Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • hier
Leïla Slimani est aujourd'hui davantage qu’une écrivaine, même si c’est bien sûr par le biais des livres qu’elle s’est fait connaître, en particulier « Chanson douce », son deuxième roman, prix Goncourt à succès en 2016. Elle est devenue un véritable personnage de la vie publique, intellectuelle et médiatique, dont les avis comptent pour évoquer la question des femmes et du féminisme, par exemple, celle de la francophonie ou celle encore des libertés dans son pays d’origine, le Maroc.C’est à ce dernier qu'elle a consacré une trilogie romanesque et historique particulièrement enlevée, intitulée « Le Pays des autres », dont paraît aujourd’hui le troisième volume, « J'emporterai le feu » (Ed. Gallimard), après « La guerre, la guerre, la guerre » et « Regardez-nous danser ». Voilà ainsi une occasion rêvée pour Claire Chazal de recevoir comme invitée exceptionnelle de « Au bonheur des livres » l’une des personnalités littéraires les plus vives et les plus engagées dans le monde contemporain. Année de Production :

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00Retrouvez au bonheur des livres avec le Centre National du Livre.
00:24Bienvenue dans l'émission littéraire de Public Sénat.
00:27Au bonheur des livres, c'est le titre de notre rendez-vous hebdomadaire.
00:31Et avec nous, une invitée exceptionnelle, c'est une romancière franco-marocaine.
00:36Elle a obtenu le prix Grand Courant en 2016 pour Chansons douces.
00:39Elle est engagée, elle milite pour la langue française,
00:43elle milite aussi pour les droits des femmes, notamment les droits des femmes marocaines.
00:46C'est Leïla Slimani. Bonjour Leïla Slimani.
00:48Bonjour.
00:48Merci beaucoup de nous accorder cet entretien.
00:51Vous publiez un troisième volet absolument passionnant et très touchant de cette trilogie
00:55qui retrace, alors indirectement, de façon fictionnelle, mais c'est tout de même votre histoire,
01:01bien la vie de vos ancêtres, de ses ancêtres, sur trois générations, entre la France et le Maroc.
01:08Alors, vous aviez écrit, je le rappelle, en 2020, Le Pays des Autres.
01:11Ça, c'était le premier volet de cette trilogie.
01:13Ça, c'était les années d'après-guerre.
01:15Et puis, en 2022, Regardez-nous danser.
01:18Là, nous étions dans les années 70.
01:20Et puis, voici donc, J'en porterai le feu, où on se rapproche de cette troisième génération,
01:26qui est la vôtre, d'une certaine façon, née dans les années 80.
01:31On va donc suivre cette génération, et notamment l'histoire de deux sœurs,
01:36Mia et Inès.
01:38On va d'ailleurs suivre l'histoire par les yeux de Mia.
01:41C'est votre choix.
01:43Je rappelle que vous avez vous-même deux sœurs, Léla Simani.
01:45Alors, est-ce qu'on peut dire que c'est vraiment votre livre le plus intime
01:48depuis le début de votre carrière d'écrivain ?
01:53Ah oui, je crois que c'est mon livre le plus intime.
01:55C'est le livre dans lequel j'ai dû aller chercher d'abord dans mes souvenirs,
01:59dans ma mémoire personnelle, raconter des événements dont j'ai été spectatrice,
02:03dont j'ai été actrice, et aller dans l'enfance, dans l'adolescence.
02:08C'est l'adolescence, cet âge qui est perturbé, cet âge qui est difficile,
02:13à la fois physiquement, parce qu'on a son corps qui change.
02:16Les émois de l'adolescence, j'ai essayé de les raconter dans ce livre.
02:20Et un âge difficile aussi, puisque c'est l'âge où mon père a vécu
02:23le scandale politico-financier dont il a été victime.
02:27Donc, ça m'a demandé aussi d'aller revisiter des périodes de ma vie
02:31qui étaient des périodes douloureuses.
02:32Pas forcément toujours heureuses.
02:34Alors, un mot du titre, d'abord, Léla Slimani, qui est très beau,
02:36« J'emporterai le feu ».
02:38Alors, je précise que c'est une allusion, déjà, j'allais dire directe,
02:43dans le livre, à l'injonction paternelle, l'injonction de Mehdi,
02:46qui est le père de Mia, et qui va lui dire, quand elle part pour Paris,
02:51« Pars, ne te retourne pas, allume un grand incendie et emporte le feu ».
02:56C'est comme un message d'émancipation, de liberté, de la part de ce père.
03:00Oui, et puis c'est un très beau message d'amour,
03:02un message d'amour qui est absolument déchirant,
03:05de la part de cet homme qui aime profondément son pays, le Maroc,
03:08mais qui a conscience que ce pays est un pays dans lequel sa fille,
03:12qui est homosexuelle, ne pourra pas vivre comme elle l'entend,
03:15ne pourra pas être la femme libre qui a envie qu'elle soit.
03:20Et pour moi, ce cri, c'est d'abord un cri d'amour de la part d'un père
03:24qui place le désir de liberté qu'il a pour cet enfant
03:27au-dessus de ses intérêts de père, qui serait d'avoir sa fille auprès de lui.
03:32Je crois que c'est la plus belle chose qu'on puisse faire pour un enfant,
03:34la plus belle déclaration d'amour, c'est de lui souhaiter finalement sa liberté.
03:39C'est un homme, on va en parler, qui était si épris de livres, de littérature,
03:42bien sûr c'est très important.
03:43Il est quand même très moderne, ce Mehdi qui vit dans ce Maroc compliqué,
03:48on va en parler.
03:50Il aurait pu, j'allais dire, suivre la tradition des ancêtres aussi,
03:53vouloir replier la femme à la maison.
03:55Ce n'est pas ça du tout qu'il fait.
03:56Ah non, pas du tout, c'est un homme extrêmement moderne, extrêmement cosmopolite,
03:59quelqu'un qui, comme vous le disiez, aime beaucoup la littérature,
04:02donc qui est aussi influencé par toutes ses lectures
04:05et qui croit profondément à la liberté,
04:08qui croit à l'égalité entre les hommes et les femmes,
04:10à l'égalité entre les peuples aussi,
04:12qui a envie de faire de ce Maroc un pays moderne,
04:15qui puisse se retrouver d'égal à égal avec les pays occidentaux.
04:19Il souffre aussi de la situation un peu périphérique
04:22dans laquelle se trouve le Maroc, dont c'est un homme qui est profondément épris de modernité,
04:27comme l'était d'ailleurs le personnage d'Amin avant lui.
04:31Mais ce sont aussi des hommes déçus parce que leur vision de la modernité
04:35n'arrête pas de se confronter au réel.
04:38Les femmes, elles sont modernes, mais plus en l'incarnation.
04:40Elles incarnent une forme de modernité.
04:42Elles ne sont pas dans la théorie, elles ne sont pas dans les grandes idées,
04:46mais finalement, elles vivent cette modernité.
04:48D'ailleurs, on va en parler aussi, j'allais dire, pour moi,
04:51les personnages centraux de cette trilogie et de ce livre-là,
04:54des trois générations qui, elles, sont d'une certaine façon libres.
04:57Il y avait donc la grand-mère Mathilde, qui est l'État alsacienne,
05:01et qui avait épousé un Marocain, rencontré en France au moment de la guerre.
05:06Et puis donc, les parents, Aïcha et Mehdi,
05:08vous avez fait le portrait de ce Mehdi.
05:11Elle, elle est obstétricienne, elle est donc tout à fait autonome,
05:14elle a un métier très important.
05:15Et puis lui, donc, va devenir au fonctionnaire banquier,
05:18un peu à l'image de votre père.
05:20Et vont donner des prénoms français quand même à leurs deux filles.
05:23Est-ce que ça veut dire qu'ils sont entre deux cultures ?
05:26Et c'est ça qu'ils ressentent ?
05:27Oui, ils sont entre deux cultures.
05:29Et comme beaucoup de gens de cette génération,
05:31à cette époque-là, on donnait beaucoup des prénoms
05:33qui n'étaient pas trop marqués.
05:35Des prénoms qui n'étaient pas trop difficiles
05:37à prononcer pour des étrangers.
05:39Avec déjà cette idée qu'il fallait, d'une certaine façon,
05:42un peu effacer son origine pour pouvoir se fondre
05:46dans le monde occidental auquel on était, d'une certaine façon,
05:48voué, dans lequel on était voué à aller vivre.
05:52Et donc, on choisit des noms qui ne sont pas trop marocains.
05:54Alors, Mia et Inès, ça existe aussi au Maroc,
05:57mais ce ne sont pas du tout des prénoms traditionnels.
05:58Et voilà, dans les années 90, c'est devenu très, très à la mode
06:03de donner ce type de prénom aux enfants,
06:05aussi pour protéger les enfants du racisme, d'ailleurs.
06:07Évidemment.
06:08Alors, elles sont très différentes.
06:10Vous dites qu'Inès est très belle.
06:12Et Mia, elle est plutôt l'intellectuelle.
06:15Et on va découvrir qu'elle est attirée par les filles.
06:17Ça, c'est encore autre chose.
06:19Et c'est donc par le regard de Mia qu'on suit cette histoire.
06:21Pourquoi ?
06:22C'est parce qu'elle avait votre sympathie ?
06:24Ou c'est elle dont vous vous sentez le plus proche, Léla Simani ?
06:28Non, parce que je savais depuis le début de la trilogie
06:30qu'il fallait que, dans le dernier tome, je présente la narratrice.
06:33Moi, mon idée, c'était que, vraiment, dans le dernier tome,
06:35on allait pouvoir répondre à la question
06:37« Mais qui raconte cette histoire ? »
06:39Parce que ce qui m'importait, c'est qu'on se rende compte,
06:43à la fin de la trilogie,
06:44qu'en fait, cette histoire racontée sur Mathilde, sur Amine,
06:47sur chaque génération,
06:48est d'abord une histoire qui est racontée par quelqu'un.
06:50Donc, c'est un point de vue, un point de vue intime.
06:53Ce sont des souvenirs, ce sont des faits relatés.
06:56Il n'y a pas de narrateur omniscient
06:58qui est au-dessus des personnages.
07:00C'est Mia, l'enfant, la petite enfant,
07:02qui raconte l'histoire de ses parents.
07:05Donc, finalement, cette trilogie,
07:06de la replacer dans ce qu'elle est,
07:08c'est-à-dire une quête identitaire,
07:10le désir d'un être, d'un individu,
07:12de comprendre d'où il vient
07:13et de comprendre pourquoi il est ce qu'il est,
07:16de quoi est-ce qu'il est le produit,
07:18de quelle histoire est-ce qu'il est le produit.
07:20Donc, Mia, je savais dès le départ
07:22que c'était elle qui raconterait cette histoire.
07:24Alors, son père, Mehdi, va subir,
07:27et c'est ce qui est très intéressant, évidemment,
07:29on découvre la dureté du régime.
07:31Il a beau être se moderniser,
07:32il reste évidemment par bien des aspects aveugles
07:35ou compliqués.
07:37C'est ce que, vous l'avez dit,
07:38subit votre père.
07:39Donc, c'est des souvenirs qui remontent.
07:41Vous l'aviez d'ailleurs un peu raconté
07:43dans un très joli livre, Manu au musée,
07:45parce que là, vous aviez évoqué déjà
07:46la figure de ce père.
07:48Ça se rapproche de votre histoire.
07:50Ça, c'est évidemment…
07:51Oui, bien sûr.
07:52Bien sûr, ça s'en rapproche.
07:53Et moi, c'est ça qui m'intéresse aussi.
07:55C'est de créer…
07:56Je crois que le roman,
07:57c'est l'art de la confusion.
07:59Et c'est un art dans lequel
08:01on n'a pas à avoir un rapport autoritaire
08:03à la vérité.
08:03Il ne s'agit pas de dire
08:04c'est comme ça que ça s'est passé.
08:06On n'est pas dans un tribunal,
08:07ça n'est pas un procès.
08:09Et j'aime justement pouvoir jouer
08:11avec cette confusion
08:12et pouvoir induire presque le lecteur en erreur.
08:15Mia, c'est une sorte d'avatar.
08:18C'est une version de moi-même.
08:19C'est une femme que j'aurais pu être,
08:21que j'ai peut-être été.
08:23Et elle regarde le monde,
08:25parfois, avec mes yeux.
08:27Et j'ai aimé essayer
08:28de comprendre mon histoire
08:30à travers ce biais.
08:31Mehdi ressemble beaucoup à mon père.
08:33Il n'est pas pour autant mon père,
08:35mais il est mon père
08:37tel que je peux l'imaginer aujourd'hui
08:39et tel que je peux le construire aujourd'hui.
08:41Il est celui avec qui
08:42je poursuis ma conversation.
08:44Et effectivement,
08:45il incarne ces hommes et ces femmes
08:47qui ont été victimes
08:49dans ces années-là
08:49de l'arbitraire,
08:51d'un régime qui pouvait décider
08:53du jour au lendemain
08:54que vous ne serviez plus à rien
08:56et que vous étiez totalement marginalisés,
08:59alors même que,
09:00quelques semaines avant,
09:01vous étiez en grâce
09:02et que vous étiez tout puissant.
09:03Alors, évidemment,
09:06ce médie est tout à fait touchant,
09:07c'est vrai.
09:09On s'attache énormément à lui.
09:11Et c'est ce que je disais tout à l'heure.
09:13Il me semble que ce livre
09:14est vraiment d'abord
09:16l'histoire de ces femmes.
09:17Mathilde, Laïcha, Mia, Inès aussi.
09:20Ça, c'est très fort
09:21et ça rejoint, bien sûr,
09:22votre combat pour les femmes
09:23et notamment les femmes marocaines,
09:24mais les femmes en général.
09:27Au fond, l'émancipation,
09:28elle est passée par elle.
09:29Même la vôtre,
09:30même celle de votre mère.
09:33Elles sont courageuses, ces femmes.
09:34Absolument.
09:35Elle est passée par elle
09:36et j'allais dire d'autant plus
09:37que ces femmes,
09:37elles sont dans l'incarnation.
09:39L'indépendance ou la liberté,
09:41elles l'incarnent.
09:42C'est pour ça que je vous parlais
09:44tout à l'heure de théorie.
09:45Les hommes, dans ma famille,
09:47dans mon entourage,
09:48avaient tendance à faire
09:48beaucoup de grands discours.
09:50Ils étaient souvent très idéalistes,
09:52parfois même un peu romantiques,
09:54mais dans les actes,
09:56ce n'était pas toujours ça.
09:57Ils n'arrivaient pas toujours
09:58à appliquer ce qu'ils disaient,
10:00ce qui faisait qu'on pouvait parfois
10:02être un peu déçues
10:03ou un peu étonnées
10:05par leurs contradictions.
10:06Les femmes étaient très différentes.
10:08Elles avaient beaucoup moins
10:08de grandes théories,
10:11mais dans leur vie,
10:12elles étaient souvent
10:13assez exemplaires.
10:14Et cette liberté,
10:15elle la vivait
10:16et elles en payaient le prix.
10:17C'est-à-dire qu'un personnage
10:18comme Selma,
10:19qui est inspirée
10:20d'une femme de ma famille,
10:22c'est une femme
10:23qui a vécu libre toute sa vie,
10:24qui a divorcé,
10:25qui a eu les mœurs
10:26qu'elle a eues,
10:27c'est-à-dire des mœurs libérées
10:28et parfois très mal vues
10:30par la société marocaine.
10:31Elle en a payé le prix,
10:32mais elle était là,
10:33on la voyait.
10:33On la voyait vivre,
10:34danser, rire.
10:36Elle ne cachait pas ses peines,
10:38elle ne cachait pas ses douleurs.
10:39Donc les femmes, pour moi,
10:41ont été vraiment
10:41des modèles extraordinaires
10:43et puis des objets
10:44de fascination
10:45et de curiosité aussi.
10:47Alors bien sûr,
10:48Mia et d'ailleurs Inès
10:49vont partir pour Paris,
10:52faire leurs études.
10:53Mia va faire HEC.
10:55Est-ce que c'est une évidence ?
10:56Enfin, est-ce qu'il y a forcément,
10:58et c'est sans doute
10:58ce que vous avez vécu,
10:59puisque vous êtes partie,
11:00vous êtes devenue journaliste
11:01en France,
11:03il faut se dégager
11:04à un moment
11:04de la société marocaine
11:05si on veut ?
11:07En tout cas,
11:07dans ce milieu,
11:08dans le milieu
11:08dans lequel j'ai grandi,
11:10c'est quelque chose
11:10qui est presque écrit.
11:12C'est destiné comme ça,
11:14à 18 ans,
11:15surtout à l'époque
11:16où moi j'ai grandi,
11:17où il y avait
11:18beaucoup moins qu'aujourd'hui
11:19des universités marocaines
11:20de qualité.
11:21Aujourd'hui,
11:21il y en a
11:22où on peut vraiment
11:22faire de très bonnes études,
11:24notamment dans les matières
11:25scientifiques.
11:26Mais en tout cas,
11:27pour moi,
11:27ce que je voulais faire,
11:28c'était beaucoup moins impossible.
11:30Donc on savait
11:30qu'à 17 ans,
11:31on allait prendre un avion
11:32et qu'il allait falloir
11:33partir et étudier.
11:35Et puis,
11:35la place des études
11:36dans la société marocaine,
11:38c'est quelque chose
11:39de très très important.
11:40La place qu'on donne
11:41à l'enseignement,
11:42à la capacité qu'a l'enseignement
11:43à vous élever socialement,
11:45à vous émanciper.
11:46Donc les parents
11:47investissent énormément
11:48d'énergie et d'argent
11:49aussi d'ailleurs
11:50dans l'enseignement
11:51pour leurs enfants.
11:52Et donc nous sommes partis
11:54sans poser de questions,
11:55sans nous interroger
11:56sur le pourquoi du comment.
11:57C'était comme ça.
11:57Quitte à être seule quand même.
11:59Quitte à être très seule.
12:00À être très seule, bien sûr.
12:02Et à arriver dans un pays
12:03avec lequel on a
12:04un rapport très étrange.
12:05Puisque moi,
12:06je suis née française,
12:08ma grand-mère était française,
12:09j'ai toujours parlé français,
12:10j'étais à l'école française.
12:11Je savais tout de cette culture.
12:13Enfin tout,
12:13je savais beaucoup de choses,
12:14j'avais appris énormément de choses.
12:15Mais c'était une identité
12:16qui ne m'était pas
12:18pour autant intime,
12:19qui n'était pas charnelle.
12:20C'était une identité apprise.
12:22Et la France,
12:22c'était pour moi
12:23un pays très fictionnel.
12:25La France,
12:25je la connaissais par les romans,
12:27je la connaissais par les films.
12:28Et c'est très, très différent
12:29une fois qu'on arrive
12:31dans le pays
12:32et qu'on découvre
12:32d'autres réalités
12:34et qu'on découvre aussi
12:35la solitude.
12:36Dans une ville comme Paris,
12:37qui est une ville
12:37où il est très difficile
12:38de se faire une place
12:40et de se faire des amis
12:41dans les premières années.
12:42Mais est-ce qu'on ne découvre pas aussi,
12:44et c'est le cas de Mia,
12:46son arabité
12:48ou en tout cas son identité ?
12:49C'est peut-être là
12:50qu'on se rend compte
12:51qu'on est arabe.
12:53Bien sûr.
12:53On voit que Mia,
12:54elle ne parle pas l'arabe,
12:55c'est ce que vous nous dites.
12:56Donc elle a été effectivement
12:57élevée dans la culture française.
13:00Mais peut-être qu'elle se rend compte
13:01en étant en France
13:02qu'elle est aussi musulmane
13:04ou arabe.
13:05Bien sûr,
13:05elle se rend compte
13:06qu'elle est arabe,
13:06elle se rend compte
13:07qu'elle est musulmane
13:07et surtout,
13:08elle se rend compte
13:08de ce que ça veut dire
13:10en France d'être arabe
13:11et d'être musulman.
13:12Elle se rend compte
13:13que ça n'est pas forcément
13:14quelque chose
13:14de très positif.
13:16Elle découvre
13:17tous les préjugés aussi
13:18qui sont accolés
13:19à l'identité arabe.
13:21On se situe
13:21au milieu des années 90.
13:23Donc il faut se souvenir,
13:24c'est l'affaire Omar Haddad.
13:271995,
13:28c'est ce jeune Marocain
13:28qui est jeté dans la salle
13:29le 1er mai.
13:30Il y a un ostracisme.
13:31Voilà,
13:31il y a l'affaire du voile
13:33pas longtemps avant.
13:35Donc c'est quand même
13:35une période
13:36qui est très particulière.
13:37À la télévision,
13:38vous avez des humoristes
13:39qui font beaucoup de blagues
13:40sur les Arabes.
13:41Les Arabes sont des voleurs.
13:42Les Arabes sont ceux-ci,
13:44sont ceux-là.
13:44Donc c'est une période
13:45où les gens,
13:46de manière assez décomplexée,
13:48ont quand même
13:49des propos assez offensants
13:50sur les Arabes,
13:52les Maghrébins,
13:53les beurres.
13:53Et elle va découvrir
13:54tout ce monde-là,
13:55toute cette culture-là
13:57qu'elle ne connaît pas du tout.
13:58Et puis elle va découvrir aussi
13:59d'ailleurs d'autres Maghrébins.
14:00C'est à Paris
14:01qu'elle va se faire
14:02pour la première fois
14:03d'autres amis arabes,
14:04notamment une jeune femme algérienne.
14:06Et ça, c'est une réalité.
14:07C'est souvent à Paris
14:08qu'on rencontre
14:10les autres Maghrébins
14:11qu'on ne rencontre pas
14:12dans nos pays
14:13qui malheureusement
14:13communiquent peu entre eux.
14:15Et c'est souvent à Paris
14:16qu'on découvre aussi
14:17cette identité maghrébine
14:18très forte.
14:19Vous-même,
14:20vous n'avez pas
14:20de mauvais souvenirs
14:21de cette arrivée à Paris.
14:22Enfin, on comprend
14:22que ça peut être difficile,
14:23bien sûr,
14:24mais que quand même
14:25il y a eu cette ouverture,
14:27cette capacité, bien sûr,
14:28à écrire,
14:28puisque vous avez exercé
14:30votre métier
14:31et puis vous vous êtes mis
14:32à devenir romancière.
14:34Donc c'était peut-être
14:35mélangé,
14:35cette impression,
14:36à la fois la solitude
14:37et en même temps
14:38toute une opportunité formule.
14:40Bien sûr,
14:41et puis c'est une ville
14:42qui est tellement grande
14:42et qui est tellement riche,
14:44tellement diverse.
14:45On n'est pas obligé
14:46non plus de s'enfermer
14:47dans...
14:48Voilà,
14:49si un groupe vous rejette,
14:50eh bien il y en a
14:50beaucoup d'autres
14:51qui peuvent vous accueillir.
14:53Et moi,
14:53j'étais une jeune femme
14:54pleine de rêves
14:56et très optimiste,
14:57très idéaliste.
14:59Donc quand il y en avait
15:00à qui je ne plaisais pas,
15:01j'allais voir d'autres
15:02et je trouve que Paris
15:03est malgré tout
15:04une ville
15:04qui est pleine d'opportunités
15:05et puis qui est une ville
15:06très multiculturelle,
15:07très cosmopolite
15:08où vous pouvez vous faire
15:09des amis
15:10de toutes les nationalités,
15:11de toutes les langues
15:13et moi,
15:13c'est ce que j'ai réussi
15:14à faire
15:15et c'était merveilleux.
15:16Alors,
15:16elle revient
15:17au moment où son père
15:19est emprisonné,
15:22elle sent qu'il y a un appel
15:23et qu'il faut qu'elle revienne
15:24dans la famille.
15:24Enfin,
15:25j'imagine qu'il y a toujours
15:26cet attachement
15:27et c'est ce que vous,
15:28vous avez ressenti aussi
15:30Léla Slimani
15:31en étant...
15:31Oui,
15:31absolument.
15:32Moi,
15:32le choix qui s'est offert à moi
15:34quand mon père est mort,
15:35j'avais deux choix.
15:35Soit de tourner totalement
15:36le doigt à mon pays,
15:38de m'enfermer
15:38dans le ressentiment,
15:40peut-être même
15:40dans la haine,
15:41dans la vengeance
15:42en disant
15:43je ne veux plus rien
15:43avoir à faire
15:44avec ce pays
15:45ou alors,
15:46et c'est ce qui s'est passé,
15:47au contraire,
15:49peut-être même
15:49par fidélité à mon père
15:51qui avait consacré
15:51sa vie entière
15:52à ce pays,
15:53essayer de le comprendre
15:55encore mieux,
15:56de le connaître
15:56encore mieux,
15:57essayer de tout faire
15:58pour me réconcilier
15:59avec lui,
16:00pour que les liens
16:01ne se distantent pas
16:02avec ce pays
16:03parce que je considère aussi
16:04que si mon père a été victime
16:05du pouvoir de l'époque,
16:07il n'a pas pour autant
16:08été victime
16:09des gens,
16:09du peuple,
16:10des Marocains
16:11dont il a toujours été
16:13amoureux,
16:14dont il a toujours été
16:15très fier
16:16de cette culture-là
16:17et quand il a été
16:18incarcéré,
16:20ça a aussi été pour nous
16:21l'occasion
16:21de découvrir
16:22un pan
16:23de la société marocaine
16:24qu'on ne connaissait pas
16:25du tout
16:25parce qu'on vivait
16:26dans une bulle,
16:27on était tenus
16:27très à l'écart
16:28et mon père s'est rendu
16:30compte aussi
16:30de la terrible souffrance
16:33de beaucoup
16:33beaucoup de Marocains,
16:34de la difficulté
16:35de ces gens
16:36très très pauvres
16:37qui se retrouvaient
16:37en prison
16:38pour des raisons
16:38parfois totalement
16:40ridicules,
16:40inexplicables,
16:41kafkaïennes
16:42et moi au contraire,
16:44je me suis dit
16:44j'ai envie de m'engager,
16:45j'ai envie de me rapprocher
16:46des gens,
16:46j'ai envie d'être utile
16:47à ce pays
16:48et je crois que ça aurait
16:50vraiment été terrible
16:52dans ma vie
16:52de tourner le dos
16:53à ce pays
16:53que j'aime énormément.
16:55Oui,
16:55donc ça veut dire
16:55qu'il y a de la famille
16:56encore de vieillages
16:57Mes amis,
16:59ma famille.
16:59Vous avez choisi
17:00de vivre en Europe
17:01mais...
17:02Absolument,
17:02j'habite au Portugal
17:03donc j'habite
17:04entre mes deux pays
17:05et c'est parfait.
17:06Un cosmopolitisme
17:07merveilleux.
17:09Il y a une grande défense
17:10de la tolérance
17:12évidemment dans ce livre
17:13puisque Mia
17:14se révèle homosexuelle,
17:16elle le dit
17:17et vous d'ailleurs
17:19vous en parlez
17:20avec beaucoup
17:20de sensualité
17:21parce qu'il y a
17:22une écriture
17:23vraiment sensuelle
17:24on va en reparler
17:24et d'ailleurs
17:26à la fin
17:27vous écrivez
17:28vous lancez
17:29une sorte d'appel
17:30à tous ceux
17:31je le cite
17:31qui doivent vivre
17:32leur sexualité
17:32en cachette
17:33que votre feu
17:34brûle en moi
17:35pour toujours
17:35et là on retrouve
17:36évidemment le titre
17:37dont on parlait
17:38tout à l'heure
17:39on imagine évidemment
17:42qu'au Maroc
17:42par exemple
17:43il y a encore
17:43des difficultés
17:44à accepter
17:45cette différence
17:45oui et puis
17:47c'est surtout
17:47que c'est puni pénalement
17:49aujourd'hui
17:50il y a plus de 3000
17:51homosexuels
17:52qui sont incarcérés
17:53au Maroc
17:55et puis c'est un outil
17:56de vengeance
17:56souvent
17:57c'est à dire
17:58qu'une personne
17:58qui vous déplait
17:59dont vous savez
17:59qu'il est homosexuel
18:00c'est des gens
18:01qui sont dénoncés
18:02par leurs voisins
18:02qui sont dénoncés
18:03par le concierge
18:04et donc vous êtes
18:06toujours menacés
18:07d'une possible vengeance
18:09par des gens
18:10à qui vous auriez
18:11déplu
18:11pour une raison
18:12ou pour une autre
18:13et moi c'est vrai
18:14qu'en tant que femme
18:15parce que la sexualité
18:16féminine elle aussi
18:17est impossible
18:19hors du mariage
18:20puisque la sexualité
18:21hors mariage
18:21est interdite
18:22au Maroc
18:23donc pour les femmes
18:24qui font le choix
18:24d'une vie
18:25qui soit libre
18:26et ça a été mon cas
18:28j'ai toujours été
18:28très proche aussi
18:30de la communauté
18:30homosexuelle
18:31parce qu'en réalité
18:32c'était des hommes
18:33et des femmes
18:34qui partageaient
18:34la même chose
18:35que nous
18:36femmes hétérosexuelles
18:37une sexualité
18:38qui était interdite
18:38et il y avait vraiment
18:39une vraie culture
18:41comme ça
18:42homosexuelle
18:42qui a été très très importante
18:44pour moi
18:44que ce soit dans la musique
18:46dans le cinéma
18:47soit les films
18:48d'Almodovar
18:49de cette époque
18:50soit la musique
18:50de Mylène Farmer
18:52enfin tous ces discours
18:53autour de cette culture queer
18:55elle a été pour moi
18:56très libératrice
18:57très émancipatrice
18:58pleine à la fois
18:59de mélancolie
19:00et de panache
19:01et je voulais aussi
19:02dans ce livre
19:03rendre hommage
19:04à cette communauté
19:05homosexuelle
19:05avec laquelle j'ai grandi
19:07et qui sont mes meilleurs amis
19:08et qui sont ceux
19:09voilà aussi
19:10qui m'ont donné
19:11du courage
19:12et qui m'ont donné
19:12le goût
19:13de la liberté
19:14c'est une façon aussi
19:15d'aider
19:15vos compatriotes
19:17qui sont là-bas
19:18vous avez conscience
19:20pour nous
19:20vous êtes un écrivain
19:21très important
19:22en plus on vous a
19:23confié une mission
19:24sur la langue française
19:24vous êtes une figure
19:26je le rappelais
19:28prix Goncourt
19:29c'est une chose importante
19:30dans notre littérature
19:31mais pour les marocaines
19:33ou les marocains
19:33vous avez conscience
19:34du rôle
19:35même peut-être
19:35de la responsabilité
19:36que vous pouvez avoir
19:37par rapport à ces combats-là
19:38ah oui absolument
19:39j'en avais pas totalement
19:41conscience au début
19:42et j'en ai pris
19:44ensuite conscience
19:44et ça m'oblige
19:45ça m'oblige d'autant plus
19:46que je rencontre
19:47énormément de jeunes
19:49de jeunes femmes
19:49qui m'envoient maintenant
19:51des manuscrits
19:51des filles qui me disent
19:52moi j'étais au lycée
19:53quand vous avez eu
19:54le prix Goncourt
19:55et qui me disent
19:55vous avez explosé
19:56le plafond de verre
19:57pour nous
19:57on a l'impression
19:58qu'on peut y arriver
20:00qu'on peut le faire
20:01et je crois que c'est
20:02le plus beau cadeau
20:03que la vie met offert
20:04c'est d'avoir pu ouvrir
20:05une porte
20:06en tout cas l'entrebailler
20:07pour que d'autres femmes
20:08puissent venir derrière moi
20:10et vivre leurs rêves
20:12et écrire
20:12et s'exprimer
20:13et se sentir libre
20:14et se dire que la liberté
20:15on n'est pas obligé
20:16de la payer
20:17au prix de l'humiliation
20:19ou de la marginalité
20:21que la liberté
20:22on peut aussi la vivre
20:22de manière tout à fait
20:24paisible
20:25et tout à fait heureuse
20:26et puis je vois aussi
20:27justement beaucoup
20:27de jeunes femmes
20:28et de jeunes hommes
20:29homosexuels
20:30qui viennent me voir
20:30dans les rencontres
20:31qui me disent aussi
20:32que mes récits
20:33les aides
20:34et les portes
20:35et j'en suis très très très heureuse
20:36le cadeau de votre vie
20:37c'est aussi bien sûr
20:38la découverte de l'écriture
20:39on imagine
20:40c'est ça
20:40avant tout peut-être
20:41et ça a évolué
20:43avec le temps
20:44comment vous vous voyez
20:45j'ai à dire
20:47comment vous voyez
20:48cette écriture évoluer
20:49moi j'ai le sentiment
20:51notamment dans ce dernier livre
20:52que
20:53ce qui m'a frappée
20:54c'est la précision
20:55et la densité
20:57des personnages
20:57je les trouve particulièrement
20:59évocateurs
20:59évocateurs
21:00comment vous vous voyez
21:02faire évoluer
21:04cette écriture
21:05il y a aussi énormément
21:07de sensualité
21:07mais ça c'est depuis le début
21:08j'allais dire
21:09mais
21:09disons que j'ai l'impression
21:11que je travaille
21:12de plus en plus
21:13et que j'arrive
21:14à aller de plus en plus
21:15profondément
21:16dans le travail
21:17justement
21:17à créer des personnages
21:20qui soient
21:20là ils sont vraiment
21:21ciselés
21:22on les voit
21:23on les visualise
21:24oui je crois
21:25que ce qu'on apprend
21:26avec le temps
21:27en réalité
21:29un écrivain
21:29c'est un petit peu
21:30comme un athlète
21:31c'est à dire
21:31au début
21:31on court 10 km
21:32puis ensuite
21:33on en court 30
21:34j'ai l'impression
21:35aujourd'hui
21:35d'avoir un peu plus
21:36de souffle
21:37de pouvoir tenir
21:38sur des distances
21:39beaucoup plus longues
21:41et c'est ça
21:42qui me plaît
21:42même si
21:43je me dis aussi
21:44qu'il faut constamment
21:45se renouveler
21:47se réinterroger
21:48essayer de regarder
21:49les choses
21:50autrement
21:51par un autre angle
21:52donc là
21:53j'ai aussi envie
21:53d'aller vers d'autres sujets
21:55vers d'autres manières
21:56d'écrire
21:57voilà j'ai envie
21:58de me surprendre
21:59parce que je crois
21:59que la surprise
22:00quand on est un artiste
22:01c'est très très important
22:02de ne pas s'enfermer
22:03dans les mêmes thèmes
22:06ou dans les mêmes logiques
22:07j'ai envie que ce soit difficile
22:08j'ai envie d'avoir
22:09la possibilité d'échouer
22:10parce que c'est là
22:11que c'est intéressant
22:12et bien sûr
22:12d'aller retronner
22:13à la fiction complète
22:14bien sûr
22:15moi j'aime toujours la fiction
22:16oui
22:16et vous êtes à l'écriture
22:18en ce moment
22:18pas encore
22:19même si je commence
22:20à travailler sur le théâtre
22:22là j'ai envie
22:22d'avoir un projet
22:23dans le théâtre
22:24votre chanson nous
22:26a déjà été
22:26absolument
22:27mais l'écriture
22:29de la cérémonie
22:30des Jeux Olympiques
22:30m'a donné beaucoup
22:31envie aussi
22:32d'aller vers le spectacle
22:33je me suis rendu compte
22:34de la beauté
22:35du travail collectif
22:36de la beauté
22:36du spectacle vivant
22:38et puis de son importance
22:39politique aussi
22:40à quel point
22:41finalement
22:42le spectacle vivant
22:43est aussi un moment
22:44de joie collective
22:45de réflexion collective
22:47et qu'on peut
22:49construire aussi
22:50une sorte de récit commun
22:52à travers ce spectacle vivant
22:54donc j'ai beaucoup
22:55envie d'aller travailler
22:56avec d'autres
22:57parce que la solitude
22:58du romancé
22:59c'est aussi une solitude
23:00qui peut être un peu difficile
23:01donc j'ai envie
23:02de m'accorder
23:03une petite parenthèse
23:04un peu plus animée
23:06avec un ou un metteur en scène
23:07ou une metteur en scène
23:08évidemment ce sera
23:09très prolifique
23:10et puis c'est la force
23:12des mots
23:13je crois que vous avez
23:14parlé de Salmane Rushdie
23:15qui a écrit un très beau livre
23:17d'ailleurs après
23:18une nouvelle
23:19tentative d'assassinat
23:20et puis il y a bien sûr
23:21Boilem Sansal
23:22dont on ne sait pas
23:23quel sort lui sera réservé
23:26condamné à 5 ans
23:27de prison
23:27il y a quand même
23:31dans certains pays
23:32une impossibilité
23:34d'écrire exactement
23:34ce que l'on veut
23:35bien sûr
23:36dans énormément de pays
23:37et dès qu'un écrivain
23:39est en prison
23:39nous sommes tous en prison
23:40nous sommes tous
23:41écrivains solidaires
23:42de Boilem
23:44et de tous ceux
23:45qui sont incarcérés
23:46et ça n'est pas simplement
23:47que parfois certains
23:49ne sont pas en prison
23:50mais sont comme vous le disiez
23:51empêchés d'écrire
23:52poussés à une forme
23:54d'autocensure
23:55empêchés de se mettre
23:57enfin d'aborder tel sujet
23:58empêchés de se mettre
24:01dans la tête
24:01de son opposant
24:03de son ennemi
24:03de celui qui est différent
24:05et quand on regarde
24:06aujourd'hui
24:06qu'aux Etats-Unis
24:076 000 livres
24:08maintenant sont bannis
24:10des bibliothèques scolaires
24:11de certaines bibliothèques
24:12municipales
24:13mais on parle
24:14de Tony Morrison
24:14on parle de James Baldwin
24:16on parle de
24:16Ne tirer pas sur l'oiseau
24:17moqueur
24:18de Steinbeck
24:18ce sont des livres
24:19auxquels beaucoup
24:20beaucoup d'enfants
24:21et de jeunes
24:22n'auront plus accès
24:23dans les mois qui viennent
24:24dans des états
24:25comme le Tennessee
24:25ou la Floride
24:27parce que ce sont des livres
24:28qui parlent de l'autre
24:29l'autre qu'on veut nier
24:31l'autre qu'on veut discriminer
24:32dont on veut écraser le corps
24:35dont on veut écraser
24:36la dignité
24:37donc je crois que
24:38c'est pour ça
24:39que c'est très très important
24:40de continuer à se battre
24:42avec acharnement
24:43pour la voix des écrivains
24:44parce que cette voix
24:45c'est la nôtre
24:46c'est parce que nous sommes
24:47tous l'autre de quelqu'un
24:48et que l'écrivain
24:49c'est celui
24:49qui nous fait
24:50nous rappeler ça
24:51qui nous fait nous souvenir
24:53que l'empathie est possible
24:54qu'on peut avoir
24:55même vis-à-vis de celui
24:56qui ne pense pas comme nous
24:57qui est peut-être même
24:58notre ennemi
24:58qui est peut-être même
24:59de l'autre côté
25:00de la frontière
25:00alors qu'il y a une guerre
25:02et bien que celui-là
25:03malgré tout
25:03fait partie de la communauté
25:05des hommes
25:05et que nous avons
25:06quelque chose
25:07en partage avec lui
25:08et c'est pour ça
25:09qu'enfermer un écrivain
25:10c'est si grave
25:11parce que c'est porté
25:11à cette humanité commune
25:13On a des espoirs
25:15pour Aboualem Sansal
25:16selon vous ?
25:17Oui je crois
25:18et je crois que là
25:19il y a un petit dégel
25:21qui est en train de
25:22On le souhaite
25:22entre les pays du Maghreb
25:23et la France
25:24et je crois que le président
25:26est très très très engagé
25:28pour faire absolument
25:28tout ce qui est
25:30en ses moyens
25:31pour le libérer
25:32donc j'espère que ça
25:33arrivera très vite
25:34Oui mais on peut regretter
25:34c'est vrai que
25:35entre le Maghreb
25:37Maroc et Algérie
25:38et la France
25:38les choses ne se soient
25:39pas améliorées
25:40même détériorées
25:41et ça nous rend triste
25:42tout de même
25:43Bien sûr que ça nous rend triste
25:44d'autant
25:44et c'est ce que j'ai essayé
25:45de montrer dans cette trilogie
25:47moi c'est vraiment
25:47la conclusion que j'ai tirée
25:49à la fin
25:49c'est que nos destins
25:50sont liés
25:51de manière irréversible
25:52vous ne pouvez pas imaginer
25:54je vais dans toutes
25:54les villes de France
25:55et il n'y a pas une ville
25:56où à la fin d'une rencontre
25:58pratiquement la moitié
25:59de l'auditoire
26:00ne dit pas
26:00alors ça peut être
26:01des personnes âgées
26:02qui disent
26:02je suis née à Meknes
26:03dans les années 40
26:05des gens dont les enfants
26:06sont mariés
26:07avec un Marocain
26:08ou une Marocaine
26:08ou des gens
26:09tout le monde
26:10a aujourd'hui
26:11ou vraiment
26:11beaucoup beaucoup de monde
26:12ont un rapport
26:13d'une manière
26:13ou d'une autre
26:14avec un pays du Maghreb
26:15et ça
26:16cette histoire là
26:17on doit en faire
26:18une richesse
26:19on doit en faire
26:20une force
26:21et on ne doit surtout pas
26:22détourner le regard
26:23et faire comme si
26:23ça n'existait pas
26:24parce que ça va nourrir
26:26des dissensions
26:27qui vont être terribles
26:28pour les deux parties
26:29évidemment
26:30et vos livres
26:31évidemment
26:31qui permettent
26:33de ces rapprochements
26:34et cette symbiose
26:36entre toutes nos cultures
26:37ça s'appelle
26:37J'emporterai le feu
26:38c'est le troisième volet
26:39de cette très belle trilogie
26:40marocaine
26:41merci infiniment
26:42Léa Slimani
26:43d'être venue nous voir
26:44ça nous a fait très plaisir
26:45de vous recevoir
26:45dans Au bonheur des livres
26:46quelques coups de cœur
26:47pour terminer
26:48d'abord Joséphine Becker
26:49de Jacques Pessis
26:50Sachez Folio
26:51c'est une biographie rééditée
26:52à l'occasion des 50 ans
26:53de la disparition
26:54de l'artiste
26:55et puis Bonampak
26:57de Laetitia Bianchi
26:58alors là
26:59on salue
27:00une petite maison
27:01enfin petite maison
27:01les éditions verticales
27:02mais je crois que c'est important
27:03elles sont très inventives
27:06ces petites maisons
27:06c'est une autrice
27:07franco-mexicaine
27:08à découvrir
27:09et puis pour ma part
27:10j'aime bien ce livre
27:11de Catherine Cusset
27:12qui nous parle
27:14de Marcel Proust
27:15mais de son rapport
27:16à elle
27:16avec Marcel Proust
27:17et nous rend finalement
27:18cet auteur
27:19avec son asthme
27:21ses difficultés
27:22avec les éditeurs
27:23puisqu'il n'est pas édité
27:24tout de suite
27:24Gallimard le refuse
27:25il nous rend
27:26très proche de nous
27:27et très humain
27:28voilà Catherine Cusset
27:29merci beaucoup
27:30merci à tous
27:31de nous avoir suivis
27:32vous pouvez regarder
27:33bien sûr cette émission
27:33en replay
27:34sur le site
27:35du Public Sénat
27:36Au bonheur des livres
27:37et puis nous nous retrouvons
27:38très vite
27:38pour une nouvelle émission littéraire
27:40à vite
27:40C'était Au bonheur des livres
28:01avec le Centre National du Livre

Recommandations