple, dès qu'on veut faire quelque
46:53 chose, on dit non, État de droit.
46:55 Quand on ne veut pas faire du référendum, on dit non, pas de référendum.
46:57 Est-ce qu'on a la peur du peuple ? On a la peur du vote populaire ?
47:01 Oui, bien sûr, ça certainement.
47:05 Certainement.
47:06 Mais nous ne savons plus, nous avons perdu, je crois, le désir de s'associer.
47:14 Nous avons la peur de l'association.
47:17 Alors, toutes les associations, les syndicats, les partis, les partis n'ont plus de militants,
47:22 les syndicats n'en ont plus guère, les églises, plus guère non plus.
47:29 Les nations sont discréditées, délégitimées.
47:32 On voit bien que tout ce qui est susceptible de réunir ou d'associer les hommes nous
47:38 inspire une méfiance insurmontable.
47:40 Et la seule chose dans laquelle, disons, nos sociétés mettent leur cœur, c'est dans
47:44 les droits individuels, comme vous le savez bien.
47:45 C'est-à-dire des droits qui sont en principe des choses excellentes, mais lorsqu'ils
47:50 sont seuls à animer la vie collective, sont séparateurs.
47:54 C'est-à-dire qu'ils interdisent, tels qu'ils sont interprétés aujourd'hui,
47:59 toute construction institutionnelle.
48:00 Parce que toute association nécessairement tente à, disons, sacrifier sa totale liberté
48:11 individuelle.
48:12 Si on s'engage dans un syndicat, dans un parti, dans une nation, dans un couple, dans
48:16 un mariage, on limite sa liberté.
48:19 Eh bien, un grand merci Pierre Manon.
48:21 Merci à vous.
48:22 Merci à Mathieu Beaucotter.
48:23 Merci Arthur De Vatrigan.
48:24 On se retrouve évidemment la semaine prochaine.
48:28 Dans un instant, c'est l'heure des pros.
48:30 Il sera notamment en question de la question migratoire.
48:33 Et on reviendra longuement sur les déclarations de Pierre Moscovici, qui assume ne pas avoir
48:39 publié ce rapport sur l'immigration illégale à la date qui était prévue, c'est-à-dire
48:45 le 13 décembre.
48:46 À tout de suite.
48:50 Merci.
48:51 Merci à tous !