Anne Fulda reçoit Arnaud Teyssier pour son livre «Charles de Gaulle» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'heure des livres, Arnaud Tessier, vous êtes historien, vous êtes président du conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle,
00:07vous avez déjà écrit de nombreux livres, beaucoup de biographies politiques sur Philippe Séguin, sur Richelieu, Lyotet, des livres sur de Gaulle déjà,
00:15De Gaulle 69, L'autre révolution, plus récemment L'énigme Pompidou de Gaulle, et là vous venez de publier un livre, une somme qui s'appelle Charles de Gaulle,
00:24qui est paru chez Perrin, alors c'est une biographie fouillée, mais c'est aussi un portrait plus intime de l'homme, un livre passionnant,
00:34une manière d'observer, comme vous l'écrivez, le grand homme de biais, ou en faisant un pas de côté, afin de percevoir sa réalité derrière le drapé du personnage,
00:42et visiblement on se dit, on n'a jamais fini de faire le tour de sa personnalité, elle est si insondable que ça, la personnalité du général.
00:51Elle garde des côtés mystérieux, oui, parce que c'était un homme assez secret, j'ai toujours été frappé par le livre d'Alain Perfit, c'était De Gaulle, qui est passionnant,
00:59mais il y a une telle avalanche de détails, de petites histoires, de plaisanteries, de traits d'esprit, qu'on ne voit plus de Gaulle,
01:05et j'ai essayé de dégager un petit peu le terrain pour essayer de pénétrer la psychologie de l'homme davantage.
01:12Oui, vous avez voulu redonner un peu de la grandeur, mais comment vous expliquez cet intérêt qui perdure pour cette figure du général De Gaulle ?
01:20C'est parce que son histoire tient de l'épopée ?
01:22Oui, et puis parce qu'il y a une disproportion de plus en plus grande, il faut bien le dire, entre la force du personnage et les personnes d'aujourd'hui,
01:32et puis il faut dire que voilà, nous sommes dans une période difficile, dans une période d'angoisse aussi, et il y a une nostalgie c'est certain,
01:38mais il ne faut pas être nostalgique, il faut plutôt essayer de se repénétrer de ce que De Gaulle a voulu faire,
01:44parce qu'en réalité, beaucoup de choses sont encore très actuelles chez De Gaulle,
01:48beaucoup de choses dans sa manière de voir le monde et de traiter les problèmes.
01:51Alors, vous employez dans votre titre un mot que l'on accole rarement à la personnalité de De Gaulle, c'est le mot angoisse.
01:57Vous rappelez une phrase dans ses Mémoires de guerre qui évoque, pour ses frères et soeurs aussi, une certaine fierté anxieuse au sujet de la France,
02:05et surtout vous expliquez qu'une grande partie de l'action du fondateur, la cinquième, a été dictée par cet impératif, triompher de l'angoisse.
02:14Oui.
02:15C'est une lecture étonnante.
02:16Son angoisse personnelle, parce que comme il le dit, fierté anxieuse, il l'aime profondément la France, mais il sait qu'elle est fragile,
02:22et donc il est angoissé, il est anxieux, et le terme d'angoisse c'est plus fort, il l'employait à plusieurs reprises le terme d'angoisse,
02:28et puis parce qu'il considère qu'il a fait sienne, en quelque sorte, l'angoisse collective du peuple français, pour transcender son angoisse personnelle,
02:36et je crois que ça explique toute sa vie, surmonter l'angoisse parce qu'il considère, il a toujours considéré que le monde était dangereux,
02:42pour les hommes libres, pour les démocraties, pour les grands peuples, et qu'on ne pouvait pas ne pas se préparer aux dangers qui nous menaçaient.
02:49Alors face à ces angoisses très omniprésentes, sa réponse se situe justement dans l'élan, dans la grandeur, dont la nécessité lui apparaît d'autant plus évidente,
03:01s'impose d'autant plus dans les périodes tragiques qu'il traverse. Dès la fin de 14-18, il s'en rend compte.
03:09Oui, parce que la grandeur ce n'est pas une facilité rhétorique comme on le croit souvent, ce n'est pas De Gaulle avec des grandes envolées,
03:15la grandeur pour lui c'est l'ambition, c'est essayer de tracer quelque chose qui tire vers le haut, faire en sorte que les Français soient à la hauteur de la France,
03:23c'est-à-dire de toute une histoire et de toutes les générations qui nous ont précédées.
03:27Donc c'est cela, et d'ailleurs c'est très intéressant de noter que dans les mémoires d'espoir, le premier tome s'appelle le renouveau et le deuxième tome l'effort.
03:35L'effort vient après l'élan du renouveau.
03:39Alors sa conviction aussi, et ça c'est un fil, c'est qu'il faut toujours agir, réagir, construire, imposer sa volonté et il le fait très vite,
03:48parce que ce que vous racontez, vous racontez comment en 40 il obtient de Paul Reynaud d'être nommé secrétaire d'État au ministère de la Défense,
03:57poste sans lequel en fait il n'y aura pas eu de De Gaulle.
04:01Il n'aurait jamais rencontré Churchill.
04:04Oui, il force le destin, il ne se contente pas de saisir les occasions que le destin lui présente, mais il force le destin.
04:10Il aurait littéralement forcé la main de Paul Reynaud pour entrer au gouvernement,
04:14non pas par ambition personnelle, parce qu'au début de juin 1940, il n'y avait pas grande ambition à satisfaire dans le gouvernement,
04:20mais parce qu'il sentait qu'il pouvait encore essayer de jouer un rôle, et il l'a joué effectivement,
04:24car c'est grâce à cela qu'il a rencontré Churchill, et sinon tout le reste n'aurait sans doute pas été possible.
04:29Alors, dans l'un des exemples que vous placez au début du livre, est extrait des voeux du général au français en 1967.
04:36Les vers de Verlaine, « Mon Dieu, mon Dieu, la vie est simple, et là, simple et tranquille, peuvent évoquer une paisible demeure, non un grand peuple en marche. »
04:44Un peuple en marche, ce mot, ce qualificatif d'en marche, c'est ce qui manque aujourd'hui, et c'est aussi ce qu'il définit d'ailleurs quand on voit cette statue de lui.
04:53Oui, alors, ce n'est pas le même en marche que...
04:58Mais c'est l'idée que la France ne peut pas se satisfaire de la médiocrité, parce que sinon elle s'éteint, elle se meurt,
05:04et il était conscient du fait que les français avaient la peur du déclin.
05:08Donc, ce n'est pas du tout de l'irréalisme de sa part, mais il pense que la France ne peut tenir que si elle est aspirée vers les hauteurs.
05:15C'est un peu finalement ce qui a juste été démontré avec les Jeux Olympiques, d'une certaine façon.
05:19Oui, tout à fait. Il y a un besoin de grandeur.
05:21Un besoin de grandeur.
05:22Il y a un livre d'écrivain suisse, Rameux, qui s'appelle « Besoin de grandeur ». Il y a un besoin de grandeur chez les français.
05:27En tout cas, je vous conseille vraiment de lire ce livre, Charles de Gaulle, « L'angoisse et la grandeur ».
05:32C'est passionnant, très documenté, très écrit aussi, et c'est paru chez Perrin.
05:36Merci beaucoup, Arnaud Tessier.
05:38Merci beaucoup.