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SANTÉ FUTURE du 14 avril 2025

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00:00Et on commence avec ton édito Hervé. Tu nous dis que l'IA ne remplacera pas les médecins mais
00:09risque plutôt de transformer leurs études, leurs pratiques et l'avenir de la santé.
00:13Oui, ça me paraît certain. L'IA c'est formidable, ça va tout modifier et l'enthousiasme général.
00:19C'est même un peu génial et vertigineux à la fois. Je trouvais les promesses sont partout.
00:24Ça va améliorer le parcours de soins, l'accès aux data, optimiser le diagnostic, le suivi, la recherche,
00:31prévenir les épidémies. Je ne sais pas ce qui est oublié dans cette histoire. Le problème c'est
00:36qu'effectivement ça va améliorer notre vie mais ça va changer beaucoup de choses et peut-être très vite.
00:41Alors est-ce que tout est déjà bien pensé ? C'est un peu la question que je me pose et quand je lis
00:45certaines revues c'est un peu les ravis de la crèche. Tout est formidable, tout va être beau.
00:49Et le terme IA ne te plaît pas ? Pourquoi ?
00:52Ça ne me plaît pas. C'est un petit problème d'ordre rhétorique. C'est-à-dire que l'intelligence
00:56artificielle pour moi c'est un oxymore. Vous connaissez ces figures de style très utilisées
01:00dans la littérature. Elle se hâte avec lenteur, disait La Fontaine pour parler du lièvre et de la
01:06tortue. Le silence artourdissant de Camus ou François Mitterrand qui a gagné à cause d'un slogan
01:11la force tranquille. Et IA pour moi il y a un truc qui ne va pas. Est-ce qu'on ne nous cacherait pas
01:16quelque chose ? Pourquoi ? Parce que l'intelligence est par essence éminemment complexe et profond
01:21et je ne vais pas vous faire tous les processus qui définissent l'intelligence. Toutes les
01:27neurosciences démontrent l'impact de l'intelligence logico-mathématique, corporelle, artistique,
01:33émotionnelle, tout ce que vous voulez. Et en même temps, artificielle c'est pas forcément un
01:38adjectif très positif. Quand je vous dis des fleurs artificielles, des sentiments artificiels, en fait
01:46ça veut dire c'est assez factice, assez faux. Alors pourquoi est-ce qu'on accolle intelligence qui est
01:50évidemment complexe et profond à artificielle alors qu'on aurait pu trouver un synonyme un peu moins factice ?
01:56Voilà. Alors peut-être que c'est pour pas nous inquiéter et que comme disaient nos amis du terroir,
02:04jamais le tracteur ne remplacera l'agriculteur. Ce qui est un peu ce qu'on est en train de nous vendre en médecine.
02:09Mais pourtant cette révolution va toucher beaucoup de secteurs.
02:12Et Hervé, tu as des exemples concrets de sujets dans la santé déjà profondément impactés par les gens ?
02:19Il y en a deux qui me paraissent assez évidents. Je viens de lire une étude sur l'enseignement.
02:24Et c'était général, ça parlait des élèves, des étudiants, pas que en médecine.
02:28Et globalement, il disait que les étudiants qui actuellement utilisent trop l'IA pour faire leurs études
02:32ne sont pas les meilleurs étudiants qu'on constate à la sortie.
02:36Et c'est vrai qu'on peut se dire, en médecine spécialement, quand on passe l'internat, on se souvient
02:42qu'il faut avoir bien mémorisé par cœur des tonnes de trucs et il faut avoir un esprit d'analyse
02:47et une logique médicale, c'est ça qu'on nous enseigne.
02:51Mais si on utilise trop l'IA, est-ce que la pensée critique ne va pas diminuer ?
02:56Est-ce qu'on va moins apprendre par cœur certaines connaissances qui, hélas, sont nécessaires au quotidien ?
03:02Et personnellement, j'ai déjà vu des internes assez récemment qui regardent toutes les 5 minutes dans leur smartphone
03:07pour vérifier quel est l'algorithme de décision de la prise en charge de je ne sais quoi.
03:11Parce qu'ils vérifient, ils disent, pourquoi est-ce que je l'apprenais par cœur ?
03:13Puisque l'IA peut le faire à ma place.
03:15Donc c'est évidemment un peu troublant, même si je ne suis pas que négatif.
03:21L'IA va aider les meilleurs étudiants à trouver des informations, trouver des idées,
03:26optimiser leurs présentations, rédiger des analyses, etc.
03:30Ça va être très bien.
03:31Et par ailleurs, l'IA, elle n'est pas déjà largement enseignée aux facs de médecine ?
03:35Eh bien, le largement, non, justement.
03:37Non, elle ne peut pas d'ailleurs.
03:39Parce que ça arrive, et c'est bien le problème en fait.
03:42Les facs de médecine ont du mal à suivre.
03:45Question toute simple, qui serait chargé de l'enseignement de l'IA ?
03:48Les PUPH sont des gens que je respecte absolument.
03:52Ils sont procès-faire d'une université, d'une spécialité médicale qu'ils maîtrisent.
03:55Mais en plus, ça va tellement vite.
03:57Est-ce qu'il ne faudrait pas faire intervenir des ingénieurs de santé ? Je ne sais pas.
04:00Pas dans le cadre, mais pour enseigner quoi ?
04:03Pour enseigner que telle opération, on la faisait comme ça avant-hier.
04:06Aujourd'hui, c'est comme ça, que demain, ça sera encore autrement.
04:09Ça va vraiment vite.
04:10Et donc, non, l'enseignement ne suit pas.
04:13Il y a un DU, l'intelligence artificielle appliquée à la médecine, qui a ouvert.
04:16Mais ce n'est pas tous les étudiants qui le suivent.
04:18Et pourtant, ils devraient.
04:21Tu vois d'autres conséquences pour les étudiants en médecine ?
04:24Oui, parce que quand on passe l'internat, c'est pour choisir une spécialité.
04:26Enfin, on choisit ce qu'on a aussi.
04:28Mais enfin, bon, ça, c'est une réflexion personnelle.
04:31Et donc, comment choisir un métier où c'est une telle évolution que je ne sais pas quel métier je vais faire ?
04:38Je te donne des exemples simples.
04:42L'IA et la chirurgie.
04:43Moi, aujourd'hui, j'ai une image de la chirurgie.
04:45Oui, le chirurgien arrive et il fait tout.
04:49Il y a des universités à Berkeley, en Californie, où c'est le robot qui suture les plaies en plusieurs plans.
04:56Ça laisse du temps aux chirurgiens pour faire autre chose.
04:58C'est bon.
04:59Donc, c'est quand même quelque chose qui échappe aux médecins.
05:01Le robot Da Vinci, qui est bien connu, il fait déjà de façon semi-automatique tout un tas d'opérations.
05:07Notamment des ligatures assez invasives.
05:11Et ça va s'accélérer, soyons sûrs.
05:13À Strasbourg, en France, en chirurgie digestive, l'IA est un assistant chirurgien.
05:20En fait, l'IA apprend tellement vite qu'en regardant 50 opérations de la vésicule billière à s'est le faire,
05:25au bout de 120, elle est capable de remplacer le chirurgien en lançant des alertes sur les gestes qu'il fait.
05:30Et demain, c'est-à-dire demain, c'est dans un an, deux ans, trois ans, je ne sais pas.
05:34Est-ce que l'IA ne va pas remplacer le chirurgien ?
05:37En tout cas, qui va être l'assistant de qui ?
05:40Est-ce que le chirurgien va être l'assistant de l'IA ou l'IA, l'assistant de chirurgien ?
05:43C'est un peu le truc qui se profile.
05:46Voilà.
05:47Alors après, nous avons un radiologue qui pourra nous donner son avis.
05:49Mais la radiologie, l'échographie, est-ce que l'IA n'est pas en train de bouleverser
05:53en lisant beaucoup plus vite qu'un radiologue des clichés
05:56et en les comparant à des milliers de bases de données qui existent ?
05:59C'est une vraie question.
06:01Et comment est-ce que le radiologue va demain apprivoiser l'IA pour se libérer du temps,
06:07sans doute, pour mieux parler avec ses patients ?
06:09Ce qui est une réflexion personnelle.
06:11J'ai des copains radiologues qui ont, à mon avis, choisi cette spécialité
06:14pour ne pas trop parler avec les patients.
06:16Mais il va falloir qu'ils reviennent à leurs premiers amours.
06:19Les patients dont on s'occupe, ce n'est pas des clichés.
06:22Voilà.
06:23La radiothérapie, c'est pareil.
06:25Le dernier congrès européen de radiothérapie avait comme thème
06:28« Le parcours de soins en radiothérapie sera-t-il entièrement assuré par les robots en 2040 ? »
06:34C'est intéressant que ce soit le thème de la conférence inaugurale de ce congrès.
06:37Ça en dit long sur l'angoisse qu'il y a derrière
06:39et sur le fait très pragmatique qu'effectivement,
06:42il y a de plus en plus de patients et de moins en moins de médecins.
06:46Donc si on n'utilise pas l'IA pour la radiothérapie,
06:50peut-être qu'on ne met pas toutes les chances de notre côté.
06:51Voilà. Donc pour l'instant, la seule certitude que j'ai,
06:55c'est que les médecins qui n'utiliseront pas l'IA
06:58seront remplacés par les médecins qui savent utiliser l'IA.
07:02Et que vous ont raisonnablement pensé que les machines sont tellement intelligentes
07:06qu'elles vont remplacer les médecins ?
07:07Alors ça, c'est un pitch pour un film de science-fiction.
07:10Effectivement, est-ce que demain, les médecins seront remplacés par des robots ?
07:13Il y a déjà eu des trucs parallèles, un peu iRobot avec Will Smith, c'est un peu ça.
07:17C'est sûr que ça va tout changer.
07:20Les médecins vont devoir revenir sur d'autres préoccupations,
07:25peut-être les cas difficiles, améliorer les robots,
07:28rendre l'ensemble plus cohérent, plus flexible.
07:31Mais il y a une vraie crainte.
07:33Et je lisais pour conclure le dernier bouquin de Raphaël Hanthoven,
07:39qui est notre philosophe vedette en France.
07:41Son dernier recet s'appelle l'esprit artificiel.
07:45Alors lui, il a une réponse, est-ce qu'il faut avoir peur des robots et de l'intelligence artificielle ?
07:49Non. Jamais l'IA ne remplacera l'homme.
07:52C'est ce qu'il dit.
07:53Et il dit, parce que jamais l'IA ne pourra philosopher,
07:56jamais elle ne pourra se substituer la profondeur de la pensée humaine,
07:59et jamais elle ne saura pleurer de bonheur.
08:02Et il conclut son bouquin en disant,
08:04le jour où la machine saura pleurer, je deviendrai inquiet.
08:06Donc la question que je vous pose, chers amis invités,
08:10face à l'IA, devons-nous rire ou pleurer ?
08:13D'une phrase, une petite réaction, Charles ?
08:16Je suis plutôt en accord avec Hervé.
08:19Par contre, gardons le syntagme.
08:21Il est vieux, il est historique.
08:23Et puis réorganisons-le.
08:24On sait bien qu'un intelligence artificielle,
08:25effectivement, c'est un oxymor un peu étrange.
08:29Et travaillons à faire une paire médecins-machines qui travaillent ensemble.
08:33On pourrait rediscuter aussi de la formation,
08:35mais travaillons à ce que ces couples, machines et médecins, travaillent ensemble.
08:39Et puis, aux dernières nouvelles, en tout cas dans la loi française,
08:42c'est le médecin qui est responsable de ce qui se passe,
08:44et pas la machine.
08:45Et j'espère que ça continuera.
08:47Moi, je partage tout à fait ce que vous avez dit.
08:49Vous avez posé beaucoup de questions,
08:51et pour lesquelles on n'a pas forcément beaucoup de réponses.
08:54Notamment en matière d'éducation.
08:56On pourra revenir là-dessus, si vous voulez.
08:58Oui, mais aujourd'hui, on ne sait pas quoi enseigner en termes de l'IA.
09:03Je ne pense pas qu'il faille enseigner,
09:05nos étudiants de médecine, les méthodes de l'IA.
09:07Il faut leur enseigner comment se servir de l'IA,
09:10les limites de l'IA, comment est-ce qu'on manage l'IA, je crois.
09:15On peut revenir là-dessus, si vous voulez.
09:17Moi, je suis persuadé que les progrès de l'IA sont tellement phénoménaux
09:21qu'on ne va pas être capables de les arrêter.
09:23Donc, il faut que nous, en tant qu'humains, on s'adapte à l'IA.
09:27Mais c'est illusoire de dire qu'on va être capables de stopper les progrès de l'IA
09:32pour prendre à la place quelque chose de plus humain.
09:35Donc, c'est à nous de nous adapter pour répondre à cette contrainte.
09:38Merci beaucoup, vous avez bien répondu au bruit.
09:40C'était concis.
09:41Merci beaucoup, Hervé.
09:42Merci à vous.
09:43Bon débat.
09:43On se retrouve le mois prochain.
09:44Et on passe au débat.
09:45Au débat.

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