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Anne Fulda reçoit Stéphane Durand-Souffland pour son livre «Service après-crime» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à l'heure des livres, Stéphane Durand-Soufflant.
00:02Merci.
00:03Alors on vous connaît, vous êtes chroniqueur judiciaire au Figaro depuis des années.
00:07Vous avez déjà écrit d'autres livres, Bêtes noires notamment, avec Éric Dupond-Moretti,
00:11encore joueur de crime avec Pascal Robertdiard.
00:14Et vous venez de publier Service après crime aux éditions du Rocher,
00:17un livre passionnant qu'on ne lâche pas, comme vos chroniques.
00:20Alors c'est un livre qui relate, comme l'indique le sous-titre, 25 ans de procès d'assises.
00:25Alors le procès d'assises, visiblement, puisque ce n'est pas la première fois que vous écrivez dessus,
00:29c'est un peu le nectar du chroniqueur judiciaire, c'est le plus passionnant, le plus addictif ?
00:35C'est le plus fort, c'est le plus puissant, parce qu'évidemment il y a des enjeux énormes pour l'accuser,
00:43et puis ça part d'un drame forcément.
00:45Le plus souvent, il y a quelqu'un qui est mort, pas toujours mais souvent,
00:51et donc on est dans une dramaturgie très prenante, très captivante et très puissante, je ne sais pas comment vous dire autrement.
00:58Et aussi, il y a évidemment le déroulé d'un procès, les mécanismes judiciaires,
01:04et puis cette confrontation, j'imagine, avec un peu le tréfonds de l'âme humaine,
01:11la noirceur, parfois peut-être des éclairs de bonté, c'est ça aussi ?
01:15On est dans le dur, si je puis dire.
01:17On est dans le dur, et on est toujours dans une espèce d'interrogation sur soi-même.
01:22Qu'est-ce que j'aurais fait à la place ? Est-ce que j'aurais fait ça ?
01:26Pourquoi c'est horrible ? Est-ce que c'est si horrible que ça ?
01:29Est-ce qu'on peut comprendre l'accusé ?
01:32Et puis aussi, les partis civils, les victimes qui sont là, les proches qui font parfois des témoignages bouleversants.
01:40Et puis il y a surtout cette chose incroyable aux Assises, c'est que c'est des histoires qui sont évidemment toutes complètement vraies,
01:46mais elles échappent complètement à la vraisemblance.
01:48C'est-à-dire que le criminel a beaucoup plus d'imagination que le meilleur des scénaristes.
01:53Et c'est pour ça qu'on est plongé dans des histoires totalement où on a envie de dire non mais c'est pas possible.
02:01Et bien si, c'est possible.
02:02Alors il faut dire que parmi les procès que vous avez suivis, il y en a dont on a tous entendu parler,
02:08celui de Guy Georges, le tueur de l'Est parisien, vous avez suivi aussi le procès des attentats du 13 novembre,
02:13le scandale d'Outreau, on irait, Maurice Agnolet, enfin vraiment tous les grands procès de ces dernières années.
02:19Alors ces procès, ils marquent une époque d'une certaine façon et on a envie de vous demander
02:24quel est celui qui vous a le plus marqué, en tout cas peut-être même bouleversé, retourné ?
02:29C'est la question piège, parce que j'imagine qu'à chaque fois vous l'êtes un peu différemment.
02:35Fourniret je pense, qui était un procès là au-delà de tout, au-delà au fin fond de ce qu'il y a de plus noir dans l'âme humaine.
02:45Pour le coup avec Michel Fourniret on était servi, plus son ex-femme Monique Olivier qui était avec lui dans le boxe,
02:52ce grand procès de Charleville-Mézières qui a duré deux mois et avec la perversité faite homme.
02:58C'est ça qui était vraiment, je n'ai jamais vu ailleurs.
03:01C'était très très très dur à encaisser.
03:03Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de devoir, d'être dépassé par l'émotion, la répulsion, le dégoût et devoir quitter la salle ?
03:13Alors jamais, le dégoût jamais, pas à chaud en tout cas, c'est-à-dire que c'est souvent des réactions un peu différées.
03:20Une fois que l'article a été envoyé, qu'on se retrouve tout seul dans sa chambre d'hôtel, vous dites, oh là là, vous revivez un peu la chose
03:29et avec le recul, oui, vous êtes plus frappé que sur le moment où vous êtes extrêmement concentré.
03:34Il faut noter, observer et ça empêche de partir, en tout cas en ce qui me concerne, dans une dépression profonde.
03:43Alors 25 ans, c'est un quart de siècle, donc on se dit qu'il y a des choses qui changent, il y a des évolutions que vous avez dû remarquer,
03:49notamment concernant peut-être les crimes eux-mêmes, les délits, mais aussi concernant les sanctions qui sont imposées.
03:58Qu'est-ce que vous avez constaté comme évolution ?
04:00Alors je constate que les sanctions sont de plus en plus lourdes, les réquisitions sont de plus en plus hautes.
04:06Quand j'ai commencé ce magnifique métier de chroniqueur judiciaire, on requerait la peine, la réclusion criminelle à perpétuité de manière assez exceptionnelle.
04:16Maintenant, beaucoup plus en perpétuité, 30 ans, ce sont des peines très lourdes qui sont beaucoup plus souvent requises.
04:24Et il y a une sévérité très nette qui monte dans la répression.
04:30Alors comment expliquez-vous ce décalage dans la perception qu'ont beaucoup de Français,
04:34qui parlent souvent non seulement de la lenteur de la justice, mais aussi d'une forme de laxisme parfois ?
04:40Parce que je pense que le grand public s'attache sur un cas précis, qui est monté en épingle,
04:46est instrumentalisé.
04:47Mais si on va tous les jours au tribunal, et j'invite tout le monde à y aller,
04:51il y a les comparutions immédiates notamment, on voit très bien que les gens sont condamnés.
04:56D'ailleurs, les prisons sont pleines et débordent.
04:59Donc il y a un vrai problème, en effet, de perception de la réalité de la justice
05:03et le fantasme qui en est propagé, souvent d'ailleurs à travers des comptes rendus
05:09ou des commentaires surtout de gens qui ne mettent jamais les pieds dans les tribunaux.
05:13Et dans les fantasmes, dans les idées que l'on soit faites, il y a aussi cette impression parfois
05:20que l'ère du temps ou le poids de l'opinion publique peut jouer.
05:25Est-ce que c'est vraiment le cas ?
05:27Et est-ce que vous avez senti une évolution notable, notamment avec le poids et l'influence
05:32de plus en plus importante des réseaux sociaux ?
05:35Bien sûr, tout ça pèse. Les jurés populaires qui jugent en cour d'assises
05:41sont des citoyens comme tout le monde, donc soumis aux mêmes pressions.
05:46Et puis l'échelle de valeur évolue au fil des années.
05:50André Gide, le célèbre écrivain, a été juré en 1911 à la cour d'assises de la Seine inférieure.
05:57Il en a tiré un petit livre qui s'appelle « Les souvenirs de la cour d'assises ».
05:59Et on voit bien qu'à l'époque, c'était beaucoup plus grave d'incendier une grange
06:03et de dévaster une récolte que de violer une petite fille dans la cour d'une ferme.
06:09Donc évidemment, les choses évoluent.
06:11Au moment de l'affaire Doutreau, il y a eu cette période où on a beaucoup parlé
06:15de la pédocriminalité réelle ou supposée.
06:20Après, on a eu la grande période des attentats.
06:22En ce moment, il y a énormément de procès d'attentats.
06:24Samuel Paty, les attentats de novembre.
06:29Et voilà, l'opinion publique est évidemment assaillie d'informations et de contre-informations,
06:36d'ailleurs, sur tous ces sujets.
06:38Et ça marque forcément les juges.
06:42En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre.
06:44Ça s'appelle donc « Service après crime ».
06:49C'est paru aux éditions du Rocher.
06:51Merci beaucoup Stéphane Durand-Soufflant.
06:53Évidemment, je le rajoute, ce n'est pas toujours le cas.
06:55Mais là, c'est vrai, c'est en plus très bien écrit.
06:57Merci beaucoup Anne.

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