Xerfi Canal a reçu Nour Kanaan, Lumen (ULR 4999) – Axe SOIE, IAE Lille, Université de Lille, Lille, France, pour parler des leçons de management de l'incendie du Tunnel du Mont-Blanc.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Nourkanan.
00:10Bonjour Jean-Philippe Nani.
00:11Nourkanan,
00:12Révéler la dimension spatiale des crises.
00:18C'est le papier que vous avez publié avec Julie Mailleur.
00:24Julie Mailleur, École Polytechnique, IQBCRG.
00:27Et vous, vous êtes au Lumen.
00:29À l'université de Lille.
00:33Papier très intéressant parce qu'il traite d'abord d'une dimension trop peu explorée en gestion,
00:38à savoir la question de l'espace,
00:39en tout cas peu connu à l'extérieur du monde académique.
00:44Et deuxième raison, le tunnel du Mont Blanc, l'incendie du tunnel du Mont Blanc.
00:48Alors, quelle leçon vous tirez de l'incendie du tunnel du Mont Blanc ?
00:52Ce qui est assez intéressant et qui en fait un cas d'école,
00:54c'est vraiment que ce qui va être pointé du doigt pendant cet incendie,
00:58pendant cette crise, qui est une crise transfrontalière par essence,
01:02puisqu'on dépasse ici la démarcation territoriale entre différents pays voisins,
01:07c'est vraiment cet enjeu de coordination qui a été pointé du doigt dans la plupart des rapports.
01:11Et cette coordination transfrontalière, aussi bien au niveau institutionnel entre la France et l'Italie,
01:16les préfectures et tous ces acteurs institutionnels qui sont mobilisés,
01:20mais aussi au niveau opérationnel, entre les équipes de secours aussi,
01:24qui vont tant bien que mal essayer d'éteindre cet incendie.
01:28Pourquoi ces problèmes de coordination transfrontalière en font vraiment un cas d'école ?
01:33C'est que par essence, toutes les dimensions du caractère transfrontalier de cette crise sont mises en évidence.
01:38Pourquoi ? Parce que dans cette crise transfrontalière, la spatialité est un peu spécifique.
01:43On a effectivement des démarcations territoriales rigides qui existent a priori
01:48et qui s'imposent aux acteurs qui sont révélés.
01:51On rappelle que c'est un tunnel qui lie la France et l'Italie,
01:53donc il y a une démarcation territoriale qui se lie même à l'intérieur du tunnel.
01:58Vous avez vraiment une limitation, même si elle n'est pas conscientisée par ceux qui traversent le tunnel.
02:02Il y a bien un territoire français et un territoire italien à l'intérieur de ce tunnel.
02:06Il faut rappeler aussi cette démarcation topologique qui est très spécifique.
02:10On a la chaîne des Alpes au-dessus de ce tunnel finalement
02:14et une dimension territoriale très fortement rigide au sens culturel
02:19puisque à l'intérieur du tunnel, on a des opérateurs qui travaillent en français
02:23et d'autres qui travaillent en italien.
02:25Donc là finalement, c'est la question de la frontière ici au sens rigide
02:30qui s'impose aux acteurs, elle est là.
02:31Mais ce qui est intéressant dans l'incendie du tunnel du Mont-Blanc,
02:34c'est aussi toutes ces démarcations qui émergent in situ dans l'action
02:38et qui ont elles aussi contribué malheureusement à expliquer aussi
02:43ce qui s'est joué dans cette crise centralière
02:46et notamment ces problèmes de coordination.
02:47Pourquoi ?
02:48Parce qu'il y a plein d'arrangements matériels, cognitifs, relationnels
02:52qui émergent dans l'action et qui ont expliqué ces difficultés de coordination,
02:56ne serait-ce que par exemple au niveau relationnel où on a noté notamment
03:00à travers les archives et les entretiens et les observations
03:04énormément parfois de difficultés, notamment de fluidité dans les interactions
03:09entre les acteurs dans la gestion de cette crise,
03:11mais aussi des difficultés liées aux frontières matérielles.
03:16On a vraiment eu parfois des incompatibilités dans certaines ressources
03:19qui ont pu être mobilisées de part et d'autre de la frontière
03:22pour faire face à cet incendie.
03:24On se pose très souvent la question de comment on trouve
03:28des terrains de recherche, le fait de travailler sur des cas
03:31un peu emblématiques, comme ça on pense à Carl Weck,
03:33Man-Gloch Disaster, ça permet de tirer des leçons.
03:37Et là, une des leçons que vous tirez, c'est qu'on pense insuffisamment
03:39à la question de l'espace, il faut penser la question de l'espace.
03:43C'est critique.
03:44Complètement.
03:45Alors, il y a cette notion d'espace et il y a aussi parfois
03:48certaines dimensions de l'espace qu'il ne faut pas oublier.
03:51Selon nous, et dans le papier, on essaie vraiment de montrer
03:55cet élément-là qui est de dire une des conditions peut-être
03:58pour rendre possible une bonne coordination,
04:00en tout cas la coordination dans des crises transfrontalières,
04:04c'est bien effectivement de tenir compte du fait de l'enchevêtrement
04:06et de la superposition de plein de frontières en même temps,
04:09mais aussi la nature de ces frontières qui est spécifique.
04:12On ne pourra jamais dire finalement,
04:13on va effacer les frontières administratives entre la France et l'Italie.
04:19Pour autant, on peut travailler à créer une forme d'espace commun
04:22temporaire entre les acteurs et donc travailler plutôt
04:25sur ces frontières émergentes pour le coup.
04:27Et c'est un peu les leçons qu'on tire de cette crise-là.
04:30Faire travailler un petit peu ces frontières,
04:32faire évoluer ces frontières émergentes temporairement
04:35sur une situation donnée, sur des situations données,
04:38peut permettre finalement de la mérissuration, de la coordination,
04:40sans avoir un objectif de faire bouger les lignes culturelles
04:43ou administratives entre les pays.
04:46Merci beaucoup.
04:47Merci à vous.