Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 1er mai 2025 : le comédien Grégory Gadebois. Il est à l'affiche du film "Une pointe d'amour" de Maël Piriou.
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00:00Bonjour Grégory Gadebois, vous êtes cet acteur à la force tranquille, assez déconcertante,
00:04votre jeu et votre regard sont toujours assez captivants, votre façon de parler associée
00:08à ce timbre de voix doux et imposant, on fait le reste de votre personnalité, c'est
00:14par le théâtre que vous avez décidé d'épouser ce métier, vous avez d'ailleurs été pensionnaire
00:18de la comédie française pendant 6 ans, ancienne élève de Catherine Niégel et Dominique
00:21Valadier, moliérisée pour le seul en scène des Fleurs pour Algarnon avant d'être projetée
00:26sur grand écran et donc d'intégrer le monde du cinéma avec le César du meilleur espoir
00:30masculin pour votre interprétation du marin pêcheur Tony dans Angèle et Tony d'Alix
00:35de la Porte en 2010, vous aimez les choses simples Grégory mais qui racontent des vraies
00:41belles histoires, souvent dans des films qui sont un peu un miroir de notre société
00:45et qui vous correspondent, vous êtes à l'affiche du film Une pointe d'amour de Maëlle Pirriou
00:50aux côtés de Julia Piaton et Quentin Dolmère, l'histoire de Mélanie, une avocate atteinte
00:55d'une maladie incurable et de son meilleur ami Benjamin, tous deux en fauteuil roulant
01:00car privés de l'usage de leurs jambes qui décident un jour de partir dans un bordel
01:04spécialisé en Espagne pour faire l'amour pour la première fois et donc découvrir
01:08les plaisirs charnels au moins une fois dans leur vie.
01:11Pour s'y rendre, Mélanie monte à bord du van en piteux état, on ne va pas se mentir
01:15d'un de ses clients tout juste sorti de Zonzon pour reprendre votre terme, c'est drôle,
01:20terriblement humain, essentiel pour offrir le regard sur le handicap et sur un sujet
01:25tabou, le sexe pour celles et ceux qui sont touchés justement par le handicap.
01:30Est-ce que c'est ce qui vous a plu dans le scénario ?
01:33Ah oui ! Non mais c'est vrai que c'est… parce que quand on la résume, cette histoire,
01:40finalement c'est ça, c'est un repris de justice qu'emmènent deux personnes en fauteuil
01:44roulant au bordel en Espagne.
01:46C'est très… c'est un peu triste, un peu glauque même.
01:50Et en fait, c'est très très très poétique le scénario, je trouve.
01:53À la lecture, c'est ce qui m'était… c'est ce qui m'était… il y avait quelque
01:56chose de très drôle, de très poétique, de très doux, de quelque chose de… qui est
02:02plutôt lumineux que sombre.
02:04Il y a beaucoup de légèreté.
02:05Les réseaux sociaux sont confrontés à la vraie vie, celle qui nous permet de relever
02:09la tête, de regarder ce qui se passe autour.
02:11Cette légèreté est comme un bain de jouvence, elle fait du bien.
02:15On prend le temps de respirer, de jouir des bienfaits de la vie, le vent qui s'ouvre,
02:18de la fraîcheur de la mer, des sourires aussi.
02:20Ce film n'est-il pas finalement une bulle d'oxygène dans ce monde de brut, Grégory
02:24Gadevoix ?
02:25Oui, c'est une grosse bulle d'oxygène.
02:28Ça devrait toujours être ça, un film, je crois, c'est fait avant tout pour…
02:32Je crois que c'est Brassens qui disait ça de ses chansons.
02:35Il disait si les gens, pendant le temps qu'ils l'écoutent, ils ne pensent pas à
02:39leurs problèmes, c'est déjà pas mal.
02:42C'est ça la vocation du cinéma ?
02:45Peut pas la vocation, mais c'est bien quand ça fait ça aussi, quand c'est juste, ça
02:49nous fait sourire, et puis que c'est une vision un peu… à chaque fois, je reviens
02:54à ce mot poétique, un peu gaie, un peu lumineuse, où on ressort en étant de meilleure
02:59humeur que quand on a commencé.
03:00C'est pas mal, déjà, c'est pas rien, je trouve.
03:02Le personnage que vous incarnez sort de zonzon, sort de prison, donc.
03:07Il doit… il a encore un rendez-vous avec la justice pour que ça se termine.
03:12Je vais pas en dire plus.
03:14Mais pareil, les occupants sont des personnes qui sont donc touchées par ce handicap.
03:20C'est aussi un regard sur la deuxième chance, quoi.
03:23Sur la possibilité de s'en sortir, de construire une vie différemment.
03:29Oui, c'est ça aussi.
03:31Et puis sur le fait qu'on peut même s'en vouloir.
03:36C'est-à-dire… parce que, par exemple, moi je parle pour mon personnage, il n'a pas
03:40de velléité de changer.
03:42Il est très heureux comme ça va, comme c'est, il se débrouille, il s'arrange.
03:49Mais par contre, il n'est pas spécialement fermé.
03:52Il est plutôt ouvert, il est plutôt…
03:54Et en râlant, en ronchonnant un peu, il se laisse embarquer dans cette aventure.
03:58Et il trouve finalement…
04:01Oui, il trouve…
04:02Il ne faut pas que je dise la fin.
04:05Il voit.
04:06Il voit.
04:07Et puis, il se trouve que c'est ça qui est bien, de ne pas s'interdire des choses.
04:11Parce que finalement, on se met dans la case où les gens nous mettent, finalement.
04:15Donc on lui a dit, toi c'est ta case reprise de justice, tu as accès à ça, ça, ça.
04:20Et en fait, elle, elle arrive avec son fauteuil, elle dit, non, non, nous on va faire ça, viens.
04:25Et c'est ça qui est chouette, de changer.
04:26Quand on vous découvre à l'image, on se rend compte de la puissance que vous avez dans le regard, dans la justesse, dans votre façon d'être finalement vous-même.
04:35Il y a beaucoup d'humilité dans votre personnalité et dans les personnages que vous incarnez.
04:40Vous êtes né dans un village normand de 70 âmes.
04:44Oui, oui, c'est important de le préciser.
04:45Vous avez d'abord été déménageur, mais vous suiviez des cours d'art dramatique à côté.
04:51Et ce qui est très étonnant, c'est parce que vous aviez cette timidité maladive,
04:54c'est votre mère à 15 ans qui vous a dit, tu vas faire du théâtre, il faut que tu fasses du théâtre.
04:58C'est un ami de ma maman qui avait eu cette idée.
05:02Alors j'avais dit, d'accord, non.
05:04Et puis, à bout d'un moment, plus tard, vers 18, 19 ans, ma maman me demandait, je t'inscris ou pas ?
05:11Je dis, oui, d'accord, allez.
05:12Et effectivement, c'est super, ça m'a changé tout.
05:16Et ça part d'un défaut.
05:18Et j'aime bien ça, moi, que les choses partent d'un défaut.
05:22Transformer à cause d'eux, ça devient grâce à.
05:25Vous avez été césarisé, moliérisé.
05:27Ces prix représentent quoi pour vous, Niel Gorée ?
05:29Effectivement, dans ce parcours assez incroyable.
05:32C'est un peu un conte de fées, ce que vous avez vécu.
05:34Oui, oui, parce que, oui, oui, oui.
05:37Non, c'est super.
05:38Et les prix, c'est génial.
05:39Parce que c'est, alors, il ne faut pas se mettre tout d'un coup à croire qu'on est génial.
05:44Mais c'est quand même, c'est tous les gens du métier qui se réunissent et qui disent, lui, on l'aime bien.
05:49On lui dit.
05:50Et c'est super.
05:51Quand on arrive et que, c'est super.
05:54C'est une belle récompense pour quelqu'un qui, comme vous, a eu très longtemps peur de déranger.
05:59Et toujours un peu.
06:00Ça, ça ne passe pas.
06:02Pourquoi ?
06:03Je ne sais pas.
06:03J'ai toujours l'impression qu'on va dire, non, mais qui c'est qui lui a dit de venir ?
06:06Non, mais on va faire autrement, monsieur, c'est bon.
06:09Non, non.
06:10Mais non, mais ça, ça va mieux quand même.
06:12Oui, ça va même beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux.
06:15Je voudrais juste qu'on parle du public qui vous a découvert grâce à votre rôle de Charlie Gordon
06:22dans Les Fleurs pour Algarnon en 2013, adapté du roman de Daniel Keyes.
06:29Vous étiez seul sur scène à ce moment-là.
06:31Le public s'est déplacé en nombre, quasiment à guichet fermé à chacune des représentations.
06:37Ça a été une consécration extraordinaire.
06:40Là, pour le coup, vous n'allez pas dire, c'est grâce aux autres.
06:43Vous étiez seul sur scène, en tête à tête avec eux.
06:45Oui, mais non.
06:46Alors, bien sûr, moi, je disais le texte bien correctement tout.
06:50Mais c'est parce que ce texte, déjà, il est incroyable.
06:56Et puis, la mise en scène d'Anne Kessler, qui est tout sauf contraignante pour un acteur.
07:02Travailler avec Anne Kessler, c'est formidable.
07:03On a l'impression qu'on est un petit génie, que les choses viennent, se font naturellement.
07:07Pour terminer, quel regard vous avez sur cette carrière, Grégory Gadebois ?
07:10Je ne sais pas.
07:11Non, moi, je suis content.
07:13Ça s'appelle une carrière, en fait.
07:14Oui, c'est vrai.
07:15Ça fait bizarre comme mot.
07:16Mais oui.
07:17Non, je trouve que c'est bien.
07:19Je suis content de ce que je fais, de comment ma vie est.
07:23Il faudrait être difficile, quand même.
07:25C'est chouette comme métier.