• il y a 3 mois
André Bercoff et Céline Alonzo parlent de la sortie en salles de "Tatami", le film le plus captivant de cette rentrée : triller politique intense qui dénonce la façon dont les athlètes iraniennes sont traitées par le régime des mollahs.

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2024-09-05##

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Transcription
00:00La culture dans tous ses états, André Berkhoff.
00:05Et oui, ce rap de Justina André Berkhoff, une artiste iranienne réputée pour ses textes
00:20féministes et engagés, ouvre un film israélien, puissant, sorti hier au cinéma André Berkhoff.
00:28Ce film, c'est Tatami.
00:30Oui, d'abord, la culture, Céline Lanzo, on le fait ensemble.
00:33La culture, c'est pas seulement André Berkhoff, c'est aussi Céline Lanzo.
00:37Et je voudrais dire que j'ai vu ce film avant-hier et c'est un film magnifique.
00:47Il sort en France et il faut le voir.
00:51Quand je dis il faut le voir, c'est un film qui n'est pas seulement
00:54admirablement réalisé, admirablement rythmé.
00:57Mais c'est un film sur la liberté et les films sur la liberté, vous savez, c'est
01:01un grand chapitre du patrimoine du cinéma sur la liberté.
01:07Et là, il s'agit évidemment de l'Iran, de ce qui s'est passé.
01:10Et c'est non seulement très bien fait et très bien interprété,
01:14admirablement interprété et admirablement mis en scène.
01:17Je le dis parce qu'on a l'impression de dire oui, mais vous faites des hyperboles.
01:21Bon, pas du tout, parce que c'est un film qui m'a rappelé vraiment un certain
01:24nombre de films. Vous voyez, par exemple, un côté spectaculaire qui n'a rien à
01:28voir qui étaient les films de Sylvester Stallone.
01:31Je parle de le plan de la réalisation.
01:34Bien sûr, ça n'a rien à voir le sujet.
01:36Et puis, ces films sur la liberté, sur ces films, quand on parle des Indiens,
01:40quand on parle d'un certain nombre de choses et vous avez toujours eu ça.
01:43Et là, Céline, ce qui est fascinant dans ce film,
01:47c'est qu'on voit comment des femmes conquièrent leur liberté
01:52et ont toujours des choix terribles à faire et comment ces choix sont faits.
01:56Et oui, ces femmes, ce sont surtout des athlètes iraniennes, André Berkhoff,
01:59au-delà d'être un thriller politique fascinant.
02:02Ce film est un acte de résistance.
02:04On va en parler dans un instant sur Sud Radio avec l'actrice franco-iranienne
02:08Zahra Mir, qui est co-réalisatrice de ce film.
02:11On va aussi en parler avec la principale interprète.
02:14Exactement. On va aussi en parler avec Elham Erfani, actrice aussi dans ce film,
02:18mais surtout co-scénariste et directrice artistique.
02:21Et Sadaf Kdm, première femme iranienne à avoir disputé un combat de boxe professionnel,
02:28tête nue et ce, sur le sol français, sera avec nous sur Sud Radio.
02:33Dans un instant, alors, restez avec nous.
02:34On fait une petite pause, mais on revient très vite.
02:37Pagne l'héroïne du film Tatami.
02:40On peut dire que c'est le film le plus percutant de cette rentrée, André.
02:43Il est sorti hier en salle dans toute la France
02:46et apparemment, les audiences sont déjà très successfoules, André.
02:50Eh bien, on va en parler tout de suite avec une partie...
02:53Plus successfouls, plus succès, on part de là.
02:55Exactement.
02:56Et pour parler de ce film qui a rempli déjà les salles françaises,
03:02eh bien, nous avons le plaisir de recevoir une partie de l'équipe de ce film,
03:05notamment Zahra Mir, Elham Erfani et Sadaf Kdm.
03:10Alors, bonjour à vous trois et merci d'être avec nous sur Sud Radio.
03:14Zahra Mir, vous êtes franco-iranienne.
03:16Vous avez co-réalisé ce film avec le réalisateur israélien Guy Nativ.
03:22On peut dire quand même que cette collaboration artistique est vraiment historique.
03:27Oui, d'abord, bonjour.
03:29Oui, c'est tout à fait historique.
03:32C'est la première fois que les Iraniens et les Israéliens travaillent ensemble.
03:38C'est bien que ce soit pour un projet de paix et de créativité,
03:40et pas un projet de guerre, pour une fois.
03:42Moi, je ne suis pas trop pour passer des messages,
03:45mais là, cette fois-ci, il y a vraiment un message,
03:47surtout dans cette collaboration,
03:50et que pour moi, c'est la paix et l'amitié.
03:52Alors, comment c'est venu ce film ?
03:54L'histoire, racontez-nous, comment c'est venu ?
03:57Comment ça s'est...
03:58Vous me demandez aussi à Elham Erfani, bien sûr,
04:00mais comment ça s'est passé ?
04:01L'idée vient de Guy Nativ,
04:06et Guy a eu l'Oscar pour un court-métrage qui s'appelle Skin.
04:11Il est un réalisateur formidable,
04:15et il trouve cette idée.
04:17Il lit un article, si je ne me trompe pas, pendant la pandémie,
04:21sur la même histoire des judokas iraniens
04:25qui ne peuvent pas rencontrer les judokas israéliens.
04:31Oui, parce que le judo, c'est fort en Iran, en Israël aussi,
04:35du coup, la plupart du temps,
04:37ils se rencontrent dans les Jeux Olympiques ou les championnats du monde.
04:43Et voilà, du coup, ils commencent à chercher un petit peu d'autres cas.
04:49Il y a toute une longue, longue, longue liste des athlètes iraniens
04:53qui ont vécu la même histoire,
04:56qu'ils étaient empêchés, qu'ils étaient obligés de faire semblant,
04:59parce que c'est interdit,
05:00mais il y a toute une pression de la part du gouvernement iranien
05:04sur les athlètes pour ne pas rencontrer les Israéliens.
05:07C'est ce que vous racontez, c'est le sujet de votre film, d'ailleurs.
05:09Voilà, et c'est comme ça que Gaï, il trouve Elham,
05:14et ils commencent à écrire ensemble,
05:16et il y a toute une rencontre avec Sadaf Kadem,
05:20et Sadaf, elle devient...
05:21La boxeuse.
05:23Effectivement, Sadaf Kadem, effectivement,
05:25qui vient de nous rejoindre sur Sud Radio en direct,
05:28qui est, il faut le dire, la première femme iranienne
05:30à avoir disputé un combat de boxe professionnel,
05:33tête nue, André.
05:35Bonjour à vous, Sadaf.
05:38Bonjour à toutes et à tous.
05:39Je suis très, très ravie que je sois là.
05:42Je m'excuse que je fasse un distanciel.
05:44Désolée, j'ai un travail avec assez de responsabilités,
05:47mais je suis très, très ravie que je sois là.
05:50Et merci pour votre invitation.
05:52Et oui, alors, votre destin, on peut le dire,
05:55votre destin a vraiment basculé.
05:56C'était le 13 avril 2019,
05:58c'est ce jour-là à Royan, en Charente-Maritime.
06:01Eh bien, pour la première fois de votre vie,
06:03vous montez sur un ring,
06:05vous veniez d'Iran.
06:06En Iran, ce rêve, vous ne pouviez pas le réaliser.
06:09Racontez-nous.
06:11En fait, moi, je suis venue en France
06:14grâce à M. Mouachepour.
06:17Moi, en Iran, j'étais basketuse.
06:19Pendant dix ans, je faisais le basket.
06:21Et en 2016, j'ai décidé d'essayer le boxe.
06:25J'ai découvert la boxe.
06:28Mais malheureusement, en Iran,
06:30la fédération de boxe pour les femmes,
06:32ça n'existe pas.
06:33C'est pourquoi, trois ans,
06:35j'ai cherché dans les autres pays
06:38quelqu'un qui pouvait organiser un combat.
06:40Je suis allée en Turquie, en Arménie,
06:44en Azerbaijan.
06:45Mais quelqu'un qui pouvait organiser
06:47un combat officiel,
06:48moi, je n'ai pas trouvé.
06:51Par hasard, en 2016,
06:53j'ai envoyé un message à M. Mouachepour.
06:56Mais pourquoi M. Mouachepour ?
06:57Parce que M. Mouachepour,
06:58il est le seul Franco-Iranien
07:02qui est six fois champion du monde.
07:04Et il est un héros en Iran.
07:06Donc, tout le monde le connaît.
07:07Je l'ai contacté en disant
07:10« M. Mouachepour,
07:11moi, je suis sadaf radin,
07:12je suis boxeuse, je m'entraîne,
07:14mais j'ai envie de faire un combat de boxe.
07:17Est-ce que vous pouvez m'aider ? »
07:18M. Mouachepour, il a accepté.
07:20Il a organisé tout.
07:21Que je vienne en France.
07:23Et vraiment, je suis venue
07:25pour faire un combat de boxe.
07:27Et je suis retournée chez moi
07:28pour deux semaines.
07:29Et puis, vous êtes restée.
07:31Et oui, alors vous avez remporté
07:32avec succès ce combat,
07:35mais vous n'avez pas pu
07:36retourner en Iran après.
07:37Qu'est-ce qui s'est passé ?
07:38Pourquoi ?
07:39En fait,
07:42moi, en tant que sportive,
07:43je suis venue pour faire
07:44un combat de boxe
07:46et retourner chez moi.
07:47Mais j'ai fait ce combat
07:49sous la règle de la Fédération de boxe en France.
07:52Parce que moi, j'ai demandé
07:53la licence de boxe
07:55à la Fédération de boxe en Iran.
07:59Mais ils n'ont pas donné l'autorisation.
08:01Parce qu'ils disent que
08:02si Saddam peut participer à ce combat,
08:04s'il veut discuter,
08:06il faut qu'il porte la voix.
08:09Il faut qu'il fasse ce combat
08:13avec notre règle.
08:14Donc, en France,
08:15nous sommes un pays laïque.
08:17Ils n'ont pas accepté.
08:19Et M. Mouachepour,
08:20il a demandé l'autorisation
08:21du combat
08:23sous la Fédération de boxe
08:24en France.
08:25À l'époque,
08:27Maïa Mouachepour avait reçu
08:29des menaces du gouvernement.
08:32En fait, moi, quand je suis venue ici,
08:37j'étais au courant
08:38sur quelques médiatisations
08:40au niveau européen.
08:41Mais heureusement ou malheureusement,
08:45je ne sais pas comment dire,
08:46mon combat a été diffusé
08:50sur une chaîne
08:52qui s'appelle Iran International.
08:54C'était basé en Angleterre.
08:56C'était contre le gouvernement d'Iran.
08:58Et cette chaîne a diffusé mon combat.
09:02Et mon combat a été diffusé
09:05partout dans le monde entier.
09:06Et c'est pourquoi,
09:07aujourd'hui, je suis connue,
09:09mais c'est pourquoi
09:11je n'avais pas le courage
09:13de retourner en Iran.
09:14En tout cas, c'est un...
09:15Je n'ai pas reçu de menaces.
09:17C'est un des...
09:18M. Mouachepour, il a...
09:20Je comprends.
09:21C'est un des...
09:23Vous êtes parmi une cinquantaine
09:26et plus, une centaine d'athlètes, etc.
09:29qui ont eu ces problèmes.
09:30Et on ne peut pas rentrer en tous les détails
09:31parce qu'il faudrait raconter ça
09:32pendant une heure.
09:35Moi, je voudrais revenir au film.
09:36Je voudrais revenir à Tatami,
09:38qui, effectivement,
09:39s'est inspiré de votre histoire.
09:42Sadaf Kadhem.
09:43C'est inspiré, c'est inspiré.
09:44C'est une inspiration
09:45parce que dans un premier temps,
09:47je ne suis pas réfugiée.
09:49Je n'ai jamais accepté d'être réfugiée.
09:50Non, non, bien sûr, M. Mouachepour.
09:51On ne dit pas que c'est votre histoire.
09:53C'est inspiré par...
09:54Par de nombreux athlètes iraniens.
09:56Et là, Mère Fanny,
09:58je sais que vous avez beaucoup enquêté
10:00sur ce sujet.
10:01Vous êtes la scénariste du film.
10:03Vous avez entendu rencontrer
10:06beaucoup d'athlètes
10:06qui vous ont raconté ce même...
10:10Oui, bonjour d'abord.
10:12Oui, quand j'ai contacté Gaï
10:14parce que j'ai entendu
10:15qu'il y a un projet sur l'Iran.
10:17J'étais fascinée.
10:18J'avais vraiment envie de travailler avec lui
10:19puisque j'avais déjà vu son travail.
10:21Ses films qui ont été
10:24quand même dans pas mal de festivals.
10:26Et j'adorais son style
10:28en tant que réalisateur.
10:29Et bien,
10:31quand il m'a parlé de son idée
10:32sur les athlètes,
10:34en premier temps,
10:35même en tant qu'une Iranienne,
10:37je n'étais pas au courant
10:38parce que c'est tellement caché en Iran
10:40qu'on ne sait pas vraiment...
10:41Il y a des murs, c'est cloisonné.
10:43Tout à fait, tout à fait.
10:44Et puis, voilà.
10:45Donc, puisque je suis plutôt artiste
10:47et pas athlète,
10:47donc je n'ai pas vraiment creusé avant.
10:49Et quand il m'a parlé de ça,
10:50le premier réflexe que j'ai eu,
10:53c'était vraiment de déjà penser à ma vie.
10:57De dire, bon, si tu vas faire ce projet,
10:59tu ne peux plus retourner en Iran.
11:02Ça, c'est sûr que déjà,
11:04une collaboration avec Israël
11:06et surtout sur ce sujet qui est un peu politique.
11:10Donc, du coup, voilà.
11:11Donc, j'ai pris une décision énorme.
11:14Vous avez fait le scénario ensemble avec le réalisateur.
11:17En fait, on a parlé de l'idée.
11:19On a fait beaucoup d'échanges.
11:20Il m'a envoyé aussi ses idées.
11:22On a commencé à écrire
11:23et on a commencé à développer les personnages
11:25parce que, de son point de vue,
11:29il y avait plein de choses qui n'allaient pas.
11:31Parce qu'il faut vivre en Iran
11:33pour mieux comprendre les situations.
11:35Et donc, du coup, j'ai pris le relais.
11:36Et puis, on faisait beaucoup d'échanges.
11:38Il était à Los Angeles, j'étais à Paris.
11:40Donc, pendant des mois.
11:41Et puis, voilà.
11:42Et Arin Mandi est arrivé dans le projet aussi.
11:46Puis après, voilà.
11:47Donc, il a pris des cours de judo
11:49et moi, j'ai été son dialogue coach.
11:50Et c'est comme on le voit dans le film,
11:52comme vous le décrivez, ces athlètes,
11:53quel type de pression reçoivent-ils
11:56de la part du gouvernement ?
11:59Ils font pression sur la famille, sur leurs enfants ?
12:02Racontez-nous.
12:02Alors, si vous voulez,
12:04moi, j'ai contacté des athlètes en France et ailleurs.
12:08Et aussi, j'ai parlé pendant les recherches
12:11avec des athlètes iraniens ou iraniennes aussi,
12:14même dans ma famille,
12:15parce que j'ai deux nièces qui jouent au karaté,
12:17qui sont coachs.
12:18Donc, je disais comment ça se passe quand vous partez
12:21pour les matchs.
12:22Et donc, j'ai vraiment creusé les détails
12:24pour mieux comprendre.
12:25Et l'oppression, c'est assez énorme.
12:28Et surtout, vous voyez, c'est un sort de frustration
12:31parce qu'ils travaillent pendant des années et des années
12:33pour avoir la médaille.
12:34Et une fois, ils disent que voilà, dès qu'on arrive,
12:38si on se trouve dans les mêmes situations,
12:39on ne sait pas comment il faudrait, vous savez.
12:42Et j'ai parlé avec un ami qui connaît très bien
12:45une personne en Iran
12:46que je ne pourrais pas donner le nom, peut-être.
12:48Et donc, il était dans la même situation,
12:50qui a fait la décision d'accepter la loi iranienne.
12:56Et du coup, il est retourné en Iran.
12:59Il a eu vraiment un poste avec beaucoup de récompenses.
13:02Et du coup, voilà.
13:03Donc, c'était vraiment la réalité.
13:04C'est vraiment inspiré par des vraies histoires.
13:07Et oui, Zahramir, ce film,
13:09donc vous l'avez écrit effectivement
13:11avant la révolte des femmes, racontez-nous.
13:14La révolte des femmes en Iran, bien sûr.
13:17Bien sûr, c'était écrit avant,
13:19mais on s'est retrouvés sur le plateau
13:22deux mois après la mort de Massa Jinnah Amini,
13:28qui a fait toute une révolution
13:30qui continue toujours depuis deux ans.
13:31Et c'était assez étrange.
13:34On avait l'impression qu'on était en train de faire
13:37un film révolutionnaire.
13:38Nous aussi, on se réveillait tous les jours avec les images.
13:41On voyait des images qui sortaient d'Iran.
13:44Ah oui, c'était en même temps, quoi.
13:46Oui, ce qui est intéressant pour moi,
13:48c'est que ce moment, quand j'ai reçu ce projet,
13:50tout a commencé pour moi avec ce rôle de Maryam.
13:53Et puis, Guy m'a proposé de le co-réaliser ensemble.
13:57Et on a beaucoup travaillé sur le scénario ensemble
14:00avec Elham et Guy.
14:02Et moi, j'avais, dès le début pour moi,
14:04ce film, c'était une confrontation de deux générations.
14:09Ce coach.
14:09Quelle génération alors, justement?
14:11Voilà, la judocate.
14:12Et ce qu'on voit aujourd'hui dans ce film,
14:16c'est deux générations.
14:17Une génération jeunesse déterminée
14:20et une génération, plutôt ma génération,
14:22qui est frustrée,
14:24qui a vécu pas mal de traumas,
14:29qui est frustrée.
14:31Et qui...
14:32Oui, on sent, c'est une génération comme la coach,
14:35personnage que vous interprétez magnifiquement, d'ailleurs.
14:39Qui dit, oui, mais qu'est-ce qu'on peut faire?
14:40On ne peut pas...
14:41On a vécu avec...
14:43Je pense que ma génération,
14:44nous, on a grandi avec une sorte de peur.
14:48On était obligé de mentir tout le temps.
14:51Et c'est ce qui se passe à Mariam,
14:54la coach, dans cette histoire.
14:55Et elle a vécu pendant dix ans
14:59avec une sorte de trahison envers elle-même.
15:02Elle a menti à tout le monde.
15:03Parce qu'elle a vécu la même histoire que Leïla.
15:06Elle va vivre aujourd'hui.
15:08Elle était obligée de sortir des jeux.
15:11Faire semblant qu'elle est blessée.
15:13Pour ne pas rencontrer l'Israélienne.
15:15Alors qu'elle était à deux pas de médaille.
15:17Et voilà, ce regret pendant des années.
15:23Alors que Judo, vous savez,
15:25ce qui est intéressant, c'est que c'est un art japonais.
15:28C'est vraiment une pensée, une philosophie.
15:31Ça parle du respect.
15:34Il n'y a pas de violence.
15:37C'est une forme, c'est une attitude.
15:40C'est un principe de vie.
15:42C'est la raison pour laquelle vous avez choisi ce sport dans ce film,
15:45et non pas la boxe, par exemple ?
15:48Oui, et esthétiquement aussi.
15:50C'était exactement parce qu'il n'y a pas de violence.
15:55On ne peut pas aller jusqu'au bout.
15:56Ça devient comme une chorégraphie.
15:58Et ça nous permettait d'être esthétiques.
16:02Voilà.
16:03Justement, avant de repasser la parole à Saka,
16:05justement sur la boxe,
16:07est-ce que, par la question à vous deux,
16:11vous dites la génération, effectivement, le choc des générations.
16:14Mais la génération actuelle, celle de Husseini, celle de Leïla,
16:18est-ce qu'elle a vraiment plus peur ?
16:20Parce que ce n'est pas facile.
16:21Je veux dire, nous, on voit ça de loin, on est en France.
16:24Ce n'est quand même pas du tout la même situation.
16:26Et on se dit, nous, c'est plutôt confortable.
16:29Pareil pour moi, je vis en France.
16:31Après, je ne fais pas partie de cette génération.
16:33Mais ce que je sens,
16:35moi, j'ai des amis qui ont des enfants de cet âge.
16:39Ce que je ressens, c'est qu'ils n'ont rien à perdre.
16:42Surtout les femmes.
16:43Il y avait autant de pression toutes ces années-là.
16:45Elles n'ont rien à perdre.
16:48Elles veulent leur liberté.
16:51Moi, je dis, peut-être pas, on ne peut pas généraliser,
16:53mais pour moi, ma génération était plutôt une génération...
16:58On voulait être intelligents.
16:59On cherchait une philosophie de vie.
17:03Et la liberté passait par cette philosophie.
17:06Ce n'est pas la liberté avant la philosophie.
17:08Ce n'est pas l'idéologie.
17:09Elles veulent leur liberté pour vivre leur liberté.
17:13C'est ça.
17:14Et aussi, si je peux rajouter,
17:15en fait, je voudrais rajouter aussi,
17:19parce que la génération, notre génération,
17:22parce qu'on est de la même génération avec Zahar,
17:25nous, on n'avait pas autant de facilité sur Internet,
17:29d'avoir Internet, technologie, d'avoir les médias,
17:32d'être informés un peu partout.
17:33Et donc, cette génération,
17:35ils ont grandi avec Internet, satellite et tout.
17:38Alors que nous, moi, je me rappelle très bien,
17:40je commets 13 ans, on avait trois chaînes à la télé.
17:43On ne voyait pas ce qui s'est passé à l'extérieur,
17:45à dehors de la frontière.
17:47Et surtout, tout était censuré à la télé.
17:51Et en Israël, on voyait juste le nom.
17:53On ne savait pas ce que c'était ou même ailleurs.
17:55On entendait des choses,
17:57mais on était tellement manipulés pendant notre enfance
18:00qu'on n'avait aucune vision vraiment de ce qui se passe.
18:04Et en arrivée de VHS et satellite et tout,
18:08on a commencé à comprendre qu'en fait,
18:10les femmes à l'extérieur, elles ont une vie
18:12et elles peuvent s'habiller comme elles désirent,
18:15elles peuvent désirer, elles peuvent...
18:18Elles ne sont pas obligées de porter de voile,
18:19alors que nous, à partir de nos six ans,
18:22on était obligés de porter de voile.
18:23Six ans ?
18:24À six ans, oui.
18:24Quand on commence l'école,
18:25et puis ça devient encore plus sévère,
18:27jusqu'à 13-14 ans,
18:29on est obligés d'arrêter certains sports.
18:31Donc c'est très frustrant aussi encore.
18:33Moi, je sais que depuis mes 14-15 ans,
18:36j'ai essayé de sortir d'Iran parce que c'était étouffant,
18:39vraiment une ambiance qui était très difficile.
18:42Et puis, bon,
18:44nombre d'arrestations aussi dans ma famille, mes soeurs, moi.
18:47Et mon père a dit que vous ne serez plus en sécurité en Iran.
18:51J'aimerais bien que vous partiez tous.
18:53Et puis on a commencé à sortir une par une.
18:55Et puis c'est vraiment triste
18:56parce que cette génération, notre génération,
18:59on ne pouvait pas vraiment se révolter.
19:01Et donc, on est obligés de quitter l'Iran.
19:04Ah oui, il faut le rappeler,
19:06c'est la génération où vous avez vécu la guerre, la révolution.
19:09Est-ce qu'il y a eu plus de traumatismes que la génération actuelle ?
19:12Oui, il y en avait,
19:13mais surtout pour continuer sur cette génération.
19:17Moi, je pense qu'à la fin,
19:18ces deux générations,
19:20elles ont toute une inspiration
19:23qui prend ma génération qui a été,
19:26nous, qui est une génération plutôt forte.
19:30Mais je pense que la génération de Hosseini et Leila,
19:33elle est quand même inspirée par cette coach,
19:36par la force de cette coach,
19:39et cette coach qui est inspirée par la détermination de cette génération qui est Leila.
19:44Alors, juste j'ai une petite information pour vous donner.
19:47Une information petite.
19:49Chacun en jugera.
19:50Dans le match de judo qui oppose actuellement les Premiers Ministres,
19:54ça y est, quelqu'un est passé par chaos technique,
19:58Monsieur Michel Barnier, il est Premier Ministre.
20:00Ça y est, à l'EUA, Abemous, Premier Ministre,
20:04la fumée blanche est sortie.
20:06Sud Radio, tous ces Etats, André Bercoff, Céline Alonso.
20:11Je sais, c'est le film qui est intéressant.
20:21Zahramir, le choix de ce rap qui fait l'ouverture de votre film, Tatami,
20:27qui est sorti hier en France, on peut dire que ce choix n'est pas anodin.
20:31Cette rappeuse, Justina, qui est l'auteur de cette musique qu'on entend actuellement sur Sud Radio,
20:38elle a fui l'Iran il y a six ans et s'est exilée en Géorgie,
20:42puis en Suède, après avoir subi des pressions du régime.
20:46Cette musique en Iran, elle est considérée comme décadente, vulgaire, sataniste,
20:53c'est ce que j'ai lu dans différentes interviews.
20:56Non, c'est le rap comme partout.
20:59C'est en Iran, on peut l'entendre, il n'y a pas de problème.
21:03Le problème est que les femmes, elles n'ont pas le droit de chanter,
21:06du coup on ne peut pas entendre la voix de femme sur rap.
21:09Ce n'est pas le rap qui est combattu, c'est les femmes et les rappeuses.
21:13De toute façon, il y a une caractéristique de la musique de rap qui est quelque chose de résistante,
21:19il y a beaucoup de critiques dans le texte, dans le lyrique,
21:23et ça fait partie de son caractère.
21:25Partie de la culture.
21:27On sait bien qu'il y a des rappeurs en prison aujourd'hui,
21:30parce qu'ils ont critiqué le gouvernement.
21:33Oui, tout le monde s'est sali.
21:35Justina, elle fait partie de cette première génération de rappeuses,
21:39et elle est partie parce qu'elle ne pourrait pas...
21:43Bien sûr.
21:44Et oui, elle s'est exilée, effectivement.
21:46On lui a dit, vous êtes une femme, vous n'avez pas le droit de chanter, effectivement.
21:49Sadaf Ghadem qui est à nouveau en direct avec nous,
21:52Zahramir, vous lui avez échangé avec elle à propos de Tatami, effectivement.
21:57Je voulais parler un petit peu, parce qu'après Elham,
22:02je n'ai jamais rencontré Sadaf,
22:04Moi non plus.
22:06Surtout, j'ai parlé avec Vahid Sarlak,
22:09qui est le coach de l'équipe de réfugiés du judo.
22:12Parce que ça fait des années, là, maintenant,
22:15on a bien vu pendant le JO à Paris,
22:17qu'il y a toute une famille de réfugiés qui sont là.
22:21Sadaf ne fait pas partie des réfugiés,
22:23mais en même temps, j'aimerais bien qu'elle parle un peu de ce problème,
22:26parce que j'étais quand même en contact pendant un an avec cette équipe,
22:30et je voyais à quel point ils sont toujours...
22:34pour des problèmes de papier,
22:36pour participer dans les compétitions d'autres pays.
22:41Ils se retrouvent bloqués dans l'aéroport et partout.
22:46J'aimerais bien que Sadaf parle un petit peu quand même de cette vie après,
22:50cette liberté qu'on gagne ailleurs pour continuer notre carrière,
22:55parce que je vois bien que ce n'est pas facile,
22:57et c'est lié à notre film.
22:59Pourquoi ? Parce que ces deux femmes,
23:01finalement, elles décident de partir,
23:03mais on ne sait pas si leur vie, ça va être colorée ou pas.
23:06Merci pour donner l'opportunité pour que je dise la vérité.
23:15En fait, depuis 2019,
23:18j'ai continué mes compétitions en France,
23:21mais aujourd'hui, j'ai 21 combats sans championnat,
23:29parce qu'en tant que je suis iranienne,
23:31je n'ai pas le droit de participer dans les championnats de France,
23:35donc automatiquement,
23:38je ne peux pas montrer c'est quoi mon niveau, le niveau vrai.
23:42Vous avez la nationalité française ou pas ?
23:46J'ai demandé la naturalisation l'année dernière,
23:51parce que moi, je suis venue en France en avril 2019.
23:55Maintenant, après cette année, ça fait cinq ans que je vis en France,
24:01et j'ai demandé la nationalité, et j'attends la réponse.
24:05Et même cette année, si je n'ai pas de nationalité, encore, je perds l'année.
24:09C'est une chose.
24:10Après, quand vous ne pouvez pas montrer votre niveau,
24:16votre niveau, vous ne pouvez pas progresser.
24:21Ça reste au niveau du régional.
24:24Donc, j'ai toujours dû plus travailler,
24:29plus pour montrer que moi, je suis là, j'existe,
24:32je suis encore là, je continue.
24:34Et vous vous battez, c'est le plus important.
24:38Juste, moi, je voudrais savoir,
24:41Eliamer, Fanny, vous n'avez pas rencontré,
24:42effectivement, Salam, vous avez rencontré un certain nombre d'athlètes.
24:45Au fond, comment aujourd'hui, en Iran,
24:50est-ce qu'il y a contact entre les exilés,
24:53quels que soient d'ailleurs leurs métiers, leurs occupations,
24:59et l'Iran ? Comment ça se passe aujourd'hui ?
25:01Alors, si vous voulez, en plein de recherches,
25:03moi, j'ai parlé avec beaucoup d'exilés à Paris,
25:05parce qu'à un moment donné, dans les scènes,
25:07il y a le mari qui quitte l'Iran avec son enfant,
25:10qui va passer par les montagnes,
25:12qui est vraiment un chemin très difficile.
25:13Beaucoup le font ?
25:14Oui, beaucoup, beaucoup.
25:15Et c'est vraiment un chemin hyper compliqué.
25:18Même notre réalisateur qui a fait le dernier film à Cannes,
25:21aussi, il est passé par les montagnes.
25:23Et donc, j'ai entendu des choses, des témoignages,
25:25mais vraiment très touchants.
25:26Et les gens qui partent aussi en famille avec des enfants,
25:29avec beaucoup d'enfants,
25:30et qui passent la nuit dans les montagnes,
25:32il ne faut pas avoir le téléphone portable,
25:34aucun contact, pas de lumière, de marcher dans le noir.
25:37Il y a vraiment un combat.
25:38Et on vit un combat.
25:40Moi, en tant qu'une femme iranienne,
25:42les autres aussi, les autres, toutes les femmes iraniennes,
25:44je pense qu'on est nées,
25:45et puis on s'habitue au stress, au régime,
25:48et au fur et à mesure, on commence à devenir des battantes.
25:51On devient des combattants.
25:53Et même moi, ça fait 18 ans que je suis à Paris,
25:56je, enfin, j'ai toujours mes racines,
25:58je suis très fière d'être iranienne, avant tout.
26:01Et c'est un film qui, quand même, qui aussi, on va dire,
26:06qui raconte un peu une partie de la réalité,
26:09mais pas tout à fait.
26:10Non, bien sûr, il ne s'agit pas de vraie réalité.
26:14Oui, mais quand même, vous voyez l'intensité dans le tournage,
26:17parce que pendant le tournage,
26:18à part la révolution iranienne qui était en même temps,
26:22il y avait aussi notre proximité entre Georgie et l'Iran,
26:26c'était deux heures.
26:27On s'y sentait vraiment menacés à un moment donné.
26:31Et oui, parce qu'il faut le préciser,
26:33vous avez tourné en Georgie, effectivement.
26:36En Georgie, avec une boîte de production,
26:37Sarké Productions, qui était très efficace,
26:40et surtout, le département d'art aussi,
26:42qui était à distance avec moi pendant six mois en France.
26:47Oui, mais bon, c'est à deux heures de terrain,
26:49à deux heures de Tel Aviv.
26:50De Tel Aviv, et puis c'est vraiment très...
26:53Et surtout, vous voyez, pour ces gens-là,
26:56des étrangers qui étaient sur le tournage,
26:58des Georgiens aussi,
27:00c'était hallucinant cette histoire.
27:02Et tout le monde est rentré dans l'histoire de film.
27:05Tout le monde était touché.
27:06Donc, on sent vraiment que tous les acteurs et actrices,
27:09et surtout Zahra et Ariane Mandi,
27:13elles étaient très complices.
27:14Et puis, elles se sont senties tout de suite
27:17vraiment dans des relations coach et de deux cas.
27:19Et elle a apporté beaucoup de choses quand même.
27:22Ariane aussi, surtout.
27:23Ariane Mandi, effectivement, il faut saluer sa prestation.
27:27Andrée, c'est l'héroïne du film.
27:30Elle est vraiment bluffante.
27:33Héroïne, effectivement, Zahra qui est sa coach.
27:35Non, non, c'est votre...
27:35Mais c'est ce...
27:37Cette rencontre, moi, c'est à m'apprécier.
27:39Elles étaient très complices, ça c'est...
27:41Non seulement très complices,
27:43ce qui est extraordinaire dans ce film,
27:45franchement, on en a vu des vignes de combat, etc.
27:47C'est comment elle lui dit tout le temps,
27:49vas-y, mets ça, faut lever l'arbre,
27:51sens-toi, la main derrière le dos.
27:54Ariane, elle est formidable.
27:56Elle vient de la boxe,
27:57mais elle ne connaissait pas du dos.
28:00Elle s'est entraînée pendant 3 mois, 2-3 mois à L.A.
28:04Plus que ça, 4-5 mois, chérie.
28:054-5 mois à L.A.
28:08Avec un coach.
28:09Et puis en jour J encore,
28:11elle a continué ses entraînements, ses répétitions et tout ça.
28:16Parce qu'on avait un coach.
28:18Ce qui est intéressant,
28:19c'est que ce stade, c'est un vrai stade à Tbilisi de judo.
28:24Et toutes ces judocates sont des vraies judocates.
28:27Elles étaient là avec la bouche ouverte.
28:29Comment ?
28:30Parce qu'on a eu un doubleur,
28:32mais Ariane, elle a réussi à faire tous ses combats elle-même.
28:36C'est elle qui a fait les combats ?
28:38Oui, c'est elle, les judocates.
28:39Et bon, il y avait un coach formidable.
28:41Moi, j'ai pensé qu'il y avait des doublures à un moment donné.
28:44Non, non, oui.
28:46Elle a failli être blessée aussi en plein tournoi.
28:48Si tu te souviens, elle a failli être blessée.
28:49Elle a failli casser l'orteil.
28:52Elle est formidable.
28:53Même, elle a grandi à Los Angeles.
28:57Du coup, elle ne connaissait pas vraiment cette culture iranienne non plus.
29:01Elle a tout donné pour être devant nous.
29:03Vraiment tellement une fille,
29:04une athlète authentique iranienne.
29:07Et qui a choisi ?
29:07Alors, une question cinématographique.
29:09Qui a choisi le Noir et Blanc ?
29:11Le parti pris du Noir et Blanc ?
29:13L'idée vient encore de Guy.
29:15Mais on en a discuté beaucoup.
29:16Surtout pour la question de distribution.
29:18On était confrontés par cette question partout.
29:21Pour garder quand même une version en couleur.
29:23Mais finalement, en fait, pour pas mal de raisons,
29:26on a décidé les deux de rester sur ce choix.
29:31Surtout, on était déjà inspirés par le monde de ces femmes athlètes
29:36qui sont en face d'une décision fondamentale.
29:42Elles ont deux choix. Partir ou rester.
29:44Le Noir ou le Blanc.
29:45Voilà. Et comme Sadaf a raconté,
29:47en fait, même quand tu partes,
29:48tu n'as que deux choix.
29:49Soit souffrir, soit te combattre.
29:51Soit se libérer.
29:53C'est vraiment un monde Noir et Blanc.
29:55Et puis, on a été inspirés par un film formidable.
29:59Raging Bull.
30:00Oui, de Scorsese.
30:02Et oui, de Mathieu Kessovitz.
30:04Et surtout parce qu'il y a toute une intensité sur ce tatami.
30:09Complètement.
30:10Et on avait besoin de garder cette intensité.
30:14Oui, ça rajoute de l'intoxicité au combat.
30:17Du coup, il fallait rester sur ce cadre serré,
30:21ce huis clos qu'on vit dans ce stade.
30:24Et que l'effet Noir et Blanc, ça rajoute quand même cette intensité.
30:29C'est clair.
30:29Et aussi, on sent la pression et l'intensité par le rythme.
30:34Par le rythme du film.
30:36Le son qui a été fait aussi avec une musicienne formidable allemande.
30:39Très bien le son.
30:41Très très bien le son.
30:43Elle a bien travaillé Dacha.
30:44Je la remercie de Paris.
30:46Et puis, le cadre était très très serré à la fin.
30:50Et quand vous voyez le rythme et l'intensité,
30:54je pense que ce qui dégage dans le rythme,
30:57on arrive à suivre la pression avec la façon de filmer.
31:03Vous voyez ?
31:04J'ai un bémol, personnellement,
31:10c'est un avis strictement personnel à la fin,
31:13où on dit oui, la dictature, la liberté, etc.
31:17Vous l'avez très bien expliqué dans le film, le discours de la fin.
31:21Je trouvais qu'on a très très bien compris,
31:23et vous l'avez très bien exprimé,
31:25c'est un petit bémol.
31:26Ça n'enlève absolument rien au film.
31:28Oui, mais en même temps, c'est une belle signature de fin de film
31:31pour rappeler le contexte.
31:32La morale de l'histoire.
31:33Oui, exactement.
31:35On l'avait compris, parce que c'était très très bien fait dans le film.
31:40Ah oui, franchement, chers auditeurs,
31:42ce film est sorti hier, nous, avec André.
31:44On vous conseille, courez dans les salles cet après-midi, ce soir, demain,
31:48et rappelez-nous en direct sur Sud Radio.
31:50Vous pouvez même nous joindre maintenant,
31:51nous sommes donc en direct.
31:54Appelez-nous au 0826 300 300.
31:57Et si vous l'avez vu hier, ce film,
32:00venez échanger avec nous tout de suite,
32:03avec Zahramir et Helam Erfani sur ce film.
32:07On vous attend, 0826 300 300.
32:10Juste un mot, je voudrais dire qu'elle est extrêmement émouvante,
32:32ces chansons, parce qu'il faut rappeler ce que c'est que Bella Ciao,
32:35qui est un grand chant de résistance italienne, antifasciste,
32:39et qu'une iranienne reprenne Bella Ciao en iranien,
32:44comme par hasard, ce n'est pas un hasard, justement.
32:48Et oui, elle avait posté cette vidéo sur les réseaux sociaux, André,
32:51c'était en septembre 2022, après la mort de Masha Amini.
32:55Elle était sans voix, le visage découvert,
32:57et elle avait, on peut le dire, bravé la répression
33:00en interprétant ce chant révolutionnaire
33:02qui avait ému vraiment le monde entier.
33:04Vous vous souvenez de cet instant, de ce moment d'émotion,
33:08Zahramia ?
33:14Je me rappelle de tous les jours de cette année.
33:17C'est son quotidien, ça.
33:20Ce qui est intéressant, si vous voulez,
33:22moi ce qui m'a vraiment, et ce qui nous a nous,
33:24qui ne sont pas iraniens,
33:26c'est qu'on reprenne comme ça que ces chants,
33:29vous voyez, c'est de tous les pays.
33:31C'est-à-dire la liberté, c'est de tous les pays.
33:34Aujourd'hui, regardez ce qui se passe avec la liberté d'expression,
33:36aux Etats-Unis, ici, au Brésil et ailleurs.
33:40Oui, c'est un monde qui va mal.
33:41Avec, depuis toujours.
33:44Vous savez André, les femmes étaient à la rue,
33:47les hommes aussi, à côté de les femmes.
33:49Pendant la révolution d'Iran, pendant longtemps,
33:51ça a duré longtemps, il y avait énormément de morts,
33:53énormément de gens disparus,
33:54énormément de gens qui ont perdu l'œil,
33:56et c'était des moments très difficiles pour nous,
33:58tous les iraniens et iraniennes.
34:00Mais qui nous a soutenus ?
34:03On n'a pas été soutenus par les autres pays.
34:06Qui soutient qui quand il y a des massacres ?
34:09Et vous vous posez une question, hélas,
34:11qui est insolvable.
34:13Mais, mais, vous savez ce qui vous soutient,
34:15enfin, c'est facile à dire ici, dans un studio de radio,
34:19ce qui vous soutient, c'est le combat des gens qui sont là-bas.
34:21C'est eux.
34:22Ce sont eux les héros.
34:23Je veux dire, à chaque fois, dans tous les pays,
34:25qui sauve ?
34:26Après, il y a des gens qui viennent.
34:28Mais en attendant, voilà.
34:31Et puis vous, excusez-moi, sans faire de...
34:33Vous, en montrant ce film, en faisant ce film,
34:35eh bien, vous contribuez à montrer que la liberté est là.
34:39C'est très intéressant, c'est Antigone et Créon,
34:41ce qui se passe entre Leïla et la coach.
34:43C'est la coach qui dit, attends, mais moi aussi,
34:45ça me révolte, qu'est-ce que tu veux ?
34:47D'ailleurs, elle le dit, elle le dit à monsieur,
34:49pas au guide suprême, mais aux bureaucrates iraniennes.
34:54Vous savez, il y a des dialogues qui sont très durs
34:56entre Leïla et Mariam.
34:58Pour moi, les deux sont des héroïnes.
35:00Même si Mariam a fait une décision il y avait des années,
35:04et elle se trouve dans la même situation.
35:07Et puis, l'effet qu'elle rejoint Leïla à la fin du film,
35:13pour moi, c'est qu'elle a gagné toutes ses années perdues.
35:15Spoiler.
35:18Oui, c'est vrai, c'est vrai, excuse-moi.
35:21Mais je suis tellement sous l'émotion,
35:22parce que je trouve que quand j'ai accepté
35:25de prendre ce risque de faire ce film,
35:27donc je dis, t'es qu'une seule voix, une vie.
35:30Mais personne n'est une seule voix.
35:32Oui, mais quand même.
35:33J'ai qu'une vie, mais pour défendre beaucoup de vies.
35:35Vous-même, Zahra Mir,
35:39vous vous êtes arrivée en France en 2008,
35:42c'est à l'âge de 15 ans.
35:43Depuis, vous vivez en France.
35:46Aujourd'hui...
35:4725, 26, pas 15.
35:49Pardon, 25.
35:50Oh, merci.
35:51Comment, aujourd'hui, comment vous vivez ?
35:55Comment vous vivez aujourd'hui, effectivement,
35:58le fait de ne pas pouvoir retourner,
36:00comme vous venez de le dire,
36:02et là, dans votre pays ?
36:04Je te laisse la parole.
36:06Moi, j'ai pris cette occasion,
36:09cet exil forcé pour moi,
36:11était plutôt considéré comme une chance.
36:15Bien sûr.
36:16Je n'étais jamais home sick.
36:17Il ne me manque pas, comme je ne pleure pas.
36:20Vous avez pu vous épanouir dans le monde.
36:21L'Iran, l'Iran est avec moi.
36:22Moi, je me sens beaucoup plus iranienne en France.
36:25En fait, plus en plus, je deviens une Française,
36:27plus en plus, je suis iranienne.
36:29Donc, ces racines sont là, l'Iran est avec moi.
36:32Je n'ai pas de maison.
36:33Ma maison, c'est moi.
36:34Et c'est un peu, c'est ma philosophie.
36:36Mais puis, je pense que je n'ai jamais...
36:41En fait, je n'étais jamais quelqu'un qui dit
36:43OK, il n'y a plus d'Iran.
36:44Et moi, j'étais beaucoup plus...
36:47J'ai toujours pensé que j'avais une responsabilité.
36:49J'aimais mon engagement.
36:52Et il y a toute une partie de mon engagement
36:56sur l'Iran, assez concentré sur l'Iran,
36:59sur cette région.
37:01J'ai ma boîte de production aujourd'hui.
37:03Je suis assez concentrée sur tout ce qui se passe
37:05dans cette région, pas que l'Iran.
37:09Et voilà, je pense que c'est comme ça que...
37:12Je profite d'être là,
37:13pouvoir raconter des histoires non dites.
37:17C'est un grand écrivain français qui dit
37:19que c'est par le particulier qu'on atteint l'universel.
37:22C'est en parlant de soi qu'on atteint le monde entier.
37:26Je crois qu'on a un auditeur.
37:27Oui, nous avons un auditeur, Hugo,
37:28qui vient de nous rejoindre au standard de Sud Radio.
37:32Bonjour à vous, Hugo.
37:33Bonjour, Hugo.
37:34Bonjour à vous.
37:34Bonjour André Bercoff.
37:36Et bonjour à vos dames,
37:38qui sont vraiment des femmes admirables.
37:41Je suis très content d'avoir Zahra Mir au téléphone, justement,
37:43puisque je l'avais vue dans le film
37:45sur ce grand série iranien
37:48où elle menait l'enquête.
37:49Elle était vraiment très impressionnante
37:53dans son rôle d'intensité.
37:54Et donc, comme question justement, mesdames,
37:58j'aimerais vous demander
38:00qu'est-ce que vous pensez de ces femmes politiques françaises
38:03qui pensent que le port du voile en France
38:05est un symbole de liberté ?
38:09Bonne question, Hugo.
38:10Bonne question.
38:11Qui vous répond ?
38:11D'abord Elham, Erfani ou Zahra Mir ?
38:16Le voile comme symbole de liberté,
38:17c'est vrai qu'il y a des féministes,
38:19enfin, ce prétendant féministe en France
38:21qui disent
38:22« Ah ben oui, le voile, liberté de choix, etc. »
38:24Vous savez, mon expérience est personnelle
38:27puisque, comme je vous ai dit,
38:29depuis que j'ai 6 ans, je porte voile
38:32et mon rêve, c'était vraiment d'enlever le voile
38:34pendant 26 ans de ma vie,
38:36pendant 20 ans, on va dire,
38:37parce que je suis arrivée en France à l'âge de 26 ans
38:39et je me suis battue pour enlever.
38:41C'était vraiment mon rêve.
38:43Pour moi, c'était plutôt,
38:44au contraire, c'était le symbole de liberté,
38:45de l'enlever.
38:47Et je me suis battue pour partir
38:48parce que même,
38:50ne serait-ce que demander le visa,
38:52j'ai attendu un an
38:53et j'ai été refusée trois fois le tampon rouge.
38:55En dessous de 30 ans,
38:56une femme célibataire ne peut pas sortir d'Iran.
38:57Pour moi, c'était vraiment une révolution
39:00de pouvoir quitter.
39:01Bien sûr, bien sûr.
39:03C'est très compliqué.
39:04Et puis, je suis venue en tant qu'étudiant dans la mode
39:06et j'ai commencé à créer.
39:08J'ai vécu au travers de création de mes collections
39:11pendant des années que j'ai vécu ma liberté.
39:13Donc, le voile ne fait pas partie de mes collections
39:16mais je respecte tout le monde
39:17parce que je pense que,
39:18dans un pays comme la France,
39:19il faut respecter aussi l'opinion des autres.
39:23Donc, il faut vivre en paix tous ensemble
39:25en respectant toutes les religions.
39:27Mais ensuite, c'était la première ouverture.
39:30Maintenant, ouverture de cinéma,
39:31je pense qu'il faut respecter
39:35mais il ne faut pas non plus exagérer
39:37parce que je dis quand même
39:38qu'avec tout ce qui se passe en Iran,
39:40que les femmes quand même se battent
39:43parce que là-bas, en Iran, porter de voile,
39:45c'est plutôt un symbole de soumission.
39:49Mais ce qui est beau en même temps en Iran,
39:51ce que je vois depuis deux ans
39:53est que ces femmes qui sont allées dans la rue,
39:57dans les rues d'Iran pour se manifester,
40:00on peut voir qu'il y a des femmes voilées
40:02et il y a des femmes symboles.
40:05Vous voulez dire que les femmes voilées
40:06sont allées manifester pour la liberté
40:08de se voiler ou pas ?
40:09Voilà, du coup, moi je pense que c'est bien
40:12que chacun décide pour elle-même.
40:14C'est ça en fait, on a le droit.
40:16C'est pour ça qu'on se bat.
40:18Et vous, Zahra Mir, il faut l'expliquer
40:21pour les auditeurs de Sud Radio
40:22parce que votre histoire,
40:24pourquoi vous avez fui l'Iran ?
40:26Vous avez dû partir du jour au lendemain
40:28pour échapper, il faut le dire,
40:29à une condamnation qui vous interdisait
40:32toute activité artistique pendant dix ans
40:34et pour échapper aussi à une peine
40:36de 90 coups de fouet.
40:38A l'origine, qu'est-ce qui s'était passé pour vous ?
40:41Moi, j'avais pas trop envie de répéter cette histoire
40:44parce que ça va être une longue, longue histoire.
40:47Mais j'avais des problèmes,
40:50je pourrais plus travailler.
40:52Puis j'étais forcée de partir.
40:54J'aime pas trop ce mot, fuir,
40:55mais ça donne l'impression
40:57si j'étais en train de courir.
40:59Mais non, je suis restée,
41:02j'ai défendu ma vie et ma carrière
41:05pour un an et puis j'avais pas de choix.
41:09Cet exil, c'est vraiment forcé.
41:15Et comme beaucoup d'autres femmes en fait.
41:17Peut-être que mon histoire,
41:18c'est un peu dans une échelle un peu plus...
41:20Parce que j'étais connue,
41:21parce que j'étais...
41:24Déjà, j'étais une actrice assez connue,
41:26j'étais représentante de la télé iranienne.
41:29Du coup, n'importe quel comportement
41:32pourrait quand même blesser ce gouvernement.
41:36Mais c'est le cas de toutes les femmes
41:39qui partent et qui cherchent leur carrière,
41:42leur liberté.
41:44Et moi, au bout d'un moment,
41:45je me suis dit mais j'ai pas de voie ici.
41:47Je peux pas travailler
41:48et il faut que je parte
41:51pour pouvoir utiliser ma voix
41:53pour continuer ma carrière.
41:55Voilà, c'est ça.
41:58Hugo, vous êtes toujours avec nous?
42:00Hugo, non.
42:01Hugo est parti.
42:03Un mot, Elham, pour conclure cette émission.
42:05Quelques secondes.
42:06Que dire à nos auditeurs
42:08pour les inciter à aller voir Tatami en salle?
42:11Je crois qu'on les a bien incités.
42:15Moi, je vais finir avec une citation de Glenn Close
42:18que je l'adore.
42:19Le cinéma n'est rien d'autre, en fait,
42:21que de pouvoir lire l'âme de quelqu'un
42:24juste en regardant dans ses yeux.
42:26Partez voir ce film.
42:28On s'est donné à fond avec du cœur
42:30avec Zahar, Arjen, Guy, avec tout le monde.
42:33C'était un énorme challenge pour tout le monde.
42:36Et puis, on vous invite à aller vous régaler
42:38dans les salles de cinéma.
42:39Et je dirais simplement,
42:40en répétant avec Préjean-Luc Godard,
42:43ce film, c'est une image juste
42:46et pas juste une image.
42:48Et oui, ce très beau film
42:49sur le combat des femmes iraniennes
42:51qui est loin d'être terminé.
42:53Zahamir et Lama Irfani,
42:54merci d'être venu sur Sud Radio.
42:57Tout de suite, vous retrouvez Brigitte Lahaie.

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