Dans un écosystème dominé par des solutions américaines, comment garantir à l’Europe des logiciels et des services numériques souverains, sécurisés et interopérables ? Ce quatrième épisode de notre série explore les enjeux d’indépendance technologique, de protection des données et de développement d’alternatives européennes face aux géants du numérique.
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00:00Dépendance aux technologies américaines, peut-on en sortir ? C'est notre série du mois.
00:08Quatrième épisode aujourd'hui, on s'intéresse aux logiciels, aux services numériques avec Steve Morin notamment.
00:13Bonjour Steve.
00:13Bonjour.
00:14Merci d'être avec nous, entrepreneur, ingénieur français.
00:17Vous êtes expert en IA, intelligence artificielle et systèmes distribués.
00:20Vous avez débuté votre carrière à l'INRIA.
00:22Vous êtes passé par Google, puis Zenly.
00:24Et aujourd'hui, vous êtes le fondateur et le CEO de ZML, qui est une start-up qui développe un moteur d'inférence IA de nouvelle génération optimisée pour les nouvelles structures matérielles.
00:34Avec vous, Valentin Priluski.
00:36Bonjour Valentin.
00:37Bonjour.
00:37Ancien conseiller ministériel d'Arnaud Montebourg à l'économie.
00:40Vous êtes le fondateur de Netframe en 2018, solution française de Digital Workplace, open source, spécialisé dans le edge et le cloud souverain.
00:48Vous êtes aussi le co-président d'Euclidia, European Cloud Industrial Alliance, qui est une alliance de cloud européenne, si je le fais en français, qui a été fondée par 23 membres.
00:59Vous voulez les citer ? Vous les connaissez par cœur ?
01:01Non, je ne les connais pas par cœur, mais il y a une dizaine de pays. En tout cas, on tient beaucoup à ce que ce soit une alliance vraiment européenne.
01:07Absolument. Et vous avez récemment repris le Ag Data Hub, qui est un data space agricole français.
01:13Alors, ma première question, en fait, c'est juste un constat. Moteur de recherche, réseaux sociaux, messagerie, aujourd'hui, on utilise quasiment tous, uniquement, presque, j'ai envie de dire même, des outils américains.
01:27On est complètement foutu ?
01:29Non, en grande partie.
01:31Non, non, en grande partie.
01:31Comment est-ce que vous expliquez cette situation ?
01:34Plein de choses. Il y a plein de... C'est bon, déjà, pour moi, c'est multifactoriel, que ce soit y compris des opportunités, y compris de la maturité, des écosystèmes.
01:45Mais ce n'est certainement pas pour moi un problème de compétence.
01:48Ma précédente boîte, Zenly, on était... Il y avait un adolescent sur trois au Japon qui avait l'appli.
01:55Donc, il n'y a pas de sujet dans l'absolu. Et probablement, les meilleurs, même si on parle de réseaux sociaux, aujourd'hui, sont développés à Paris.
02:05Donc, je n'ai pas de...
02:07Pas de problème de compétence technique ?
02:09Non, pour moi, c'est le facteur limitant.
02:11Mais alors, à quoi s'est lié cet usage principalement d'outils américains aujourd'hui ?
02:15En fait, on a raté au tournant des années... Allez, 2010, on a raté le passage au cloud.
02:23On n'était pas si mal que ça dans le logiciel. Il y a eu pas mal de choses qui ont été faites et qui sont encore faites en France.
02:29Et arrivé, on va dire, à un complexe techno-industriel, avec beaucoup de ressources, avec des achats croisés, avec des achats d'État,
02:38avec une verticalisation aussi, par Amazon, qui a très bien fait ça, qui ont construit des choses où, aujourd'hui, il est très compliqué de démarrer et de se passer de ces services-là.
02:47Donc, ça va jusqu'aux services que les particuliers, que les consommateurs qu'on utilise tous.
02:52Mais c'est aussi, de manière plus problématique, sur l'infrastructure, puisque c'est là que se concentre la marge.
02:58Et en fait, finalement, la capacité à rendre des bons services pas trop chers aux consommateurs vient aussi de la capacité à écraser techniquement les prix,
03:08à verticaliser la stack technologique. Et c'est là où on a pris un retard. Mais c'est pas un retard de compétence.
03:15Et là, je rejoins ce que disait Steve. C'est vraiment un retard dans l'organisation du secteur et dans l'attention qu'on a portée à cette organisation,
03:24où on est resté, peut-être, un peu trop timoré dans les ambitions.
03:30C'est un peu figé, parce que quand vous parlez des pratiques commerciales, on commence seulement, aujourd'hui, finalement, au niveau européen,
03:39à se mobiliser sur ces pratiques dans le cloud.
03:41Ce n'est pas que les pratiques commerciales. C'est qu'il y a aussi un sujet culturel. Le logiciel mangeait le monde et le cloud a mangé le logiciel.
03:47Et nous, on n'a pas vraiment vu au cloud qui mange le logiciel. On est resté un peu en dehors de la main.
03:52Enfin, les grands groupes français n'ont pas spécialement acheté. Je veux dire, quand on entend aujourd'hui Patrick Pouyanné dire
03:58« j'ai pas de concurrent », peut-être que si Total était passé à la même vitesse que les homologues américains sur des demandes de cloud,
04:05il y aurait des concurrents. Donc la réalité, elle est aussi un petit peu culturelle.
04:08On peut s'en prendre aussi à nous-mêmes.
04:09Patrick Pouyanné était au Forum in Cyber sur la cybersécurité. Et sur scène, il a expliqué qu'il était mal à l'aise.
04:16Parce qu'en fait, quand on lui proposait des solutions de cloud, il ne voyait que des solutions non européennes.
04:22Moi, j'ai assisté à une keynote de Steve qui était une keynote anti-Doomer. Il nous dit « mais non, en fait, on n'est pas foutus ».
04:30Oui, mais je ne sais même pas qu'on n'est pas foutus. C'est qu'en fait, pour moi, il y a finalement deux chemins possibles.
04:38C'est où on écoute le marketing et l'herbe est plus verte. Ou finalement, sous, on va dire, couvert de réalisme.
04:45Ou alors, on est vraiment réaliste et on regarde les chiffres. Et les chiffres, ce n'est pas qu'on n'est pas foutus. C'est qu'en fait, on domine le truc.
04:51Ah, c'est-à-dire, renversez-nous là.
04:54Je regarde... Il suffit de regarder c'est qui les key people. Il y a une surreprésentation des Français.
05:01Je prends le sujet de l'IA, mais il y a une surreprésentation des Français, des ingénieurs français dans le domaine.
05:08Il y a un vieil adage aux Etats-Unis qui dit que derrière chaque succès, il y a un Français.
05:13Ce n'est pas moi, ce truc-là. Je l'ai découvert en y passant beaucoup de temps.
05:18Donc non, non, on n'est pas du tout foutus.
05:20Peut-être, le vrai changement, c'est qu'il y a un énorme retour finalement.
05:27Enfin, disons que le point de friction qui est en l'engineering, en tout cas la valorisation de l'engineering,
05:32c'est un sujet qui n'existe plus depuis à peu près, on va dire, 5-7 ans.
05:35Et donc, du coup, forcément, quand on laisse les gens travailler, ils travaillent.
05:42Donc ça va bien.
05:46Sur le logiciel et ses services numériques, c'est intéressant parce que vous dites, Valentin,
05:52en fait, tout ça, ça part de la stratégie cloud.
05:55C'est là où on a commencé à sentir un décrochage.
05:57Jusqu'à quel point c'est risqué, justement, aujourd'hui,
06:01d'être dans cette toute américanisation du logiciel et des services numériques.
06:10Et quelles sont pour vous les pistes pour en sortir ?
06:12Alors, avant de parler des risques, j'ai une position assez tranchée sur le sujet.
06:17Il faut préciser de quoi on parle quand on parle des services numériques, de ce qu'on veut faire.
06:22Le numérique, déjà, c'est à la fois un secteur en soi, dans lequel on aimerait dominer, vendre aux autres, etc.
06:29Puis c'est aussi un secteur qui irrigue tous les autres.
06:32Et donc, il y a une tension entre la productivité moyenne qu'on veut voir dans l'administration,
06:36on veut quels sont les meilleurs produits ou dans les entreprises, et puis le secteur spécifique.
06:41Donc cette tension, elle doit être arbitrée.
06:43On a aussi un sujet de composants qui viennent irriguer la couche d'infrastructures,
06:47où là, la France n'est pas du tout décrochée.
06:49Il y a plein de composants faits par des agents français qui viennent s'intégrer dans l'infrastructure.
06:54Et puis après, on a le sujet d'une stack différenciée qui nous rend complètement autonome.
06:59Et là, on est à la rue.
07:01Mais la question, c'est, si on prend les composants différenciés,
07:06si on arrive à mettre un peu de muscles là-dedans, dans des écosystèmes qui sont assez dynamiques,
07:11est-ce qu'on est si loin d'une stack différenciée ?
07:14Pas forcément.
07:14Et qu'est-ce qui manque pour y arriver ?
07:16Probablement un peu de volonté, probablement un peu d'achat.
07:18Et puis, je le disais avec Total, mais je vais le dire aussi avec les entreprises de services numériques
07:22qui sont très dominantes en France, on a besoin de distribution.
07:25Je veux dire, aujourd'hui, on a encore beaucoup de SN qui sont très dominantes sur le marché,
07:28qui ne se posent pas beaucoup de questions, qui n'achètent pas grand-chose, en réalité,
07:32de services hors de ce qui est sur étagère.
07:34Et donc, il y a un peu de volonté pour réorienter des budgets en volume,
07:37pour donner du muscle à ces écosystèmes, et donner envie aux gens de travailler ensemble.
07:41Les écosystèmes sont dynamiques, interpersonnels, ils sont dynamiques,
07:43et il y a des endroits qui fonctionnent bien, faiblement arrosés,
07:46pas avec des milliards, mais même avec un peu de millions, ça irait beaucoup plus vite.
07:51Vous êtes derrière Euclidia, à la coprésidence en ce moment, si j'ai bien compris.
07:56Donc là, vous avez une vision de ce qui existe clairement dans le domaine du cloud européen.
08:01Moi, j'ai toujours deux discours sur ce plateau.
08:03J'ai ceux qui me disent, la bataille n'est pas terminée, on a vraiment notre mot à dire dans ce domaine.
08:09Et puis les autres qui disent, bon, il faut vraiment passer à l'étape d'après, parce que ça, c'est raté.
08:14Mais il n'y a pas d'étape d'après sans étape d'avant.
08:16Oui.
08:18Si la valeur est à 90% dans une stack américaine, on peut se battre sur les 10% restants.
08:25Et dans ces 10% restants-là, vous allez en envoyer 50% en marketing sur les régimes marketing de Google et Facebook.
08:30Donc vous battez sur 5% de la valeur.
08:31Bon, si on se bat sur 5% de la valeur, vraiment, il faut faire des wrappers d'IA.
08:36Il faut juste aller faire des use case dans les mutuelles, la santé et les secteurs réglementés, la paye et la RH.
08:42Et puis on aura bouclé le sujet.
08:43Ça, ça ne sert à rien.
08:45Donc il faut faire autre chose, évidemment.
08:46On ne peut pas se satisfaire de ça.
08:47Bon, non.
08:48Oui, non, enfin là, je ne peux que... D'accord.
08:51Ce n'est même pas ça.
08:51C'est que, bon, déjà, depuis quelques mois, ça y est, la piqûre est plus ou moins...
08:58Tout le monde est plus ou moins sensibilisé à la douleur.
09:00Donc le ton change.
09:03Mais d'une manière générale, il faut voir comment les produits qu'on nous vend comme étant ceux qui ont gagné étaient quand ils ont démarré.
09:11Nous, on a utilisé, moi, personnellement, Google Cloud au tout début.
09:14Google, au tout début, c'était dégueulasse.
09:17Mais on l'a utilisé quand même.
09:19Et on les a aidés.
09:20Ça a été génial et tout.
09:22Si c'était à refaire, est-ce qu'on ne ferait pas avec un autre ? Je ne sais pas.
09:25Mais le point, c'est qu'on a cette perception de l'herbe plus verte.
09:31La vérité, c'est qu'en face, l'herbe n'est pas verte.
09:34Par contre, ils sont persuadés qu'elle est plus verte.
09:36C'est peut-être ça que j'aimerais qu'on fasse un peu plus.
09:38Non, mais c'est vrai que même sur les failles de sécurité, on nous dit, voilà, les produits ne sont pas forcément aussi rassurants.
09:45Quand on est à une DSI et qu'on doit faire des choix, on va plus facilement vers des offres d'hyperscalers.
09:51Pour autant, ils ont aussi des failles de sécurité comme les autres.
09:54Alors, si on passe, parce que je vois le temps qui file, si on passe aux mesures qui vous semblent intéressantes.
09:58Parce qu'aujourd'hui, évidemment, avec le nouveau contexte géopolitique, tout le monde y va de ses propositions.
10:04Tout le monde se dit, OK, la souveraineté, c'est important, c'est hyper stratégique.
10:07avec plusieurs propositions.
10:08Des propositions, par exemple, de quotas, des propositions sur les marchés publics.
10:12Qu'est-ce qui vous semble, vous, intéressant à mettre en œuvre ?
10:15Alors, en effet, dans ce que vous venez de dire, il y a un sujet où on peut raisonner un peu comme un pays en développement technologique.
10:23Et je pense que ce serait pas mal, mentalement, qu'on se mette un peu dans cet état d'esprit, plutôt que d'essayer de...
10:29Et c'est aussi ce qui explique une partie de notre réaction vis-à-vis des États-Unis ou de la Chine.
10:34C'est-à-dire qu'on est vraiment consommateurs un peu apeurés.
10:38Ce qu'on peut faire, déjà, c'est des engagements réciproques, de travailler les uns avec les autres et d'augmenter le pourcentage.
10:45Moi, je le demande clairement.
10:46C'est-à-dire qu'il faut augmenter le pourcentage des budgets des DSI qui vont vers des technologies européennes.
10:53Et ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'ils démarrent par ce qu'ils veulent.
10:55Ils démarrent par ce que fait ce qu'il...
10:56Mais augmenter, il faut les forcer à les augmenter ?
10:58Non, il faut...
10:59Vous voyez bien, quand il y a des problèmes avec l'agriculture française, par exemple,
11:04vous faites venir à Bercy, Michel-Édouard Leclerc, vous faites venir à Intermarché, vous ne les forcez pas.
11:09Vous leur dites pourquoi vous n'achetez pas assez.
11:12Moi, je leur dis pareil. Je ne dis pas vous êtes obligés.
11:15Je dis juste, à un moment donné, soyons tous raisonnables.
11:18Augmentons, qu'est-ce que c'est que 5% du budget d'un DSI du CAC 40 ?
11:24C'est à la fois beaucoup pour construire des écosystèmes,
11:28et en même temps, à l'échelle de leur DSI, je pense que ça passe.
11:32Et ils choisissent ce qu'ils veulent.
11:33Ils peuvent démarrer avec Steve, ils peuvent démarrer sur d'autres sujets, sur du CRM, sur du...
11:37Ils font ce qu'ils veulent, mais ils mettent un peu de muscle dans l'écosystème.
11:41Et ça, ça serait bien.
11:43Moi, j'ai une position...
11:45Je ne vais pas être d'accord avec ce qu'ils racontent,
11:47mais en fait, pour moi, j'ai envie de dire, dans mon modèle mental,
11:50c'est presque quelque chose de secondaire, dans le sens où...
11:53Parce que je m'inscris dans une autre partie de l'environnement, évidemment.
11:57Mais en fait, simplement, je vois qu'on fait sur pas mal de sujets
12:00des produits qui sont compétitifs au niveau mondial.
12:04Donc en fait, je me dis, on va compiter sur le marché mondial.
12:06Le marché aujourd'hui est mondial, le capital est mondial,
12:09l'économie Internet est mondiale.
12:12On peut prendre n'importe quel vertical.
12:14Ce n'est pas un acteur européen parce qu'il est européen,
12:16ou même français parce qu'il est français.
12:18C'est juste parce que c'est le meilleur outil.
12:20Et c'est plus facile de vendre à l'international qu'en France ?
12:23Pour moi, c'est un sujet de ton, finalement.
12:26C'est être persuadé de ce qu'on dit.
12:29L'humilité, c'est chouette,
12:31mais l'humilité, ça ne fait pas vendre en face.
12:32Ils n'ont pas d'humilité.
12:34Il faut qu'on le reconnaisse.
12:36Et donc, sous couvert de réalisme,
12:39et je trouve que c'est une qualité d'être humble, attention.
12:41Mais sous couvert de réalisme, finalement,
12:43on se met un boulet au pied.
12:43Donc, je me dis, quand je vois la réalité des choses,
12:47j'invite tout le monde à utiliser des produits...
12:49Est-ce que c'est un discours qui est audible,
12:51enfin, en tout cas, qui est vraiment écouté
12:53avec toute l'attention quand vous croisez ces clients importants
12:57aujourd'hui en France ?
12:58Est-ce qu'ils entendent ?
12:59Oui, moi, aujourd'hui, c'est le meilleur produit dans le domaine.
13:01Ils s'en foutent.
13:02Si c'est le meilleur produit, ils s'en foutent de savoir...
13:04Si je suis français, c'est le meilleur produit.
13:06Si c'est le meilleur produit et qu'en plus, c'est français,
13:09être français, ça devient l'argument.
13:10Ça devient un argument qui rajoute des choses.
13:14Mais je prends l'exemple aux Etats-Unis.
13:16Nous, on va aux Etats-Unis.
13:17Là-bas, on est perçu comme quelque chose d'extrêmement exotique.
13:19Ils disent, mais qu'est-ce qui se passe en France, par exemple ?
13:21Je l'entends tout le temps.
13:22J'étais il y a trois mois, pareil.
13:24Ils sont hallucinés de ce qui se passe dans l'écosystème,
13:28mais dans le bon sens.
13:28Ils sont en mode, mais qu'est-ce que vous avez ?
13:31C'est quoi Paris ? C'est devenu the place to be, etc.
13:33Donc, moi, je suis plutôt dans une mécanique de dire
13:36que ce n'est pas par vertu d'être français.
13:38C'est juste que, it turns out, dans toutes les choses qu'on fait,
13:42non seulement c'est le meilleur produit,
13:43mais en plus, il se trouve que...
13:44Si pour ceux que ça résonne, pour ceux pour lesquels ça résonne,
13:47tant mieux.
13:47Pour ceux pour lesquels ça ne résonne pas, on s'en fiche.
13:48De toute façon, le marché est mondial.
13:50Donc, qu'on vende à des Américains,
13:52qu'on vende à des Hollandais ou des Japonais ou des Thaïlandais,
13:55ça ne change pas grand-chose.
13:57En tout cas, pour le type de métier que je fais.
14:00OK. Super intéressant.
14:01C'est le point de vue, on va dire, de l'entrepreneur.
14:04Du point de vue du politique,
14:06qu'est-ce qui doit changer dans son logiciel à lui ?
14:10Non, pas grand-chose.
14:11Je pense qu'on est d'accord sur l'essentiel.
14:13Non, mais parce que le politique, aujourd'hui,
14:14il a plusieurs armes possibles.
14:16Je parlais des quotas, mais ça peut être aussi décidé,
14:18dans cette inflation douanière, par exemple,
14:21de taxer les services numériques américains.
14:23Je ne sais pas comment ça c'est possible.
14:25Ça peut être d'imposer sur les marchés publics
14:28une préférence, faire vraiment du protectionnisme.
14:30Tout ça, ça peut se discuter.
14:33Il n'y a pas de...
14:35Oui, évidemment, ce qui favorise le marché domestique,
14:38et c'est ce qui se passe d'ailleurs aux États-Unis
14:40pour les providers américains,
14:41donc que ce soit réciproque,
14:43puisque l'air est à la réciprocité,
14:45et que ce soit réciproque sur les marchés publics européens,
14:48c'est juste normal.
14:49Je veux dire, on sait globalement
14:51que les marchés publics américains
14:52ont eu tendance à aider,
14:54et dans le bon sens,
14:55à améliorer les performances des clouds américains.
14:58Mais, en effet, l'objectif,
15:00c'est d'être compétitif au niveau mondial.
15:02Ce n'est pas de se recroqueviller
15:03sur des sous-segments de labels.
15:04Donc, ce que le politique ne doit pas faire.
15:06Oui, c'est intéressant, effectivement.
15:08C'est-à-dire l'inflation de normes
15:10visant à mettre dans des niches
15:11et dans des petits labels
15:12permettant de faire 4-5 millions
15:15de chiffres d'affaires
15:16dans un label tamponné
15:17par quelqu'un dans un bureau.
15:18Ça, ça ne marche pas.
15:20Ça ne marche pas.
15:20Ce n'est pas compétitif.
15:22Ça surspécifie les produits.
15:23Et pourtant, moi, j'entends des gens,
15:25parce que si on parle de labels...
15:28Récemment, j'étais avec Outscale
15:30qui parle du label Secnum Cloud.
15:32En disant, il y a des gens
15:32qui m'achètent ça, en fait,
15:34qui achètent le label.
15:35Oui, mais on a un problème
15:37avec les distributeurs culturels.
15:39C'est-à-dire qu'ici, en France, en Europe,
15:42la vieille économie n'a pas tellement bougé
15:44et n'a pas envie tellement
15:45de mettre son argent
15:46dans la nouvelle économie, voilà.
15:48Et en tout cas, dans l'achat.
15:49Ils la font peut-être pour faire
15:51des showcase innovations de temps en temps,
15:53mais dans l'achat,
15:54ils n'en ont pas grand-chose à faire
15:55ou pas assez à faire.
15:57Donc, par contre, le problème des labels,
16:00c'est que quand vous êtes
16:01une petite entreprise, voilà,
16:03avoir une personne qui a pour métier
16:05d'être compliant, ce n'est pas possible.
16:08Donc, si on veut faire des normes
16:10à l'entrée sur le marché, très bien,
16:12mais il faut exempter l'ensemble des PME
16:15qui font moins de 20 millions de chiffres,
16:16par exemple, parce qu'on ne peut pas avoir
16:18autant d'ingénieurs que de compliance officers.
16:20Enfin, là, on marche sur la tête.
16:22En fait, on tue notre écosystème.
16:23On tue l'écosystème.
16:24Le peu de muscles qu'il y a de gens
16:25qui essayent de produire des produits
16:28qui marchent, qui sont compétitifs
16:29au niveau mondial, qui se vendent en Asie,
16:32aux États-Unis, etc.,
16:33eux se retrouvent, du coup,
16:35surspécifiés.
16:36Et en plus, vous savez,
16:37les grands acteurs américains,
16:39être compliant sur un label,
16:40franchement, vous prenez le meilleur
16:41cabinet d'avocats à Paris,
16:42où vous embauchez deux personnes
16:44et puis c'est bon, vous êtes compliant.
16:45Donc ça, ça ne suffira pas.
16:46Il faut avoir une stratégie un petit peu plus...
16:48On retrouve des hyperscalers.
16:49Bien sûr.
16:50Mais c'est la logique.
16:50Ce que vous dites, c'est que
16:51ce qu'il ne doit pas faire,
16:52c'est cette surenchère de labellisation,
16:55de réglementation.
16:56Vous pensez que ça, c'est une des causes aussi
16:58d'un certain retard aujourd'hui dans le numérique ?
17:01Ce n'est pas une des causes.
17:03Il faut revenir aux fondamentaux.
17:04Les fondamentaux, c'est où est créée la valeur.
17:07Elle est créée dans l'infrastructure,
17:08elle est créée dans l'ingénierie,
17:10elle est créée dans le service
17:10et dans le produit.
17:11Aujourd'hui, nous ne sommes pas assez présents
17:14sur les couches basses.
17:16Aujourd'hui, 80% de la valeur
17:18est dans les couches basses.
17:20Donc on est un peu embêté
17:22parce qu'on est sur la dernière couche.
17:24Elle est aussi dans la publicité,
17:27dans l'attention.
17:27Bon, on a raté l'économie de l'attention.
17:29Toutes les grandes plateformes,
17:30il n'y en a aucune qui est européenne.
17:31Donc quand on veut acheter de l'attention
17:33qu'on a un distributeur européen,
17:35on achète aussi dans une infrastructure américaine.
17:37Donc il faut revenir sur ces fondamentaux lois.
17:39Il faut essayer d'améliorer notre position
17:40sur ces fondamentaux lois.
17:42Donc c'est les parts de marché, tout simplement.
17:44Il faut reprendre les parts de marché.
17:45On n'a pas encore utilisé, je crois,
17:46le mot d'open source.
17:48Pourtant, c'est quand même
17:49ce qui revient régulièrement
17:51quand on parle d'autonomie stratégique
17:52et de manière de rentrer dans la course
17:54plus rapidement.
17:55Vous êtes d'accord ?
17:56Oui, 100%.
17:57C'est un levier de valeur
17:59qui est absolument formidable,
18:01l'open source,
18:01pour ceux qui le font,
18:03pour ceux qui l'utilisent.
18:03Mais ça reste un outil.
18:06Donc j'ai beaucoup d'admiration
18:08pour les gens pour qui c'est une fin.
18:11Et vraiment,
18:13quelle abnégation dans beaucoup de cas.
18:15Mais voilà, c'est un outil
18:17et surtout, c'est un énorme levier
18:20dans les choses qui, voilà,
18:23on va plutôt,
18:24tout ce qui est, on va dire,
18:26on va aller,
18:27pas forcément les coeurs de métier.
18:28Si on prend l'exemple de Linux,
18:30il y a de grandes chances
18:31que toutes les télés derrière vous
18:32elles tournent sur une sorte de Linux
18:34et c'est l'open source.
18:35Donc oui, bien sûr,
18:38absolument,
18:39et il en faut plus.
18:41Il y en a de plus en plus.
18:42Aujourd'hui, c'est une grande partie aussi
18:44un énorme équaliseur,
18:45je pense, du marché mondial
18:47en particulier
18:48parce qu'il y a une sorte de convergence
18:49des technologies,
18:51il y a une sorte des abstractions
18:52qui se font aussi dans le réel.
18:55Donc, c'est une des raisons,
18:57ça a été un énorme équaliseur
18:58par exemple dans les cloud providers
19:00depuis ces dernières années.
19:01Donc, oui, 100%.
19:03Juste un mot ?
19:04Non, sur l'open source,
19:06ce n'est pas en soi,
19:07c'est que ça accroît les collaborations.
19:09C'est un facilitateur.
19:10Donc, c'est un accélérateur.
19:11Donc, c'est un accélérateur très important.
19:13Allez, on termine là-dessus.
19:13Merci beaucoup à tous les deux.
19:15Valentin Priluski,
19:15fondateur de Netframe,
19:16coprésidente de Clidia,
19:17Steve Morin,
19:18fondateur de ZML
19:19d'avoir été avec moi.
19:20Merci encore.
19:21Merci.