Dans le cadre du budget 2026, le gouvernement souhaite faire 40 milliards d'euros d'économie. La Cour des comptes recommande de s'inspirer du bouclier sanitaire allemand qui rembourse les patients en fonction de leurs revenus. Isabelle This Saint-Jean, économiste, professeure à Sorbonne Paris Nord, est l'invitée pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 16 avril 2025.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 16 avril 2025.
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00:00Yves Calvi, Vincent Derosier, RTL Soir.
00:04RTL, il est 18h45, bonsoir Isabelle Thys Saint-Jean, vous êtes économiste, professeur à la Sorbonne-Paris-Nord, pardonnez-moi.
00:11Les médicaments doivent-ils être remboursés en fonction du train de vie et des revenus des assurés ?
00:15La question est posée par la très sérieuse Cour des comptes qui suggère, je cite, de moduler les remboursements en fonction des revenus des assurés.
00:23Quelle est votre réaction et est-ce que ça peut, selon vous, permettre des économies ?
00:27Alors, ma réaction est quand même très réservée, parce que, pour que ça permette des économies conséquentes,
00:38il faudrait, à ce moment-là, qu'on ait une vision très très large de ceux qui doivent être concernés par une baisse des remboursements.
00:49En gros, l'idée, c'est, plus vous êtes riches, moins vous allez être remboursés.
00:54Mais si vous voulez que c'est un impact fort sur les finances publiques, à ce moment-là, il va falloir vraiment descendre dans l'échelle des revenus.
01:06Donc, ça veut dire qu'un peu tout le monde va être concerné.
01:10C'est-à-dire pas seulement ni ceux qu'on appelle les ultra-riches ou les très-riches,
01:15mais on va descendre petit à petit vers les classes moyennes supérieures, classes moyennes inférieures,
01:22et puis finalement, ça sera quasiment tout le monde.
01:25Et le risque, selon moi, c'est que ça mette à mal ce qui est constitutif de notre système de sécurité sociale.
01:36C'est les principes de 1945 sur lesquels on a fondé notre système, c'est égalité d'accès aux soins, qualité des soins et solidarité.
01:46Et en faisant ça, vous sapez le principe de solidarité.
01:51Et donc, petit à petit, il va y avoir un degré d'acceptabilité pour ceux qui ne seront pas pleinement remboursés par le système de sécurité sociale,
02:02un niveau d'acceptabilité qui va baisser, et puis, en se disant, mais pourquoi j'accepterais de payer,
02:09puisque finalement, je ne suis pas bien remboursé, et puis finalement...
02:12Et tout ça pris dans un discours où, ah bah oui, mais de toute façon, c'est toujours nous qui payons
02:18pour ceux qui ne participent pas à l'effort collectif, les assister, etc.
02:25Et donc, ça vient ruiner, ça vient ruiner un système sur lequel, qui est tout à fait particulier,
02:31il faut qu'on en prenne conscience, nous tous, un système tout à fait particulier
02:36qu'on a décidé de mettre en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
02:41et qui est constitutif de notre pays.
02:44Voilà, ça veut dire qu'il y a beaucoup de prélèvements,
02:49mais il y a aussi beaucoup de choses qui sont prises en charge par un système de socialisation,
02:54la santé, l'éducation, l'enseignement supérieur, etc.
02:57Donc, vous voyez, c'est tout à fait particulier.
02:59On entend vos nombreuses réserves, mais est-ce que cela ouvre un débat nécessaire, en tout cas ?
03:06Alors, je pense que le débat qui est nécessaire, c'est celui de comment dépenser mieux,
03:14ou comment faire pour...
03:18Il y a une nécessité d'une réflexion collective sur la dépense publique
03:23et sur les prélèvements, sur la fiscalité, parce que le monde a bougé,
03:28parce qu'on a une population qui vieillit, parce que les inégalités se sont très fortement déplacées,
03:34c'est-à-dire la répartition aussi bien dans le patrimoine que dans les revenus s'est déformée,
03:40avec une hyper, hyper concentration.
03:42Alors, presque personne n'est concerné dans les auditeurs qui nous écoutent en ce moment,
03:48mais il y a une toute petite partie de la population où il y a eu une espèce d'hyperconcentration.
03:55Ce n'est pas propre à la France, c'est assez général dans les économies développées.
03:59Et donc, il faut qu'on repense notre système à partir de ça.
04:03Ça, c'est très important de le faire.
04:05Donc, cette réflexion-là, elle est très importante.
04:09Le problème, c'est qu'elle est posée, je ne sais pas si j'aurai le temps d'y revenir,
04:12mais dans un débat qui est celui du déficit et de la dette,
04:16qui est absolument présenté d'une manière absolument...
04:22d'une dramatisation absolument incroyable.
04:26On s'en fout de la dette, ce n'est pas grave ?
04:29Non, je ne dis pas ça.
04:30Je ne dis pas ça, je ne dis qu'il ne faut pas, à mon avis,
04:34le présenter comme les nuettes sauterelles qui nous menacent.
04:38En gros, ce qu'a fait hier François Bayrou.
04:41Donc, je ne dis pas du tout qu'il faut absolument laisser filer la dette,
04:45que le déficit, on n'en a rien à faire, etc.
04:47Je dis qu'il faut...
04:48Que je trouve que la façon dont c'est présenté est une façon qui contraint les choses
04:53et qui est excessive dans le diagnostic.
04:56Je vais dire ça aussi vertement que ça.
04:58et qui, du coup, empêche de penser de manière efficace
05:03l'ensemble des aménagements qui, eux, sont nécessaires.
05:07Par exemple, sur les questions du financement de la sécurité sociale,
05:11les cotisations sociales,
05:13il y a eu deux de mes collègues qui ont déposé un rapport
05:16qui montre que les exonérations de cotisations sociales,
05:20qui coûtent très chères à la puissance publique,
05:24il évalue à peu près à 80 milliards d'euros.
05:29Eh bien, en fait, ce dispositif n'est pas bien ajusté,
05:32ni pour créer de l'emploi,
05:34ni pour faire en sorte que tout le monde ne soit pas collé au niveau du SMIC
05:38et qu'on ne progresse pas dans la hiérarchie,
05:41et que ça ne bénéficie pas forcément aux PME
05:45qui ont le plus besoin d'être aidés.
05:48Donc, vous voyez, ce genre de choses,
05:49là, il y a possibilité d'aller chercher les financements,
05:52de refinancer la sécurité sociale,
05:54parce que, oui, on vieillit,
05:56on est une population vieillissante,
05:58les soins de santé, ça coûte cher,
06:00mais je pense qu'aller chercher cette piste
06:03qui va venir saper notre modèle social,
06:06ça me paraît extrêmement problématique.
06:08Merci beaucoup d'avoir pris la parole,
06:10en tout cas en direct sur notre antenne,
06:11Isabelle Thys Saint-Jean,
06:12économiste et professeure à Sorbonne-Paris-Nord.
06:15Dans un instant, un médicament contre l'anxiété,
06:17la tristesse, voire le désespoir,
06:19il est gratuit.
06:20Marc-Antoine Lebray pour son Breaking News.