Du 24 au 28 mars, la 9e édition de la semaine de l’économie sociale et solidaire à l’école a eu lieu. L’occasion d’engager les jeunes générations dans ce secteur. Benoît Hamon, président d'ESS France et ancien ministre de l’ESS, rappelle l’importance de ces entreprises qui s’engagent pour faire face aux enjeux environnementaux. Dans ce grand entretien, il évoque également le rôle qu’elles jouent pour garantir nos démocraties, et revient sur son engagement pour l’inclusion de la diversité dans notre économie.
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00:00Générique
00:00Prêt pour l'impact, une personnalité qui compte dans l'économie française, 26 minutes d'entretien avec Benoît Hamon aujourd'hui, bonjour.
00:11Bonjour.
00:11Bienvenue, vous êtes le directeur général de Singa Global et le président de SS France, la Chambre française de l'économie sociale et solidaire,
00:17qui représente, on ne le sait pas forcément, ces 2 700 000 emplois, c'est 13,7% du total des emplois privés en France,
00:25et puis c'est des millions et des millions de bénévoles, 20 millions de bénévoles.
00:29Est-ce que c'est un modèle qui gagne du terrain ou qui est plutôt en stagnation ? Qu'est-ce qu'on peut en dire ?
00:34Il gagne du terrain, il gagne dans la dernière mesure du premier semestre 2024, en création d'emplois, l'économie sociale et solidaire,
00:44surperformée dans l'emploi privé, c'est quand je dis surperformée, c'est que quand on peut regarder la moyenne de création d'emplois privés,
00:50il y en avait davantage dans l'économie sociale et solidaire que dans l'économie conventionnelle.
00:53Alors l'ESS c'est quoi quand même, pour le redire ?
00:57Ce sont toutes les entreprises qui sont non lucratives ou à lucrativité limitée,
01:02ça ne veut pas dire qu'elles ne gagnent pas d'argent, elles réalisent les excédents, les bénéfices,
01:06mais ça veut dire qu'elles n'assurent pas de rendement au capital investi.
01:09Il n'y a pas de rémunération en dividendes d'actionnaires.
01:14Qui pose évidemment une question sur comment attire-t-on des investisseurs dès lors qu'on n'assure pas de rendement fort à ces investissements.
01:22Et la conséquence de cela, le fait que nous soyons dans un principe selon lequel les parts que l'on peut avoir dans une entreprise
01:30ne permettront pas de faire la bascule, un immense bénéfice au moment où on les revendra,
01:36c'est qu'il y a un principe qui est une personne égale une voix.
01:39Si nous sommes partenaires dans une même coopérative ou entreprise de l'ESS,
01:45si vous avez 10 parts et je n'en ai qu'une, vous aurez une voix, j'en aurai une.
01:50Et ça change la donne profondément.
01:52En fait, et ce qui peut heurter dans l'appréciation qu'on peut avoir du fonctionnement de l'économie,
01:58ça veut donc dire que le montant de l'argent que vous mettez sur la table ne vous donne pas plus de pouvoir.
02:03L'exact inverse de ce qui se passe aujourd'hui aux Etats-Unis d'ailleurs,
02:06où il y a une forme d'hubris, de démesure du capitalisme américain qui prétend le contraire.
02:12Qui prétend d'ailleurs que l'argent que j'ai dans l'économie doit me donner aussi le pouvoir dans la politique.
02:19Elon Musk et quelques-uns de ses compères étant le symbole de ça.
02:23L'ESS, c'est le contraire de cela.
02:25Et c'est effectivement 2 700 000 emplois en France.
02:31Et je vais vous donner une comparaison, ce que j'ai découverte il y a peu de temps et qui est pour moi assez parlante.
02:38Quand on fait le chiffre d'affaires cumulé en 2023, je crois,
02:43qui a été réalisé par la Banque de France, des start-up françaises, des principales start-up françaises.
02:47C'est 25 milliards d'euros.
02:50Chiffre d'affaires cumulé.
02:51Les start-up qui ont leur salon, leur ministre, je n'ai rien contre.
02:57Oui, c'est très bien.
02:58Le gouvernement de la République en parle régulièrement et sont le moteur d'une certaine économie.
03:03Économie avec des entreprises d'ailleurs qui peuvent changer de pavillon, devenir un jour américaines,
03:07alors qu'elles ont été françaises au début, singapouriennes, que sais-je encore.
03:10Mais bon, c'est un modèle économique, il a sa logique et beaucoup, beaucoup de lumière dessus.
03:1625 milliards d'euros.
03:18Et le SES, c'est combien ?
03:19Non, mais je veux juste prendre les coopératives.
03:21Même pas toutes le SES, les coopératives.
03:23Le chiffre d'affaires cumulé des coopératives françaises, c'était 380 milliards d'euros.
03:29Donc, est-ce que vous avez l'impression que les coopératives françaises ont 10 fois plus d'attention ?
03:34Je vous vois venir sur les pouvoirs publics.
03:36Parce que vous avez été ministre de l'économie sociale et solidaire, c'était il y a une douzaine d'années.
03:40C'est juste pour dire, je ne demande pas qu'il y ait un ministre des coopératives.
03:46Mais c'est simplement pour dire que cette économie-là, elle a l'immense force d'être très territorialisée.
03:52Bien sûr.
03:53Avec des emplois non délocalisables.
03:55Elle est un élément de la souveraineté économique de la nation.
03:58Donc, ça devrait être un enjeu de politique publique majeure.
04:02Et c'est pour ça que s'ouvrent des discussions sur la stratégie nationale de développement de l'ESS.
04:07La bonne nouvelle, c'est que la précédente Commission européenne avait reconnu l'économie sociale comme un des 14 écosystèmes industriels européens.
04:14Et a demandé que chaque pays se dote d'une stratégie nationale de développement.
04:18On démarre ce travail-là avec le gouvernement.
04:19Mais jusqu'ici, l'État, depuis 10 ans, alors moi j'avais fait la loi il y a 10 ans, a eu une volonté ou intermittente ou désordonnée.
04:28Par exemple, je vais prendre un exemple.
04:30Il n'y a pas d'alignement des doctrines entre BPI France, la Caisse des dépôts, l'État.
04:35Et il nous manque en gros un partenaire.
04:38Et pour pouvoir avoir une stratégie, dans quel secteur insiste-t-on ?
04:44Quelle filière industrielle, dans le domaine du recyclage, des énergies renouvelables, structure-t-on davantage ?
04:50Bon, voilà.
04:51Alors, j'ai vu que depuis le mois de janvier, il y a un amendement qui a été porté par une sénatrice socialiste,
04:58la sénatrice de l'In, Florence Blatrice-Conta, qui a été votée au Sénat, n'a pas encore passé, votée à l'Assemblée.
05:05Alors, c'était quoi l'idée ? Les moyens budgétaires alloués à l'ESS, présentés chaque année dans le cadre du vote du budget de l'État ?
05:11C'est un orange budgétaire.
05:11Ça peut sembler technique, mais est-ce que c'est une avancée ? Pourquoi c'est potentiellement important ?
05:16Oui, c'est important dans le sens où il faut qu'on arrive à objectiver ce que sont la réalité des concours publics à l'économie sociale et solidaire.
05:24Parce que le flou, nous, on préfère qu'on se mette d'accord sur un chiffre, sur des montants, que sur « Ouh là là, vous êtes très aidé, il faut rajouter ceci, cela, cela ».
05:34Et pour l'instant, comme ce n'est pas centralisé, on ne sait pas exactement où va l'argent public.
05:37Et nous, on voudrait rappeler que, par exemple, quand on aide le secteur de l'insertion par l'activité économique, j'enlève le mot « aide ».
05:44Quand l'État finance le secteur de l'insertion par l'activité économique, c'est pourquoi ?
05:48Parce que ce secteur, les entreprises d'insertion, les chantiers d'insertion, va prendre des personnes très éloignées de l'emploi,
05:55et à travers une activité, qui est une activité marchande, la mine d'agriculture, le paysage, l'espace vert, de la production, de la petite industrie,
06:03va vendre ses services, mais en faisant travailler des gens qu'il faut remettre en situation de pouvoir se former, acquérir des qualifications, des compétences.
06:14Donc, il rend un service à la société, c'est pour cela qu'il est financé. En réalité, quand on nous dit « telle entreprise reçoit des subventions,
06:23elle est plus aidée que les entreprises conventionnelles », oui, mais parce que nous sommes délégataires d'une mission d'intérêt général.
06:28C'est-à-dire que nous endossons, nous, des missions que les autres entreprises n'endossent pas.
06:33Et qu'il me soit permis de dire, et c'est là où je voudrais tirer un peu la sonnette d'alarme sur un point,
06:38dans le projet de budget qui avait été proposé par M. Barnier et qui n'a guère été modifié concernant l'économie sociale et solidaire par le gouvernement Bérou,
06:48l'Union des employeurs de l'ESS, qui est l'UDES, qui est le principal syndicat employeur de l'ESS, donc des chefs d'entreprise,
06:55estimait que les suppressions d'emplois dans l'ESS en application de ce budget seraient de l'ordre de 186 000.
07:01C'est considérable. C'est un plan social diffus sur l'ensemble du territoire qui va amener une petite ressourcerie à se débarrasser de salariés,
07:09un établissement culturel à se débarrasser d'un ou deux salariés, un club de sport à se débarrasser, etc.
07:15Et là où je voudrais alerter, c'est que nous sommes dans un moment où, à juste titre, le président de la République a pris la parole,
07:23et devant les menaces, la guerre commerciale avec les États-Unis, les renversements d'alliances et la trahison des États-Unis,
07:28et d'ailleurs leur relais en France, le groupe Bolloré, qui aujourd'hui se fait l'écho des positions russes,
07:35est clairement dans ces stratégies-là. Les menaces militaires qui existent vont appeler à ce qu'à la fois les budgets militaires en Europe se renforcent,
07:44et donc il va bien falloir prendre l'argent quelque part, vont appeler à ce qu'on se dote d'une Europe de la défense,
07:50et moi j'approuve ces choix-là.
07:52Vous dites attention, où on va chercher l'argent.
07:55Alors non, j'espère que ce ne sera pas sur les budgets sociaux, mais ce que je veux dire, c'est que le président de la République a dit
08:01que nous rentrons dans une période d'effort. Je veux lui dire que pour que la nation s'unisse,
08:08il ne faut pas remettre en cause ces mille et un liens sociaux sur les territoires qui sont assurés par des entreprises de l'ESS
08:16qui sont coproductrices de l'intérêt général. Vous prenez des territoires en milieu rural,
08:21vous prenez des territoires urbains un peu isolés, enclavés, que sont certaines cités,
08:26et vous observez qu'il n'y a plus beaucoup de services publics, qu'il y a très peu d'économie conventionnelle.
08:30Et ce qui demeure solide au poste, c'est une maison de retraite non lucrative, une crèche non lucrative,
08:36une ressourcerie, une recyclerie, une épicerie solidaire, un établissement culturel,
08:41et l'économie sociale et solidaire qui assure à la fois l'activité économique, mais aussi l'intérêt général.
08:48Et ces mille et un liens sociaux derrière chaque emploi de l'ESS,
08:52s'ils sont remis en cause par des mauvais budgets, c'est aussi notre capacité à nous lier entre nous,
08:58à faire société, et donc à faire nation, qui sera remise en cause dans une période d'efforts et d'épreuves.
09:02C'est pour ça que ces choix-là ont des impacts qui vont bien au-delà de la santé d'une seule entreprise.
09:09Ça rejoint cette interview que vous avez donnée au journal Libération l'été dernier.
09:13On était dans cette période où, d'attente, il n'y avait pas encore de nouveau Premier ministre,
09:18un gouvernement qui expédiait les affaires courantes.
09:20Vous disiez aujourd'hui, c'est moins le casting gouvernemental qui importe, même s'il est important,
09:24que d'apporter une nouvelle méthode de gouvernement.
09:26Je ne vois pas comment un gouvernement, dans un tel contexte politique,
09:28peut trouver l'assentiment des Français sans travailler avec la société civile.
09:32Il faut faire un pas de côté et innover.
09:34Se travailler avec la société civile, vous l'avez vu à l'œuvre, pas beaucoup,
09:39que ce soit avec Michel Barnier, qui n'a pas eu beaucoup de temps,
09:43ou avec François Bayrou, depuis qu'il est là ?
09:46Si vous voulez.
09:48En fait, ce que j'aimerais dire, c'est que, quand on réfléchit à démocratiser la France,
09:52quand on analyse que nos institutions fonctionnent mal,
09:56le réflexe que l'on a, parce qu'on est nourri au biberon de la Vème République,
10:02c'est-à-dire qu'il faut changer les institutions.
10:05Ce débat-là est un débat intéressant, je ne le néglige ni ne le méprise,
10:09mais j'ai envie de dire que réfléchissons à la manière dont on peut aussi démocratiser l'économie,
10:16la manière dont on peut mieux associer à la fois les partenaires sociaux,
10:19mais aussi la société civile aux décisions qui concernent les Français.
10:22parce qu'en réalité, on garde beaucoup de verticalité et on donne une forme de...
10:28Il y a une sacralisation du politique en France, que je connais bien d'ailleurs,
10:33qui amène à considérer que le politique est omniscient et omnipotent.
10:38C'est fini, cela.
10:39Et il ne faut pas qu'on...
10:40Oui, en même temps, un mauvais budget, vous nous le dites, ça peut créer,
10:43ça peut provoquer la suppression de 150 000 ou 160 000 emplois.
10:46Absolument, mais il y a des responsabilités qui sont grandes,
10:49d'où l'importance de construire des décisions politiques avec les principaux concernés,
10:54c'est-à-dire celles et ceux qui vont devoir, derrière, mettre en œuvre des stratégies économiques,
10:59mettre en œuvre des créations d'emplois ou pas, des services d'intérêt général ou pas, etc.
11:04Et ce que je crois, c'est qu'il faut davantage démocratiser l'économie,
11:07et ma conviction profonde, c'est qu'à un moment où, de l'eau outre-Atlantique, mais ici aussi,
11:15certains vous disent, celui qui possède la richesse et la technologie doit pouvoir dire
11:21où doit aller le monde, considérant d'ailleurs, c'est intéressant, ce que font les Américains,
11:28c'est intéressant à observer.
11:29Et Elon Musk, par exemple, quand il supprime 60 milliards de dollars annuels du USAID,
11:34il dit quoi ? Pourquoi continuer à aider des populations improductives,
11:39là où cet argent serait plus utile à alimenter la création, les innovations et la richesse
11:45de ceux qui sont plus intelligents, de ceux qui sont en haut de l'échelle sociale,
11:50en haut de l'intelligence humaine ?
11:51Eh bien, on a ce modèle-là qui existe aujourd'hui, où ces entreprises prennent le pouvoir politique.
11:57Eh bien, moi, ce que je pense, c'est qu'il faut, plutôt que laisser ces entreprises remettre en cause
12:01les principes démocratiques des sociétés, il faut démocratiser l'économie.
12:05C'est ça que nous défendons, nous, dans l'ESS.
12:06Le principe de la démocratisation de l'économie, qui a été démarré à la fin du XIXe siècle
12:11et au début du XXe siècle.
12:13On est largement resté au milieu du guet, puisque, on va dire, depuis cette époque-là,
12:17il n'y a pas eu de véritable initiative pour tenter de mieux partager la décision dans les entreprises.
12:23Toutes les entreprises ne seront pas dans l'ESS, toutes ne seront pas non lucratives,
12:26mais il faut avoir un objectif, au regard de la résilience de ce modèle
12:30et de son importance dans les épreuves à venir pour la nation et pour l'Europe,
12:34il faut avoir un objectif d'augmentation de la part de l'ESS dans le PIB.
12:40Aujourd'hui, c'est 10% du PIB, 2,7 millions d'emplois.
12:43Nous devons avoir un objectif qu'il y ait davantage d'entreprises de l'ESS,
12:46coopératives, fondations, mutuelles, entreprises associatives, sociétés commerciales de l'ESS,
12:51beaucoup plus de transformations d'entreprises conventionnelles en entreprises de l'ESS.
12:54Parce que ce sont des entreprises plus démocratiques que les autres,
12:58par leur fonctionnement, et qui rendent un service à la société.
13:02Absolument. En étant plus démocratique, elles fabriquent aussi un travailleur, citoyen,
13:07plus doué pour le dialogue, plus doué pour le compromis, plus doué pour la responsabilité,
13:11et avec des opinions moins polarisées.
13:13Et je pense que ces services-là sont des services absolument précieux,
13:18et on a là, et je voudrais vous en convaincre,
13:21Je crois que d'ailleurs, le patronat français commence à avoir ces choses-là,
13:24et c'est intéressant.
13:26C'est un atout incroyable pour la France, d'avoir une ESS aussi forte.
13:30On est parmi les seuls dans le monde à avoir tous les modèles d'entreprises de l'ESS.
13:35Ailleurs, vous trouverez principalement des coopératives,
13:37ou principalement des associations.
13:38En France, on a à peu près toute la palette.
13:40La loi que j'avais fait voter entre 2012 et 2014 a servi de modèle à plusieurs pays.
13:48On est considéré comme un des pays qui est parmi les plus innovants sur les questions sociales.
13:53L'innovation sociale est dans le cœur de nos modèles.
13:55C'est un atout considérable.
13:57Est-ce que c'est aussi un moyen de garder ce modèle social,
14:01qui est aussi spécifiquement français, mais qui coûte cher ?
14:04C'est-à-dire qu'on est à 3300 milliards de dettes.
14:10Est-ce que le fait de promouvoir l'économie sociale et solidaire,
14:13qui joue, vous nous le dites, qui remplit des missions de services publics,
14:16c'est un moyen de faire perdurer, de sauvegarder ce modèle social, d'après vous ?
14:21Oui, mais après, il faut faire attention.
14:22Je veux dire, on nous dit, oui, l'ESS, c'est intéressant, etc.
14:27C'est surtout, pour l'instant, moi, j'observe,
14:30l'État décide d'une taxe sur les mutuelles d'un milliard d'euros,
14:33péredes, alors là, pour le coup, ce n'est pas une taxe temporaire,
14:36un milliard d'euros pour réduire les déficits.
14:41Donc là, c'est un prélèvement sur ce que vous, moi,
14:44comme assurés sociaux, avec un complémentaire santé,
14:47on a cotisé, et cet argent-là, une taxe est mise en place.
14:51Donc ça fragilise ces modèles-là, j'en profite pour le dire.
14:55Mais ce que je crois, c'est qu'il faut surtout
14:58qu'on se convainque collectivement qu'on a là un véritable atout
15:04et qui, vous parlez des missions d'intérêt général,
15:08mais aujourd'hui, ces services qui sont rendus,
15:14les Français ne pourraient pas s'en passer.
15:17Et la question est de savoir, d'ailleurs,
15:19je pose la question, j'ouvre le débat, si vous le souhaitez,
15:23est-ce que, par exemple, dans le domaine du grand âge
15:27ou de la prise en charge des personnes vulnérables,
15:29après le scandale Orpea, après le scandale dans certaines crèches lucratives,
15:33les uns et les autres, indépendamment de nos opinions partisanes,
15:37de droite ou de gauche, on ne peut pas se mettre d'accord
15:39dans un nouveau compromis social pour dire que
15:42les établissements qui prennent en charge ces personnes-là
15:46doivent être ou publics ou non lucratifs.
15:49C'est-à-dire qu'on ne peut pas jouer au dé la dignité des personnes âgées,
15:54dépendantes, qui peuvent être demain nos parents,
15:57qui seront nous-mêmes, jouer au dé sur un tapis
16:02où un jour, un conseil d'administration décidera
16:05qu'il faut remonter des dividendes et que s'il faut les remonter
16:07et que ça se fait au détriment de la santé et de la dignité des personnes,
16:10ce n'est pas grave.
16:11C'est ce qui s'est passé, là.
16:12C'est ce qui s'est passé.
16:14Et mettre à l'abri des personnes vulnérables, tout petits ou âgés,
16:18ça me semble être une certaine idée,
16:20puisqu'on parle beaucoup d'identité nationale, de civilisation,
16:23une certaine idée qu'on pourrait partager
16:26de la fin de vie ou du début de la vie.
16:29Et voilà peut-être un champ dans lequel
16:33on attend que les politiques s'expriment,
16:35qu'ils agissent enfin
16:36et qu'ils aident l'ESS qui a des compétences,
16:40de l'expertise à proposer des solutions.
16:44Est-ce que c'est possible dans les Landes,
16:46le département des Landes, il n'y a pas un EHPAD lucratif ?
16:48Voilà. Ils l'ont voulu.
16:49Ça existe, ça marche.
16:49C'est public ou non lucratif.
16:51D'accord. Le modèle de l'ESS appliqué pour les plus âgés
16:54et pour les plus petits.
16:55Il nous reste une dizaine de minutes.
16:56On va parler de SINGA Global.
16:58Vous êtes le directeur général de cette ONG internationale
17:01qui oeuvre pour l'intégration et l'inclusion
17:03de personnes réfugiées ou nouveaux arrivants.
17:06C'est quoi, avec vos mots à vous, la mission de SINGA ?
17:09Et puis pourquoi vous y êtes allé ?
17:10Je vous ai déjà reçu ici, vous avez déjà posé la question,
17:12mais ça m'intéresse de vous entendre.
17:13C'est vent de face en ce moment.
17:16Nous, nous sommes une ONG,
17:18donc une association internationale,
17:21puisque nous sommes présents dans ce pays.
17:23Nous travaillons principalement avec des grands financeurs privés.
17:30Certains aujourd'hui se retirent de leurs engagements
17:32en raison de ce qui se passe outre-Atlantique
17:34ou parce qu'ils sont présents sur les marchés américains
17:37ou parce qu'ils s'autocensurent
17:38ou parce que leurs engagements répondaient à des modes, j'imagine.
17:42C'était la mode de faire de l'inclusion.
17:44Maintenant, comme ça, les plus, on arrête.
17:46Je le dis parce que c'est aussi ça qu'on observe.
17:49Et donc, ça, ça existe.
17:50Et donc, c'est plus dur pour nous.
17:51Nous, on est engagés dans l'inclusion des personnes réfugiées
17:54à travers l'entrepreneuriat.
17:55Donc, chaque année, en sortie de nos incubateurs et accélérateurs,
17:59il y a des centaines d'entreprises créées
18:01par des personnes réfugiées ou nouvelles arrivantes
18:03qui créent de l'emploi, qui créent de la richesse.
18:05Bon, ça, c'est ce qu'on fait.
18:06Et ça, ce discours-là, on l'entend très peu.
18:09Nous, on essaie de le porter de temps en temps ici.
18:11Mais c'est plutôt le discours inverse, effectivement, sur l'immigration.
18:14Oui, c'est le positif.
18:16C'est que toute chose crée son contraire.
18:18Les vilains sont très vilains, aujourd'hui.
18:20Et moi, ils ne me font pas peur.
18:22En plus, je trouve que, je veux dire,
18:24entendre Musk et Trump, c'est une insulte à l'intelligence tous les jours.
18:27Ce que j'aimerais, c'est que j'en profite pour le dire,
18:29c'est que ça n'a rien à voir.
18:30Je me profite parce que j'y pense là.
18:32C'est que quand on dit, quand on voit ces investissements dans l'intelligence artificielle,
18:36formidable, et que l'Europe le fasse aussi.
18:39Mais moi, je pense que là où on met un euro dans l'intelligence artificielle,
18:41il faut en mettre deux sur l'intelligence humaine, l'éducation et la formation.
18:43Parce qu'on voit bien que l'intelligence artificielle,
18:46entre les mains de gens qui n'ont aucun scrupule et de quelques crétins à côté,
18:51ça peut être extrêmement dangereux.
18:52Bon, je reviens à la fin de la parenthèse sur les euros investis.
18:55Oui, mais là où c'est positif, c'est que ce qui se passe aux Etats-Unis
19:02et dans une grande partie du monde occidental crée son contraire, chez nous.
19:07Il y a des entreprises qui renforcent leurs engagements.
19:10Alors, moi, je vais donner des noms maintenant.
19:11Allez-y, oui.
19:12Je ne vais pas faire du name and shame, je vais faire du name and glorify.
19:16Le Crédit Mutuel, à travers sa fondation, a un engagement sur les questions d'inclusion
19:20qui est remarquable, continue dans le temps, ils agissent et ils agissent en faveur de l'économie sociale et solidaire.
19:27Le groupe L'Oréal, avec lequel nous travaillons, fait sur ces questions de diversité et d'inclusion.
19:33Nous, nous l'observons chez eux, comme dans leur partenariat, une action qui est une action remarquable.
19:37Pourquoi ? Parce qu'ils savent que celles et ceux à qui, d'ailleurs, ils vendent leurs produits
19:42ont toutes les couleurs, toutes les textures de cheveux, toutes les cultures
19:46et qu'il est absurde de décréter qu'une partie de l'humanité doit dominer toutes les autres.
19:53C'est ce que font aujourd'hui les Américains, les Russes, d'ailleurs, et quelques autres.
19:58Donc, moi, je les cite, le groupe Generali d'Assurance est aujourd'hui engagé aux côtés de Singa
20:04et maintient son engagement à travers sa fondation de Human Safety Net.
20:07Donc, il y a des gens qui ne marchent pas dans ce discours selon lequel, parce que Trump gronde,
20:13il faut rentrer la tête dans les épaules.
20:16Oui, le repli sur soi, quoi.
20:17Oui, et qui préfèrent, bon, alors, conservons notre business et taisons-nous sur le reste.
20:23Et qui ne sont pas en train de brandir ces entreprises, un pavillon, en disant
20:27on est contre l'administration américaine, mais qui maintiennent un engagement en faveur de l'inclusion.
20:31Et il me plaît de souligner l'engagement renouvelé de ces groupes qui sont, d'ailleurs, ou de l'ESS ou pas,
20:42parce que je préfère retenir ces éléments positifs dans des périodes où ça tourbillonne et où on a vent de face
20:52que vous faire la litanie des mauvaises nouvelles qu'on a, par ailleurs, qui règnent.
20:56Oui, mais on a bien compris que le vent était de face. Chaque semaine, on demande à notre invité,
21:02et vous le ferez pour Caroline Néron, la présidente du mouvement Impact France, qui sera à votre place la semaine prochaine,
21:07de poser une question au Grand Entretien, à celui qui pratique le Grand Entretien.
21:12C'était Mercée Lesserat, la présidente de l'agence BETC la semaine dernière. Voici sa question.
21:17Bonjour Benoît. Alors je connais très bien votre travail actuel, votre travail sur Synga,
21:23mais votre travail sur toute la réflexion sur le sociétal, l'impact.
21:29Mais il y a une chose qui m'intéresse beaucoup, c'est de savoir comment est-ce que votre travail a plus d'impact.
21:35Comment on fait pour que la France, pour que la politique française, soit davantage concernée par ces questions,
21:42en particulier cette question de la diversité, il me semble qu'on a du boulot.
21:47Comment est-ce qu'on peut faire pour qu'on ait un rôle plus important, peut-être un rôle politique, pour demain ?
21:53Il y a toujours la question de est-ce que Benoît Hamon va refaire de la politique.
21:58Mais ça, ce n'est pas pour moi la plus importante. C'est sur l'efficacité.
22:02Et voilà. Où est-ce que vous, vous avez le sentiment d'avoir le plus d'impact ?
22:06Aujourd'hui, dans ce que vous faites, il y a 12 ans qu'on vous étiez ministre...
22:09Ce n'est pas Mercedes, c'est elle qui pose la question, parce qu'elle, sur ces questions...
22:12Elle est particulièrement engagée, oui.
22:14Et donc, voilà, ce n'est pas du fake.
22:18Donc, bon, merci à elle.
22:21Moi, je vais être très concret.
22:22Moi, je pense que tout ce que je viens de vous dire a très peu d'impact.
22:29Au sens où, dès qu'on parle d'immigration, en fait, on renforce les polarisations.
22:32Ceux qui sont contre sont encore plus contre, même quand on leur met des preuves sur la table.
22:36Et puis, ils sont encore plus... Et puis, au milieu, moins d'autres.
22:40Donc, je pense que ce que je peux vous dire, ça fait partie du plaidoyer, c'est utile.
22:44Mais ce qui a de l'impact, c'est la personne, en tout cas pour Synga, qui va créer son entreprise.
22:50Oui.
22:51C'est l'efficacité de l'incubateur, quoi.
22:53Rendre des services.
22:55Souvent, les sujets sur lesquels les entreprises sont créées partent de l'observation par ces entrepreneurs de défaillance dans nos sociétés,
23:04notamment sur les questions d'inclusion.
23:05Et ils réparent des problèmes qu'ils ont observés dans leur inclusion difficile.
23:11Et, en clair, une famille kurde qui reprend une boulangerie au cœur de la Creuse aura beaucoup plus d'impact que je n'en ai.
23:23Pourquoi ? Parce qu'elle transforme le regard qu'on a sur la migration.
23:26En fait, et c'est là où, souvent, dans les discussions qu'on a avec nos financeurs, ils nous disent,
23:32bon, alors, sur les données d'impact, combien avez-vous créé d'entreprise ?
23:35Et on leur dit, mais ça, ce n'est pas l'impact, c'est le résultat de notre programme.
23:38Mais nous, voilà, on sait vous dire, en sortie d'accélération, quels sont nos chiffres.
23:43L'impact, c'est autre chose.
23:45C'est cette activité-là.
23:46Qu'est-ce qu'elle a changé ?
23:47A-t-elle transformé la perception qu'on a des migrations, là où elles sont vécues comme négatives et menaçantes ?
23:54Voit-on les opportunités, le potentiel, les solutions qu'il y a derrière ces migrations aux problèmes qui sont les noms ?
24:00Oui, et alors, il y a quand même le plaidoyer, il est important, avec ce chiffre qui est toujours frappant.
24:06Je vais le redonner, c'est un classement des fortunes de chez Forbes.
24:10Parmi les 500 premières entreprises américaines, 43% ont été fondées ou cofondées par des immigrés de première ou de deuxième génération.
24:18C'est un peu la même chose en France ou en Europe, d'une façon moins marquée ?
24:22Alors, sur l'ATEC, il y a énormément de personnes nouvelles arrivantes, migrantes, d'étrangers aussi,
24:29parce qu'il y a une différence entre immigrés et étrangers,
24:31puisque les immigrés comptent les personnes naturalisées.
24:33Par exemple, la première nationalité, le sait-on, des immigrants en France, c'est française,
24:38puisqu'il y a 2,5 millions de personnes qui ont été naturalisées,
24:42et elles sont toujours comptabilisées dans ces 10,7% de migrants en France.
24:47C'est le terme utilisé par l'INSEE, par les Nations Unies.
24:51Bon, je ferme la parenthèse.
24:54Mais, donc, il y a dans l'ATEC une surreprésentation, c'est vrai dans toute l'Europe.
24:57Et en France, on avait, nous, une statistique sur laquelle on aimerait bien travailler.
25:01Il reste une minute, il faut conclure avec ça.
25:02Alors, 15% des créateurs d'entreprises en France sont des étrangers.
25:05Donc, il y a une surreprésentation des étrangers dans la création d'entreprises.
25:09Pourquoi ? Parce qu'ils connaissent le déclassement professionnel.
25:12Il faut en moyenne, en France, sachez-le, 10 ans à une personne immigrée
25:16pour retrouver son statut social d'origine.
25:18J'étais architecte, prof ou infirmier,
25:21avant que je retrouve un statut comparable, il me faut 10 ans.
25:25Donc, c'est loin d'être l'Eldorado contre.
25:27Les gens viendraient pour les aides sociales, tout ça, blablabla.
25:30Ce n'est pas vrai.
25:31Ce n'est pas l'Eldorado qu'on raconte.
25:34Et puis, sachons-le, moi, sur ces sujets, on aura l'occasion d'en reparler.
25:38Il y a de moins en moins d'actifs pour cotiser de plus en plus d'inactifs.
25:41Sans l'émigration, ce sera la retraite à 68 ans
25:44et la baisse des pensions des retraités à l'horizon de 2030.
25:46Donc, tout dirigeant qui vous dit qu'il faut baisser l'émigration,
25:49il faut lui dire qu'il s'engage sur la retraite à 68 ans
25:51et la baisse des pensions des retraités.
25:53Quand les gens sauront ça, peut-être qu'ils réfléchiront différemment
25:56aussi à la question des migrations.
25:57Merci beaucoup, Benoît Hamon.
25:59Et à bientôt sur Be Smart for Change.
26:01On passe à notre rubrique Startup, tout de suite.