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Diffusion du documentaire évènement ce mardi soir sur M6 à 21h10 : « Santé mentale, briser le tabou »
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot et Thomas Sotto du 06 mai 2025.

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Transcription
00:00L'invité du 9-10
00:01J'ai été athlète de haut niveau pendant 10 ans.
00:06En 2011, je suis champion du monde.
00:08En 2010, je suis champion d'Europe.
00:09Les deux années précédentes, j'ai le meilleur temps mondial de l'année.
00:12Et en 2012, je fais 4.
00:14Donc, clairement, c'est pas pour ça que je venais au jeu.
00:17C'était pas pour une finale, c'était pas pour une médaille en chocolat, c'était pour le titre.
00:21Et là, en fait, il y a tout qui s'écroule.
00:23Parce que, en fait, je me dis que pourquoi s'entraîner 7 heures par jour pour vivre un tel échec.
00:29Et c'est vraiment, moi, j'ai cette image de on-off.
00:32Ces mots très forts, cette voix, ce sont ceux de Camille Lacour.
00:36Bonjour et bienvenue sur RTL, Camille Lacour.
00:38Bonjour.
00:38Vous avez accepté de témoigner dans ce documentaire formidablement utile
00:41qui sera diffusé ce soir à 21h10 sur M6,
00:44« Santé mentale, briser le tabou ».
00:47Et c'est vrai que c'est nouveau de voir des champions, des sportifs, des stars
00:50qui acceptent de dire « Oui, j'ai des faiblesses, j'ai eu des faiblesses,
00:53j'ai traversé des moments difficiles ».
00:55Est-ce que pour vous, cette démarche, cette première démarche de parler
00:58déjà, a été difficile ?
01:01Bien sûr, bien sûr que ça a été difficile
01:02parce que je savais qu'une fois que j'allais ouvrir cette porte,
01:07ça n'allait pas s'arrêter.
01:08Donc, il fallait vraiment l'assumer pleinement.
01:10Et par l'assumer pleinement, il fallait aussi être honnête et à 100%,
01:13donc avoir aussi le recul sur moi-même.
01:16Donc, ça a été assez compliqué.
01:17J'en avais parlé beaucoup avec ma compagne.
01:19J'avais l'impression d'avoir une boîte que j'avais refermée en mode « Ça a été
01:23très compliqué, je le mets tout au fond de mon cerveau ».
01:25Et quand on commence à en parler, on rouvre cette boîte et il faut analyser tout
01:28ce qui se passe dedans.
01:30Mais assez rapidement, j'ai compris que ça pouvait être très utile pour moi déjà,
01:35parce que ça m'a aidé, et aussi pour beaucoup de personnes.
01:37Et à partir de là, je me suis dit « Bon, ça vaut quand même le coup ».
01:40Il y a 13 millions de Français, et c'est rappelé au tout début du documentaire,
01:44qui sont touchés par des troubles psychiques.
01:46Alors, à différents degrés, ça va du burn-out à la schizophrénie,
01:51en passant par la dépression, la bipolarité, des troubles du comportement,
01:55des troubles alimentaires notamment.
01:57C'est donc énorme, ça fait un Français sur cinq.
02:00Sur quatre, même les derniers chiffres, sera ou sera touché par une maladie mentale,
02:04donc c'est énorme.
02:05Et vous dites, et c'est important de le dire, la dépression n'arrive pas qu'aux faibles.
02:09Oui, quand je dis ça, c'est que souvent, c'est des gens qui pensent
02:13qu'eux peuvent accepter quelque chose qui est inacceptable.
02:16C'est-à-dire qu'ils se disent « Bon, ça va passer, c'est dur, mais ça va aller, ça va aller ».
02:20Et en fait, au lieu de plier, ça reste droit, ça reste droit,
02:23et quand c'est trop lourd, ça craque.
02:24Et c'est là qu'on tombe dans le burn-out, c'est là qu'on n'arrive plus à se relever,
02:27c'est là qu'on n'a plus aucune énergie.
02:29Et c'est pour ça que je dis « Non, ça n'arrive pas aux faibles qui plient,
02:32en fait, et qui laissent passer un petit peu au-dessus tous les problèmes ».
02:36C'est les gens qui veulent affronter ces soucis,
02:40et c'est des gens qui, souvent, ne s'écoutent pas, en fait.
02:43Ils n'écoutent pas le subconscient ou la petite voix qu'on a dans la tête
02:46où, plusieurs fois, ils nous répètent « Non, il ne faut pas le faire, il ne faut pas le faire ».
02:50Et nous, on dit « Non, mais on a ses forts, on va y arriver ».
02:52Et à l'arrivée, c'est un peu comme un disjoncteur, le cerveau.
02:55Il nous envoie des signaux, et si on ne les écoute pas, il éteint tout,
02:57et il faut tout remettre à jour.
02:59On est souvent seul face à sa détresse, Camille Lacour.
03:01Est-ce que le fait que d'autres personnalités aient accepté d'en parler
03:05vous a déverrouillé aussi, ou est-ce que vous, vous l'auriez fait quoi qu'il arrive ?
03:08Vous n'en aviez jamais parlé avant, sauf erreur de ma part, si ?
03:10J'en avais parlé déjà sur un documentaire l'année dernière qui s'appelait « Strong »,
03:14mais c'était que des sportifs.
03:17Et même quand ils m'ont approché et qu'on a commencé à en parler,
03:20c'est vrai que c'est compliqué, parce qu'on n'a pas envie de passer pour la pleureuse.
03:24Il y a de la honte ?
03:25Non, aucunement. On se sent illégitime.
03:30Si on remet un peu les choses dans le contexte, j'allais devenir papa,
03:33j'étais géri de marque fabuleuse, j'étais champion d'Europe et champion du monde,
03:36on me considérait comme un beau gosse.
03:39J'ai juste raté une course en piscine, et je pars en dépression de l'extérieur.
03:44Et ça fait partie du jeu en plus ?
03:45Bien sûr, ça fait partie du sport.
03:48Et derrière, les gens se disent « Mais qu'est-ce qu'il veut, lui ? »
03:51Et c'est là où c'est compliqué de se dire « Si, ça arrive aussi à des gens
03:56qui ont peut-être de l'extérieur tout pour être heureux,
04:00mais qui ne sont en fait juste pas alignés avec qui ils veulent être. »
04:02En tout cas, moi, c'est comme ça que je l'ai ressenti.
04:03Comment ça s'est manifesté chez vous ?
04:06Il y a sept échecs, donc, au JO de Londres, et après ?
04:10Moi, j'ai malheureusement connu deux phases, en 2012 et puis en 2017,
04:15quand j'arrête ma carrière.
04:17En 2012, ça fait vraiment un interrupteur, un voile gris qui se met sur ma vie
04:20quand j'échoue et que je finis quatrième.
04:22Mais qu'est-ce que vous faites ? Vous vous enfermez chez vous ?
04:24D'abord, un peu à l'image d'un deuil.
04:27Quatrième, ça reste un échec relatif.
04:29Vous êtes aux Jeux olympiques quand même, vous êtes quatrième d'une course.
04:32Très français, cette phrase.
04:35Très poulidor.
04:37Peut-être, mais on ne vous dit pas que tu étais le dernier des nuls.
04:41Non, mais personne ne me le dit d'ailleurs.
04:45Et d'ailleurs, la plupart des Français, jusqu'à il n'y a pas très longtemps,
04:48maintenant j'en parle un peu plus, mais pensaient que j'étais champion olympique.
04:50On était sur du 99, voire 100 %, pensaient que j'étais champion olympique
04:55dans un relais ou quoi que ce soit.
04:57Donc, non, c'est moi.
04:58C'est ce que moi, je ressens.
04:59Et je sais que je vais aussi devenir papa à ce moment-là.
05:02Et je pense que la personne que je suis en 2012, très égocentrée, très égocentrique,
05:07tout tourné vers le sport, je dois changer cet équilibre dans ma vie parce que j'ai envie d'être un bon papa déjà.
05:13Et en fait, cet échec olympique, c'est comme une avalanche qui balaie toutes mes certitudes.
05:18Et il faut tout reconstruire.
05:20Et j'aurais adoré vous raconter la même histoire avec une médaille autour du cou.
05:23Mais c'est comme ça que ça m'est arrivé.
05:25C'est digéré aujourd'hui, maintenant que la dépression est passée, que ça a été soigné, que vous en parlez.
05:29C'est digéré ça ou c'est toujours une fêlure, une fragilité ?
05:32L'échec olympique, non, c'est digéré.
05:34J'essaye de digérer tout ce qui se passe dans la vie.
05:36Je crois qu'il faut vraiment assumer notre passé pour réussir à avancer,
05:39pour être bien dans le présent et avancer dans le futur.
05:41Donc, c'est important.
05:43Par contre, j'ai essayé d'apprendre aussi de tout ça.
05:46Je crois qu'en 2017, si à la fin de ma carrière, je replonge dans un épisode dépressif,
05:51c'est parce que je n'avais pas analysé 2012.
05:53Je m'étais juste dit que c'était un moment compliqué, un échec difficile.
05:57Et en 2017, je revis la même chose.
05:59C'est quoi cet épisode dépressif ?
06:02Pardon, je vous repose la question, mais il y a la consommation d'alcool.
06:05En 2012, pas beaucoup.
06:06Plus en 2017, oui.
06:08C'est quoi ?
06:09C'est aucune motivation, aucun sens.
06:12Le matin, pas du tout envie de me lever, des insomnies.
06:16Je n'arrive pas à me motiver pour faire quoi que ce soit.
06:19Il y a un symptôme qui me faisait vraiment peur, c'est que j'étais spectateur de moi-même.
06:24C'est-à-dire que je suis toujours un petit peu l'extraverti, le bout en train.
06:28Et je me voyais faire rire les gens de loin.
06:31De l'extérieur, comme dans un film.
06:32Et je me disais, mais tu es tellement malheureux et tu arrives tellement à le cacher.
06:35Et ça, c'est chaque fois que je me reconnectais à moi-même, je me disais, waouh, c'est fou quand même d'arriver à s'éloigner de soi-même comme ça.
06:43Mais l'alcool, c'était un peu d'alcool ?
06:46Est-ce que ça vous emmène à une forme d'alcoolisme ?
06:49Est-ce que c'est le matin au réveil ? Est-ce que c'est dans la journée ?
06:51Vous l'évoquez dans le doc.
06:53Oui, je l'évoque. Encore une fois, quand on parle de ça, il faut être 100% entier.
06:59Et en 2017, quand ça m'arrive, je suis papa une semaine sur deux.
07:03Et la semaine d'après, je ne suis plus athlète. Je ne sais plus qui je suis.
07:06Et ça m'effraie, en fait.
07:09Je le dis aussi dans le reportage.
07:11J'ai l'impression d'être un vase, un plutôt joli vase, mais vide.
07:15Et il n'y a rien dedans.
07:16Une semaine sur deux, j'ai un peu de consistance parce que je suis un papa.
07:18J'essaye d'insuffler des valeurs à ma fille.
07:22Et l'autre semaine, je n'ai rien.
07:24Et ma béquille, c'est l'alcool.
07:28Alors, je ne bois pas le matin.
07:29Il y a une semaine sur deux où je ne bois pas.
07:31Quand j'ai ma fille, je m'y tiens vraiment.
07:32Donc, ce n'est pas de l'alcoolisme où j'en ai vraiment besoin.
07:35Mais c'est quand même une consommation d'alcool qui est complètement anormale.
07:39Et à quel moment vous mettez un mot sur tout ça ?
07:41À quel moment vous dites, là, ce n'est pas possible, je suis malade ?
07:44Parce que c'est ça, on est malade.
07:46Oui, ça n'arrive pas vraiment comme ça.
07:48L'anecdote, c'est que je suis à un restaurant à Boulogne qui est sur une île.
07:53Et on est en train de boire l'apéro avec des amis.
07:56Et il y a une dame qui passe, qui cherche son enfant et qui dit
07:58« Est-ce que vous n'avez pas vu ma fille avec un kawai rouge ? »
08:00Et moi, je lui dis « Ah, j'ai vu quelqu'un faire nager tout à l'heure,
08:03mais je crois que c'était un kawai bleu. »
08:06Et au moment où je dis ça, je me dis « Waouh, la bêtise de ce que je viens de dire. »
08:09La dame me fusille du regard sans m'insulter, mais j'ai compris que c'était le cas.
08:13Et elle s'en va.
08:14Mon pote à côté me dit « Waouh, c'est trop con ce que tu viens de dire. »
08:18J'attends le retour où elle revient avec sa petite fille et je vais m'excuser.
08:22Je lui présente mes excuses.
08:24Et là, elle me dit « Non, mais je ne vous avais pas reconnu, venant de vous, c'est drôle. »
08:27Et je dis « Bah non. »
08:28Elle me dit « Bah si, si, c'est drôle, vous êtes nageur, la baignade et tout. »
08:32Et là, elle part et je me dis « Waouh, je peux être le plus gros con de la Terre,
08:37vu que je suis connu, les gens m'excusent tout. »
08:39Et en fait, ça m'a tout remis à zéro.
08:42Je me suis dit « En fait, il faut vraiment que tu retrouves tes valeurs,
08:45il faut vraiment que tu te reconstruises autour de ça. »
08:46Parce que je ne voulais pas être ce genre de papa.
08:49Juste quelques mots quand même sur un mal qui concerne beaucoup de sportifs de très haut niveau,
08:54comme vous l'avez été, c'est la pression.
08:57Il y a en ce moment un documentaire incroyable sur Netflix sur Carlos Alcaraz,
08:59qui est un tout jeune sportif.
09:01Et on sent que cette pression, déjà, il ne la vit pas bien.
09:03Est-ce qu'elle n'est pas assez considérée, pas assez prise en compte dans le sport,
09:07et notamment dans le sport de haut niveau aujourd'hui ?
09:09Cette pression, est-ce que vous, elle vous a abîmé ?
09:12Oui, mais ce n'est pas la pression médiatique.
09:16Alors, je n'ai pas vu le reportage, mais moi, ça n'a jamais été une pression.
09:19Non, ce n'est pas la pression médiatique, c'est la pression du résultat,
09:20la pression de réussir à aller toujours plus loin, de gagner toujours plus,
09:23de conserver ses titres, c'est cette pression-là.
09:25Et peut-être un manque d'encadrement en même temps ?
09:28Je crois que c'est vraiment une pression personnelle.
09:31Évidemment, les sportifs de haut niveau, vu que tout est condensé,
09:33et donc les émotions sont plus hautes et les bas sont beaucoup plus violents aussi,
09:39sont mis en avant.
09:40Mais je crois que c'est pareil dans le monde professionnel.
09:43Quelqu'un qui arrive à monter son entreprise, qui a 50 salariés,
09:47puis 100, plus 200, plus 300.
09:49Voilà, l'idée de la réussite, elle est toujours la même.
09:52Le fait que ce soit condensé dans le sport, on en parle plus,
09:55on est sous les lumières.
09:56Donc aujourd'hui, on a l'impression que les athlètes en parlent beaucoup plus
10:01et qu'on est plus exposés.
10:03Je crois juste qu'on a plus de lumière sur nous
10:04et qu'on a un rôle aussi à apporter en disant
10:07« Ok, ça peut arriver, maintenant comment on fait ? »
10:09On a parlé du problème, comment on fait pour le régler ?
10:12Il y a des choses à faire, il y a de la préparation mentale
10:14qui se met en place énormément.
10:16Pour moi, il y a des choses qui devraient être mises en place à l'école.
10:19Un préparateur mental, c'est à l'image d'un préparateur.
10:22Pour tous les enfants ?
10:23Bien sûr.
10:24C'est comme un préparateur physique pour le cerveau.
10:27C'est juste essayer de comprendre comment marche notre cerveau.
10:29C'est essayer de comprendre quelle corde nous fait vraiment vibrer.
10:33C'est comprendre que quand on dit à notre enfant
10:36« Ne fais pas ça », il comprend « Fais ça » et après il le barre.
10:39Donc en fait, il y a déjà...
10:41C'est juste des façons de réfléchir qui sont vraiment importantes.

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