Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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00:00Dans « Tu ne mentiras point » de Tim Millen, se présentant en compétition à Berlin cette année,
00:04Kylian Murphy joue un livreur de charbon qui fait une découverte terrible dans le couvent de la ville, Simon.
00:10Eh oui, il n'y a pas qu'il y a Bétarame qu'on passe de mauvais moments, figurez-vous.
00:15Tout simplement, vous l'avez compris, c'est un scandale, il a à voir avec l'église catholique
00:20et sa capacité à transformer les êtres humains en H.I. Parmentier.
00:23Et la vraie problématique de ce film, la vraie question, c'est que ce n'est pas un film à scandale.
00:28Ce n'est pas un film à grandes révélations, ce n'est pas une grande tragédie de
00:31« Oh mon Dieu, comment allons-nous faire pour mettre à bas cette institution qui fait du mal ? »
00:35Non, c'est sur une notion qui est très complexe à filmer, et je trouve que c'est un défi de cinéma magnifique,
00:39c'est sur comment est-ce qu'on passe de l'indicible à l'intolérable.
00:42Qu'est-ce qui fait quelque chose qui est toujours visible partout,
00:45et que tout le monde sait plus ou moins, à un moment, n'est plus acceptable,
00:49alors que la situation en elle-même n'a pas vraiment changé.
00:51De quoi sont faites ces petites bascules ?
00:53On va le voir dans cet extrait, qui pourrait ressembler à une scène de religiosité,
00:57presque de liturgie tout à fait classique.
00:59On a la petite lumière au coin du feu, chaleureuse, une bonne sœur, un pénitent.
01:04Bon, quoi de plus classique ?
01:06Mais regardez-moi comme ce pénitent, il a l'air emmerdé.
01:08Il n'est pas là pour aller à Confesse.
01:10Et cette bonne sœur, mais à quoi elle touche ?
01:11Mais elle n'est pas avec un micelle, elle est avec des billets.
01:14Qu'est-ce qui se passe ?
01:16Et regardons bien, ce n'est pas quelqu'un qui est en train d'accueillir
01:18toute la miséricorde de confesser de je ne sais pas quoi.
01:20On est en fait dans une scène de corruption.
01:23Et alors qu'on a tous les appareils du religieux, du spirituel
01:27et de ce mandat sur les âmes des ouailles,
01:31et bien en fait, ce n'est plus du tout ça qui se joue.
01:33Et c'est dans ces moments-là que les bascules peuvent se réaliser.
01:35C'est quand tout à coup, quelque chose qui a l'air profondément normal
01:37est en fait anormal et pervers en tout.
01:41Et là, vous voyez, on est en train de discuter un silence, un engagement.
01:44On est en train de parler de corruption.
01:47Ce qui devrait émanciper Coron, en dépit d'une apparente banalité, si vous voulez.
01:52On n'a pas besoin de grand violon, on n'a pas besoin d'une musique terrible,
01:55on n'a pas besoin que la bonne sœur sorte un fusil à canoncier
01:57et dise si tu parles, mon coco, ça va mal se mettre.
01:59Parce qu'en fait, c'est comme ça.
02:01Cet univers est intrinsèquement corrompu.
02:03Et donc, il suffit qu'un personnage, en l'occurrence celui interprété
02:06par Kylian Murphy, ne puisse plus ne pas le voir.
02:10Qu'est-ce qu'on fait quand on ne peut plus fermer les yeux ?
02:12Alors après, toute la question, c'est est-ce que le film arrive à se donner
02:14les moyens de mise en scène, de rendre cette bascule très fine, perceptible ?
02:20Peut-être pas toujours.
02:21Qu'est-ce qui se passe ? Frédéric, vous aviez besoin de vous exprimer ?
02:24Il ne dit plus que non.
02:25J'ai vraiment trouvé l'expliquation de Simon plus agréable que le film, en tout cas.
02:29On va vous envoyer au couvent de la Madeleine, Frédéric.
02:32Vous filez du mauvais côté.
02:33C'est un film qui est filmé aussi sous l'angle, on va dire, de la dépression.
02:36Il y a quelque chose de la dépression, ce que tu parlais,
02:37d'indicible, intolérable, la dépression masculine.
02:40Le problème, c'est que la mise en scène est, je dirais, aussi affectée
02:44que la dépression du personnage.
02:46Et elle est totalement suraffectée.
02:48Tu l'as montré, les lumières sont tamisées.
02:51On entend le moindre petit souffle roc quand on est en train de regarder
02:55quelque chose, de penser.
02:57On a des clairs obscurs sur les fenêtres.
03:00Tout est surligné, surligné.
03:02Et c'est une très, très, très longue exposition, en fait, en termes de scénaristique.
03:07C'est la très, très longue exposition du moment où le film devrait vraiment commencer.
03:11C'est-à-dire qu'on passe une heure et demie à temporiser les choses
03:13pour, à un moment donné, s'arrêter là où on aimerait peut-être que le film file.
03:18C'est-à-dire, véritablement, à ce qu'il va se produire
03:21maintenant qu'on sait ce qu'il y a dans cette orpheline-là.
03:24C'est exactement ça.
03:25C'est-à-dire que le film, sans rien en dévoiler de sa scène finale,
03:29se conclut, malgré tout, par un carton de texte qui dit à qui le film est dédié.
03:34Pour moi, c'est un énorme aveu d'échec.
03:36C'est-à-dire que, finalement, moi, j'ai vu un film sur un personnage
03:39qui ne s'est jamais vraiment remis de sa classe sociale,
03:42qui est vraiment entre deux, qui n'est ni vraiment dans une forme de bourgeoisie,
03:45qui n'est pas vraiment dans un prolétariat qui l'handicap,
03:49mais qui, donc, ne se sent pas vraiment le droit de venir intervenir sur des injustices.
03:53Sa femme voudrait qu'il s'occupe d'abord d'eux.
03:55Donc, moi, ça, c'est un film que j'aimerais voir.
03:57Mais le film est peut-être...
03:57Ça peut être intéressant, même en résonance avec l'époque.
04:01C'est super intéressant.
04:02Mais ce que dit Sophie, et à juste dit, ce n'est pas le film qu'on voit non plus.
04:05C'est ça.
04:05Alors, qu'est-ce qu'on voit, Philippe ?
04:06Eh bien, on ne voit pas grand-chose.
04:08On ne voit pas grand-chose.
04:09Et ce qu'on voit, c'est ce qu'on ne voudrait pas voir.
04:11C'est-à-dire qu'en plus, il y a des flashbacks abominables
04:13qui viennent vous plomber le truc.
04:15On n'en avait vraiment pas besoin.
04:17Donc, en fait, toutes les maladresses sont là.
04:21Toutes les maladresses sont là.
04:23Tout est surligné.
04:24Et même pour quelqu'un qui est un scénariste,
04:26un premier long-métrage, mais quelqu'un qui est scénariste,
04:28il a écrit le nouveau film de Lynn Ramsey qu'on va voir à Cannes.
04:32Bon, j'espère que ce sera mieux écrit que ça.
04:35Parce que là, effectivement, et en tout cas,
04:37ce sera certainement mieux mis en scène.
04:39Parce que là, il y a...
04:40Alors, qu'est-ce qu'il a pu lui à Kylian Murphy ?
04:41Parce qu'il a à tous les niveaux.
04:42Il a produit le film, il joue dedans.
04:44Qu'est-ce qu'il...
04:44L'Irlande, je pense.
04:45C'est retourné vers Satan Natal.
04:47Il va lui utiliser son accent.
04:48Et puis, il se donne le beau rôle aussi.
04:49Ce héros qui commence un petit peu l'âge
04:51et qui, finalement, va se transformer.
04:53Oui, mais c'est pas que le beau rôle, c'est un rôle qui...
04:55Je pense sur le papier.
04:57Et un rôle qui est, en fait, assez riche,
04:58qui demande à être habité, en fait.
04:59Ce type, c'est une page blanche.
05:00C'est quelqu'un qui, comme tous les gens autour de lui,
05:02sait, perçoit, ressent.
05:05Et un jour, c'est plus possible.
05:06Non, mais parce que cette tragédie des Découvants de la Madeleine,
05:08on a déjà vu des films dessus.
05:10C'est bien le problème.
05:11Il y a tout un moment où qu'est-ce qui se passe ?
05:13Vous, vous, vous, on les connaît, les Magdalene Sisters.
05:15Mais justement, ce n'est pas l'enjeu que vous êtes en train de reprocher au film
05:17de ne pas être un énième écho d'autres films que vous avez évois.
05:20Oui, mais dans ce cas, il ne faut pas faire le malin et le mystérieux
05:23sur les Magdalene Sisters.
05:24On les balance sur la table si ce n'est pas ça l'enjeu.
05:26Le problème, c'est qu'on ne sait pas ce que c'est l'enjeu du film,
05:29au bout d'un moment.
05:29Le problème, c'est que ce n'est pas...
05:30Effectivement, ce n'est pas un film de révélation,
05:32ce n'est pas un film de scandale,
05:33mais ce n'est pas un film de grand-chose.
05:34C'est ce que tu disais.
05:35Tout est un peu simple.
05:36La trajectoire du personnage, on la connaît.
05:38Les thèmes, on les connaît.
05:39Je ne les sauverai pas, vous dames.
05:39La structure inflage pas et que tu n'es pas de révélation plus.
05:41Vous êtes perdus.
05:43On va...