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00:00Il est 19h14 sur Europe 1, le projet de loi sur la fin de vie fait débat en ce moment à l'Assemblée Nationale.
00:06Il avait été interrompu, souvenez-vous, par la dissolution.
00:09Il fait son retour à travers deux textes.
00:11L'un porte sur les soins palliatifs, l'autre sur la mise en place d'une aide active à mourir,
00:17c'est-à-dire qu'on va autoriser le fait de donner la mort.
00:22Évidemment, ça pose beaucoup de questions.
00:25Bonsoir Claire Foucade.
00:27Bonsoir.
00:28Vous êtes médecin en soins palliatifs, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs
00:34et auteur de ce livre, journal de la fin de vie chez Fayard.
00:39Je le disais, c'est un sujet qui est extrêmement sensible.
00:42Dans toutes les familles, on peut se poser la question aujourd'hui.
00:48C'est un sujet délicat auquel nous allons faire très attention en en parlant.
00:53D'abord, je voudrais savoir, et peut-être les auditeurs d'Europe 1 aussi,
00:55qu'est-ce qui vous inquiète dans le texte aujourd'hui qui est débattu à l'Assemblée ?
01:01Alors, il y a un premier texte qui a été débattu en Commission des Affaires Sociales sur le développement des soins palliatifs.
01:09Et ce texte est essentiel parce que je crois que le premier sujet d'inquiétude en France actuellement,
01:13c'est que tous les jours, il meurt 500 personnes qui auraient dû bénéficier de soins palliatifs et qui n'en ont pas reçu.
01:19C'est-à-dire des personnes qui meurent douloureuses, pas accompagnées comme elles l'auraient pu, des familles qui sont seules.
01:25Et je crois que la première inquiétude, c'est qu'en France, on puisse accéder plus facilement à l'euthanasie ou au suicide assisté
01:31qu'aux soins dont on aurait besoin.
01:33Et donc, je crois qu'il y a là vraiment la nécessité d'une volonté politique forte
01:36pour que tous les patients puissent être soignés comme ils le devraient.
01:40Mais quel est l'intérêt politiquement ?
01:41C'est-à-dire que les soins palliatifs, ça coûte trop cher ?
01:44Est-ce qu'on pourrait tomber dans ce cynisme-là ?
01:48Je ne crois pas.
01:51La question qui se pose à nous, c'est à toute notre société, pas seulement aux soignants, mais à nous tous,
01:57c'est comment on souhaite répondre comme société à des gens qui nous disent qu'ils voudraient mourir.
02:02Est-ce que l'État peut répondre à la question de la souffrance ?
02:04C'est un défi immense et c'est des questions parfois vertigineuses.
02:08Mais je crois que c'est ça la vraie question qui se pose.
02:09C'est qu'est-ce que nous, comme société, on veut dire à celui qui souffre et qui nous dit que parce qu'il souffre, il voudrait mourir ?
02:15Est-ce qu'on lui dit qu'on est d'accord et on vous fait mourir ?
02:18Ou est-ce qu'on lui dit qu'on tient à vous, vous comptez pour nous et donc on va tout faire pour vous soulager ?
02:22On parle aussi de critères dans cette aide à mourir qui est évoquée dans le texte.
02:31On parle d'affection grave et incurable à un stade avancé.
02:34Ce serait dans ces circonstances-là que le droit à mourir serait autorisé.
02:39Est-ce que ce sont des critères qui ne vous semblent pas assez précis selon vous ou peut-être trop subjectifs ?
02:47Alors, il y a un vrai problème dans ce texte qui est que dans l'introduction, l'exposé des motifs,
02:52on nous dit que c'est un ultime recours pour des situations de souffrance très rares et exceptionnelles.
02:57Et puis, en fait, quand on lit ce texte, le contenu de ce texte, ce n'est pas du tout ça dont il est question.
03:01C'est la création d'un nouveau droit, le droit de choisir le moment où on veut mourir.
03:05Et donc, avec des critères qui sont extrêmement larges et qui pourraient potentiellement, si le texte était voté en l'état,
03:11concerner des centaines de milliers, voire des millions de personnes qui seraient éligibles
03:15pour pouvoir recevoir une euthanasie ou un suicide assisté.
03:19Et ça, je trouve que ce n'est pas suffisamment expliqué.
03:22« Je ne suis pas sûre que l'ensemble des députés et de nos concitoyens aient bien compris de quoi il est question. »
03:27Et donc, c'est un texte qui veut ouvrir un nouveau droit très largement.
03:31Une maladie en phase avancée, ça concerne des millions de personnes.
03:34Toutes les personnes qui ont des maladies avec des affections à longue durée sont des maladies en phase avancée.
03:39Et donc, c'est important.
03:41Les critères qui sont actuellement sont des critères très larges et très flous.
03:45Voilà, des critères trop larges, trop flous.
03:48Et c'est ce que vous dénoncez.
03:49Est-ce que François Bayrou a eu raison de scinder en deux les soins palliatifs et l'aide active à mourir ?
03:56Absolument.
03:56C'était très important pour plusieurs raisons.
03:58Mais la raison principale, je pense, c'est qu'il y a un consensus très large autour de la nécessité de développer les soins palliatifs.
04:06En commission des affaires sociales, la loi sur les soins palliatifs a été votée à l'unanimité.
04:11Alors qu'on sait que le sujet de l'euthanasie et du suicide assisté est un sujet beaucoup plus clivant.
04:16Et ça me paraît tout à fait normal que les députés puissent voter librement sur chacun des deux textes.
04:21On peut être favorable aux soins palliatifs et défavorable à l'euthanasie.
04:25Et c'est normal que les députés puissent le dire.
04:27À propos de la fin de vie, qu'est-ce qui vous inquiète ?
04:30Quelles sont les dérives que vous redoutez si le texte est adopté ?
04:36En fait, ce qui est compliqué, c'est que c'est un texte dont je crois le principal objectif est de rassurer les Français qui, éloignés de leur fin de vie, se disent
04:44« Si j'étais dans une situation de grande souffrance, je voudrais pouvoir mourir ».
04:48Mais en fait, mon inquiétude, c'est que la loi est un message collectif qui s'adresse aux personnes que nous soignons
04:56et qui leur disent « Peut-être qu'il faut que vous vous demandiez si ce serait mieux que vous soyez morts ».
05:02Et je crois que ce qui m'inquiète, c'est la pression qu'on fait peser sur les personnes malades
05:06en leur disant « Vous êtes éligible, qu'est-ce que vous choisissez ?
05:10Est-ce que vous choisissez de continuer à vivre ou est-ce que vous choisissez de mourir ? »
05:13Et je crois que tous ces patients, ils perdent la liberté de ne pas se poser cette question-là.
05:18Et ça, pour moi, c'est un vrai sujet d'inquiétude.
05:20Alors, les députés ont voté un amendement vendredi en commission, juste avant les vacances parlementaires.
05:27Amendement qui élargit les cas où la substance létale pourra être administrée par un soignant.
05:32Désormais, la personne pourra choisir entre deux options, soit l'auto-administration du produit létal,
05:37soit son administration par un médecin ou un infirmier.
05:40Est-ce que vous pensez que c'est un paillet supplémentaire qui est franchi pour les soignants également ?
05:45Alors, je pense que ça montre simplement, et ils ont examiné ce texte pendant trois heures.
05:49Donc, c'est juste le tout début.
05:51Et déjà dans ces trois premières heures, le supposé équilibre dont on nous parlait a déjà volé en éclats.
05:57C'est-à-dire qu'on nous avait dit que, suivant les recommandations du comité d'éthique,
06:02c'était un texte de suicide assisté, c'est-à-dire la personne prend elle-même les produits sauf si elle n'est pas capable.
06:08Et là, déjà d'emblée, les députés ont voté que ce soit euthanasie, c'est-à-dire le médecin ou l'infirmier,
06:14qui fait le geste pour tous.
06:15Et donc, on voit bien à quel point l'équilibre dont on nous parle est difficile à tenir.
06:20Et moi, j'ai beaucoup d'appréhension de ce qui va se passer quand les amas du texte vont reprendre après les vacances parlementaires.
06:27J'imagine que les soignants, effectivement, eux aussi, sont dans une situation qui est extrêmement délicate face à ce texte.
06:34On est devant une situation très délicate parce qu'à la fois, quand on travaille en soins palliatifs,
06:38c'est qu'on a fait au patient la promesse du non-abandon.
06:41Quoi qu'il arrive, on sera là jusqu'au bout et on s'occupera de vous jusqu'au bout, même si c'est difficile.
06:45En même temps, on vit dans une société, dans toutes les sociétés, dans laquelle prévaut l'interdit du meurtre.
06:51Et on se trouve, pour nous, en tension complète entre ces deux choix.
06:56Si la loi passe, comment est-ce qu'on choisit entre l'interdit du meurtre et le non-abandon qu'on a promis à nos patients ?
07:04Et je crois que pour tous les soignants, c'est un sujet de questionnement et d'inquiétude extrêmement fort.
07:09Vous travaillez depuis près de 25 ans, effectivement, auprès des malades.
07:15Vous savez ce que c'est, la fin de vie.
07:18Ce que vous constatez, en fait, c'est que le choix d'en finir n'est pas forcément libre et conscient.
07:27Alors, c'est surtout beaucoup plus rare que ce qu'on imagine.
07:30Vous voyez, dans l'équipe où je travaille, depuis 25 ans, on a accompagné 15 000 patients
07:33et on a eu trois demandes persistantes d'euthanasie.
07:36Et c'est la même chose dans à peu près toutes les équipes.
07:38C'est-à-dire que la demande persistante de mourir est extrêmement rare.
07:41Ça arrive qu'à certains moments, des patients souhaitent mourir, nous disent « j'en peux plus ».
07:46Et puis, quand ils sont soulagés de leur douleur ou de leur souffrance, quand leur famille est présente,
07:50à ce moment-là, cette envie disparaît.
07:52On est tous très ambivalents sur cette question de la mort.
07:55C'est compliqué, mais très peu de personnes regardent la mort en face et la demandent de façon persistante.
07:59Donc ça, c'est un élément extrêmement important.
08:02Et notre travail, à nous, soignants, c'est d'écouter cette demande et d'essayer de la comprendre et d'essayer d'y répondre.
08:07Et notre crainte, si la loi passe, c'est qu'au lieu de demander à un patient « pourquoi aujourd'hui vous me demandez ça ? »
08:13« Qu'est-ce qui se passe ? », on leur demande « quand ou comment vous voulez mourir ».
08:16Et pour nous, la compréhension de qu'est-ce qui motive cette demande et comment on peut vous aider doit rester toujours le cœur de notre métier.
08:24Claire Fourcade, présidente de la Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs,
08:27auteur du journal « De la fin de vie » chez Fayard.
08:31C'est une question sur laquelle vous travaillez depuis longtemps.
08:35Que dire également ?
08:36Vous savez qu'il existe à l'étranger, notamment en Suisse, des systèmes où l'on peut programmer sa propre mort.
08:45Évidemment, ça coûte très cher, mais on peut le faire.
08:48Est-ce que vous pensez que de telles méthodes pourraient voir le jour en France si cette loi passait ?
08:54Oui, bien sûr, c'est de ça qu'il est question dans ce texte.
09:00C'est de pouvoir, pour que chacun puisse potentiellement organiser sa mort, choisir le moment.
09:07Et je pense qu'il ne faut pas, c'est pas seulement une question de liberté individuelle,
09:10la mort a aussi une dimension collective.
09:12Et en faisant passer des textes de ce type, on envoie un message collectif à toutes les personnes fragiles,
09:18à toutes les personnes vulnérables, qui mettent en question le sens de ce qu'elles vivent.
09:22Et moi, j'ai envie d'une société dans laquelle on dit à toutes ces personnes qu'elles comptent pour nous,
09:27qu'on est interdépendants, qu'on va prendre soin d'elles,
09:29et qu'on sera là pour les accompagner, même quand c'est difficile.
09:32Claire Fouca, docteur Fouca, d'ailleurs, comment vous voyez les choses ?
09:37Est-ce que vous pensez que cette loi peut passer, que ce texte peut passer ?
09:43Quel est le processus législatif ? Il va suivre son cours.
09:47Comment vous envisagez la suite, docteur ?
09:50Alors, le texte arrive dans le cycle au mois de mai,
09:53avec, pour le moment, un vote prévu le même jour pour les deux textes, le 27 mai.
09:58Je pense que le texte sur les soins palliatifs va passer sans problème.
10:01Je pense que le texte sur l'euthanasie et le suicide assisté
10:05sera probablement beaucoup plus clivant et beaucoup plus discuté.
10:09Ce texte va ensuite partir au Sénat et faire deux navettes entre l'Assemblée et le Sénat.
10:13Donc, il va probablement encore se modifier pas mal.
10:15Mais je pense que cette première lecture aura une valeur symbolique forte.
10:19Et moi, j'ai de l'appréhension pour le message qu'elle va envoyer aux patients, à leur famille
10:25et puis à tous ceux qui les soignent.
10:27Parce que nous, les soignants, on a aussi besoin du soutien de la société.
10:30On a besoin aussi que la société nous dise que ce qu'on fait est important.
10:33C'est des métiers parfois difficiles d'affronter la mort et la maladie grave tous les jours.
10:37Et on a besoin que la société nous dise ce qu'on fait.
10:39Alors, excusez-nous docteur Fourcade, la liaison est très mauvaise.
10:45Peut-être un mot Véronique Jacquet, c'est vrai que c'est un sujet très sensible, très sensible, très personnel.
10:51D'ailleurs, François Bayrou est assez mal à l'aise avec le texte.
10:54C'est pour ça qu'il a scindé le texte en deux, avec d'un côté les soins palliatifs et de l'autre la famille.
10:59Tout à fait. A titre personnel, il est opposé, cette loi sur l'euthanasie, le suicide assisté.
11:04Et donc, effectivement, pour ne pas contraindre certains députés à voter le package soins palliatifs et aides actives à mourir,
11:14pour laisser finalement le libre choix à la conscience de chacun, il a demandé à scinder les deux textes.
11:19C'était un moindre mal, c'est-à-dire que c'était la seule façon dont il pouvait agir
11:25pour faire en sorte de mettre justement chaque député devant sa conscience sur le texte portant sur l'aide active à mourir.
11:34D'ailleurs, il peut y avoir des surprises parce qu'au sein des LR et au sein du Rassemblement National,
11:39bon nombre de députés sont opposés à ce texte sur l'aide active à mourir,
11:44qui est porté, rappelons-le, par Olivier Falorni,
11:46qui est un pro-euthanasie ardent et farouche,
11:50qui porte ce débat depuis très très longtemps et qui est quand même catalogué chez les progressistes.
11:55Donc ça va être intéressant de voir les lignes de fracture sur un texte pareil.
11:59Moi, ce qui me semble important de souligner aussi sur le plan politique,
12:03c'est qu'on a été capable de monter un conclave sur les retraites,
12:07où on voit les Français qui sont capables de descendre dans la rue,
12:10pas touche à ma retraite, pas touche à ma retraite à 60 ans.
12:13Enfin, on est encore capable de débattre de choses qui me paraissent complètement dépassées.
12:17Et en revanche, sur des sujets comme l'euthanasie, l'aide active à mourir et la porte ouverte au suicide assisté,
12:23eh ben non, c'est un petit peu circulé, il n'y a rien à voir à l'Assemblée.
12:26C'est-à-dire que c'est comme si c'était du pain béni pour que ça passe.
12:30Et heureusement qu'il y a des médecins très courageux comme Claire Fourcade
12:33qui alertent effectivement sur ce que ça représente pour les soignants, quelque part.
12:38On parle quand même de délit d'entrave.
12:40C'est-à-dire que si un médecin s'oppose au fait qu'un malade demande à ce qu'on lui injecte via une seringue un produit
12:51pour qu'il parte un peu plus rapidement, il pourrait être coupable de non-assistance, quelque part, à quelqu'un qui veuille partir.
12:59Enfin, on est quand même, d'après moi, chez les fous.
13:01Donc ça ouvre des questions civilisationnelles, anthropologiques, extrêmement prégnantes et extrêmement importantes,
13:07dont il faut débattre.
13:10Merci beaucoup. Alors Claire Fourcade, qui est présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs,
13:15auteure du journal de la fin de vie, qui est également médecin, qui était avec nous il y a quelques minutes sur Europe 1.
13:23On aura l'occasion de reparler de ce sujet extrêmement sensible.
13:28Dans un instant, on va parler de l'Algérie qui menace la France de représailles.
13:32Après la détention de ses agents consulaires, soupçonnés d'être impliqués dans l'enlèvement d'un opposant algérien sur le sol français.
13:37Vous voulez que je vous dise ? On en parlait ici même, hier soir, notamment avec Mohamed Sifaoui.
13:42On a dit, alors, Jean-Noël Barraud, qui était allé en Algérie, tout va bien avec l'Algérie,
13:47l'âge de guerre est enterré. Pas du tout, c'est reparti.
13:51On en parle et on en discute.
13:52Je voudrais bien vous entendre aussi, Paul Melun, sur ce sujet.
13:54C'est tout de suite sur Europe 1, 19h28.

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