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  • 12/04/2025
Dans son édito du 12/04/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur les liaisons entre la gauche et le centre.

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Transcription
00:00Oui, c'est une alliance qu'il nous faut nommer parce qu'officiellement nous sommes devant deux camps opposés,
00:06mais nous constatons que lorsque les événements se propulsent, s'accélèrent,
00:10ce sont deux camps qui peuvent fusionner ou à tout le moins converger.
00:15Alors, je le redis, on a vu les événements de frontières, je ne reviendrai pas sur le détail, on en a assez parlé cette semaine,
00:20mais que la gauche radicale soit une gauche violente, que la gauche radicale soit autoritaire, même totalitaire,
00:27que la gauche radicale mente ouvertement. Ce n'est pas nouveau, ça.
00:31La gauche radicale a passé son histoire à mentir sur son bilan, elle chantait la gloire de l'Union soviétique,
00:36paradis des travailleurs, paradis des libertés, paradis de la démocratie.
00:39Il ne fallait pas en son temps parler, par exemple, du goulag, il ne fallait pas parler des massacres en Union soviétique.
00:45Pourquoi? Parce que ça faisait le jeu du capitalisme, le jeu de l'Ouest.
00:49Donc, la gauche radicale, qu'elle mente, qu'elle soit fondamentalement factueuse et antidémocratique, me semble relever de l'évidence.
00:55J'ajoute qu'il n'y avait pas que la gauche radicale cette semaine à l'Assemblée, il y avait aussi la gauche que l'on ose dire modérée.
01:01Par exemple, les communistes. D'où vient l'idée que les communistes sont modérés? C'est exceptionnel quand même.
01:05Ce sont les héritiers de l'URSS. Fiers, les héritiers de l'URSS. Je laisse ça de côté.
01:09Il y avait aussi des socialistes. Des socialistes. Donc, c'est apparemment la gauche modérée qui décide d'avoir des comportements,
01:16quelquefois, de caïd devant une jeune femme. Mais je laisse ça de côté, encore une fois, parce que tout ça va de soi.
01:21Ce qui va moins de soi, c'est le comportement qui m'a renversé, je l'avoue, j'allais presque dire déçu,
01:28parce que j'avais quelques attentes de Mme Broun-Pivet, dans les circonstances,
01:32qui, dans sa manière de décrire les événements de l'Assemblée nationale,
01:36a donné raison à ceux qui ont eu un comportement de meute militienne,
01:40plutôt qu'aux journalistes qui ont été agressés.
01:43Mme Broun-Pivet avait... Et Mme Broun-Pivet, c'est l'incarnation de l'extrême-centre aujourd'hui.
01:46C'est l'extrême-centre catégorie revendiquée par Emmanuel Macron, je prends la peine de le dire.
01:51Donc, qui prétend défendre l'État de droit, les institutions, la démocratie.
01:56Or, qu'est-ce qu'elle a fait? Elle a reconduit, elle s'est appropriée,
01:59elle a légitimé le mensonge militant de la gauche radicale qui dit
02:04« Ah, mais on ne les a pas menacés, on n'a pas été agressifs physiquement avec les journalistes,
02:08on n'a pas eu un effet de meute à leur endroit,
02:10on n'avait pas l'air d'une bande particulièrement agressive avec ces journalistes. »
02:14Pas du tout, on a simplement protesté pacifiquement contre ces trois journalistes
02:18qui, disait-il, nous provoquaient, nous provoquaient en étant simplement là.
02:23Des journalistes qui font leur travail en étant là,
02:25c'est une provocation qui justifie une volonté de les chasser
02:28sur le mode de la meute haineuse
02:30et en entourant ces jeunes journalistes sur le mode agressif.
02:33Et Mme Broun-Pivet a légitimé dans son récit public des événements
02:37cette idée que finalement les trois journalistes étaient les provocateurs à travers cela.
02:43Je ne suis pas surpris, pas surpris.
02:46L'extrême-centre, ça fait longtemps qu'on comprend qu'il préfère s'allier
02:48avec la gauche radicale qu'avec la droite nationale.
02:50Mais dans les circonstances, il y a une étape qui a été franchie, je crois,
02:54parce que les institutions ont basculé.
02:56Les institutions, l'Assemblée nationale, l'a légitimé ce récit.
03:00Et à travers cela, on voit très bien la campagne qui se mène
03:03et qui est menée en commun par l'extrême-centre et par la gauche radicale.
03:07C'est une campagne, en ce moment, pour retirer, sur le titre de presse,
03:10de journaliste, en fait, de journal, de titre de presse légitime à frontières,
03:14sur le mode « ce n'est pas un vrai média,
03:17c'est une officine militante qui se cache derrière la prétention d'être de médias ».
03:21Donc, ce ne sont pas les vrais journalistes.
03:23Ce sont les militantes.
03:25Dès lors, il nous est possible de frapper
03:27et on devrait les chasser du périmètre de l'Assemblée.
03:30Cette campagne n'est pas nouvelle.
03:32Je rappelle Raphaël Lorca
03:34qui a publié une note pour la fondation Jean Jaurès
03:37où il disait « frontières n'est pas un véritable média,
03:40c'est un danger pour la démocratie,
03:43il faut s'en inquiéter,
03:44eh bien, on devrait demander
03:45qu'est-ce que la République peut faire
03:47contre de tels médias ».
03:49Donc là, ça commence, frontières, sur le fond des choses,
03:52c'est un journal parmi d'autres,
03:52c'est moins le cas de frontières qui m'intéresse,
03:54qu'à partir du moment où la gauche radicale et l'extrême-centre disent
03:57quel est le vrai média, quel est le faux média,
03:59et dès lors, quel média on peut autoriser ou non à l'Assemblée,
04:03quel média mérite la carte de presse,
04:05quel média ne le mérite pas,
04:06ça ne s'arrêtera pas à frontières,
04:08je vous en donne l'assurance.
04:12Et cette volonté, justement,
04:13de chasser les faux médias de l'espace public,
04:16du point de vue de la gauche et de l'extrême-centre,
04:17va plus loin.
04:19Vous avez peut-être vu cette semaine,
04:21cette une, je crois, c'était le Monde ou Libé,
04:22sur la désinformation climatique.
04:28Donc ça, c'est intéressant,
04:29c'est une note produite par des think-tanks écolos radicaux
04:33qui accusent ceux qui ne reprennent pas le discours
04:35mainstream, pourrait-on dire, sur le climat,
04:38et j'ajoute que moi, je ne me mêle pas de ce débat-là,
04:40je ne suis pas dans la contestation,
04:42je dis simplement,
04:43ceux qui ne reprennent pas le discours
04:45qui convient aux associations écolos radicales sur le climat,
04:48on les accuse de désinformation climatique.
04:50Il n'est pas permis de poser des questions,
04:53il n'est pas permis de dire,
04:54oui, mais cette hypothèse est-elle valable,
04:55il n'est pas permis de dire,
04:56oui, mais pour le changement climatique,
04:58par exemple, la part de l'activité humaine française,
05:02qu'est-ce qu'elle vaut comparée à celle de la Chine,
05:03par exemple.
05:04Poser de telles questions,
05:05c'est déjà, si on le comprend bien,
05:07versé dans la désinformation climatique.
05:09Rappelez-vous, on en avait parlé sur ce plateau
05:11d'une loi qui avait été présentée à l'Assemblée nationale,
05:13une proposition de loi,
05:14pour interdire les propos climato-négationnistes,
05:17ils appellent ça à la télévision.
05:18Donc là, on voit la définition
05:19qu'ils ont du climato-négationnisme.
05:21On comprend qu'assez rapidement,
05:22on peut se retrouver exclu de la télévision
05:24pour avoir contesté tel dogme écologiste ou tel autre.
05:28Ça va plus loin.
05:30Quand on pense, par exemple,
05:32aux multiples condamnations d'hommes politiques,
05:35d'intellectuels, de journalistes,
05:36pour propos d'incitation à la haine raciale, par exemple.
05:39Vous savez ce que je pense de ce type de condamnation,
05:42c'est-à-dire on nomme incitation à la haine raciale
05:44tout constat critique sur la réalité de l'immigration aujourd'hui,
05:47toute exposition de faits statistiques
05:48qui remettent en question l'idée
05:50d'un vivre-ensemble irénique,
05:51on présente ça comme une incitation à la haine raciale.
05:54Toute critique de l'immigration massive,
05:55on présente ça comme une incitation à la haine raciale.
05:57Or, qu'est-ce qu'on voit?
05:58Il y a des condamnations qui tombent.
05:59Zemmour a l'orçu une récemment.
06:00Mais il y a des journalistes
06:01qui ont déjà été condamnés comme ça.
06:02Zemmour, lorsqu'il était journaliste.
06:03Mais l'objectif derrière ça,
06:04ne nous trompons pas,
06:06c'est de faire en sorte que les journalistes
06:07et les intellectuels,
06:08ainsi étiquetés,
06:10ainsi coincés,
06:12ainsi condamnés par les tribunaux
06:13sur le mode du procès politique
06:15et du délit d'opinion,
06:16ne puissent plus un jour être embauchés.
06:18Et si vous les embauchez,
06:19le média, en question,
06:21qu'il soit télévisuel ou radiophonique,
06:23que le média ne soit plus considéré
06:25comme un média légitime
06:26parce qu'il embaucherait des repris de justice.
06:28Donc, ça va très loin.
06:30Et moi, je crois que c'est...
06:31On peut parler, il y a quelque temps déjà,
06:34la volonté de ne pas accorder
06:35de financement, de subvention à un journal
06:37qui serait condamné, encore une fois,
06:38pour des propos qui heurtent
06:39le récit diversitaire.
06:41Ça avait frappé valeur actuelle en d'autres temps.
06:43Donc, c'est un système de mise à mort sociale
06:45qui vise la presse d'opposition aujourd'hui.
06:48Et par presse d'opposition,
06:49nommons finalement toute presse
06:50qui ne chante pas les vertus du régime,
06:53soit dit en passant,
06:54s'il s'agit de considérer
06:55que certains journalistes sont militants.
06:57Que penser de Libé ?
06:58Que penser d'arrêt sur image ?
07:01Que penser du Monde ?
07:03Que penser du service public ?
07:04Mais là, apparemment,
07:04on ne parle pas de journalistes militants.
07:06Probablement, appelons-ce un jugement symétrique.
07:09Vous auriez pu parler de l'humanité également.
07:11Et quels sont les fondements intellectuels
07:13inavoués de cette alliance
07:14entre l'extrême-centre et la gauche radicale ?
07:17Ça, je pense que c'est une question essentielle à poser.
07:19Parce qu'officiellement,
07:20on est devant des camps qui ne sont pas les mêmes.
07:22Gauche radicale, révolution,
07:23Che Guevara, bon, tout ça,
07:25la nostalgie léniniste de temps en temps.
07:27Et de l'autre côté,
07:28les défenseurs revendiqués de l'état de droit
07:30des tiers héritiers de Jorgen Habermas,
07:32le philosophe allemand.
07:33Alors, dans les faits,
07:34dans les faits, il y a une convergence.
07:35Et où convergent ces deux familles politiques ?
07:38Premièrement, le refus du pluralisme.
07:39Les deux considèrent qu'il y a le progrès
07:41et la réaction.
07:43À la rigueur, il y a les conservateurs
07:44qui sont des gens qui traînent la patte
07:46et qui doivent être respectés dans la mesure
07:48où ils ne sont pas nuisibles.
07:49Mais il n'y a pas de pluralisme de vision politique.
07:51Il n'y a pas différentes options légitimes
07:53dans la cité.
07:54Il y a les gentils et les méchants.
07:55Il y a l'avenir et le passé.
07:56Et l'avenir doit balayer le passé.
07:59Les deux sont d'accord avec ça.
08:00De la même manière,
08:01il y a une définition contrefaite de la démocratie.
08:03Donc, la démocratie,
08:04ce n'est plus l'organisation du pluralisme politique
08:06avec la défense des libertés publiques
08:08pour assurer, par ailleurs,
08:09l'expression de la souveraineté populaire.
08:10Non, la démocratie,
08:11c'est désormais une certaine conception de l'histoire,
08:14la mise en valeur du culte diversitaire,
08:17la neutralisation de la souveraineté populaire
08:19parce que le peuple est dangereux,
08:20la sacralisation du gouvernement des juges
08:22qu'on va nommer État de droit,
08:23la sacralisation des autorités administratives
08:25à qui on donnera grand pouvoir
08:27parce qu'elles ont l'autorité
08:29pour piloter les changements sociaux.
08:31Donc, une forme d'expérimentation sociale
08:33à grande échelle,
08:34un refus de la nation.
08:34La gauche radicale la refuse
08:36au nom de la créolisation.
08:38L'extrême-centre refuse la nation
08:39au nom d'une forme de républicanisme désincarné,
08:41mais il y a le refus de la nation.
08:43Refus de la tradition aussi.
08:44On préfère tout bureaucratiser dans le monde.
08:46Jamais la société civile,
08:48jamais la liberté individuelle
08:49n'est à respecter.
08:50Il faut tout bureaucratiser.
08:52Je dirais,
08:53et de ce point de vue,
08:54la sacralisation des autorités administratives
08:55est très présente,
08:56donc c'est la technocratie.
08:58Dans les deux cas,
08:58il y a une utilisation de la mystique antifasciste
09:00et l'extrême-droitisation du désaccord.
09:02Dans les deux cas,
09:04nous sommes devant un refus
09:05de la liberté d'expression,
09:06la volonté de l'interdire.
09:08Les deux ont les mêmes arguments
09:09quand il y a le temps d'interdire
09:10les propos qui leur déplaient.
09:11Mais ce système répressif,
09:13j'ai eu l'occasion de le dire,
09:15ne croit plus vraiment
09:16en sa possible victoire démocratique,
09:18donc il bascule dans son moment autoritaire
09:20pour sanctionner ses adversaires
09:21et les neutraliser juridiquement.
09:23C'est le propre de notre temps.
09:24Le Monde semble se rallier
09:26à ce détournement du concept de démocratie
09:30comme on le voit dans ses pages aujourd'hui.
09:32Oui, et je vais mettre l'accent
09:34sur un grand entretien
09:35qui était accordé au Monde
09:36par Pierre Rosanvallon.
09:38Pierre Rosanvallon,
09:38ce n'est pas une figure très connue du public,
09:41mais c'est un intellectuel majeur
09:43dans l'histoire du progressisme français
09:47depuis 40 ans.
09:48C'est le point de contact, en fait,
09:50entre la gauche radicale et l'extrême-sente.
09:52Il incarne ce point de contact.
09:53Pierre Rosanvallon a proposé
09:55au fil des ans,
09:56c'est pour ça que j'en parle aujourd'hui,
09:59dans ses travaux universitaires,
10:00de bonne tenue académique, je le précise,
10:02il proposait une redéfinition complète
10:04de la démocratie
10:05pour vider le concept de démocratie
10:08de la référence au peuple.
10:09Il nous disait
10:09le peuple est une référence nécessaire,
10:11mais introuvable.
10:12Le peuple est introuvable.
10:14Et tout ce qui relève
10:15de la souveraineté populaire l'inquiétait.
10:17Donc, pour Rosanvallon,
10:18à l'échelle de l'histoire,
10:19les autorités administratives,
10:21le gouvernement des juges,
10:22toute la société civile délibérative,
10:25tout vaut finalement mieux,
10:27je résume de manière un peu simpliste,
10:29que la souveraineté populaire
10:30d'un peuple qui serait toujours
10:31porterait la tentation démagogique
10:33de la tyrannie de la majorité.
10:35Donc, il nous dit fondamentalement,
10:36dans son entretien du monde,
10:38nous devons nous méfier
10:39de ceux qui associent la démocratie
10:41à la figure du peuple.
10:42Les juges sont probablement
10:43plus démocratiques
10:44que les représentants élus
10:46parce qu'ils représentent
10:47le contrat social
10:48dans ce que nous avons en commun,
10:49plutôt que les humeurs vagues
10:51de l'électorat.
10:52Et je terminerai avec une phrase,
10:53parce qu'il veut reprendre,
10:54en remet, le débat public,
10:54quand il veut contrôler
10:55le débat public,
10:56je terminerai avec une phrase
10:57présente dans son entretien,
10:59parce qu'il dit,
10:59on est devant des gens
11:00qui se sont emparés
11:01de la démocratie,
11:02de la notion
11:03de souveraineté populaire,
11:04et puis ils ont détourné
11:05ces concepts-là.
11:06Donc, il nous dit,
11:07il faut donc instaurer
11:08une vigilance du langage
11:10et poursuivre sans relâche
11:12les voleurs de mots
11:13et les trafiquants d'idées.
11:15Donc ça, c'est l'aspiration,
11:16une forme de police
11:16des idées dans la vie publique.
11:18Je pourrais, quant à moi,
11:19considérer que Pierre Rosanvalon,
11:20qui est un homme, encore une fois,
11:20de qualité intellectuellement,
11:22lui pratique aussi
11:24le vol de mots
11:25lorsqu'il considère
11:26que la démocratie lui appartient
11:27en la vidant de la référence
11:28au peuple
11:28et à sa manière
11:30trafiquant d'idées,
11:31s'il le faut,
11:32de quelle manière,
11:33lorsqu'il considère
11:33que la souveraineté populaire
11:34est un concept
11:35qui n'est légitime
11:36que lorsqu'il culmine
11:36dans le gouvernement des juges.
11:39Donc voilà,
11:40le monde légitime aujourd'hui
11:41dans ses pages
11:42avec une figure intellectuelle forte
11:43cette idée que finalement
11:45la démocratie
11:45n'a pas beaucoup
11:46à voir avec le peuple.

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