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L'économiste qui a supervisé le programme d'Emmanuel Macron en 2017 est inquiet : "La France envoie au monde le signal d'un pays en désarroi". Jean Pisani-Ferry est l'invité de Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 17 juin 2024

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00:00Amandine Bégaud
00:03RTL matin jusqu'à 9h30.
00:05Il est 8h23, bonjour Jean-Pierre Zaniferri.
00:07Bonjour.
00:08Vous êtes économiste, professeur à Sciences Po Paris, à Bruxelles ou encore à Washington.
00:12Je précise que vous avez supervisé notamment le programme d'Emmanuel Macron en 2017.
00:16Merci beaucoup de nous rejoindre ce matin dans cette matinale d'RTL.
00:19L'économie du pays n'est clairement pas rassurante.
00:21La situation au cœur de ces élections vous inquiète-t-elle ?
00:26Oui, je pense qu'on a des bonnes raisons d'être inquiets,
00:31pour des raisons à la fois de fond, c'est-à-dire que la France,
00:36comme l'Europe en général, est distanciée par les États-Unis.
00:40On a des raisons d'être inquiets parce que la Chine va très vite
00:45et nous montre à quel point nous sommes en retard sur un certain nombre de technologies.
00:52Et on a des raisons d'être inquiets parce qu'on n'a pas trouvé les ressorts
00:57du relèvement de la productivité.
00:59Et la productivité, c'est quand même la clé du pouvoir d'achat.
01:04Pardonnez-moi, mais quand vous voyez les programmes du Rassemblement national
01:07des dépenses d'Elefi, et que vous venez de nous dire par ailleurs
01:10que visiblement notre président de la République n'a pas remonté la boutique France,
01:13qu'est-ce que ça vous inspire comme commentaire ?
01:15Ça m'inspire comme commentaire...
01:17Tous les jours, on prend du retard ?
01:18Oui, on prend du retard.
01:21Pour être honnête, je crois que le président avait essayé
01:27de monter un certain nombre de projets, de lancer un certain nombre d'initiatives
01:31dont il attendait qu'elles produisent des effets,
01:34qui ont produit un certain nombre d'effets.
01:36Je pense au marché du travail, je pense à l'attractivité.
01:41Donc oui, mais ce n'est pas assez.
01:46Et là-dessus, on est dans une situation dans laquelle on a,
01:50du côté du Rassemblement national et du côté du Nouveau Front populaire,
01:55on a des programmes qui, à mon avis, ne correspondent pas à la situation
01:59dans laquelle on est, et ne répondent pas aux urgences
02:02auxquelles on fait face.
02:04J'ai essayé de détailler tout cela, mais on court à la catastrophe
02:06ou on joue à se faire peur d'une certaine façon ?
02:08Vous comprenez ma question ?
02:10Oui, je crois.
02:14Je crois que, si vous voulez, on ne va pas aller très loin comme ça.
02:20C'est-à-dire qu'on ne va pas aller très loin en mettant en œuvre...
02:23La France, je pense, n'a pas les moyens de mettre en œuvre ces programmes.
02:28Ça fait près de 30 ans que Jean-Luc Mélenchon explique
02:31que nous ne paierons jamais la dette de la France.
02:33Peut-on vraiment s'affranchir des règles budgétaires européennes ?
02:37Est-ce que nous sommes libres, comme nous le suggère
02:39notamment aujourd'hui notre extrême droite et notre extrême gauche ?
02:43Alors, quand on parle des marchés, il faut faire attention.
02:49Ce ne sont pas les marchés qui décident.
02:51Je pense qu'il n'y a rien de pire pour la démocratie
02:53que de donner le sentiment que ce sont les marchés qui dictent la politique.
02:56D'accord.
02:57Les marchés, ils imposent une contrainte de cohérence.
02:59Ils disent... Ce qui intéresse les marchés...
03:01Quand je parle des marchés, je parle des marchés de la dette, précisément.
03:04Les marchés, ils disent...
03:06Si vous voulez faire ça,
03:08montrez-nous que vous avez un programme cohérent
03:11qui va avec ce que vous voulez faire.
03:13Montrez-nous comment ça répond aux problèmes qui sont posés.
03:18Et c'est ça, en fait, qui est essentiel.
03:22Aujourd'hui, je pense que les programmes qui sont mis en avant
03:26du côté du Rassemblement national et du côté du Nouveau Front populaire
03:30ne répondent pas à ça,
03:32parce qu'ils répondent comme s'ils traitaient les choses
03:35comme si on était, au fond, face principalement
03:37à un problème de répartition du revenu.
03:39Oui.
03:40Et c'est pas ça, le problème principal.
03:41Le problème principal, c'est la productivité, encore une fois.
03:43C'est la capacité à générer de quoi faire du pouvoir d'achat.
03:47Mais on ne travaille pas assez en France ?
03:49C'est pas tellement qu'on ne travaille pas assez,
03:51c'est que la productivité, y compris par heure travaillée,
03:56est stagnante.
03:58L'écart avec les Etats-Unis est devenu abyssal, là-dessus.
04:02Les Etats-Unis, ils vont beaucoup plus vite.
04:04Le Nouveau Front populaire semble savoir où trouver de l'argent.
04:07Je cite Manuel Bompard qui était à votre place vendredi dernier.
04:10Le coordinateur de la France Insoumise nous dit
04:12qu'on a 60 milliards d'euros en supprimant des niches fiscales,
04:1415 milliards en taxant les super-profits
04:16et une réforme fiscale avec davantage de progressivité.
04:19Quelle est votre réaction ? Est-ce qu'il a raison de nous dire ça ?
04:22Moi, je n'ai pas de tabou sur la fiscalité.
04:25Je l'avais proposé notamment pour financer la transition écologique.
04:30Non, mais en revanche,
04:33d'additionner comme ça les différents prélèvements,
04:37je pense qu'il y a un moment où on aboutit à une situation
04:42qui n'est plus maîtrisable.
04:45Du côté du Rassemblement National,
04:47on a un programme à environ 100 milliards d'euros.
04:49Jordan Bardella propose le retour de la retraite à 60 ans,
04:52même s'il l'a mis entre parenthèses.
04:53Il l'a mis entre parenthèses.
04:54Oui, mais concrètement,
04:56quelles conséquences aura une abrogation de la réforme des retraites à 64 ans ?
05:00Parce que vous voulez le R.N. il y a encore peu de temps.
05:03Alors, si on abroge la dernière réforme des retraites,
05:07les conséquences financières ne sont pas énormes.
05:13En revanche, c'est un signal qui est très mauvais,
05:17parce qu'il suggère qu'il y a d'autres solutions
05:20que de travailler plus longtemps.
05:22Moi, ce que je reproche à cette réforme,
05:24c'est qu'elle a été mal faite,
05:25c'est qu'elle a été mal engagée,
05:26c'est que je pense que les Français n'avaient pas compris
05:28que c'était vers ça qu'on allait.
05:30Ils avaient compris qu'on avait un autre problème,
05:32qui était celui dont on leur parlait en 2019,
05:34le problème de l'égalité des règles,
05:36et que, tout à coup, on leur a dit
05:38qu'on avait un problème d'équilibre budgétaire.
05:41Mais je pense que, oui,
05:45on n'a pas la possibilité, en fait,
05:49d'avancer si on ne traite pas nos problèmes de fonds.
05:53Encore une fois, il se ramène à la productivité,
05:57et il se ramène, et notamment pour les retraites,
06:00puisque la productivité, c'est vital
06:03pour l'équilibre du régime des retraites.
06:05Mais, par ailleurs, je pense que,
06:08du côté du Rassemblement national,
06:10il y a l'illusion qu'une politique protectionniste
06:13nous aiderait à sortir de la situation dans laquelle on est.
06:17Or, je pense que le protectionnisme,
06:19aujourd'hui, je ne suis pas naïf
06:22sur les questions de commerce international,
06:24on est sortis du cadre du libre-échange,
06:28mais il y a des disciplines
06:33qu'il faut garder,
06:36et il y a des illusions qu'il faut éviter.
06:38L'illusion que, en sortant, par exemple,
06:40du marché de l'électricité,
06:42on résoudrait notre problème, c'est pas vrai,
06:44parce que le marché de l'électricité,
06:46c'est un marché dans lequel on achète, on vend,
06:48en fonction du prix de l'électricité,
06:51la rareté de l'électricité,
06:53dans les différents pays.
06:55Or, c'est à notre avantage.
06:57Merci beaucoup, Jean-Pyzani-Ferry.
06:59Vous êtes économiste, professeur à Sciences Po Paris.
07:01Merci d'avoir pris la parole.

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