Michel Barnier souhaite que la santé mentale soit la "grande cause nationale" de 2025. Tout commence par l'équilibre familial, alors comment faire pour que nos enfants aillent mieux ? Regardez Caroline Goldman, psychothérapeute française, docteure en psychopathologie clinique, spécialisée dans la psychologie des enfants et adolescents. Elle publie "Guide des parents d'aujourd'hui", aux éditions Flammarion
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 24 septembre 2024.
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00:00RTLmatin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h17, on en parlait tout à l'heure, la santé mentale qui sera donc une grande cause en 2025
00:09est un vrai sujet d'inquiétude chez de nombreux ados.
00:12Alors ce matin, Amandine, vous avez choisi de recevoir Caroline Goldman,
00:15une psychologue qui n'a pas peur d'aller à rebours de la bien-pensance éducative.
00:19Bonjour et bienvenue à vous.
00:20Bonjour à tous.
00:21Bonjour Caroline Goldman, vous publiez le Guide des parents d'aujourd'hui, Thomas le rappelait.
00:26À l'instant, Michel Barnier a annoncé qu'il voulait faire de la santé mentale la grande cause nationale l'an prochain.
00:33Qu'est-ce que vous dites ? Enfin, il était temps.
00:36Bon, c'est un effet d'annonce, j'espère qu'il sera suivi d'une métabolisation réelle sur le terrain.
00:41Mais évidemment, on ne peut que se réjouir parce que la situation de la pédopsychiatrie en particulier est quand même assez préoccupante.
00:47Et on rappelait ces chiffres très inquiétants ce matin sur RTL.
00:5013 millions de Français qui souffrent aujourd'hui de troubles psychiques ou psychiatriques.
00:5340% des 18-24 ans présents ont des symptômes dépressifs.
00:57Et alors, pire encore, au collège, une fille sur quatre déclare avoir déjà eu envie de mourir.
01:03Pourquoi est-ce qu'ils vont si mal nos ados ?
01:05Je ne suis pas sûre qu'ils aillent plus mal qu'autrefois.
01:08Je pense qu'effectivement, le Covid a eu un vrai effet.
01:11Je pense que l'éducation positive n'a pas fait de bien non plus.
01:15Et puis surtout, vraiment, la proposition de soins en pédopsychiatrie est catastrophique.
01:19Il n'y a plus de place dans les CMP.
01:21Les psys sont de moins en moins formés à la psychopathologie qui explique mieux que personne et que rien du tout
01:30comment on souffre et quel conflit psychique se cache derrière les symptômes
01:34et comment faire en sorte que ça aille mieux.
01:35Tout ça, c'est dissous dans la politique de santé publique actuelle.
01:40Vous évoquez l'éducation positive, ça veut dire que nous aussi, parents, on est responsables de cette situation-là ?
01:46Pas vraiment. Je dirais que les médias ont eu un petit rôle aussi dans le fait d'avoir véhiculé des contenus.
01:54Mais vous dites dans votre livre que la dépression, c'est une maladie d'amour. On ne leur donne pas assez d'amour ?
01:58Ou alors, on ne les nique pas et du coup, ça les rend malheureux aussi.
02:02Il y a plusieurs voies d'accès malheureusement à la tristesse.
02:05C'est toute la complexité de la psychopathologie.
02:07Moi, je ne suis pas sociologue. Je suppose qu'il y a des spécialistes de la santé publique qui vont répondre à mieux.
02:13Vous les voyez ces enfants et vous racontez dans votre livre que souvent, derrière un enfant triste, dépressif,
02:21on a des parents qui ne vont pas bien par exemple.
02:23Oui, mais parfois aussi, les enfants sont malheureux d'avoir été mal limités.
02:27Ça rend leur vie impossible puisqu'ils ne sont plus aimés de leurs amis. Ils ne sont plus invités aux anniversaires.
02:33Les maîtresses en ont marre parce qu'ils sont très symptomatiques.
02:37Les grands-parents ne veulent plus les garder. Les nounous ne veulent plus non plus les garder.
02:40Tout ça, ça rend un enfant extrêmement malheureux. C'est la réalité.
02:43Quoi qu'en disent les idéologues de l'éducation positive, vendeurs de livres complètement bidons,
02:48parce qu'ils ne rencontrent pas la souffrance infantile. Donc, ça reste extrêmement théorique.
02:52C'est quoi l'éducation positive ?
02:54L'éducation positive, c'est une merveille.
02:56C'est une éducation qui envisage au départ que l'enfant doit être un support d'explication, d'amour et aussi de limites éducatives.
03:06Mais je voudrais rectifier peut-être quelque chose. Vous n'êtes pas contre l'éducation positive.
03:10Quand on lit votre livre, et on va en parler, les conseils que vous donnez, le premier conseil que j'adore moi,
03:16c'est soyez heureux, faites rire vos enfants au moins une fois par jour.
03:20Si ça, ce n'est pas de l'éducation positive...
03:22Absolument. Expliquez-leur ce qui se passe en eux, en vous, bien sûr.
03:25Mais il faut aussi court-circuiter les pulsions d'emprise et la toute-puissance et la quête de limites.
03:33Il faut répondre à cet appel au même titre qu'il faut répondre à leur demande d'explication.
03:37Il faut aimer et cadrer.
03:39Oui, mais tout ça, c'est tellement du bon sens.
03:41Et ce qui est fou, je dis parfois que je me suis lancée sur la scène médiatique pour faire de la psychologie inutile.
03:47C'est quand même inouï d'avoir à venir prendre la parole pour dire ces assertions de pur bon sens.
03:53Mais pourquoi ? Parce que les médias, les maisons d'édition ont laissé des messages dingues être véhiculés.
04:01C'est ça la réalité.
04:02Alors, c'est du bon sens, on est bien d'accord.
04:04En même temps, ce n'est pas tous les jours simple d'être heureux dans le monde dans lequel on vit.
04:08On galère au boulot, certains ont du mal à boucler leur fin de mois.
04:12Et quand on vous entend dire qu'un enfant est bien dans ses pompes et heureux quand il voit ses parents heureux,
04:19j'imagine qu'il y a plein d'auditeurs qui se disent qu'elle est gentille, mais ce n'est pas simple.
04:22C'est un cap, c'est un phare, c'est un objectif.
04:25Après, évidemment, on compose avec les contraintes du réel, mais c'est toujours bien de s'entendre rappeler ces réalités.
04:31Et après, on fait du mieux qu'on peut, on compose avec les contraintes de réalité.
04:35Et je trouve, moi, bouleversant dans la clinique infantile, le fait que ce qui rend les enfants heureux,
04:40c'est toujours ce qui rend aussi les parents heureux.
04:43Donc finalement, à chaque fois qu'on brandit comme ça un objectif, on fait du bien à tout le monde.
04:49Quand on dit, par exemple, à des parents, votre enfant est triste, il a besoin que vous soyez plus à la maison
04:54et que vous lui fassiez plus de câlins et que vous soyez plus dans le rire et l'émotion positive avec lui,
05:00ils se disent, effectivement, on est débordé, on s'est laissé déborder par le boulot, les contraintes.
05:05Et là, un choix professionnel, par exemple, ou géographique s'offre à nous, ça va orienter notre choix.
05:10Et tout le monde en tire vraiment des vertus de bien-être.
05:14Autre conseil, accorder du temps à nos enfants, du vrai temps, au moins 1h30 par jour d'amour.
05:21C'est beaucoup 1h30 dans une journée ?
05:23Oui, mais pas pour un enfant.
05:25Quand même, on les met au monde, on leur doit 1h30 d'amour par tranche de 24 heures.
05:30Vraiment, il faut garder aussi à l'esprit cette évidence.
05:34Et une nounou, aussi extraordinaire soit-elle, ne remplacera jamais un parent ou un grand-parent.
05:39Les grands-parents, par contre, peuvent faire souvent le job de véhicule aimant,
05:45parce qu'ils les aiment, ce sont leurs enfants, leurs petits-enfants, donc il ne faut jamais perdre de vue ça.
05:50Les parents qui rentrent à 20h30 après le dîner des enfants pour les embrasser et les coucher,
05:55je dis que ce n'est pas un bon équilibre.
05:57Sauf que certains n'ont pas le choix, je pense notamment aux mamans qui élèvent seules leurs enfants,
06:01qui partent tôt ou qui rentrent tard.
06:03Il y a toujours des aménagements possibles.
06:06Je me rappelle d'une maman qui avait fait une colocation avec une amie à elle,
06:09après leur divorce respectif, et c'était extraordinaire.
06:13Comme ça, les enfants avaient deux figures parentales, en plus de leur papa ailleurs.
06:19Et voilà, ça a marché très très bien.
06:21Vous insistez aussi, Caroline Goldman, sur un truc tout bête, le dîner tous ensemble.
06:25Ce n'est pas du tout tout bête.
06:27Ce n'est pas du tout tout bête, non, mais c'est vrai qu'il y a plein de familles où on fait dîner les enfants tôt,
06:31histoire de ne pas les coucher trop tard.
06:33Et puis, les parents passent un moment ensemble, ce qui aussi est important, j'imagine, au bonheur de chacun.
06:40Et pourquoi est-ce qu'il faut dîner tous ensemble ?
06:43Pour moi, c'est idéal. Après, il y a des familles qui déjeunent ensemble,
06:46il y a des familles qui prennent un long petit déjeuner ensemble,
06:48donc tout ça est sans doute substituable.
06:50Mais moi, ce que j'adore dans le dîner, d'un point de vue théorique,
06:56c'est qu'il se passe tout l'apprentissage des relations, avec toutes ses composantes.
07:03C'est-à-dire se rencontrer vraiment en parlant de nous,
07:07en parlant de ce qui nous a émus dans la journée ou dans les médias, etc.
07:12Laisser la parole aux parents qui ont des trucs à se raconter, qui relèvent des trucs des parents.
07:18Ne pas couper la parole.
07:21Apprendre à accueillir les confidences, par exemple, d'un frère ou d'une sœur sans se moquer.
07:27Se tenir correctement à table.
07:30Apprendre à manger de tout.
07:31Apprendre la diplomatie autour des plats qui arrivent et qu'on n'aime pas forcément.
07:35Tout ça.
07:36Quand un enfant est capable d'avoir un bon état d'esprit, de respecter l'espace de l'autre
07:42et d'être bien accordé sur le plan du ton aux parents.
07:46Et de ne pas éructer à table, par exemple.
07:50Oui, mais c'est quelque chose qu'on rencontre aussi.
07:53Quand on mange avec des enfants, on les laisse rôter jusqu'à 4 ans, 5 ans, 6 ans.
07:58On rit.
07:59Et puis au bout d'un moment, on se dit, mais quand même, c'est malaisant.
08:01On ne va pas le laisser faire ça à l'extérieur.
08:03Donc, il y a un moment où l'éducation vient s'en mêler.
08:06Tout ça, ce sont des apprentissages qui sont très importants pour laisser après notre enfant
08:11repartir dans le monde en étant bien outillé, au code de bienséance.
08:15Voilà.
08:16Donc, c'est très, très important.
08:17Et puis, je ne parle pas de tout ce qui se passe sur le plan structurel dans la rencontre avec les parents.
08:21C'est pour ça que je dis qu'une heure et demie par jour, c'est le minimum.
08:24Parce qu'évidemment, on apprend à se connaître.
08:27On apprend à se parler.
08:29Tout ça, ça paraît du bon sens.
08:32Mais ce n'est pas tous les jours facile à mettre en place.
08:35Le guide des parents d'aujourd'hui s'est publié.
08:37C'est Flammarion.
08:38Merci beaucoup, Caroline Goldman.