Anne Fulda reçoit Léonor de Récondo pour son livre «Le grand feu» dans #HDLivres
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00:00 Bienvenue à l'Heure des livres, Léonore de Recondo.
00:02 Alors on vous connaît comme musicienne, on vous connaît comme auteur déjà de nombreux romans.
00:07 Celui-ci qui vient de paraître est votre dixième.
00:10 Il s'appelle "Le Grand Feu", il est paru chez Grasset.
00:14 Et il mêle histoire d'amour et passion de la musique, références historiques aussi.
00:22 En fait, c'est la première fois dans votre oeuvre que vous mêlez vos deux vraies passions dans la vie,
00:28 c'est-à-dire celle de la musique et celle de l'écriture.
00:31 Pourquoi cela a mis tellement de temps ?
00:33 Je ne sais pas, c'est un peu mystérieux.
00:35 Je crois que c'est parce que je suis donc violoniste, comme vous le disiez, musicienne baroque.
00:42 Et je crois que je suis entrée dans le champ de la littérature justement pour découvrir d'autres territoires
00:47 que celui que je connaissais le mieux, c'était la musique, même si on ne connaît jamais complètement un territoire.
00:51 Et il m'a fallu ces dix ans de publication où je suis passée d'un endroit à l'autre
00:56 pour me dire qu'il était temps d'écrire justement sur la musique, sur le corps musicien, sur l'émotion artistique
01:02 qui me traverse quand je regarde moi-même une oeuvre d'art.
01:06 Donc c'était le moment.
01:07 Alors ce roman se déroule à Venise en 1699, "La peste raude".
01:15 On assiste à la naissance de la jeune Ilaria dont les parents décident de la placer dans un orphelinat,
01:23 mais un orphelinat spécial qui s'appelle la Pietà, tout ça parce que sa mère a entendu un concert qui la transportait
01:31 et s'est dit si c'est une fille, je voudrais qu'elle puisse chanter.
01:36 Et alors c'est ça qui est intéressant dans ce livre, c'est que la Pietà, ça avait évidemment existé,
01:41 et effectivement elle avait cette vocation.
01:43 Oui, alors la Pietà va ouvrir ses portes en 1349 et elle a eu vocation toujours d'accueil,
01:50 pour les jeunes filles, que des filles, défavorisées ou orphelines, comme vous le disiez,
01:55 et dans le but de les élever, de leur donner une instruction.
01:58 À cette époque-là, les femmes en avaient très peu, et une instruction artistique.
02:03 Venise est une ville pleine d'opéras, de concerts et de théâtres,
02:08 pendant le carnaval, six mois de carnaval au début du 18e siècle, et six mois de carême.
02:13 Et pendant les six mois de carême, les musiciens ne pouvaient écouter la musique que dans les églises.
02:18 Les théâtres étaient fermés. Et donc les grands concerts, les très beaux concerts,
02:22 avaient lieu dans les églises, notamment dans les églises de ces institutions,
02:27 parce que c'est des orphelinats mais pas seulement,
02:29 où les jeunes filles avaient un niveau vraiment exceptionnel.
02:32 Alors l'héroïne de votre roman, donc, y entre, et vous écrivez qu'elle y entre en musique,
02:39 comme elle aurait pu entrer dans un couvent, et elle y apprend effectivement la musique,
02:45 elle veut chanter mais en fait est trop jeune, et finalement elle découvre le violon,
02:49 et là on voit le parallèle avec vous, et elle le découvre notamment grâce à un musicien très célèbre,
02:57 qui s'appelle Vivaldi.
02:58 Absolument, Vivaldi est en effet professeur pendant 15 ans, à ce moment-là,
03:02 il l'a déjà été avant et il reviendra après,
03:04 et c'est lui qui va former et écrire de la musique pour cette institution,
03:10 où il y a tous les autres instruments, tous les instruments à cordes,
03:12 et aussi les chanteuses, comme vous le disiez,
03:15 et elle va suivre non seulement son enseignement, mais en plus elle va devenir saccopiste,
03:19 elle va écrire de la musique avec lui, elle va recopier ses partitions.
03:24 Et moi ce qui m'intéressait c'était d'abord ce lieu pour femmes,
03:28 parce que c'est quand même très rare, et en effet elle y rentre comme elle pourrait y rentrer au couvent,
03:32 mais c'est un lieu républicain, Venise est une république à l'époque,
03:36 même si les règles sont calquées sur le couvent, elles sont un peu recluses,
03:39 elles n'ont pas le droit de sortir, mais elles apprennent,
03:42 elles sont instruites et ça m'intéressait de voir comment une ville fait oeuvre sociale pour les filles de sa ville.
03:48 Alors évidemment cette ville c'est un personnage à part dans le livre,
03:51 elle est en filigrane, et c'est un choc lorsque la jeune Hilaria,
03:55 qui est éprise de liberté par du couvent, la découvre,
04:02 vous décrivez une scène, elle se jette dans l'eau.
04:06 Elle se jette dans le canal.
04:07 Dans le canal, oui.
04:09 Et puis Venise est une ville complètement ouverte, comme on la voit aujourd'hui,
04:12 alors que la plupart des villes portuaires à l'époque étaient enfermées dans des murs et dans des forteresses.
04:17 Venise c'est la ville ouverte, c'est la ville du rêve, c'est la ville du marbre sur l'eau,
04:21 c'est la ville des couleurs, c'est la lagune, c'est les possibles, les îles,
04:25 et elle qui vit dans cet endroit fermé, mais néanmoins sur les quais,
04:29 elle est sur les quais d'Escavogne, c'est vraiment tout près de la lagune,
04:32 tout près de Saint-Marc, quand elle sort quelquefois en gondole
04:37 et qu'elle découvre ce paysage fabuleux, c'est l'émerveillement des couleurs, des sonorités,
04:41 des bruits, de tout ce qui se passe dans cette ville extraordinaire.
04:45 Donc en effet, Venise, pour moi, je me suis demandé
04:48 quel type de musique pouvait surgir dans une ville si exceptionnelle que Venise.
04:53 Alors face à cette splendeur, ou pas face, ou transportée par cette splendeur,
04:56 elle découvre aussi l'amour, la passion, avec le jeune Paolo.
05:00 Un autre être aussi, épris de liberté, qui a envie d'horizon,
05:06 bon, ça ne se termine pas très bien, mais bon, c'est ça le grand feu,
05:12 c'est aussi la passion en général, la passion de la musique, la passion amoureuse.
05:16 Oui, c'est quand tout se mêle, je crois, c'est la même émotion.
05:19 Ila, mon héroïne, est traversée par la même émotion quand elle joue du violon,
05:23 quand elle est amoureuse, et ça se confond.
05:26 Et elle a cet immense désir d'émancipation, elle pense que la musique va la sortir de là.
05:30 Et lui, Paolo, a aussi le désir de partir, et ce sont deux idéalistes adolescents
05:35 qui sèment le temps d'un instant.
05:38 Je vous conseille vraiment de lire ce livre, c'est très beau,
05:41 on est remporté justement par ses courants de passion,
05:44 on apprend des choses aussi, effectivement, sur Vivaldi, sur la Pietà, c'est passionnant.
05:48 Donc ça s'appelle "Le grand feu", c'est paru chez Grasset.
05:51 Merci beaucoup, Leonor de Rocondo.
05:53 Merci à vous.
05:54 [Musique]
05:59 [SILENCE]