• le mois dernier
André Bercoff et Céline Alonzo reçoivent Joseph Peraldi et Frederic Ploquin qui publient "Confessions d'un patriote corse", un témoignage rare, celui d'un pilier du Front de libération nationale corse qui a notamment organisé la cavale d'Yvan Colonna !

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2024-11-07##

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News
Transcription
00:30Une chanson en hommage à Jean-Baptiste Aquaviva-André Bercoff, militant nationaliste Corse, tué en 1987 lors d'une opération armée du FLN-CEL.
00:40Alors l'un des chefs militaires de cette organisation raconte tout sur ses 50 ans de combat politique,
00:47dont 27 ans dans la clandestinité André, dans un livre passionnant qui vient de paraître.
00:52Un témoignage rare, nécessaire et précieux André.
00:56Oui, oui, un livre très intéressant, plus qu'intéressant, parce qu'il raconte vraiment une pente d'une histoire.
01:03Moi quand je l'ai lu, je ne connaissais pas la moitié, plus que la moitié de ce qu'il racontait.
01:08Parce qu'avec Frédéric Bloquin, lui je le connais, donc c'est ce livre chez Fayard,
01:14« Les confessions d'un président de Corse des services secrets français au FLN-C ».
01:20Et c'est très très passionnant parce qu'il a été service secret français, vous savez ce qu'on appelait les barbouzes,
01:27il a vécu de l'intérieur tous les coups tordus ou point tordus, tous les succès de ce qu'on a appelé effectivement,
01:34et il y a eu des films qui les ont célébrés.
01:38Et puis le FLN-C, le Front Libération Nationale de la Corse, depuis sa création en 1976,
01:45donc il y a à peu près 50 ans.
01:48Et c'est très intéressant parce qu'on voit en France, ici, puisque la Corse encore une fois pour beaucoup c'est quand même la France,
01:56on voit aussi comment ce réseau qui n'était pas très important, qui ne connaît pas des dizaines de milliers d'hommes,
02:02qui a produit 500 hommes, a fait parler de lui pendant des années et des années et des années.
02:07C'était vraiment quand on parlait de la Corse, on parlait du FLN-C.
02:10Et puis il y a eu, vous allez en parler, Céline avec Frédéric Ploquin et évidemment Péraldi.
02:16Jo Péraldi, c'est l'Ivan Colonna, le fameux Ivan Colonna dont on a protégé la cavale.
02:25C'est une histoire formidable, on ne l'avait jamais racontée cette histoire.
02:29Et oui, elle n'avait jamais été à raconter, on va vous la raconter tout de suite sur Sud Radio,
02:32avec Jo Péraldi et Frédéric Ploquin qui sortent un livre passionnant.
02:38A tout de suite sur Sud Radio.
02:51En hommage à la lutte armée du FLN-C dont Joseph Péraldi a été un pilier dans un livre qui vient de paraître.
02:59Il raconte son parcours inouï et il nous le fait le plaisir d'être aujourd'hui notre invité en direct sur Sud Radio.
03:05Bonjour à vous Jo Péraldi.
03:08Bonjour madame, bonjour monsieur.
03:10Alors vous publiez chez Fayard Confessions d'un patriote corse des services secrets français au FLN-C,
03:16un témoignage fascinant recueilli par le grand reporter Frédéric Ploquin
03:21qui est aussi avec nous en direct sur Sud Radio aujourd'hui.
03:23Bonjour à vous Frédéric.
03:24Bonjour à vous.
03:25Alors Jo Péraldi, vous avez été espion pendant la guerre d'Algérie,
03:29chef militaire du FLN-C, reporter photographe, un métier qui vous a servi de couverture
03:34pour mener vos activités politiques.
03:37Sous la cagoule vous avez connu tous les coups tordus des barbouzes,
03:41tous les succès et toutes les vendettas qui ont secoué le mouvement nationaliste depuis sa création en 1976
03:48et dans cet ouvrage vous révélez quelques secrets.
03:52Vous ne pouvez pas tout révéler bien sûr.
03:54Qu'est-ce qui vous a poussé à le faire ?
03:57Jo Péraldi.
03:58Oui, si vous voulez, j'ai existé pendant des années à la fin de mon procès qui a eu lieu en 2005-2006
04:08et j'ai été approché par beaucoup d'écrivains et de journalistes et finalement j'ai toujours reporté.
04:16Et lors de la mort d'Yvan Colonat en prison, de la manière dont il a été assassiné,
04:21qui est inacceptable dans une mesure où ça s'est passé dans un centre pénitentiaire
04:26et de la manière aussi atroce dont il a été tué.
04:29Et la récupération politique qui en a été faite par certains de ma famille politique,
04:33je l'ai très mal vécu et c'est là que j'ai rencontré mon ami Frédéric.
04:38Nous avons parlé justement du projet de faire ce livre et ça a eu, bon,
04:43petit à petit, le projet s'est réalisé.
04:48Alors effectivement, vous consacrez le premier chapitre de votre livre à la cavale d'Yvan Colonat.
04:55Le 23 mai 1999, alors qu'il est recherché dans le cadre de l'assassinat du préfet Rignac
05:01qui avait eu lieu 18 mois plus tôt à Ajaccio,
05:04tous les services d'élite du pays quadrillent le secteur de la ville de Cargesse,
05:08en Corse du Sud, où toute sa famille vit.
05:12Vous réussissez à l'exfiltrer, vous prenez beaucoup de risques.
05:17Comment y êtes-vous parvenu, Joe Peraldi ?
05:21Eh bien, vous savez, grâce à la vision que j'avais de ce qui était tout,
05:27plus ou moins, mon oeil s'est bien exercé, vous savez,
05:30me permettait de voir ce qui était original, ce qui était insolite dans les villages,
05:34des trucs comme ça.
05:35Et j'avais repéré un petit couple d'un certain âge qui était vraiment…
05:39il ne pouvait pas passer inaperçu.
05:40Une vieille quatre ailes, un monsieur toujours avec sa casquette, son habit.
05:46Et donc, quand on m'a signalé qu'Yvan ne pouvait pas tenir plus longtemps,
05:52la pression policière se faisait autour de lui,
05:56à ce moment-là, je demandais à un ami de rencontrer,
05:59d'aller voir ce petit couple et de se faire prêter la quatre ailes.
06:04Et là, on avait un homme, un ami,
06:07qui était physiquement et ressemblait terriblement au chauffeur de cette voiture.
06:14Et c'est ce que nous avons fait.
06:16Nous avons donc habillé comme lui, avec sa casquette, la même chose.
06:19Et à côté, nous avons mis Yvan Colonna, qui était son épouse,
06:22qui habituellement prenait la place.
06:24Et là, c'était Yvan Colonna déguisé en femme.
06:29Et là, en femme, voilà, sur son épouse.
06:32C'était l'image qu'on avait habituellement de ce couple.
06:35Et nous sommes, si vous voulez, nous avons pris la route d'Ajaccio,
06:38avec une ouverture d'un motard qui était grand.
06:41On n'a pas, bien entendu, Yvan étant petit,
06:44il fallait que le motard ne soit pas arrêté,
06:46et qu'il y avait dans son casque un émetteur Taki-Walki,
06:51auquel était relié également le chauffeur par une oreillette.
06:55Et donc, il ouvrait la route, tout s'est très bien passé,
06:58et il l'a emmené à un point de conjonction
07:01qui était sur la commune de Pastelicac, à Pichiatel.
07:04Et c'est là où je le rencontre.
07:06Et quand il sort de la voiture, il se débarrasse, bien entendu,
07:09de ses vêtements, voilà.
07:12Et je lui dis, et on tombe dans les bras l'un de l'autre,
07:15et je lui dis, ta cavale commence ici.
07:17Et c'est là où sa cavale a commencé.
07:19— À l'époque, il était dans 4 états d'études.
07:21— Qui a duré 4 ans, juste en nombre d'interromptes.
07:24La cavale a commencé là.
07:25Mais moi, j'ai été arrêté en février 2026
07:29pour les attentats qu'on m'a reprochés de l'URSAF et de la DDE.
07:32Donc il y a eu une autre équipe qui a fait le relais
07:34de la cavale d'Yvan Colonna, voilà.
07:36— Juste, je voudrais demander à Frédéric Bloquin,
07:40parce que vous nous avez expliqué très bien,
07:42Joseph Péraldy, la rencontre.
07:44Mais vous, alors l'écrivain, le journaliste,
07:46et Dieu sait que vous en avez écrit des livres, Frédéric Bloquin,
07:49sur la police, sur les faits divers et beaucoup.
07:52Qu'est-ce qui a fait que vous avez eu envie
07:55de faire ce livre avec Joseph Péraldy ?
07:58— Moi, effectivement, je suis un observateur
08:00de tout ce qui touche à l'histoire criminelle française
08:03depuis 40 ans.
08:05Mais jamais j'aurais rêvé
08:07pouvoir dépeindre le FNNC de l'intérieur.
08:09En fait, jamais aucun.
08:11C'est un rêve de journaliste.
08:13— Il n'y a jamais eu de livre sur le FN...
08:15— De l'intérieur, de cette façon-là, non.
08:17Donc si vous voulez, moi, c'était même pas un rêve.
08:19En fait, ça n'existait dans mon esprit
08:21jusqu'au moment où nous avons été présentés
08:23par des amis communs avec Joseph Péraldy.
08:25Et là, au fur et à mesure de nos rencontres,
08:27de nos entretiens, de nos discussions,
08:29je me rends compte qu'il y a cette possibilité inouïe
08:31pour un journaliste, le journaliste que je suis,
08:33c'est de pénétrer dans cette organisation légendaire,
08:35de la raconter de l'intérieur
08:37et finalement d'écrire une page
08:39de l'histoire de France,
08:41parce que c'est pas seulement l'histoire de la Corse,
08:43c'est aussi l'histoire de la France,
08:45qui n'a jamais été écrite.
08:47Donc de découvrir tous ces mystères.
08:49Et je sens Joe Péraldy très motivé pour tout dire,
08:51parce que tout à l'heure,
08:53il ne vous a pas donné cette raison-là,
08:55mais c'est vrai qu'il avait 82 ans
08:57quand on s'est rencontrés.
08:59Il en a 84 aujourd'hui.
09:01Et ce qu'il disait, c'est
09:03on va tous mourir, nous les fondateurs,
09:05nous les pionniers, nous qui avons fait vivre
09:07ce FLNC.
09:09Et lui voulait laisser une trace
09:11écrite d'une histoire, nécessairement non écrite.
09:13C'est-à-dire que jusqu'à présent,
09:15seuls les policiers de l'extérieur
09:17pouvaient éventuellement raconter ce qu'ils savaient du FLNC.
09:19Il n'y a vraiment jamais eu un ouvrage de l'intérieur
09:21sur le FLNC.
09:23Il y a eu quelques témoignages,
09:25mais là il m'offrait la possibilité,
09:27il nous offrait à tous les deux la possibilité
09:29de raconter tout, le fonctionnement de cette organisation,
09:31la manière dont
09:33Jean-Pierre Haldy recrutait les militants,
09:35la manière dont les attentats étaient organisés,
09:37les motivations.
09:39On rentre vraiment dans ce qui est...
09:41Le FLNC,
09:43c'est une organisation qui a une aura,
09:45qui a une légende, même auprès...
09:47Pas seulement en Corse, c'est une organisation
09:49respectée, parce que, bon...
09:51Pendant des dizaines d'années.
09:53Absolument, qui a tenu pendant des dizaines d'années.
09:55Et tout d'un coup, je me retrouve face à Jean-Pierre Haldy
09:57qui me sort, ce qui est quand même
09:59assez extraordinaire, qui me sort une première carte
10:01de sa poche, qui est une carte de presse.
10:03Moi je suis journaliste depuis 1982,
10:05lui il était bien avant moi finalement.
10:07Donc reporter-photographe,
10:09que par ailleurs.
10:11Et c'est là où on comprend tout.
10:13Il a passé quand même,
10:15pendant la guerre d'Algérie, un certain temps,
10:17dans les services secrets français.
10:19On va revenir là-dessus, effectivement,
10:21dans la deuxième partie de l'émission.
10:23J'aimerais qu'on redonne la parole à Jean-Pierre Haldy.
10:25Revenons à la cavale d'Ivan Colonna,
10:27Jean-Pierre Haldy.
10:29Il faut expliquer que c'est
10:31lui-même qui vous aviez demandé
10:33de l'organiser, cette cavale.
10:35Vous, comment vous l'aviez connue ?
10:39Je l'ai connue
10:41alors qu'il rentrait de Nice,
10:43où son père était député
10:45des Alpes-Maritimes, des UPS.
10:47Et lui, après avoir eu
10:49son brevet de
10:51professeur de sport
10:53dans l'éducation nationale,
10:55il est rentré en Corse
10:57et il a refusé la mutation
10:59qu'il avait eue, l'affectation
11:01qu'il avait eue de l'éducation nationale.
11:03Il voulait rentrer pour devenir berger,
11:05son métier de passion, et ne pas
11:07vivre de salaire venant
11:09de l'État français.
11:11C'était son propos.
11:13Quand il est arrivé à
11:15Sagone, je l'ai rencontré
11:17avec son beau-frère, qui était aussi un de mes proches.
11:19Il a été toujours proche de nous.
11:21Il était formé politiquement,
11:23très intelligent, et voilà
11:25comment j'ai connu Yvan Kodala.
11:29Un mot qui est important quand même,
11:31ça a duré quelques années.
11:33En 1990, quand il y a eu la première
11:35scission dans le FNNC
11:37dit Canal Habituel,
11:41il est parti, si vous voulez, avec les sécessionnistes.
11:43Mais néanmoins, nous avons gardé
11:45des contacts au nom de l'amitié que nous avions.
11:47Sans être pour autant
11:49dans les secrets de ce qui se passait
11:51en face.
11:53Juste, si vous voulez une précision,
11:55vous permettez, par rapport à ce que dit M. Bercotte,
11:57je n'ai jamais
11:59utilisé ma carte de presse
12:01comme une couverture pour les activités
12:03que j'avais. J'ai toujours fait mon métier
12:05avec passion, dans la plus grande
12:07déontologie possible et imaginable.
12:09Et si, en lisant mon livre,
12:11vous verrez, je suis allé
12:13jusqu'à vérifier deux sources
12:15sur une même affaire
12:17pour être certain que je ne me trompais pas.
12:19Et qu'était une affaire
12:21importante, c'était l'assassinat du
12:23gendarme de Sondes, un gendarme
12:25de 21 ans, un gendarme aux Sierres.
12:27Voilà, cette prévision a été faite et je reprends
12:29donc ce qu'on avait dit.
12:31La cavale, effectivement.
12:33J'aimerais que vous nous racontiez
12:35toute cette logistique
12:37que vous avez mis en place, effectivement,
12:39pour que cette cavale puisse exister.
12:41Vous l'avez échangé
12:43plusieurs fois d'endroits.
12:45Racontez-nous,
12:47effectivement, comment vous aviez fait pour...
12:49Si vous voulez,
12:51c'est très simple. Lorsque nous sommes
12:53à la tête d'une organisation pareille,
12:55nous avons, bien entendu, ce qu'on appelle
12:57un circuit de cavale possible.
12:59Donc,
13:01les régions où nous mettions
13:03Yvan Colonat
13:05le caché,
13:07il y avait déjà des personnes
13:09désignées et volontaires pour accueillir
13:11non pas seulement Yvan Colonat,
13:13mais s'il y avait été quelqu'un d'autre, c'était pareil.
13:15Ça faisait partie d'un circuit. Donc, on n'aurait pas eu trop de peine
13:17à le cacher.
13:19Oui, parce que vous dites
13:21qu'en Corse, trouver
13:23une famille d'accueil pour un homme en cavale
13:25n'est pas difficile.
13:27C'est vraiment dans la tradition corse, en quelque sorte.
13:29C'est vraiment dans la tradition corse.
13:31Yvan Colonat
13:33m'a demandé de l'aider.
13:35Je l'ai aidé au nom de...
13:37Il avait besoin de ça, je l'ai aidé.
13:39Et si vous voulez,
13:41d'habitude, il est dans notre tradition,
13:43lorsque nous aidons quelqu'un,
13:45nous n'avons pas l'habitude
13:47de lui demander s'il est coupable ou pas coupable.
13:49Oui, c'est ça.
13:51Et si lui ne nous en parle pas,
13:53nous, par pré-respect,
13:55nous ne lui en parlons pas non plus.
13:57Alors, vous le racontez dans le livre,
13:59vous lui rendiez visite au moins une fois
14:01par semaine, jamais le jour.
14:03Parfois, vous restiez même deux jours
14:05avec lui. Comment vous
14:07vous avez fait pour ne pas vous faire repérer ?
14:09Les RG ont eu des doutes
14:11concernant votre participation
14:13à cette cavale ?
14:15Oui, les RG se sont rendus compte
14:17que
14:19j'aurais pu être l'un des instigateurs
14:21de la cavale
14:23en fin janvier 2000.
14:27Voilà, mais si vous voulez,
14:29ils m'ont fait suivre quelque temps,
14:31mais ça n'a rien donné.
14:33Ils n'ont pas eu de preuves que j'étais
14:35dans cette organisation,
14:37dans l'organisation de la cavale.
14:39Ensuite, j'ai été arrêté, bien sûr.
14:41Et oui. Alors, avec Yvan Calonna,
14:43effectivement, tout au cours de cette cavale,
14:45vous allez le rencontrer, vous échangez,
14:47bien entendu, sur des sujets politiques
14:49tendus, mais jamais vous n'avez osé
14:51le questionner sur l'affaire Erignac. Pourquoi ?
14:53Non, c'est un principe
14:55que lorsque nous aidons quelqu'un en cavale,
14:57nous ne nous pressionnons jamais
14:59par l'affaire qui le concerne.
15:01Si lui nous en parle,
15:03nous l'écoutons. Si il ne nous en parle pas,
15:05nous ne lui demandons pas.
15:07Mais vous savez, je veux dire,
15:09ce n'est pas seulement propre à Joe Peraldi.
15:11Je ne connais pas dans l'affaire Calonna,
15:13mais je connais même des policiers
15:15qui ont aidé des gens qui étaient en cavale
15:17dans d'autres affaires, pas seulement nationalistes.
15:19Au nom du principe
15:21de Corse dont je vous ai parlé.
15:23Alors, Joe Peraldi, ça c'est très intéressant.
15:25C'est une tradition
15:27corse, quand je dis une tradition,
15:29c'est une culture qui consiste
15:31à dire, écoutez, il y a quelqu'un qui a besoin
15:33qu'il soit protégé
15:35d'une manière ou d'une autre,
15:37si nous estimons qu'il doit être protégé,
15:39nous allons le faire.
15:41Et justement, vous venez de dire, c'est très intéressant,
15:43par rapport à la question de Céline, vous dites,
15:45nous, on n'a pas lui parler de ce qu'il a fait ou pas fait
15:47dans l'affaire Erignac ou autre,
15:49s'il veut le dire. Mais ça veut dire
15:51qu'au fond,
15:53vous dites, si cet homme ou cette femme
15:55mérite d'être protégé, on le fait.
15:57Et on ne demande pas, on n'a pas de jugement.
15:59Il n'y a pas de jugement moral ou autre.
16:01C'est un peu ça ?
16:03Non, absolument. C'est un peu ça.
16:05Absolument, si vous voulez.
16:07Si vous voulez, comment dire...
16:09Par contre, je tiens à préciser
16:11une chose, si nous savons que la personne
16:13qui nous demande son aide
16:15est une sorte de crapule,
16:17qui a commis des actes
16:19irrépréhensibles,
16:21comme, je ne sais pas,
16:23de pédophilie, des séquestrations
16:25de personnes âgées, il n'est pas question
16:27qu'il frappe à notre porte.
16:29Il n'aura aucun épreuve.
16:31Il sera rejeté.
16:33On l'a compris.
16:35Vous l'écrivez dans votre livre.
16:37Vous dites, il m'a assuré qu'il était innocent.
16:39Je n'ai donc aucune raison de douter de lui.
16:41Mais la justice l'a quand même condamné
16:43à une peine de réclusion à
16:45perpétuité, Joe Peraldi.
16:47Oui, bien sûr, madame. Mais je veux dire,
16:49néanmoins,
16:51la justice n'a pas
16:53apporté la preuve matérielle
16:55de l'acte
16:57d'Ivan Koloda.
16:59Elle s'est plus basée sur des
17:01témoignages, bien sûr,
17:03il faut les prendre en compte, mais surtout
17:05sur l'intime conviction des juges.
17:07– Frédéric Bloquin,
17:09là-dessus, sur cette affaire,
17:11on ne va pas rester toute l'émission là-dessus,
17:13mais c'est important, puisque ça a quand même occupé
17:15vraiment
17:17l'information, l'actualité
17:19pendant des années.
17:21On sait aujourd'hui la vérité
17:23sur l'affaire Irignac, ou toujours pas.
17:25– Comme vient de le dire Joe Peraldi,
17:27la conviction,
17:29l'intime conviction des juges ne fait
17:31pas forcément des preuves,
17:33mais bon, il a été condamné, etc.
17:35Mais ce qui est important,
17:37il faut entendre Joe Peraldi lorsqu'il dit,
17:39quand il vous explique que lui, au moment
17:41où le préfet Irignac est exécuté,
17:43en fait, il est derrière sa télévision,
17:45Joe Peraldi, il ne s'attend absolument pas
17:47à cet événement, et il n'est pas impliqué
17:49dans la préparation de cet événement,
17:51qui a été préparé par un petit groupuscule
17:53qui a échappé à tout contrôle
17:55du FLNC, mais après coup,
17:57ce que je trouve assez puissant au niveau
17:59des valeurs qui existent encore au sein
18:01de cette organisation, après coup,
18:03il dit, bon, c'est un militant,
18:05c'est un militant nationaliste,
18:07quels que soient les faits
18:09qu'on puisse lui imputer,
18:11on va le protéger et le couvrir.
18:13Donc la question ne dépasse pas
18:15la culpabilité, la question dépasse
18:17complètement l'éventuelle culpabilité.
18:19– Non mais moi, je ne parlais pas de ça.
18:21– Si, j'ai compris. – Aujourd'hui ?
18:23– Pas avec certitude, mais il y a encore
18:25des doutes, il y a encore des doutes
18:27qu'on peut encore creuser,
18:29je veux dire, lui-même,
18:31Yvan Colonat a contesté sa toute
18:33participation, après il y a des experts
18:35qui se sont bagarrés, il y en a qui ont dit oui,
18:37non, il y en a qui ont dit qu'il était trop petit,
18:39que ça ne pouvait pas être lui, etc., je veux dire,
18:41il y a encore un doute, et si vous voulez,
18:43le fait qu'il ait été sauvagement assassiné
18:45par un islamiste dans une prison accroît encore plus
18:47le doute.
18:49Mais, voilà,
18:51ce que j'ai trouvé très fort,
18:53il ne vous a pas tout dit tout à l'heure sur la manière
18:55dont il a organisé cette cavale, mais moi,
18:57ce qui m'a impressionné, c'est l'énorme,
18:59l'exceptionnel logistique qu'il y a dans ce groupe.
19:01– Elle est impressionnante, effectivement.
19:03– C'est-à-dire qu'en gros, ils sont prêts à tout,
19:05ils sont prêts à organiser la cavale de qui il faut,
19:07quand il faut, et quand vous demandiez tout à l'heure
19:09comment Joe Peraldi faisait pour semer,
19:11c'est quand même extraordinaire, je veux dire,
19:13il a tous les services de renseignement,
19:15la DSC, la DGSE, tout le monde est dessus,
19:17c'est l'objectif numéro un,
19:19Nicolas Sarkozy, derrière,
19:21tous le monde le veut,
19:23et lui, il arrive,
19:25et c'est là où on va en venir probablement à sa formation,
19:27c'est qu'au sein du FLNC, on a des gens,
19:29sinon il n'aurait pas tenu aussi longtemps,
19:31qui ont une véritable formation
19:33à la clandestinité, qui savent monter
19:35des exfiltrations, et ce n'est pas la seule
19:37exfiltration d'ailleurs que raconte Joe Peraldi,
19:39il y a d'autres exfiltrations qui ont eu lieu,
19:41quand on dit exfiltration, c'est un processus militaire,
19:43en fait, ils agissent de manière militaire,
19:45ils ont été formés par l'armée française,
19:47pour un certain nombre d'entre eux,
19:49et c'est une action, cette exfiltration
19:51est une action de service de renseignement
19:53en réalité, parce qu'on est à la barbe
19:55de tous ces services, je veux dire, on est quand même,
19:57vous savez, toutes les routes sont surveillées,
19:59il faut une sacrée formation pour faire ça,
20:01on va en venir effectivement sur...
20:03absolument impressionnante, c'est ça que
20:05j'ai découvert en discutant
20:07au cours de ces entretiens avec Joe Peraldi,
20:09et c'est ça qu'on a voulu raconter dans ce livre.
20:11Joe Peraldi, je voulais vous demander tout à l'heure,
20:13effectivement, vous avez parlé du fait que vous aviez
20:15été arrêté, interpellé début
20:172000, on vous soupçonne
20:19à l'époque d'être l'un des auteurs
20:21du double attentat survenu à Jaccio,
20:23quatre mois plus tôt, contre l'URSSAF
20:25et la DDE, au final
20:27vous serez condamné à 15 ans
20:29de réclusion criminelle, qui vous a
20:31trahi ?
20:33Vous savez, je peux vous le dire,
20:35je vous donnerai pas les noms aussi, par respect,
20:37parce que c'est il y a plus de 30 ans, donc
20:39dans le livre, je donne les initiales
20:41simplement, par quatre proches,
20:43très proches de moi,
20:45des amis qui avaient 20 à 25 ans
20:47de militantisme,
20:49mais qui n'étaient pas
20:51impliqués dans
20:53l'action militaire, c'étaient des gens
20:55qui étaient des conseillers politiques
20:57de l'organisation.
20:59Voilà, simplement.
21:01Et j'ai été
21:03arrêté à ce moment-là.
21:05Alors ce combat pour défendre
21:07vos terres de Corse et ses valeurs,
21:09vous l'avez mené pendant plus de 50 ans,
21:11J'Opéra le Dit, comment avez-vous
21:13basculé dans la clandestinité
21:15en 1973 ?
21:17Vous nous direz tout dans un instant sur Sud Radio.
21:19...dans tous ses états, André Bercoff,
21:21Céline Alonso.
21:23Dans ce port nous étions, des milliers de garçons,
21:27nous n'avions pas le cœur
21:29à chanter des chansons,
21:31l'aurore
21:33était légère,
21:35il faisait presque beau,
21:39c'était la première fois
21:41que je prenais le bateau,
21:45l'Algérie.
21:47Serge Lama qui rend hommage aux milliers de soldats français
21:49qui ont combattu pendant la guerre d'Algérie.
21:51Cette guerre, J'Opéra le Dit,
21:53que vous avez vécue dans les services spéciaux,
21:55c'est la plus sale que la France
21:57ait eu à mener, écrivez-vous dans
21:59votre livre. Vous y avez
22:01été enrôlé donc très jeune, mais
22:03dès vos 8 ans, vous aviez appris
22:05déjà à manier les armes, et dès 13 ans
22:07vous alliez à l'école avec un pistolet
22:09dans le cartable.
22:11À l'époque en 1954,
22:13vous viviez en Kabili
22:15où vous êtes né,
22:17et le FLN à cette époque
22:19donc multipliait les actions
22:21sur tout le territoire algérien.
22:23Racontez-nous ce que vous avez vécu
22:25enfant J'Opéra le Dit.
22:29Je crois que j'ai vécu
22:31une partie de ma vie,
22:33si vous voulez, après la libération de mon père
22:35en 1944 au moment du débarquement
22:37allié
22:39dans le sud
22:41de la France.
22:43Mon père a été libéré à ce moment-là en 1944
22:45et nous avons rejoint une maison forestière
22:47où il était agent technique
22:49des eaux et forêts,
22:51dans une maison complètement isolée
22:53à 8 kilomètres de la ville.
22:55Donc là j'ai vécu
22:57en Kabili.
22:59Et là, si vous voulez,
23:01j'ai eu une vie paradisiaque.
23:03J'étais un gamin mais j'avais une vie,
23:05vous le verrez dans le livre.
23:07J'étais au paradis.
23:09Après j'ai eu un drame personnel.
23:11La mort de mon frère à 17 ans
23:13qui a perturbé
23:15terriblement mon père.
23:17Et survient un an après,
23:19si vous voulez,
23:21le soulèvement algérien,
23:23c'est-à-dire la guerre de libération nationale
23:25de l'Algérie.
23:27Le FLN algérien
23:29tuait tout ce qui n'était pas musulman.
23:31C'est-à-dire
23:33ça allait du berceau
23:35à la personne plus âgée.
23:37Et donc quand j'allais à l'école,
23:39je devais...
23:41Je savais manier les armes
23:43puisque mon père avait une dotation d'armes.
23:45Un mousqueton, une stène,
23:47un pistolet d'ordonnance 8 millimètres,
23:49des grenades, etc.
23:51Il y a 8 ans, je tirais déjà la stène.
23:53Voilà.
23:55Je savais manier les armes, y compris le pistolet.
23:57Et donc j'avais un Walther P38
23:59qui m'avait été donné.
24:01Et lorsque j'allais à l'école,
24:03j'avais un holster sous mon blouson.
24:05J'allais à pied.
24:07Il fallait traverser le cimetière et le village arabe
24:09pour arriver à l'école.
24:11Je rentrais dans un couloir,
24:13je cachais mon pistolet au fond du cartable.
24:15Mais le soir, en rentrant à la maison,
24:17je faisais la même chose.
24:19Je reprenais le chemin avec mon pistolet,
24:21avec une balle engagée dans le canon
24:23et je tombais sur un groupe
24:25qui m'aurait fait
24:274 de moi.
24:29— Ça a duré des années, ça ?
24:31— Ça a duré
24:33jusqu'en 1956.
24:35— D'accord.
24:37— Puis nous avons été, si vous voulez,
24:39rapprochés compte tenu des dangers
24:41qui devenaient de plus en plus importants
24:43sur les maisons forestières isolées et le tout.
24:45Nous avons été rapprochés sur la ville.
24:47Et là, bon,
24:49j'ai eu, puisqu'à l'arrivée,
24:51des difficultés,
24:53compte tenu de ce que j'avais vécu en maison forestière.
24:55Et si vous voulez,
24:57voilà, je suis passionné
24:59pour la photographie et ainsi de suite.
25:01Et je suis devenu,
25:03il y a 17 ans,
25:05correspondant de l'École d'Alger,
25:07le journal de M. Allain de Sérigny.
25:09Et c'est là où je fais ma première photo.
25:11— Et en mars 1960,
25:13donc vous êtes enrôlé dans les services spéciaux
25:15puis intégré à la sécurité militaire.
25:17Vous apprenez à confectionner
25:19des engins explosifs,
25:21à opérer sur le terrain dans la plus grande discrétion
25:23et à vous fondre
25:25dans les univers pour espionner les conversations
25:27des membres du FLN. Vous racontez tout ça
25:29dans votre livre. La guerre, ces années
25:31de guerre, quels souvenirs
25:33vous en gardez, Joe Peraldi ?
25:35— Alors, je vais dire très vite parce que
25:37je n'ai pas été affecté tout de suite
25:39dans les services spéciaux.
25:41Enfin, c'est un détail,
25:43mais qu'elle a son importance.
25:45Ils se sont trompés d'affectation.
25:47Je faisais une préparation
25:49d'élève officier sur char,
25:51sur demi-char, du chef de char
25:53à fond de l'eau.
25:55Et là, le colonel me convoque un soir en me disant
25:57qu'on s'est trompé d'affectation
25:59et m'envoie à Constantine, où j'ai été accueilli
26:01par le colonel qui dirigeait la sécurité militaire.
26:03Voilà. Donc si vous voulez,
26:05par principe et sur le nom
26:07de l'engagement sur l'honneur militaire
26:09que je portais,
26:11j'ai participé à beaucoup de choses,
26:13j'ai vu beaucoup de choses, je me suis décoré
26:15dans le pays, mais je ne peux pas parler
26:17des missions que j'ai pu acconduire.
26:19Ça ne se fait pas.
26:21C'est valable aussi pour l'effort spécial,
26:23c'est valable pour beaucoup de choses.
26:25Nous l'avons fait au nom du principe
26:27de l'attachement patriotique
26:29qu'on avait en cette terre,
26:31même si ce n'était pas la nôtre directement,
26:33mais enfin, on défendait une terre française
26:35et nous n'avons pas eu d'état d'âme.
26:37Donc à partir de là, j'ai servi
26:39la sécurité militaire, mais je ne rentrerai pas
26:41dans les... Et d'ailleurs, lors de mon procès,
26:43dans le livre, le président Coujard
26:45a dit que même
26:47la justice n'avait pas pu
26:49obtenir le détail
26:51des missions que j'avais pu offrir,
26:53parce que c'était toujours classé sous prédéfense.
26:55Et vous avez été un témoin direct
26:57des pires atrocités, on peut le dire,
26:59commises par le FLN à l'époque.
27:01Oui. Ce qui m'avait
27:03choqué, c'était lors de...
27:05Comment on l'appelle ?
27:07Un village de mineurs isolés
27:09du côté de l'Alalia,
27:11et là,
27:13les mineurs étant au fond de la mine,
27:15il restait
27:17les enfants, les épouses,
27:19les femmes âgées et les personnes âgées,
27:21les hommes. Ils sont
27:23arrivés dans l'après-midi,
27:25ils ont égorgé tout le monde,
27:27tué tout le monde,
27:29pendant que les mineurs étaient
27:31au fond de la mine, ils n'ont rien entendu.
27:33Tout s'est fait au couteau, et ci-de-suite.
27:35Et ce qui m'a surpris, c'est qu'il y a eu...
27:37Et là, ça m'a choqué, je l'avais dit, d'ailleurs.
27:39Il y avait trois bébés,
27:41nus, cloués en croix sur les portes
27:43des familles chrétiennes.
27:45Et là,
27:47j'avais dit à mes supérieurs,
27:49nous ne sommes plus dans une guerre de libération nationale,
27:51c'est leur droit, après tout, de vouloir reprendre
27:53leur terre, mais là, nous sommes dans les
27:55prémices d'une guerre de religion.
27:57Et c'est là que...
27:59D'ailleurs, ça a perduré.
28:01Chaque fois qu'il y avait une embuscade sur des militaires
28:03parce qu'ils avaient le temps
28:05de la barbarie,
28:07ils venaient mutuler les corps
28:09d'une manière incroyable, les gorger,
28:11les ventrer, les émasculer.
28:13Et moi, j'ai compris ce qu'ils faisaient ensuite.
28:15C'était plus une guerre de libération nationale.
28:17C'était vraiment des massacres
28:19organisés, de la barbarie.
28:21Donc c'est pour ça
28:23que la guerre
28:25est devenue une guerre sale.
28:27Devant toutes ces atrocités,
28:29nous ne pouvions pas non plus
28:31dire, voilà, en goûtant le coup,
28:33dégorgez-nous.
28:35Il y a eu une prise de position
28:37de certains d'entre nous pour
28:39répondre de manière appropriée.
28:41Attention, moi,
28:43je veux vous dire franchement,
28:45ce qui m'a choqué dernièrement,
28:47c'est participer à l'armée française.
28:49Et je veux qu'on respecte
28:51l'armée française qui a combattu en Algérie
28:53et qu'on ne l'accuse pas, qu'aujourd'hui,
28:55on ne fasse pas ce qu'on appelle
28:57de prendre
28:59toutes les fautes sur nous,
29:01c'est d'auto...
29:03qu'on appelle condamnation,
29:05ou non,
29:07comme l'a fait le président,
29:09le président d'ailleurs,
29:11quand il disait...
29:13– Jean-Pierre, je vais vous poser la question,
29:15quand vous entendez qu'on dit que,
29:17pour être les déclarations publiques,
29:19présidence notamment présidentielle
29:21d'un candidat à la présidence à l'époque
29:23qui était en Algérie, pour dire
29:25que la colonisation en Algérie
29:27était un crime contre l'humanité,
29:29vous avez réagi comment ?
29:31– Bien, si vous voulez,
29:33je reconnais une chose,
29:35et ça je vous le dis, j'ai vécu en Algérie,
29:37j'ai vécu des choses inacceptables
29:39de la part de l'État là-bas,
29:41notamment au niveau des collèges,
29:43lorsqu'il y avait des élections,
29:45le candidat qui représentait les Européens,
29:47comme on l'appelle, la France,
29:49et celui qui représentait le français et le musulman,
29:51au moment du dépouillement,
29:53une voix pour le candidat européen,
29:55ça valait une voix, et l'autre,
29:57il fallait dix voix pour compter une voix,
29:59ça c'était inacceptable.
30:01Il y a eu cette colonisation
30:03qu'il ne faut pas non plus rejeter.
30:05Néanmoins, lorsque je suis revenu en Corse,
30:07j'ai trouvé une Corse
30:09dans une paupérisation
30:11que je n'avais pas connue en Algérie.
30:13En Algérie, il y avait des écoles en dur,
30:15des routes éclairées,
30:17de l'eau au robinet,
30:19tout ce que vous voulez, et en Corse,
30:21il n'y avait pas tout ça.
30:23La Corse, c'était la paupérisation
30:25dans tous les villages, pas d'école,
30:27pas d'électricité, pas d'eau, pas de téléphone.
30:29Bon, ça, ça m'a choqué.
30:31— C'était à ce point, la Corse.
30:33— Oui, oui, je vous le dis, paupérisation totale.
30:35— Vous dites même, précisément,
30:37j'étais à mille lieux d'imaginer
30:39à quel point nous étions, nous, les Corses,
30:41considérés comme un sous-peuple.
30:43— C'est vrai.
30:45Je le reconnais, à l'époque, c'était ça.
30:47Et si vous voulez, il y avait...
30:49Après, j'ai découvert, au fur et à mesure de mes reportages,
30:51et j'ai connu le système politique corse,
30:53il y avait, si vous voulez,
30:55une sorte d'élu
30:57qui se faisait réélire
30:59de père en fils, comme s'il avait une descendance
31:01dynastique, hein.
31:03Et ça, depuis des générations et des générations.
31:05Et ce qui m'a choqué,
31:07c'est qu'il y avait le clientélisme, l'asticiana,
31:09la fraude électorale
31:11et beaucoup d'autres choses.
31:13On votait... Une personne de la famille votait
31:15pour un élu. Il fallait voter à vie.
31:17C'était l'aliénation à vie du vote.
31:19Et là, avec des amis qui revenaient d'Algérie,
31:21d'Indochine et de partout, on a dit
31:23qu'on ne peut pas supporter d'avoir ça.
31:25Et c'est là que nous avons commencé...
31:27— Oui. La Corse ressemblait vraiment
31:29à une république bananière, en quelque sorte.
31:31— Oui. Hélas, beaucoup plus grave.
31:33Quand je dis que je n'ai pas combattu la France,
31:35et ça, c'est une réalité,
31:37j'ai combattu le système français,
31:39le gouvernement et ceux qui étaient au pouvoir
31:41de fermer les yeux sur le comportement
31:43de ce... Ce qu'on appelle
31:45ces fraudeurs,
31:47ces gens qui n'étaient... Voilà.
31:49Parce qu'ils appartenaient au même parti du gouvernement
31:51qui était en place
31:53à Paris. Donc on ne voulait pas sans doute
31:55faire de... Voilà. Et on considérait ça
31:57comme du folklore corse.
31:59Non. Il y avait une absente d'État de droit,
32:01une absence de liberté
32:03démocratique. Et là, nous n'avons pas supporté.
32:05— Eh oui. Et donc le 5 mai...
32:07— Et c'est comme ça que vous avez fondé
32:09le mouvement ? — Eh oui. Le 5 mai
32:111976... — Non. Alors le mouvement, je vous explique,
32:13c'est... Là, j'arrive en 63.
32:15— Oui. — En Corse.
32:17Et je vis pendant 5 ans... Je découvre
32:19toutes ces choses-là. En 69,
32:21il y a le général de Gaulle qui avait prévu
32:23de faire la régionalisation.
32:25— Tout à fait. — Et j'accompagne un mouvement
32:27qui était régionaliste.
32:29Puis arrivent les frères Simeoni, Max
32:31et Simon... et Edmond, pardon,
32:33qui créent un mouvement
32:35autonomiste. Et l'autonomie
32:37qu'ils demandaient n'était pas une autonomie
32:39avec beaucoup de pouvoir.
32:41Ils voulaient une autonomie de gestion,
32:43à savoir que ça leur donnait la possibilité
32:45d'avoir une observation
32:47sur les fonds publics,
32:49d'avoir un contrôle des fonds publics.
32:51Ça n'allait pas jusque-là.
32:53C'était une autonomie de gestion. Et l'État n'a jamais
32:55voulu nous entendre.
32:57À partir de là, il y avait aussi
32:59les rapatriés d'Algérie, que nous appelions
33:01les colons, qui avaient bénéficié
33:03de terres qui étaient destinées
33:05à des jeunes agriculteurs
33:07corses, des dizaines et des dizaines
33:09d'hectares, et qui ont créé
33:11des... Comment on l'appelle ?
33:13Des vignobles énormes.
33:15Puis il y a eu cette histoire de la
33:17chaptalisation, c'est-à-dire qu'on mettait des kilos
33:19de sucre dans le vin pour
33:21le faire gagner en degrés.
33:23Et là, c'est là qu'Edmond Siméon crée Aléria.
33:25On ne va pas revenir là-dessus.
33:27C'était l'élément déclencheur,
33:29si vous voulez, de la prise en compte
33:31du peuple corse,
33:33qu'il y avait un véritable problème en Corse.
33:35Et donc, si vous voulez, après Aléria,
33:37l'État
33:39ne nous entendait pas toujours.
33:41Il n'est toujours pas entendu sur nos revendications.
33:43Et c'est là que nous décidons,
33:45le système perduré,
33:47de faire parler le plastique,
33:49c'est-à-dire de créer un groupe
33:51afin de faire
33:53des attentats sans faire
33:55de victimes. Tous les attentats
33:57que nous avons faits n'ont fait aucune victime,
33:59ni blessé, ni mort.
34:01Il y avait beaucoup de dégâts matériels.
34:03Ça s'est
34:05toujours passé comme ça.
34:07Ensuite, si vous voulez,
34:09l'État,
34:11devant les attentats
34:13qui perduraient,
34:15il y en a eu jusqu'à 106,
34:17en 82, au moment de la première
34:19installation
34:21de la première assemblée territoriale
34:23corse. Donc, si vous voulez,
34:25on a continué.
34:27Et là, l'État, en 83,
34:29nous met
34:31des barbouzes en place,
34:33un système barbouzard, c'est-à-dire avec de gros voyous
34:35venant du sud de la Corse
34:37et même de Sardaigne,
34:39il a éliminé 14 militants nationalistes,
34:41d'où l'enlèvement d'Alain Orsoni,
34:43de Guy Orsoni, pardon, du frère.
34:45Enlevé, torturé au chalumeau
34:47et à la fin, ils lui mettent une balle dans la tête
34:49parce qu'il ne parlait pas.
34:51Aujourd'hui, le corps n'est toujours pas retrouvé.
34:53Et donc,
34:55nous avons combattu
34:57aussi ces choses-là.
34:59– Juste une question,
35:01Frédéric Bloquin,
35:03et vous-même, Joe Paradis,
35:05c'est vrai que quand on écoutait
35:07l'extérieur, on a l'impression
35:09que l'FLNC,
35:11alors il y avait, vous savez,
35:13on disait, il y a eu cette histoire
35:15des touristes, on a détruit
35:17des résidences secondaires,
35:19etc.
35:21Mais la question que je voudrais vous poser,
35:23c'est
35:25est-ce qu'il y a eu des...
35:27est-ce qu'il était question, parce qu'il y en avait,
35:29qu'ils voulaient l'indépendance totale
35:31de la Corse, c'est-à-dire certains,
35:33je sais que ce n'est pas votre cas,
35:35mais qu'ils voulaient absolument
35:37que la Corse devienne un pays,
35:39un pays indépendant, détaché
35:41de la France. Est-ce que ça a été
35:43une minorité qui a voulu ça
35:45ou du moins c'était un mouvement important
35:47qui voulait que la Corse, il y a
35:49193 pays à l'ONU,
35:51et que la Corse devienne un pays indépendant.
35:53Est-ce que ça a été important
35:55ou pas du tout pour la Corse ?
35:57– Je peux répondre.
35:59Attends, je te passe la parole, Frédéric.
36:01– Non, t'es mieux placé là pour répondre
36:03sur ce point-là. – Voilà, sur ce point-là.
36:05Si vous voulez, au départ,
36:07il n'y a pas eu de...
36:09Il y avait un soulèvement,
36:11une prise en compte, et il y avait
36:13l'ensemble des...
36:15qu'on appelle des sensibilités politiques
36:17qui s'étaient mises pour défendre
36:19la Corse et obtenir la leur
36:21vendication première qui était l'autonomie
36:23de plein exercice, celle que nous voulons
36:25encore aujourd'hui et qui n'a pas lieu.
36:27Il y a eu, au fil du temps,
36:29en raison de divergences
36:31politiques ou pour exister,
36:33des partis qui n'étaient pas d'accord
36:35qui sont devenus indépendantistes
36:37pour être différents, pour exister,
36:39si vous voulez, politiquement par rapport
36:41à ce que nous, nous voulions. Il fallait trouver
36:43donc une autre idéologie. Et ces mouvements
36:45indépendantistes n'ont jamais fait
36:47plus de 6-7%.
36:49– D'accord. – Voilà.
36:51Alors que la dernière élection, 2021,
36:53de la mouvance
36:55que nous portions pour l'autonomie,
36:57les quatre mouvements
36:59qui se sont présentés ont fait quand même
37:0174% des voix.
37:03– Oui. – Pour l'autonomie de plein exercice.
37:05– Et oui, Joe Peraldi, aujourd'hui,
37:07selon vous, le projet de reconnaissance
37:09du statut d'autonomie de la Corse dans la République
37:11peut-il aboutir ? On va en parler
37:13dans un instant sur Sud Radio. À tous.
37:15– Sud Radio, la culture dans tous ses états.
37:17André Bercoff, Céline Alonso.
37:19...
37:35– Il m'ouvrait les yeux.
37:37– Qui rend hommage à l'île de beauté André Bercoff.
37:39Joe Peraldi,
37:41pendant plus de 50 ans, vous avez mené une guerre
37:43pour l'autonomie de la Corse.
37:45Elle a été ponctuée de milliers d'attentats,
37:47entre 30 et 40 000.
37:49À ce propos, dans votre livre,
37:51vous écrivez ceci, si nous avions été écoutés,
37:53si nos revendications avaient été prises en compte
37:55dès 1975,
37:57nous aurions évité
37:59les milliers d'années
38:01de prison encaissées par nos militants
38:03et tant de morts. Le recours
38:05à la violence, vous le regrettez ?
38:09– Non, absolument pas.
38:11Vous savez que lorsque je fais une observation
38:13d'une situation
38:15et qui nécessite une réaction
38:17de ce genre,
38:19si nous allions aux urnes,
38:21nous allions aux urnes,
38:23et que le résultat devait être faussé
38:25systématiquement.
38:27Il y avait un rejet, si vous voulez,
38:29du respect de la démocratie
38:31et des urnes.
38:33Là, on ne l'avait pas en Corse.
38:35Donc, devant la surdité
38:37de Paris
38:39et le comportement du système Corse,
38:41j'ai décidé qu'il fallait faire parler
38:43le plastique pour être entendu de Paris.
38:45Mais ça a été très long.
38:47Comme d'habitude, d'ailleurs.
38:49Je vois la guerre d'Indochine,
38:51la guerre d'Algérie, et ainsi de suite.
38:53Il a fallu faire en Algérie
38:55plus de 30 000 morts, pour finalement quoi ?
38:57Alors que nous avions gagné militairement
38:59quelques mois après,
39:01au mois de septembre
39:031961-62,
39:05annoncé l'autodétermination
39:07pour l'indépendance d'Algérie.
39:09Je vous avoue que ça a été un choc pour nous aussi.
39:11Bon, maintenant,
39:13concernant la Corse,
39:15j'en regrette rien.
39:17Je ne regrette rien de toute ma vie.
39:19Ce que j'ai fait durant toute ma vie,
39:21ça a toujours été réfléchi, réalisé,
39:23et sans aucun regret.
39:25— Vous n'avez aucun regret,
39:27mais comment vous vivez, par exemple,
39:29le fait d'être fiché sur la liste
39:31des terroristes au même titre que Ben Laden ?
39:33— Vous savez ça,
39:35il faut le poser. C'est peut-être la question
39:37qu'il faut poser aux pouvoirs parisiens.
39:39Moi, je ne me sens pas...
39:41Je n'ai jamais été terroriste,
39:43et je ne serai jamais terroriste.
39:45J'ai toujours toute ma vie combattu le terrorisme
39:47et ses actions inacceptables,
39:49c'est-à-dire la barbarie.
39:51Donc à partir de là,
39:53je voudrais qu'on prenne en compte
39:55que je suis un patriote corse.
39:57Je suis attaché à ma patrie,
39:59et je suis attaché à ma terre,
40:01à ma langue, à mes trucs,
40:03comme on le doit l'être, d'ailleurs,
40:05sur le territoire national en France continentale,
40:07on est patriote, on défend la patrie,
40:09on défend sa langue, on se vend ses valeurs,
40:11et on défend tout ce qui représente,
40:13ce qui fait... — On défend son identité,
40:15c'est ça, Jean-Pierre Aldi.
40:17— On défend son identité,
40:19et aussi son attache à la terre et à la patrie.
40:21— Mais selon vous, est-ce qu'aujourd'hui, justement,
40:23l'autonomie de la Corse peut-elle aboutir ?
40:25— Oui.
40:27Vous savez, je veux dire,
40:29malgré la crise politique grave
40:31que vous avez en France,
40:33enfin, que nous avons, puisque la Corse fait partie,
40:35je sais, oui, bien sûr,
40:37l'autonomie ne nous donne pas l'indépendance, hein,
40:39M. Macron.
40:41Il nous donne un pouvoir dans le cadre de la République,
40:43soyons clairs.
40:45Le premier pilier d'autonomie,
40:47c'est le pouvoir égalien.
40:49Ça, c'est l'État, totalement.
40:51Le deuxième pilier, c'est la responsabilité partagée.
40:53Et le troisième, c'est d'avoir le pouvoir
40:55de modifier les lois
40:57votées par le Parlement français.
40:59On les modifie, on les applique aux besoins de la Corse.
41:01Ça s'arrête là. Donc nous avons une reconnaissance
41:03dans notre intérim.
41:05— Et vous souhaitez que ceci advienne,
41:07parce que ce n'est pas encore le cas.
41:09— Oui. C'est en cours.
41:11Et d'après ce que je sais,
41:13il y a une majorité à l'Assemblée nationale.
41:15Il y a les 12 présidents de région
41:17qui sont favorables.
41:19Et donc, j'ai espoir
41:21que l'autonomie aboutira.
41:23— Frédéric Bloquin...
41:25— C'est la solution. C'est la solution.
41:27— Frédéric Bloquin, juste une dernière question.
41:29Est-ce que...
41:31J'ai fait ce livre. Est-ce que pour vous,
41:33la question de la Corse... Je pose même la question
41:35à l'observateur et à l'écrivain.
41:37Est-ce que pour vous,
41:39il faut arriver très vite
41:41à cette véritable autonomie de la Corse ?
41:43— Disons que
41:45quand on fait le bilan de la vie de Joe Peraldi
41:47et de ses amis
41:49qui ont créé cette organisation clandestine,
41:51finalement, quand ils ont démarré dans les années 70,
41:53ils pesaient pas lourd dans les urnes.
41:55Peut-être, comme le dit Joe Peraldi,
41:57entre autres parce que les votes étaient truqués.
41:59Et 40 ans après, forcés de constater
42:01que les idées autonomistes
42:03sont majoritaires en Corse.
42:05Donc à partir de là, je pense qu'il est légitime
42:07et normal pour un État de respecter,
42:09on va dire, l'opinion qui est exprimée
42:11dans les urnes. C'est ça, l'histoire.
42:13Mais c'est pour ça que ce livre
42:15est à la fois... Bon, c'est pas un constat
42:17d'échec. Et au final,
42:19Joe Peraldi... — Non, c'est pas du tout.
42:21— Il termine presque sur une note positive.
42:23Parce qu'on n'en est pas loin. Bon, la dissolution
42:25a un peu retardé le processus,
42:27la dissolution de l'Assemblée nationale.
42:29Mais ça va revenir sur le terrain.
42:31C'est vrai qu'on parle de politique.
42:33Mais moi, ce que je voudrais rappeler aux lecteurs,
42:35c'est que ce livre,
42:37« Confessions d'un patriote corse »,
42:39le titre, je l'ai volontairement choisi comme ça,
42:41on plonge dans l'intimité,
42:43véritablement dans l'intimité
42:45d'une organisation clandestine.
42:47On comprend comment
42:49ont été recrutés les jeunes militants.
42:51On voit Joe Peraldi avec sa cagoule
42:53en train de faire le tri
42:55entre les militants parrainés.
42:57— Et on voit Joe Peraldi à 13 ans avec son...
42:59— Non, mais ce que je voudrais dire,
43:01juste pour finir là-dessus, c'est qu'il y a des dizaines
43:03et des centaines de jeunes corses qui voulaient rejoindre
43:05l'organisation, mais qu'il a fallu
43:07à Joe Peraldi faire le tri
43:09pour justement que l'organisation ne grossisse pas trop
43:11et qu'elle tienne le choc
43:13face à la police et aux investigations.
43:15— Merci à vous deux. Merci à Joe Peraldi.
43:17Et merci à Frédéric Bloquin.
43:19— Et tout de suite, sur Sud Radio, vous retrouvez Brigitte Lahaie.

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