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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie Nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls, les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Il y a toutes sortes d'armes ici-bas.
01:04Mais celle qui a servi à tuer Philippe Asher est la plus macabre que j'ai jamais vue.
01:10Et je parle en connaissance de cause, ça fait vingt ans que je suis dans la branche.
01:15Quelle est cette arme ? Je vais vous le lire.
01:19Il s'agit d'une tête de mort.
01:21Craven et moi, nous restons là, debout, terrassés et immobiles à regarder ce qu'il reste de ce débris humain,
01:30brisé en mille morceaux et couvert de sang, gisant à côté du cadavre.
01:36Une tête de mort qui regoutte à la vie en se collant du sang sur le bout du nez.
01:41C'est sûr, le premier ou, à la rigueur, le second coup a dû le faire éclater comme une coquille d'œuf,
01:48mais il devait rester un morceau assez gros pour défoncer le crâne d'Asher.
01:54Vu l'état de la blessure, le coup avait été porté avec une grande force.
02:00Je lève les yeux et je jette un regard sur la grande pièce où nous nous trouvons.
02:05C'est un grand studio aux couleurs sombres et aux décors masculins.
02:10Deux des murs sont couverts d'étagères garnies de livres reliés cuir,
02:14tandis que, devant le troisième, sont disposés des objets en tout genre, à mon avis,
02:20des produits d'une civilisation primitive, mexicaine ou d'Amérique centrale.
02:26Il y a des poteries, des statuettes, des bois sculptés, des armes.
02:30Dans la pièce, il y a deux bureaux face à face.
02:33Le premier, imposant et prétentieux, l'autre, petit et fonctionnel.
02:39Je me dis que l'ensemble devrait donner une impression de confort, mais, à mon avis, c'est raté.
02:46Cet endroit est froid et impersonnel, malgré les livres et les objets d'art.
02:52Je regarde à nouveau la tête de mort brisée et sanglante.
02:56Craven me dit « Si on m'avait raconté ça, je ne l'aurais pas cru. »
03:02Je lui lance un regard tout aussi incrédule.
03:06Craven se met à siffloter, puis il frotte le sommet de son crâne chauve.
03:11« Bon, on a vu, ça suffit. Vous ne trouvez pas ? »
03:14« Oui. »
03:16« C'est largement suffisant, » lui dis-je.
03:21Nous passons la double porte et nous arrivons dans le hall.
03:24À l'autre bout, il y a un living room décoré aussi de meubles froids et d'objets d'art primitifs.
03:31Un des policiers se tient stoïquement debout près d'un grand sofa.
03:36L'autre est dehors. Il attend l'arrivée du coroner et des types du laboratoire.
03:40Assis, rigides, au beau milieu du divan se trouve Douglas Falconer.
03:50Ses mains sont posées à plat sur ses genoux.
03:53Ses yeux, myopes, clignent rapidement derrière les verres épais de ses lunettes cerclées de métal.
03:59Je me dis qu'il doit avoir une quarantaine d'années.
04:02C'est un type au visage maigre et sans menton, au teint pâle.
04:06Ses rares cheveux philas s'énervent sur sa tête.
04:11Il porte un vieux jean délavé et une chemise de la même couleur.
04:17Falconer est un type fade, a l'air timide et inoffensif.
04:21Pourtant, il y a environ trente minutes, en téléphonant au commissariat,
04:26il a avoué spontanément qu'il venait de tuer Philippe Asher.
04:30Sur la chemise de Falconer, il y a de grandes taches de sang séché.
04:37Tout ce qu'on sait sur Falconer et Asher, c'est que ce dernier était le propriétaire de la maison,
04:43une luxueuse villa de style espagnol qu'il avait fait construire dans le quartier résidentiel de la ville.
04:50Jusqu'à aujourd'hui, Falconer était son secrétaire privé.
04:53On sait aussi qu'aucun témoin n'a assisté au meurtre et qu'il a été commis dans un moment de fureur aveugle,
05:01selon les dires du coupable.
05:03Reste le motif.
05:06Nous n'en avons aucune idée, et ce n'est pas le crâne brisé près du cadavre qui va nous le dire.
05:11« Raven et moi allons nous asseoir à côté de Falconer. »
05:19Ses paupières clignotent toujours, mais ses yeux restent dans le vague,
05:23comme si rien ni personne n'existait autour de lui.
05:29Il est sous le choc.
05:32Mais quand je prononce son nom, il lève brusquement la tête et me fixe.
05:36Son regard, comme son visage, reste sans expression.
05:44Je lui demande doucement.
05:47« Falconer, désirez-vous nous parler ? »
05:52Bien évidemment, il connaît ses droits.
05:54On lui a fait le speech habituel, mais il a refusé la présence d'un avocat pendant son interrogatoire.
06:01« Vous le savez, monsieur l'inspecteur, j'ai tué Hacher.
06:05Je l'ai déjà dit. »
06:09C'est vrai, j'ai pensé un instant maquiller mon crime,
06:13faire croire à un cambriolage,
06:15monter le coup du voleur qui a tué parce qu'il a été dérangé,
06:19un truc de cinéma, quoi, mais j'ai très vite compris que ce serait inutile.
06:24De toute façon, je ne sais pas bien mentir,
06:27même si j'en ai souvent eu l'occasion.
06:30Et puis, maintenant j'ai perdu tout intérêt pour la vie,
06:34pour mon avenir.
06:37Je suis fatigué.
06:39Je suis si fatigué, monsieur l'inspecteur.
06:43Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point.
06:48Craven l'écoute le nez dans son carnet de notes.
06:51Et, sans lever les yeux, il lui demande,
06:53« Mais pourquoi l'avez-vous tué, monsieur Falconer ? »
06:58Falconer se met à secouer la tête lentement,
07:02comme s'il ne pouvait comprendre lui-même ce qui l'a poussé à accomplir ce geste.
07:08Je me dis qu'il va bien finir par nous le dire,
07:10alors ce n'est pas la peine de le brusquer.
07:13Après quelques secondes de silence,
07:16je lui demande,
07:16« Mais pourquoi avec une tête de mort ? »
07:21Où avez-vous trouvé cet objet ? »
07:24Il ferme les yeux, puis les rouvre très vite.
07:27« Hachère avait cet objet.
07:29Il était posé sur une étagère, derrière son bureau.
07:32Il était assis à cette place quand je...
07:34quand j'ai fait ça. »
07:37« Hein ? » dit Craven.
07:39« Il gardait un crâne humain ?
07:42Et à la vue de tous ?
07:44Mais à quoi diable lui servait-il ? »
07:48Il disait que ça l'amusait de voir les réactions de ses visiteurs
07:51quand il voyait le crâne.
07:53Monsieur Hachère avait un humour macabre, n'est-ce pas ?
07:56De plus, il disait que...
07:58que c'était son...
08:00Momento Mori.
08:02Son quoi ?
08:04Momento Mori,
08:05Ça veut dire son souvenir de mort.
08:09Cet objet était un symbole,
08:11un rappel que nous sommes tous mortels
08:13et que nous partirons tous un jour, tôt ou tard.
08:19Je ne peux pas m'empêcher de dire
08:21que je trouvais ça plutôt morbide.
08:24Philippe Hachère a toujours été un homme inflexible,
08:26calculateur et d'un grand sang-froid.
08:29Vous savez, la mort ne l'effrayait pas.
08:32On peut dire que, dans un sens,
08:34c'était le but de sa vie,
08:36puisqu'il s'était consacré aux morts anciens.
08:40Craven et moi, on se lance un regard dubitatif
08:42que je peux traduire par
08:44« Dans quel guépier on s'est fourré ? »
08:49Pouvez-vous nous expliquer ça un peu plus clairement,
08:51M. Falconer ?
08:52Il était anthropologiste.
08:57Philippe Hachère est mondialement connu et reconnu.
09:00Il a publié de nombreux ouvrages sur les Mayas et les Aztèques.
09:04Des succès.
09:06Il faisait aussi de nombreuses conférences qui étaient très appréciées.
09:09Toutes les universités, et en particulier les départements anthropologiques spécialisés
09:13dans l'étude de l'histoire précolombienne,
09:15lui demandaient son avis.
09:16C'était un homme riche et renommé.
09:20Vous étiez son secrétin permanent, n'est-ce pas ?
09:23Oui, je l'aidais dans ses recherches.
09:26Je l'accompagnais dans toutes ses expéditions,
09:29au Yucatan, dans tout le Mexique et en Amérique centrale.
09:32Je rédigeais ses notes,
09:34je tapais ses articles, ses manuscrits et sa correspondance.
09:39Depuis quand travaillez-vous avec lui ?
09:41Huit ans, à un mois près.
09:46Soudain, des larmes apparaissent derrière ses lunettes cerclées de métal.
09:53Et vous vivez ici ?
09:56J'ai ma chambre dans l'aile sud de la maison.
10:00Y a-t-il d'autres personnes vivant sous ce toit ?
10:04Non, plus maintenant.
10:06Avant, il y avait sa femme.
10:08Elle est partie il y a quatre ans.
10:12Et il ne s'est pas remarié.
10:16Aviez-vous prémédité la mort de Philippe Asher ?
10:20Demande Craven.
10:23Je ne pensais pas le tuer aujourd'hui,
10:26si c'est ce que vous voulez savoir.
10:29Vous vous êtes disputé, alors ?
10:31Non, non, non, il n'y a rien eu de spécial, aucune discussion.
10:35Le regard de Falconer repart vers une destination inconnue.
10:43Alors, comment expliquez-vous cette rage meurtrière ?
10:46Qu'est-ce qui s'est passé de si grave ce matin pour que vous deveniez un assassin ?
10:53De nouveau, Falconer secoue la tête.
10:57Il se fige quelques instants et puis, brutalement,
11:01il s'écroule comme une loque.
11:05Ses yeux fixent un objet, une chose,
11:08qui ne se trouve pas dans la pièce.
11:12Il met un certain temps avant de murmurer.
11:17Une révélation.
11:20Une révélation.
11:24Quelle est cette révélation que s'apprête à faire Falconer ?
11:28Vous le saurez dans quelques instants.
11:39Certes, Asher était un type abject,
11:42mais qu'est-ce qui a poussé Falconer, son secrétaire,
11:46à le tuer, à le tuer avec une tête de mort ?
11:51Une révélation, paraît-il.
11:54Nouvelle échange de regards entre Craven et moi,
12:01et puis je dis,
12:03« Allez-y, continuez, Falconer. »
12:08Il soupire profondément.
12:09Ses mains tremblent légèrement.
12:14Hier, j'ai reçu une lettre de Thomas Leston,
12:18un autre anthropologiste très célèbre, lui aussi,
12:21que j'ai connu grâce à Asher,
12:23lors d'une conférence à Denver.
12:25Thomas Leston m'offrait une place de secrétaire,
12:28un salaire tout à fait confortable.
12:30Je n'ai pas réfléchi longtemps pour prendre ma décision.
12:33Je ne voulais pas laisser filer une telle proposition, n'est-ce pas ?
12:36Ce matin, je suis donc allé voir Asher
12:38pour lui parler de l'offre
12:39et de la décision que je venais de prendre.
12:43Il a tout net refusé ma démission,
12:45prétextant qu'il ne pouvait pas être certain
12:47que je garderais le silence
12:49si je n'étais plus à son service ni dans sa maison.
12:53Il m'a ordonné de rester
12:54et m'a menacé de prendre des dispositions contre moi
12:58si je refusais.
13:01Attendez, attendez, M. Falconer.
13:03Pour quelle raison vous deviez garder le silence ?
13:08Falconer baisse la tête.
13:11Quelque chose qui s'est passé il y a quatre ans.
13:17Quoi ?
13:20Il reste silencieux plusieurs secondes
13:22puis déglutit difficilement avant de lâcher la mort.
13:28La mort de sa femme et de son amant, un violoniste.
13:32Ça s'est passé dans la résidence que possédait Asher,
13:36près du lac Pontwine.
13:39Nous le regardons, Craven et moi, interrogatifs.
13:43Mais, M. Falconer,
13:45vous nous avez dit tout à l'heure que sa femme l'avait quittée,
13:48pas qu'elle était morte.
13:49Alors ?
13:50Ah bon, j'ai dit ça ?
13:54Oui, c'est possible.
13:57Vous savez,
13:59c'est un mensonge que j'ai dit et redit tant de fois
14:02que c'est devenu pour moi une sorte de réflexe.
14:05« Jane Asher est morte avec son amant au lac Pontwine.
14:12C'est la vérité. »
14:14« Comment sont-ils morts ? »
14:17demande Craven.
14:18« Ils sont morts asphyxiés. »
14:23Ça s'est passé un samedi,
14:24le premier samedi de septembre, il y a quatre ans.
14:28Très tôt, ce matin-là,
14:29Asher décide brusquement d'aller passer quelques jours au lac.
14:32Il avait des difficultés à écrire.
14:34Son livre n'avançait pas.
14:35Alors, il a pensé qu'un petit dépaysement
14:38ne pouvait que lui être profitable.
14:40Il est parti en voiture, seul, vers sept heures.
14:43Comme j'avais un rendez-vous à huit heures,
14:45je suis parti plus tard avec ma propre voiture.
14:46À mon arrivée, j'ai découvert Asher à l'intérieur du chalet
14:51et aussi les cadavres.
14:55Les corps étaient allongés sur le lit,
14:58nus, tous les deux.
15:01Asher m'a dit qu'il les avait trouvés comme ça,
15:04étendus, nus et morts.
15:06Il m'a raconté que ça empestait le gaz
15:09quand il était arrivé
15:10et qu'il avait donc couvert pour aérer.
15:13Il mettait ça sur le compte
15:14du vieux poil défectueux de la chambre.
15:16à coucher.
15:18« Et vous avez gobé ça
15:20sans poser la moindre question,
15:21M. Falconer ? »
15:24« Oui, M. l'inspecteur.
15:26Comprenez-moi,
15:28j'étais complètement abasourdi.
15:30J'avais toujours eu
15:32une très haute estime pour Jane.
15:35Je trouvais cette femme extraordinaire.
15:38Je la croyais
15:39totalement incapable d'être infidèle.
15:42Elle était jeune,
15:44belle,
15:46raffinée,
15:46et
15:49Asher,
15:51il était aussi
15:51abasourdi,
15:55demande Craven.
15:57Il en avait l'air,
15:59oui,
16:00mais il avait gardé
16:01tout son calme.
16:03Quand je lui ai dit
16:04que j'allais prévenir la police,
16:05il m'a dit qu'il ne voulait pas
16:06entendre parler de ça.
16:08Pensez au scandale,
16:09m'a-t-il dit,
16:09et à ma réputation,
16:10vous imaginez,
16:11ma carrière fichue
16:12par un sordide
16:13entrefilé dans les journaux.
16:14alors je lui ai demandé
16:16mais qu'est-ce qu'on va faire,
16:16monsieur ?
16:18Il m'a froidement répondu
16:19que nous allions nous-mêmes
16:20nous en occuper,
16:21qu'on allait enterrer
16:23les corps près du lac
16:24et qu'ensuite
16:25on justifierait
16:26la disparition de Jane
16:28par une rupture du couple
16:30et on dirait que Jane
16:31était retournée
16:32chez sa mère
16:33à Boston,
16:34sa ville natale.
16:36Évidemment,
16:36je n'étais pas chaud
16:37mais il développa
16:38sa théorie
16:39affirmant que personne
16:41ne mettrait en doute
16:42cette explication
16:43d'autant qu'ils avaient
16:44peu d'amis intimes
16:45et que sa propre
16:46réputation suffirait.
16:49Il avait raison,
16:51comme d'habitude.
16:52« Et vous avez obéi
16:55docilement. »
16:59« Mais qu'est-ce que
16:59je pouvais faire,
17:00monsieur l'inspecteur ?
17:02Je ne suis pas une bête,
17:03moi,
17:04ni physiquement,
17:05ni intellectuellement.
17:07Et puis,
17:08à cette époque-là,
17:08je respectais Asher,
17:10je respectais son jugement.
17:12Je vous l'ai dit,
17:12devant ces deux cadavres,
17:13j'étais totalement dérouté.
17:15Alors voilà,
17:16je l'ai suivi,
17:17je l'ai aidé
17:18à transporter les corps
17:20jusqu'à un promontoire
17:21sur lequel nous avons
17:22dissimulé les cadavres
17:24sous des piles
17:25de pierres sèches. »
17:28Craven remarque.
17:30« Et comme ça,
17:30pendant quatre ans,
17:31vous avez gardé le secret.
17:33Jusqu'à aujourd'hui.
17:35Jusqu'à ce meurtre,
17:37ce matin. »
17:39« Oui. »
17:41« Oui, monsieur l'inspecteur. »
17:44« Mais au fait,
17:45de quoi vous a menacé Asher
17:47quand vous lui avez dit
17:48que vous alliez le quitter ? »
17:51Falconer réajuste vaguement
17:53le col de sa chemise ouverte.
17:56« De me tuer. »
17:58« Ah ! »
17:59« Dites-moi,
18:00il plaisantait pas. »
18:02« Non, mais c'est un peu violent
18:03comme représailles
18:04pour un accident
18:05qui remonte à quatre ans
18:06et deux morts accidentelles. »
18:09« C'est exactement
18:10ce que je lui ai dit. »
18:11« Et alors,
18:11qu'est-ce qu'il vous a répondu ? »
18:13« Il m'a avoué
18:15la vérité. »
18:19« La vérité ? »
18:21« La vérité,
18:22monsieur Falconer,
18:23c'est que sa femme
18:23et son amant
18:24ne sont pas morts
18:25par accident,
18:26n'est-ce pas ? »
18:27« Et qu'évidemment,
18:29c'est Asher
18:29qui les a tués. »
18:31« C'est ça ? »
18:33« C'est ça. »
18:36En arrivant au chalet,
18:38il les a trouvés
18:39tous les deux,
18:40couchés,
18:41nus,
18:42dans son lit.
18:44Ils étaient
18:44bien vivants,
18:47si vous voyez
18:47ce que je veux dire.
18:48Alors,
18:49ça l'a rendu
18:50faux furieux.
18:51Son amour propre
18:52était outragé.
18:53La faute
18:53était impardonnable
18:55pour cet homme
18:55qui dirigeait
18:56et commandait
18:57tout et tout le monde.
18:58Bien sûr,
18:59cette offense
18:59était de taille.
19:01Il fallait y remédier
19:02par un châtiment
19:02exemplaire et rapide.
19:04C'était sa manière
19:05de faire,
19:05voyez-vous.
19:06Alors,
19:07il a commencé
19:07par les assommer.
19:10C'est vrai
19:10que sur le coup,
19:11si j'avais regardé
19:11les cadavres
19:12plus attentivement,
19:13j'aurais sûrement
19:14découvert la vérité.
19:15mais au moment
19:17du drame,
19:18j'étais dans
19:18un tel état.
19:21Ensuite,
19:22il les a étouffés
19:24avec les oreillers.
19:26J'ai dû arriver
19:27à peu près
19:28à ce moment-là.
19:30Il n'avait pas encore
19:30pu se débarrasser d'eux,
19:31c'est pourquoi
19:32il a inventé
19:33l'histoire
19:33de la fuite de gaz.
19:35C'est vrai,
19:36sur le moment,
19:36je n'ai pas réagi,
19:37mais quand je suis arrivé,
19:38ça ne sentait absolument
19:39pas le gaz
19:40dans le chalet.
19:41Alors que,
19:42vous le savez,
19:43ce genre d'odeur
19:43est plutôt tenace.
19:45même si on ouvre
19:46les fenêtres.
19:50Falconer nous demande
19:51un verre d'eau.
19:53Il est en sueur.
19:56Il l'avale d'un trait
19:57avant de poursuivre.
20:00Je suis sûr
20:01que si je ne l'avais pas cru
20:02à ce moment-là,
20:04Hacher n'aurait pas hésité
20:05une seconde.
20:07Il m'aurait tué aussi,
20:08sur le champ.
20:10J'étais donc bien obligé
20:11de l'aider.
20:12Falconeur s'écroule
20:16une nouvelle fois.
20:18Son corps maigre
20:19est replié sur lui-même
20:20dans une position
20:21presque fétale.
20:24Il ne bouge plus,
20:25ne dit plus rien
20:26pendant
20:26de longues secondes.
20:30Je me dis
20:30que ce type
20:31est effectivement
20:32usé,
20:33fatigué,
20:34pire,
20:35à bout de nerfs
20:36et peut-être
20:38au bout de sa vie.
20:39Je lance
20:42un regard
20:43à Craven
20:43d'un commun accord.
20:44Nous le laissons
20:45tranquille
20:46quelques instants.
20:48Le temps
20:48d'aller saluer
20:48nos confrères
20:49qui s'agitent
20:50autour du cadavre.
20:51Le temps
20:51d'avaler
20:51un petit scotch
20:52sec pour moi,
20:55soda pour Craven.
20:58Puis,
20:59nous revenons
20:59vers le canapé
21:00du salon.
21:03Falconeur n'a pas bougé.
21:05Il semble figé,
21:07la tête enfouie
21:08dans les épaules.
21:11Je le secoue
21:11doucement.
21:14Il a les yeux
21:15rougis
21:15derrière ses lunettes.
21:19Pouvons-nous
21:19continuer,
21:20M. Falconeur ?
21:22Il baisse
21:24les paupières
21:24pour acquiescer.
21:27Bien,
21:28cette confession
21:30est donc
21:31la révélation
21:31dont vous parliez,
21:33n'est-ce pas ?
21:34Pour résumer,
21:36vous découvrez
21:37que vous avez travaillé
21:38pendant huit ans
21:38pour un meurtrier,
21:39que vous êtes complice
21:41d'un crime horrible
21:42et qu'en plus,
21:43cet homme vous menace
21:44à votre tour.
21:45Alors,
21:45vous perdez tout contrôle
21:46en découvrant la vérité.
21:48Vous saisissez
21:49la tête de mort
21:50et vous le matraquez
21:51avec cet objet.
21:54C'est ça ?
21:55Non,
21:57ça n'est pas
21:57tout à fait
21:58la vérité,
22:00M. l'inspecteur.
22:02Bien sûr,
22:02j'étais malade
22:03de dégoût
22:03en pensant
22:04à ma participation
22:05dans cette
22:06monstrueuse affaire.
22:08Et tout à coup,
22:09je me suis mis
22:09à le haïr.
22:10Je ne voulais
22:10qu'une chose,
22:11le faire souffrir.
22:13Mais,
22:13voilà,
22:14M. l'inspecteur,
22:14je ne suis pas
22:15un homme violent.
22:16Enfin,
22:16je veux dire,
22:16physiquement,
22:17parce que dans ma tête,
22:19finalement,
22:20je pense que
22:20je suis un lâche.
22:23Et si Hacher
22:25ne m'avait pas fait
22:25la seconde révélation,
22:27je ne crois pas
22:28que je l'aurais frappé.
22:31Craven et moi,
22:32nous nous regardons
22:32pour le moins étonnés.
22:34Une autre révélation ?
22:37Bon,
22:37alors c'est à cause
22:38de cette seconde révélation
22:40que vous avez tué Hacher ?
22:42C'est bien ça ?
22:44Oui.
22:46Environ un an
22:47après le meurtre,
22:49je ne sais pas comment
22:50il en est arrivé
22:51à m'avouer ça,
22:52mais il l'a fait.
22:54Et en plus,
22:56il en était fier.
22:58Enfin,
22:58disons que ça l'amusait.
23:00Ce type était un fou
23:02et les fous
23:03sont incompréhensibles,
23:05n'est-ce pas,
23:05M. l'inspecteur ?
23:07Falconer se met
23:08à trembler
23:09de tous ses membres.
23:11Le memento mori,
23:14c'est-à-dire
23:14le crâne,
23:17ne venait pas du Mexique
23:18comme je l'avais
23:19toujours cru.
23:20Non.
23:22Il venait,
23:23il venait du lac Pontrein,
23:26du promontoire
23:27du lac Pontrein.
23:29Vous imaginez,
23:30M. l'inspecteur,
23:31quand j'ai appris ça,
23:32je suis entré
23:32dans une de ces fureurs,
23:34une rage aveugle,
23:35plus forte que tout,
23:37et je me suis servi
23:38de l'arme
23:39de la vengeance
23:40pour le détruire,
23:41le casser,
23:42le faire disparaître
23:43à tout jamais.
23:46Pouvez-vous croire ça ?
23:48Je venais d'apprendre
23:50que pendant
23:51toutes ces années,
23:53j'avais travaillé
23:53dans ce bureau
23:54et que je voyais
23:55tous les jours
23:57par-dessus son épaule
23:58la tête décharnée
24:01de sa femme,
24:04de la femme
24:05que depuis tant d'années
24:07j'aimais en silence.
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24:17Au cœur du crime,
24:19un podcast issu
24:20des archives d'Europe 1.
24:21Réalisation,
24:22Julien Taro.
24:24Production,
24:25Romy Azoulay.
24:26Patrimoine sonore,
24:27Sylvaine Denis,
24:28Laetitia Casanova
24:29et Antoine Reclus.
24:31Promotion,
24:32Marie Corpé.
24:33Au cœur du crime
24:34est disponible
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