• il y a 7 mois
Dans ses interviews, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, se met dans la peau des patrons...

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Transcription
00:00 -Bonjour Yann Bucay-Lanzerac. -Bonjour Sophie.
00:03 -Très heureux, je m'applique en prenant soin de votre nom.
00:06 Vous avez monté une première entreprise destinée à accueillir des handicapés
00:12 parce que ce jeune autiste cherchait un boulot je crois.
00:14 Mais racontez-moi un petit peu comment ça s'est passé.
00:17 -Oui, l'histoire est assez simple, c'est que c'est un jeune garçon de 20 ans,
00:22 un jeune homme tout à fait en âge de travailler.
00:25 Je l'embarque sur un bateau à l'occasion d'une sortie en mer
00:31 destinée à embarquer des personnes en situation d'exclusion, de fragilité.
00:37 -Ah oui, déjà, donc vous aviez déjà cet objectif.
00:41 -Oui, parce que, en fait si vous voulez, je suis tellement gâté.
00:45 J'ai tellement de chance. J'ai trois enfants en bonne santé,
00:48 j'ai une femme merveilleuse.
00:49 Je me dis mais quand on a la possibilité, un petit peu de possibilité,
00:53 on a une passion dans la famille, c'est la voile.
00:54 On s'est dit on va faire construire ce grand navire
00:56 et on va l'organiser pour pouvoir embarquer des personnes
01:01 qui n'ont jamais fait le bateau pour la plupart
01:03 parce qu'elles sont dans un hôpital, parce qu'elles sont exclues,
01:07 parce que ce sont des personnes de la rue, des prisonniers.
01:09 Et on leur a proposé de venir embarquer sur notre bateau gratuitement.
01:13 Au début, forcément, ils disaient c'est étonnant.
01:16 -C'est trop beau. -C'est trop beau.
01:18 Et après, ils se sont passé le mot.
01:19 Et très, très vite, on a maintenant une liste d'attente.
01:22 On fait 70 sorties par an sur ce bateau qui s'appelle Efata,
01:25 qui est une association qui s'appelle Hémorraux de Voile Solidaires.
01:27 On a monté avec mon épouse pour ça.
01:30 Et ça permet des rencontres étonnantes, parfois édifiantes,
01:34 parce qu'on voit des gens qu'on n'a pas l'habitude de voir dans une vie classique.
01:39 -Et c'est ça. Alors évidemment, moi, je saute tout de suite à Café Joyeux,
01:42 qui est l'entreprise par définition.
01:45 D'abord, s'appeler Café Joyeux, ça veut dire déjà que vous sous-entendez quelque chose d'important.
01:50 Et vous avez monté des restaurants, justement, pour créer des emplois.
01:53 Alors vous avez l'impression que, justement, c'est quelque chose de très fondamental,
01:57 c'est un luxe d'avoir un emploi pour ces jeunes autistes frisomiques.
02:03 -Malheureusement, Sophie, aujourd'hui, c'est encore un luxe.
02:05 Ça ne devrait pas l'être. Tout le monde a droit à un travail.
02:10 -Je suis d'accord avec vous. -C'est par le travail qu'on...
02:12 -On aimerait bien, d'ailleurs, ceux qui peuvent en avoir
02:14 et qui ont toutes les facultés d'en avoir, en prennent aussi.
02:16 Ça ne serait pas mal non plus. Alors qu'il y en a qui en cherchent vraiment.
02:19 -Oui, il y en a qui en cherchent vraiment. Et je pense surtout que le travail est un cadeau.
02:26 Mais c'est aussi un dû. C'est par le travail qu'on se réalise.
02:30 C'est par le travail qu'on progresse. C'est par le travail qu'on interagit socialement.
02:34 -C'est du bien d'entendre ça.
02:36 -Et malheureusement, on est dans une société qui, finalement, a exclu, surtout le monde économique,
02:42 a exclu les personnes en situation de fragilité à cause d'une forme de différence,
02:47 d'un soi-disant manque de performance ou manque de capacité.
02:50 -C'est plus compliqué que ça parce que le nombre d'entreprises que je vois de PME
02:55 qui ont envie d'engager des gens en situation de handicap, etc.
02:59 Et si vous savez, alors maintenant, les normes qu'on met, qu'il faut faire pour arriver à les engager.
03:03 Mais passons. Mais parlons plutôt de Café Joyeux.
03:05 Donc Café Joyeux, le premier hôtel-restaurant, vous vous êtes dit
03:10 "Je n'emploie que des jeunes prisomies". Comment ça s'est passé ?
03:14 -En fait, on a monté un café-restaurant, format restauration à la journée.
03:21 On peut venir y petit-déjeuner, y déjeuner à toute heure.
03:26 Et l'objectif, c'est que ce soit bon. C'est une sorte de coffee shop où tout est cuisiné sur place.
03:31 C'est beau parce que ce sont des décorations très, très jolies.
03:36 C'est Sarah Lavoine qui nous fait toute la déco de nos cafés.
03:38 Là où c'est Thierry Marx qui nous fait nos recettes.
03:41 Et ce sont nos équipiers qui cuisinent, qui eux ont cette différence.
03:44 -Qu'est-ce que vous appelez "équipiers" ? C'est nos salariés.
03:47 -C'est nos salariés. On a des encadrants qui sont des professionnels de la restauration
03:52 ou des éducateurs spécialisés. Et c'est là où je ne veux pas juger les entreprises
03:56 qui ont du mal à recruter des personnes avec handicap.
03:57 C'est que nous, nous avons construit l'entreprise autour du handicap.
04:02 Et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, 70% de nos collaborateurs dans nos cafés
04:06 sont des personnes avec une différence comme des troubles cognitifs, comme l'autisme,
04:11 comme la trisomie 21. Et l'objectif, c'est d'abord de leur proposer un travail.
04:17 -Et ils sont réguliers, ils reviennent facilement le matin, ils sont accrochés à leur travail.
04:21 -Ils sont formidables. Ils sont d'une fidélité, d'une loyauté, mais hors du commun.
04:25 Et quelque part, ce sont des modèles pour moi.
04:27 Parce que je vois à quel point ils sont persévérants.
04:30 Pour moi, ces équipiers, c'est un modèle de résilience et de ténacité.
04:34 Parce qu'ils ont appris toute leur vie à être rejetés.
04:38 -Vous avez un modèle économique. Donc ce n'est pas du bénévolat où vous attendez des subventions.
04:43 -Non, on est vraiment sur un modèle, j'ai envie de dire, hybride très novateur,
04:49 mais qui repose d'abord sur une entreprise ordinaire.
04:52 L'objectif, c'est que nos équipiers soient en mesure de travailler dans le monde économique classique,
05:00 avec un contrat de travail de droit commun, avec les mêmes droits, les mêmes devoirs aussi,
05:05 et qui se développent. Parce qu'aujourd'hui, nous en sommes à 22 Café Joyeux,
05:09 à 185 équipiers joyeux en situation de handicap en CDI.
05:14 C'est à la fois rien du tout, à côté de ce qu'il y a à faire dans le monde.
05:19 Aujourd'hui, on parle de... -Mais c'est énorme.
05:21 -Mais c'est énorme, c'est énorme.
05:23 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, notre mission est de changer le regard de la société
05:27 et des chefs d'entreprise, notamment sur le handicap.
05:30 Elle est de changer, d'infléchir, de proposer une nouvelle vision de l'économie à tous ces décideurs,
05:37 et aussi aux consommateurs, notamment grâce à une marque de café qu'on a développée
05:42 et qui se commercialise et dont 100% des bénéfices permettent de financer le recrutement de nos équipiers dans nos restaurants.
05:49 Ça, c'est la vision. Et le jour où, effectivement, on ne fera pas la différence entre un café joyeux et un café heureux,
05:55 ce sera mission accomplie.
05:57 -C'est le mot de la fin. On ne verra plus la différence, ils seront joyeux et heureux.
06:01 -Exactement. -Merci infiniment.
06:03 -Merci Sophie pour votre accueil. Merci.
06:05 (Générique)
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