Avec l’affaire Boualem Sansal, le prix Goncourt à Kamel Daoud, et les diverses tensions diplomatiques, l’Algérie reste au cœur de l’actualité française… Elle le sera aussi sur le plateau de « Au bonheur des livres », où Claire Chazal accueille Éric Fottorino et Clara Breteau pour deux romans passionnants : « Des gens sensibles » (Ed. Gallimard) et « L’avenue de verre » (Ed. du Seuil).Primo romancière, mais aussi chercheuse, Clara Breteau utilise la fiction pour s’interroger à travers la figure de son père sur tout un passé colonial et familial, tandis qu’Éric Fottorino, en écrivain et journaliste aguerri, revient sur une époque où la grande histoire collective peut croiser la nostalgie individuelle…Ce sont des voix de générations différentes, mais qui savent avec nuance aborder des questions d’identité où nous continuons d’être tous impliqués aujourd’hui. Les livres, ainsi, comme le montrera Claire Chazal une fois de plus, sont la plus belle façon de nous interroger sur hier et aujourd’hui. Année de Production :
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00:01Retrouvez au bonheur des livres avec le Centre National du Livre.
00:23Bienvenue dans l'émission littéraire de Public Sénat.
00:26Je suis ravie de vous retrouver pour un nouveau numéro d'Au bonheur des livres.
00:29Vous savez, chaque semaine, nous essayons de vous donner envie tout simplement de lire des livres
00:33et de découvrir ou de mieux connaître leurs auteurs.
00:36Alors mes deux invités aujourd'hui nous proposent l'un et l'autre
00:40des romans à fort contenu autobiographique.
00:43Quelque chose d'eux dans ces livres, même s'ils ne disent pas « je » l'un et l'autre.
00:47Ils partent à la recherche des origines, d'une identité.
00:51Et les deux livres nous emmènent en Algérie.
00:54Et bien sûr, c'est un pays qui, vous le savez, est d'une certaine façon au cœur de l'actualité.
00:58Notamment en ce qui concerne ses rapports avec la France.
01:02D'abord, c'est Clara Bretot.
01:04Clara Bretot, vous sortez votre deuxième ouvrage, mais c'est votre premier roman.
01:08Il y a eu d'abord un essai.
01:09Il s'appelle « L'Avenue du Vert », aux éditions du Seuil, où l'on suit Anna,
01:13dont le père a quitté l'Algérie en 1962.
01:16Il est laveur de carreaux.
01:17Elle l'a toujours aperçu un peu de loin, car il a une deuxième famille.
01:21Et elle va rechercher d'où il vient, donc d'où elle vient elle-même.
01:25Elle retrouve l'histoire d'un grand-père assassiné et bien sûr d'ancêtre marqué par le passé colonial.
01:31Et puis vous, Eric Fautorino, alors là, vous publiez votre 15e roman, bien sûr.
01:36Ça s'appelle « Des gens sensibles » chez Gallimard, dans lequel nous suivons les premiers pas d'un jeune romancier,
01:41qui pourrait peut-être être vous.
01:43Il s'appelle Fosco, c'est son diminutif en tout cas, qui va être fortement encouragé à écrire par une attachée de presse,
01:50quelqu'un qui est dans sa maison d'édition, Clara, et former avec elle un drôle de trio avec un écrivain algérien célèbre et menacé de mort dans son pays.
02:00Nous partons donc avec vous dans les coulisses de l'édition dans les années 90 et nous parlons, bien sûr, avec vous aussi de l'Algérie.
02:07Alors, ces deux livres nous ont beaucoup touchés parce qu'ils sont, je le disais, intimes, pudiques et pleins de sensibilité.
02:15Ça fait allusion, bien sûr, à votre titre, Eric Fautorino.
02:18Alors, Clara Bretot, c'est donc, je le disais, votre premier roman.
02:21Je précise que vous êtes, par ailleurs, enseignante, chercheure en art et écologie, je ne me trompe pas, à l'université.
02:28Alors, vous ne cachez pas que ce personnage de laveur de carreaux, surnommé Johnny, qui vient d'Algérie et votre père, n'est-ce pas ?
02:38Pourtant, vous faites parler Anna et vous ne dites pas je. Pourquoi ?
02:44Tout à fait. J'ai fait plusieurs essais. C'est quelque chose qui se sent aussi. On fait des tests et très vite, je suis passée à la troisième personne.
02:51Enfin, c'est là que le roman s'est écrit, quand je suis passée à la troisième personne.
02:54Et il y avait un enjeu de se protéger, bien sûr. Il y avait le besoin d'aérer, de décoller les choses pour trouver aussi plus de pudeur, vous l'avez dit.
03:04Et puis, il y avait, je pense que c'était le plus juste par rapport aux deux personnages, qui, comme vous l'avez dit, construisent leur relation sur cette avenue de verre,
03:13qui est la grande artère commerçante qui traverse la ville et qui se voit toujours au loin, donc dans la distance.
03:18Et la troisième personne permettait de coller à cette distance, enfin, paradoxalement, d'installer cette distance qui était la plus juste.
03:27Après, ce qui est très étrange, c'est que finalement, du coup, troisième personne, j'ai trouvé un prénom.
03:33Anna, je me suis dit, Anna, Clara, ça se ressemble, c'est la même empreinte sonore. Anna, c'est court, c'est fluide. Dans la phrase, ce sera fluide.
03:39Et six mois après, j'avais quasiment fini l'écriture du livre, je rencontre une étudiante algérienne des Beaux-Arts, d'origine algérienne, et elle me dit, mais Anna, c'est je, c'est moi, en arabe.
03:51Et donc là, j'étais assez estomaquée, parce que moi, je ne parle pas du tout arabe, je n'ai pas du tout appris.
03:57Et c'est très symptomatique, en fait, de tout ce dont parle le livre, c'est-à-dire que l'effacement prend la forme de ce qui manque.
04:04Donc, je voulais fuir la première personne, mais elle revient par un biais détourné, par la petite porte.
04:10Et ce n'est pas le même jeu qui revient, c'est un jeu qui ne parle pas la même langue.
04:15Donc, c'est un peu ce jeu qui manque.
04:17– Bien sûr. Alors, l'effacement dans cette avenue de verre, ça concerne aussi ce père que vous apercevez,
04:24qui a une autre vie, qui est mariée, qui a fait une famille avec une autre femme qui s'appelle Yvette.
04:30Donc, au fond, il vous échappe. Ce père vous échappe, vous a échappé.
04:34– Oui, ce père, en fait, il est à la fois toujours absent, parce que jamais, quasiment jamais à la maison,
04:40et toujours présent, puisqu'il passait son temps à sillonner les rues de Tours et cette grande épine dorsale.
04:47Et donc…
04:48– Et elle avait des carreaux, avec sa petite mobilette, il transportait ses instruments pour…
04:52– Oui, mais c'est comme si sa présence était en suspension dans l'air,
04:55il pouvait faire irruption à tout instant, et donc j'ai passé ma vie, en fait, mon enfance, disons,
05:00à le chercher, à voir du coin de l'œil s'il n'était pas là.
05:05Et donc, ça a développé chez moi une espèce d'état constamment sur le qui-vive,
05:11un état aux aguets, une attention aux signes,
05:15et un regard sur la ville où, finalement, voilà, on est dans ce sentiment de la perte,
05:20de la disparition de quelqu'un qui n'est pas là,
05:23et en même temps, dans cette quête de signes qui permet de remédier à la perte.
05:27Donc, finalement, mon père m'échappait toujours, il ne m'a rien transmis dans le nom, dans le…
05:32– Il s'appelle Balou, lui, ça, vous le savez, bien sûr.
05:36– Oui.
05:37– Et ça aussi, ça a une signification, ça veut dire le fou, le…
05:40– Alors, ça veut dire le rieur.
05:41– Le rieur, parce qu'il sourit tout le temps, d'ailleurs.
05:43– Et effectivement, mon père était quelqu'un de très solaire, joyeux,
05:46johnny, c'était les yéyés.
05:48Et en même temps, Balou, ça fait aussi partie des patronymes infamants
05:52qui ont été utilisés par l'administration française à la fin du 19ème,
05:56pour renommer les familles d'indigènes.
05:59Et donc, ça veut dire l'idiot, le fou, et voilà.
06:04Et donc, en fait, ça montre bien cette espèce d'ambiguïté qu'il y avait chez mon père,
06:08où à la fois un sourire, mais derrière ce sourire,
06:11il y avait le sentiment de quelque chose qui l'effaçait,
06:14d'un vide qu'il construisait.
06:16Et au bout d'un moment, j'ai eu envie de chercher
06:20qu'est-ce qui se cachait, en fait, derrière,
06:22d'autant plus qu'à sa mort, il y a un événement de ce drame
06:25qui est remonté de manière complètement incongrue.
06:27Et voilà, j'ai commencé à chercher, puisqu'en plus, pendant ma scolarité,
06:31j'avais jamais étudié la colonisation française.
06:34Et la prêve, évidemment, vous allez vous pencher sur ce drame.
06:37C'est toujours, au fond, évidemment, une sorte de background de ces livres,
06:42et même aussi pour vous, Éric Fottorino, c'est cette histoire qui nous revient toujours
06:46et à laquelle on se heurte.
06:48Vous dites là, aujourd'hui, vous cherchez, enfin, vous avez voulu chercher,
06:53ça veut dire qu'aujourd'hui, vous sentez qu'il y a en vous-même des racines algériennes,
06:58il y a quelque chose en vous-même de cette histoire,
07:00ce que vous n'avez peut-être pas senti avant.
07:02Dans le livre, vous citez Marine Diaye, par exemple,
07:06qui dit bien, d'un père africain, elle n'a jamais senti elle-même,
07:10quand elle était petite, qu'elle était africaine.
07:13Elle était d'abord une femme noire, une française.
07:16Oui, elle dit qu'elle est 100% française,
07:18et que s'il n'y avait pas sa couleur de peau, en fait, il n'y avait rien.
07:21Mais vous, vous êtes intéressée à l'Algérie un peu tardivement ?
07:24Est-ce qu'on peut dire ça ?
07:25Oui, très, très tardivement.
07:26Par contre, j'ai compris que cette attention complètement aux aguets,
07:29aux qui-vivent, qui est devenue un peu mon métier,
07:31puisque je suis devenue chercheuse.
07:33C'est donc liée à votre activité.
07:35Et en plus, je suis devenue chercheuse en esthétique environnementale,
07:38qui consiste à scruter l'environnement, nos environnements,
07:41et à en étudier l'expressivité, la capacité à faire signe.
07:44Donc, il y a vraiment un lien de filiation entre cet état
07:47que mon père m'a transmis, finalement,
07:49c'est la seule chose qui m'a transmis, ce regard,
07:51cette attention aux signes,
07:53et ce qui est devenu un peu ma façon de mon rapport au monde, en fait.
07:57Et après, j'ai...
07:59Donc, très tard, je me suis intéressée à la colonisation,
08:02j'ai appris qu'il y avait quelque chose qui s'appelait le trauma colonial.
08:05– Mais là, c'est lié au grand-père,
08:07puisque vous découvrez que ce grand-père, Hadj, a été assassiné,
08:10et que donc là, vous repartez en arrière pour trouver qui sont vos ancêtres,
08:14et qu'ils ont vécu ce trauma, ce traumatisme colonial,
08:18ce drame de la colonisation.
08:20– Oui, et j'ai lu un essai qui est magnifique,
08:23le trauma colonial de Karima Lazali,
08:25où en fait, elle nous raconte qu'avec les massacres, les dépossessions,
08:29tous les noms de villages, de familles transformées,
08:32tous les systèmes d'appartenance, en fait, détricotés,
08:35elle dit, en reprenant Mohamed Dib, un écrivain algérien,
08:38elle dit que la colonisation a transformé les Algériens en fils de personnes.
08:42Évidemment, cette expression, elle m'a frappée,
08:45puisque moi, je pensais être fille de personnes
08:48pour des raisons un peu tristes, mais anecdotiques,
08:51et j'ai compris qu'au contraire, cet état de fille de personnes,
08:54c'était au contraire très emblématique et symptomatique
08:57de tout le monde colonial.
08:59– Une chose sur laquelle on réfléchit,
09:01les journalistes le savent,
09:03cette question-là, cette repentance-là même,
09:07au fond, et la France l'a beaucoup dit officiellement,
09:11elle considère maintenant ce passé colonial,
09:14et elle en prend sa part de responsabilité.
09:16Est-ce que ça a changé les choses ?
09:20Eric, est-ce qu'on peut dire ça ?
09:22Est-ce que ça vous a paru d'abord très important
09:24de reconnaître ce fait-là ?
09:26– Bien sûr, c'était très important de le reconnaître.
09:29En même temps, on se rend compte
09:31qu'il y a quelque chose de récurrent,
09:32c'est-à-dire qu'on a beau se dire,
09:34oui, voilà, on a compris, on a reconnu tel massacre,
09:37on a reconnu telle responsabilité de la France
09:39dans tel acte de torture, d'assassinat, etc.,
09:42dès qu'une tension surgit entre les deux pays,
09:47se passait la remonte, et comme si, finalement,
09:50ce n'était jamais...
09:52Alors, le héros est un laveur de carreaux,
09:55comme si on ne pouvait pas effacer la trace, justement.
09:58Ce que j'ai beaucoup aimé, c'était cette écriture.
10:01Souvent, on raconte l'histoire d'un roman,
10:02mais on ne dit pas comment c'est écrit,
10:04et je trouve que le livre de Lara est formidablement écrit.
10:07Beaucoup de délicatesse, de simplicité,
10:09et le simple, c'est le plus dur.
10:11Mais justement, pour parler de choses si lourdes,
10:13à la fois liées à un père et liées aussi à un pays,
10:16à une histoire, histoire coloniale,
10:18il y a beaucoup de grâce dans l'écriture.
10:20– Est-ce que vous considérez que vous avez été apaisée
10:22après ce livre, Clara Bretot ?
10:24Apaisée, je dirais, parce qu'il se trouve
10:26que votre héroïne, Anna, va avoir un enfant,
10:28va pouvoir, alors qu'elle n'y arrivait pas,
10:30ou en tout cas qu'elle avait fait cet effort-là,
10:32elle n'y arrivait pas.
10:34Il y a quelque chose qui s'est passé.
10:36Il y a aussi, évidemment, des grands-parents
10:38qui sont, eux, ancrés dans la terre,
10:39puisqu'ils sont paysans.
10:41Est-ce que c'est ça aussi qui a fait
10:43que vous avez trouvé votre place ?
10:45– Alors, le sentiment d'avoir trouvé sa place, oui.
10:48Par contre, je suis frappée par le fait que,
10:51depuis que ce livre est écrit,
10:53j'ai plus que jamais l'impression,
10:55comme disait James Joyce dans Ulysse,
10:57que l'histoire est un cauchemar
10:58dont j'essaie de me réveiller.
11:00C'est-à-dire, depuis que j'ai fini ce livre,
11:01les relations entre la France et l'Algérie
11:03se dégradent, deviennent explosives.
11:05L'élection de Trump, le fascisme qui revient,
11:08des camps de concentration au Salvador
11:10où la lumière ne s'éteint jamais,
11:13une époque qui, vraiment, prend des visages monstrueux.
11:17Donc, je ne suis pas du tout apaisée, malheureusement.
11:20– Oui, j'allais dire, un peu comme nous,
11:21même si vous êtes plus concernés par votre propre histoire,
11:24mais nous sommes aussi un peu effarés
11:26quand nous regardons le monde qui nous entoure.
11:28– Oui, et puis je pense que, malheureusement,
11:31la France, vous le dites dans votre livre,
11:33que ce dont on ne guérit pas, on est condamnés à le revivre.
11:36Et je pense que la France a quand même…
11:39On a l'extrême droite, Marine Le Pen, Eric Zemmour,
11:42qui nous disent que la colonisation était une bénédiction
11:45ou alors que ce n'était pas un drame.
11:47On a des ministres, en ce moment, qui jettent de l'huile sur le feu.
11:50Hier, j'ai été voir le biopic sur Frantz Fanon.
11:53Et tout le discours qu'a Frantz Fanon sur les colonisés,
11:58la façon dont le colon dit que le colonisé est agressif,
12:01est radical, est quelqu'un de violent.
12:04J'ai eu l'impression qu'en fait, ça, ça continue.
12:07On parle d'islamophobie avec le meurtre d'Aboubakar Sissé.
12:11On construit encore les musulmans, les immigrés,
12:14certains, certaines personnes, certains partis les construisent encore,
12:18comme les colons construisaient, les colonisaient
12:20pendant l'Algérie française, c'est frappant.
12:22– Même si, encore une fois, il y a eu ce discours officiel
12:25qui a reconnu les méfaits, entre guillemets, de la colonisation.
12:28Il y a quelque chose qui s'est passé officiellement, quand même.
12:31– Oui, c'est encore pas très clair, parce qu'il y a 10 ans,
12:35il y avait un débat sur le fait qu'on a failli avoir
12:37dans les programmes scolaires…
12:38– Aujourd'hui, on y réfléchit quand même différemment.
12:40– Un impact positif, oui.
12:42– Donc c'est très dans le tiraillement.
12:44Je pense qu'il y a un nœud, des nœuds qui sont encore
12:46complètement là.
12:48France Fanon parle des colons et des colonisés
12:50comme des aliénés.
12:51Je pense que nos sociétés sont encore aliénées,
12:54profondément, à la fois la France, l'Algérie,
12:56qu'on n'est pas sortis de ce…
12:58– Et on voit bien que les relations, ô combien,
13:00se sont dégradées.
13:02– Alors, Eric Fautorino, vous êtes journaliste,
13:04vous avez dirigé Le Monde, cofondé Le 1, plusieurs revues,
13:08donc Le 1, qui est un hebdomadaire, Zadig, Légende.
13:11Vous avez écrit une quinzaine de livres, de romans,
13:14souvent primés d'ailleurs, avec Le Féminin,
13:16notamment pour Baiser de cinéma en 2007.
13:18Et voici donc des gens sensibles.
13:20Alors là, nous plongeons dans le monde de l'édition,
13:22je le disais, à l'époque où vous commencez vous-même,
13:24Eric Fautorino, à écrire.
13:26– Oui, j'ai un peu décalé, c'était un roman,
13:28mais effectivement, j'ai essayé de faire une sorte
13:31de remontée émotionnelle de qu'est-ce que c'est
13:33quand on commence quelque chose d'aussi important
13:36que l'écriture, à un moment d'ailleurs où je pensais
13:40que j'en aurais fini aussi vite que j'avais commencé.
13:42Autrement dit, j'avais le sentiment qu'ayant écrit
13:44un premier roman qui reprenait tous les trous
13:47de l'histoire familiale,
13:49non pas que l'écriture allait les combler,
13:51mais en tout cas qu'elle allait réparer
13:53un petit peu quelque chose,
13:54je pensais que c'était terminé, je pourrais…
13:56– C'était terminé, pas du tout.
13:57– Et finalement, c'est là que j'ai mesuré
13:58combien écrire était une grande liberté
14:01qui se payait d'une immense servitude,
14:03parce que vous voyez, vous le dites clair,
14:0430 ans après, je suis toujours là à écrire encore un roman.
14:07– Bien sûr, peut-être pour payer une dette,
14:09parce que vous êtes reconnaissant aussi du fait que…
14:11– En l'occurrence, oui.
14:13Pour ce livre des gens sensibles,
14:15qui, comme vous l'avez dit,
14:17une attachée de presse passionnée
14:19et puis un écrivain algérien menacé,
14:22qui, l'un et l'autre, se sont reconnus comme…
14:25non pas comme des gens vivants,
14:27mais qui sont déjà dans un monde
14:28qui est plus proche de la mort,
14:29de la fin.
14:31Et dans cette attachée de presse…
14:33Souvent, on dit attachée de presse,
14:35on s'intéresse au mot presse.
14:36On dit, ah oui, c'est elle qui va te faire accéder.
14:38Mais moi, ce qui m'a vraiment fasciné,
14:40c'est le mot attachée,
14:41quelqu'un qui s'attache à vous,
14:43qui s'attache à votre texte
14:44et qui, à un moment donné,
14:45puisque vous êtes inconnue,
14:46va vouloir, parce qu'elle le croit,
14:48va vouloir qu'on vous lise.
14:51Et ça, c'est une telle générosité,
14:54quelque chose,
14:56il n'y avait pas de réserve,
14:58même si moi, j'étais convaincu
15:00qu'un premier roman était irrespirable
15:01et que, bien sûr, il y avait plein de défauts,
15:04mais elle avait peut-être vu quelque chose,
15:06des petites choses qui scintillaient
15:07et elle est partie avec ça.
15:09Elle s'appelle Clara,
15:10l'auteur dont vous parlez s'appelle Jean Foscolani,
15:12dit Fosco.
15:14Oui.
15:15Est-ce qu'il existe toujours ces passionnés
15:18dans l'édition qui vont porter des auteurs ?
15:21Alors, je crois que l'époque a changé,
15:24le statut du livre a changé, de l'écrivain.
15:27Maintenant, on est dans un monde d'images,
15:29donc...
15:30Mais, malgré tout, je connais encore
15:32des attachés de prêtres, des éditeurs...
15:34Qui se battent pour...
15:35Qui mettent vraiment...
15:36Oui, j'allais dire,
15:37qui mettent leur peau au bout de leurs idées
15:39et qui mettent aussi tout leur engagement possible
15:42pour qu'on entende une voix, une voix nouvelle.
15:45Vous êtes primo-romancière, comme on dit maintenant.
15:47C'est vrai qu'entendre une nouvelle voix,
15:49je trouve que c'est ce qu'il y a de plus beau,
15:52parce qu'on assiste à une naissance.
15:54Et là, la tachette-pas,
15:55c'est un peu comme une sage-femme, d'une certaine manière.
15:57Ah oui.
15:58Mais c'est vrai que ce que j'ai voulu raconter,
16:00c'était comment, dans cette époque-là,
16:02donc elle est pas si ancienne,
16:03mais quand même, on est au XXe siècle.
16:05Et le XXe siècle,
16:06il n'y a pas cette rapidité des écrans,
16:08des portables, de toutes ces choses-là.
16:10Le livre, le roman, la littérature,
16:13c'est-à-dire la fiction,
16:14il était une fois,
16:15et là, on pourrait dire,
16:16il était une première fois.
16:17Tout d'un coup,
16:19des personnages vont surgir,
16:21des sentiments,
16:22et le statut de l'écriture,
16:24qu'est-ce que c'est qu'écrire ?
16:25Finalement, c'est ce qu'interroge aussi beaucoup
16:27le personnage central,
16:28et puis ceux qui l'entourent,
16:30Saïd et Clara.
16:31Voilà, c'est une maison...
16:32Elle s'appelle d'ailleurs
16:34les éditions du Losange,
16:35dans le livre,
16:36il y a peut-être des références...
16:37Moi, j'ai lu que c'était peut-être
16:38Claude Durand, l'éditeur...
16:40Oui, on peut l'imaginer.
16:42D'ailleurs, comme toujours,
16:44moi, quand j'écris des romans,
16:45des personnages sont composites,
16:46c'est-à-dire qu'il y a
16:47ce que vous imaginez vraiment,
16:49et puis il y a des gens
16:50qui vous ont tellement marqués.
16:52En l'occurrence,
16:53ces deux figures
16:54ont été des météores pour moi,
16:56ils ont duré moins d'une année
16:58dans ma vie.
16:59Fosco va former avec Clara,
17:00donc cet attaché de presse,
17:01un trio étonnant,
17:03comme vous dites,
17:04un peu mortifère,
17:05je ne sais pas,
17:06mais en tout cas,
17:07il y a comme une perdition.
17:08Quelque chose qui rôde de funèbres.
17:10De funèbres.
17:11Il s'appelle Saïd,
17:12il est un écrivain algérien connu
17:14et menacé de mort,
17:15parce que nous sommes donc
17:16dans cette décennie 90,
17:18bien sûr,
17:19où les religieux algériens
17:22font régner la terreur dans le pays,
17:24ils vont provoquer
17:26des centaines de milliers de victimes.
17:28200 000 morts, oui.
17:29C'est une chose d'ailleurs
17:30dont les Algériens ne parlent pas
17:32ou ne veulent pas vraiment parler,
17:34c'est vraiment une période noire.
17:36Il y a quelque chose de désespéré
17:37dans cette relation,
17:38on pense qu'elle a...
17:40Oui,
17:41parce que Saïd est un écrivain adulé
17:44dans son pays
17:45et bien au-delà,
17:46dans le monde entier,
17:47mais aussi,
17:48en particulier en France,
17:49et lui,
17:50il veut qu'on lui parle de ses livres,
17:52il veut qu'on lui parle de son écriture,
17:54et on le prend comme un emblème,
17:57un étendard de, justement,
18:00l'indépendance,
18:01la lutte contre l'obscurantisme,
18:02toute cette ombre qui s'abat sur l'Algérie
18:04à ce moment-là,
18:05où ses amis se font assassiner.
18:07Il ne faut pas oublier que dans cette période,
18:09des intellectuels de toutes sortes,
18:11des écrivains, des professeurs,
18:12des avocats, des médecins,
18:14se font assassiner tout simplement
18:16parce qu'ils veulent vivre librement
18:18et à distance de la religion,
18:20mais sans blasphémer, etc.
18:21Et ces gens se font tirer...
18:23C'est le sujet des livres de Kamel Daoud, évidemment.
18:25Bien sûr.
18:26Exactement.
18:27Ils se font tirer des balles dans la tête.
18:28Je parle de Kamel,
18:30de Tara Jaoud et d'autres.
18:32Et c'est vrai qu'il y a des scènes
18:34que j'ai imaginées où Saïd,
18:36lorsqu'il est pris de boisson,
18:39comme on dit,
18:40ou très fatigué,
18:41commence à réciter un chapelet de mort,
18:44comme ça,
18:45c'est comme si sa bouche était un cimetière,
18:46et il sort tous les noms de ces hommes,
18:48de ces femmes qui se font tuer,
18:49surtout des hommes, d'ailleurs.
18:51Et c'est vrai qu'au fur et à mesure,
18:53on comprend bien
18:54que la littérature peut beaucoup de choses,
18:57mais elle ne peut pas le sauver.
18:59Alors, ce qu'on comprend aussi,
19:01c'est que ce héros,
19:04qui est peut-être un peu votre double,
19:06ce jeune écrivain,
19:07avec ce trio,
19:08il va rechercher sa propre fond,
19:10il va rechercher sa propre identité,
19:12ses propres origines,
19:13puisqu'il ne sait pas qui est son père,
19:16c'est ça que l'on comprend,
19:17et que sa mère lui a dit
19:18que ce père était berbère.
19:20Oui, donc berbère,
19:21il ne sait pas trop ce que ça veut dire,
19:22mais c'est vrai que c'est
19:23un espèce d'animal sauvage
19:25qui court dans tous mes livres,
19:26c'est-à-dire cette identité...
19:28Oui.
19:29Dans l'homme qui m'aimait tout bas,
19:30évidemment, là,
19:31vous nous révélez
19:32que vous découvrez un père génétique
19:33qui n'est pas votre père adoptif,
19:35et qui vient de cette...
19:36Qui est un juif du Maroc,
19:38et mon père, lui,
19:40il est de Tunisie,
19:41où le père de Anna est dans les dunes,
19:45il y a des scènes sur les dunes en Tunisie,
19:47et donc, si vous voulez,
19:49pour moi, la Méditerranée,
19:50elle m'a traversé bien avant
19:51que je la traverse,
19:52elle est en moi,
19:53mais en moi,
19:54comme Fabrice à Waterloo,
19:55je ne sais pas ce que je ressens.
19:57Je ressens quelque chose comme un vide,
19:59quelque chose qui s'est effacé,
20:00mais qui vit quand même,
20:02et c'est cette...
20:03Comment on peut vivre sans père,
20:05grandir sans la figure du père,
20:07sans l'image d'un père, etc.
20:09Une voix, des chaussures,
20:12un rasoir dans la salle de bain,
20:14quelqu'un, au-delà de ça,
20:15qui s'occupe de vous,
20:16qui vous dit...
20:17Et donc, cette quête, Fosco,
20:19il l'a encore à ce moment-là,
20:21il est très jeune,
20:22et quand il voit Saïd,
20:24évidemment,
20:25il projette quelque chose sur lui,
20:27il pense que Saïd sait des choses sur lui
20:28qu'il ne sait pas lui-même.
20:30Et comme sa mère est un peu fantasque,
20:32un jour elle lui dit qu'il est de Tunisie,
20:33un autre jour d'Algérie,
20:34un autre jour du Maroc,
20:35allemand berbère.
20:36Qu'est-ce que ça veut dire berbère ?
20:37Les berbères sont en Afrique du Nord,
20:38avant les arabes,
20:39et il y a toute une identité berbère,
20:42évidemment,
20:43qui apparaît,
20:44et je parle d'une chanson d'Idyr
20:46qui s'appelle
20:47Hava et Nouva...
20:48Je vois que Clara...
20:49En exergue de votre roman,
20:51ça m'a touché,
20:52parce qu'effectivement,
20:53quand on...
20:54Moi, quand j'écoute cette chanson,
20:56je sais toujours les larmes aux yeux,
20:58parce que je ne la comprends pas.
20:59C'est mon petit-papa.
21:00C'est mon petit-papa.
21:01Voilà, c'est mon petit-papa.
21:02Et...
21:03Mais elle m'a fait pleurer,
21:04avant même...
21:05Enfin, que je sache ce qu'elle disait,
21:06vous voyez.
21:07Et donc, c'est comme Anna qui devient jeu.
21:09Moi, cette chanson,
21:11moi, j'ai connu Idir,
21:12il y a très longtemps,
21:13on avait été très proches,
21:15dans ce moment où, justement,
21:17à Paris,
21:18on pouvait,
21:19dans certains cafés,
21:20dans certains restaurants berbères,
21:22reconstituer quelque chose de paisible
21:25au milieu du massacre,
21:26du sang,
21:27de la violence,
21:28de la haine.
21:29Est-ce que vous, Clara Bretot,
21:30vous avez cette période sanglante ?
21:33Est-ce que...
21:34Elle vous est parvenue ?
21:35Est-ce que...
21:36Oui, je suis allée une fois en Algérie,
21:38et, en fait,
21:39on est allé passer le week-end
21:41dans les monts du Djurdjura.
21:42Et quand on est sortis d'Alger,
21:44on est rentrés dans le triangle de la mort,
21:45la plaine du Mitidja,
21:46qui était sur la route.
21:47Et là, mon oeil s'est fermé,
21:49j'ai eu une poussière
21:50qui m'est rentrée dans l'oeil.
21:51Et pendant tout le week-end,
21:52j'ai été incapable d'ouvrir l'oeil.
21:54Donc, j'ai vu tout ce qui n'était pas à Alger,
21:56qui était le début de la route
21:57vers les Orestes,
21:58tout ça,
21:59avec un oeil fermé,
22:00l'autre qui pleurait,
22:01parce qu'en plus, tout est...
22:03Et j'étais donc incapable
22:04de voir grand-chose, quoi,
22:05pendant cette excursion.
22:07Par contre, en rentrant à Alger,
22:08pour la première fois à la radio,
22:10j'ai entendu Avava Inouva.
22:12Donc, j'ai pas vu,
22:13mais j'ai entendu quelque chose
22:14que j'ai ramené,
22:15que j'ai appris complètement en phonétique.
22:17Je ne savais pas non plus
22:18ce que ça voulait dire.
22:19Donc, je l'ai chanté à mon père
22:20sans savoir du tout
22:21ce que je racontais.
22:22Et puis, ça devait être vraiment du...
22:24C'était un peu des grelots sonores, quoi.
22:26Et Avava Inouva,
22:27c'est tout l'enjeu.
22:28C'est une fille qui agite ses bracelets
22:30pour que son père la reconnaisse.
22:31Donc, il y avait un mimétisme fou,
22:33en fait, dans cette situation.
22:35Voilà.
22:36Vraiment, c'était très touchant
22:38de penser que vous avez
22:39des points communs d'origine.
22:40Ah oui, oui.
22:41Vous avez cherché l'un et l'autre,
22:42qui voudraient échapper un peu,
22:44qui sont là, quand même.
22:45En fait, je crois que l'écriture,
22:47c'est vraiment une reconstruction.
22:49Je ne sais pas
22:50si c'est une réparation,
22:51mais en tout cas,
22:52on reconstruit quelque chose
22:53avec un édifice fragile
22:54qui s'appelle
22:55Des mots sur des pages.
22:56Mais finalement,
22:57moi, je le vois maintenant,
22:58je n'ai pas l'âge de Clara,
23:00mais ayant des enfants,
23:02des petits-enfants,
23:03qui commencent à regarder
23:04les livres de poche
23:05avec des photos,
23:07des photos de mes pères,
23:08puisqu'il y a deux pères.
23:09Mais qui c'est, papy ?
23:11Celui-là, c'est qui ?
23:13Mais alors, c'est ton papa ?
23:15Mais alors, lui...
23:16Et donc, cette incompréhension
23:18qui était la mienne
23:19et qui était même celle
23:20un peu de mes enfants,
23:21je vois bien qu'il aura fallu
23:2230 ans,
23:23donc une grosse génération,
23:24pour que ça devienne
23:25un peu plus simple,
23:26je ne sais pas,
23:27mais en tout cas,
23:28qu'il y ait des mots
23:29pour raconter
23:30tout ce qui m'a occupé,
23:31mais comme vraiment
23:32une occupation,
23:33au sens où on peut le dire
23:34Annie Arnault
23:35quand elle parle
23:36de son occupation.
23:37Voilà.
23:38Moi, je dis souvent,
23:39j'ai écrit pour pouvoir me taire.
23:41Alors, c'est paradoxal
23:42de parler,
23:43mais maintenant,
23:44je n'ai plus à la raconter.
23:45Vous pouvez la transmettre
23:46par cette écriture.
23:47Voilà.
23:48Et l'écriture,
23:49c'est aussi des silences,
23:50et ça, c'est formidable.
23:51Est-ce que vous,
23:52Clara Bretot,
23:53quand vous avez commencé
23:54à écrire ce roman,
23:56ou peut-être d'ailleurs
23:57votre premier essai,
23:58est-ce que vous avez reçu,
23:59rencontré des oreilles aussi
24:01à l'écoute
24:02que cette attachée de presse
24:05dans le livre d'Éric Fautorino
24:07qui se bat pour ses auteurs ?
24:09Est-ce que vous avez eu
24:10cette chance-là ?
24:11J'ai eu la chance d'être,
24:12d'avoir beaucoup de soutien,
24:13d'être publiée,
24:14d'être, ça c'est sûr,
24:15j'en suis très reconnaissante
24:16à Actes Sud, au Seuil.
24:17Donc ça existe, voilà.
24:19Il y a des maisons
24:20qui sont accueillantes
24:21pour les premiers romanciers.
24:22Bien sûr.
24:23Oui, oui, oui, bien sûr, oui.
24:25Et après,
24:27c'est pas une relation fusionnelle
24:29comme ça de...
24:30Oui, là, c'était quand même
24:31très particulier,
24:32parce qu'il y a une scène
24:33notamment dans une cabine téléphonique
24:35où...
24:36Oui, j'aime beaucoup,
24:37j'ai vraiment beaucoup payé cette scène.
24:38La conversation dure toute la nuit,
24:39en fait.
24:40La cabine est à la fois
24:41enfermante et enveloppante
24:42comme peut l'être Clara.
24:43Exactement,
24:44parce qu'il y a une emprise,
24:45quand même,
24:46cette femme,
24:47elle a une emprise sur Fosco,
24:48elle veut qu'il soit là,
24:49tel cocktail,
24:50toute cette vie parisienne,
24:51vous savez,
24:52qui était...
24:53Je ne sais pas si elle existe
24:54encore tant que ça,
24:55elle doit exister,
24:56mais je la fréquente moins.
24:57Oui, ça c'est un peu la question aussi,
24:58vous la décrivez très bien,
24:59mais on ne sait pas
25:00si ça existe tout à fait.
25:01Aujourd'hui,
25:02peut-être plus ou moins,
25:03mais c'est vrai
25:04qu'il y avait quand même
25:05toujours l'idée
25:06qu'est-ce qu'on va découvrir.
25:07Pour moi, la littérature,
25:08par rapport au journalisme,
25:09bien clair,
25:10c'est toujours l'inaperçu de la vie,
25:12c'est-à-dire que le réel,
25:13on va le débusquer,
25:14il y a des faits,
25:15des informations.
25:16Quand on écrit des romans,
25:18quand on se met dans cette posture,
25:19cet état d'esprit de la fiction,
25:21il y a tout d'un coup
25:22des choses qui nous avaient échappé
25:24et qui, tout d'un coup,
25:25surgissent tellement fortement
25:26que, de mon point de vue,
25:28la fiction,
25:29non pas qu'elle soit supérieure
25:30à la réalité,
25:31mais elle est capable
25:33d'aller la débusquer
25:34là où on ne l'attend pas.
25:36– Ça s'appelle des gens sensibles,
25:37pourquoi,
25:38Eric Fautorino ?
25:39On voit bien que…
25:40– C'est des gens
25:41qui n'ont pas de carapace
25:43et donc,
25:44qui prennent avec…
25:45– C'est ceux que vous rencontrez
25:46à ce moment-là.
25:47– Oui, c'est-à-dire qu'on sent
25:48qu'il y a chez eux
25:49de grandes failles,
25:50de grandes fragilités,
25:51comme s'ils avaient une peau en moins
25:52et donc,
25:53ce qui les atteint,
25:54les atteint plus fortement.
25:55– Alors, on a parlé,
25:56bien sûr,
25:57c'est au cœur de vos livres
25:59des relations entre la France
26:00et l'Algérie,
26:01vous en avez parlé,
26:02Clara Bretot,
26:03un mot quand même
26:04on est inquiet,
26:06enfin, plus qu'inquiets,
26:07bien sûr.
26:08– Oui.
26:09Alors, d'abord,
26:10il y a cette synchronicité,
26:11ce texte, moi, je l'ai écrit…
26:12– Qui est en prison en Algérie.
26:13– Exactement.
26:14Ce texte,
26:15je l'ai écrit d'abord en l'an 2000,
26:16après,
26:17je l'ai repris en 2018,
26:18je l'ai terminé
26:19après être allé à Tangier
26:21en 2023
26:22et quand je l'ai donné
26:23chez Gallimard,
26:2415 jours après,
26:25Boilem a été arrêté.
26:26Et mes éditeurs m'ont dit,
26:28c'est incroyable,
26:29on a l'impression
26:30que tu parles de Boilem.
26:31on parle d'un autre écrivain,
26:33donc,
26:34de sorte de l'éternel retour.
26:35Et l'inquiétude,
26:36en fait,
26:37sur Boilem Sansal,
26:38c'est de l'avoir construit,
26:39ce que vous disiez tout à l'heure,
26:40on construit des personnages,
26:41des archétypes
26:42avec des préjugés,
26:43on construit un Boilem Sansal
26:45que je ne connais pas,
26:46depuis 20 ans que je le connais,
26:48je n'ai jamais reconnu
26:49dans la manière
26:50dont il est le président algérien
26:51Théboun,
26:52qui dit c'est un imposteur,
26:53etc.
26:54Non, c'est pas du tout,
26:55il est l'homme
26:56le plus libre d'Algérie,
26:57c'est quelqu'un
26:58qui justement
26:59est l'honneur de l'Algérie.
27:01Et bien sûr,
27:02aujourd'hui,
27:03à un moment donné,
27:04il y a un peu d'espoir
27:05qui sort,
27:06puisque paradoxalement,
27:07ayant été lourdement condamné,
27:08ça ouvrait la porte à la grâce.
27:10Mais on n'a pas de nouvelles
27:11de cette grâce qui était posée.
27:12Non, moi j'ai encore essayé
27:13ces jours-ci
27:14d'avoir des informations
27:15et je comprends
27:16que ce que j'ai compris,
27:18c'est que plus on,
27:19paradoxal,
27:20plus on était silencieux,
27:21plus ça pouvait l'aider.
27:22Alors,
27:23La venue de Vert,
27:24c'est votre livre,
27:25merci beaucoup Clara Breton
27:26d'être venue nous voir,
27:27c'est publié au Seuil.
27:28Et puis des gens sensibles,
27:29c'est vous,
27:30Éric Fottorino,
27:31chez Gallimard,
27:32votre éditeur.
27:33Trois petits coups de cœur
27:34rapides avant de refermer
27:35cette édition.
27:36D'abord,
27:37Revoir Palerme,
27:38de Magali Discours.
27:39Alors là,
27:40c'est un voyage au cœur
27:42de la Sicile,
27:43l'histoire d'une étudiante
27:45parisienne qui va honorer
27:46une promesse faite
27:47à sa grand-mère,
27:48partir sur les traces
27:49du guépard de Visconti.
27:52Alors c'est aux éditions
27:53Maison Pop,
27:54c'est une nouvelle maison d'édition.
27:55Et puis,
27:56on est content d'ailleurs toujours
27:57de saluer les nouvelles
27:58maisons d'édition.
27:59Petite maison,
28:00Tristram,
28:01basée à Auch,
28:02qui fait découvrir
28:03Pierre Bourjade,
28:04un écrivain mort en 2009,
28:05un peu oublié aujourd'hui.
28:06Vous voyez,
28:07par exemple,
28:08L'Éternel Mirage
28:09à redécouvrir.
28:10Et pour ma part,
28:11très joli livre
28:13d'Ingrid Glowacky,
28:14la poète aux mains noires,
28:17publié chez
28:18aux éditions L'Arpenteur.
28:20C'est une très jolie surprise
28:21qui nous emmène
28:22dans Le Béry
28:23à la rencontre
28:24d'une artiste
28:25bien particulière.
28:26Elle s'appelle Marie Talbot.
28:27Elle est potière,
28:28tout simplement.
28:29C'est un métier d'homme.
28:30C'est son métier.
28:31Elle est libre.
28:32Elle l'exerce.
28:33Il y a aussi des drames personnels
28:34et elle va croiser Georges Sand,
28:35puisque c'est bien sûr
28:36le pays de Georges Sand.
28:37Voilà.
28:38Merci beaucoup à tous les deux
28:39d'être venus nous voir.
28:40On se retrouve très vite
28:41pour un nouveau numéro
28:42de Bonheur des livres.
28:43C'était Au Bonheur des livres avec le Centre national du livre.
29:04Sous-titrage Société Radio-Canada
29:06et à la fin de l'Ontario.
29:07C'était Au Bonheur des livres.
29:08C'est à la fin de l'Ontario.
29:09C'était Au Bonheur des livres.