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Dans les années 20, Joséphine Baker, jeune danseuse de music-hall noire américaine, laisse derrière elle l'Amérique ségrégationniste pour devenir une star internationale à Paris. Durant les années folles, sa "danse sauvage" bouscule les lignes d'une Europe vieillissante. Mais au fil des ans, à chacun de ses retours dans le pays de son enfance, Joséphine rencontre racisme et ségrégation. Ce film raconte l'histoire de son éveil politique. Année de Production :

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Transcription
00:00Sous-titrage MFP.
00:30Les Parisiens n'avaient jamais vu ça.
00:33Ce n'était ni du ballet, ni du burlesque, ni une danse tribale.
00:39C'était l'esprit du temps.
00:42Le rire, le désir, la liberté.
00:47Face à ce public blanc, Joséphine jouait sa vie.
01:01Car au-delà du visible, il y a ce qui remue sous la peau.
01:07Les souffrances de l'enfance, la douleur lancinante de la ségrégation.
01:13Le sort des siens de l'autre côté de l'océan.
01:31Ce fardeau, Joséphine devra attendre 40 ans avant de le déposer.
01:41Ni plumes, ni strass, ni paillettes.
01:44C'est en combattant ce qu'elle honore cet incroyable moment
01:47où son peuple rassemblé se libère.
02:01De sa célébrité, elle avait fait une arme contre l'injustice.
02:07Voici l'histoire de la première star noire au monde.
02:31Dansez pour vivre.
02:33Dansez pour oublier l'hiver si rude du Missouri.
02:40Des pas qui viennent du temps de l'esclavage.
02:43Des pas qui accompagneront Joséphine pour la vie.
02:47Des pas qui viennent du temps de l'esclavage.
02:51Des pas qui accompagneront Joséphine pour la vie.
02:55Des pas qui viennent du temps de l'esclavage.
02:58Des pas qui accompagneront Joséphine pour la vie.
03:04Joséphine a 7 ans quand sa mère l'envoie travailler chez les Blancs.
03:09Une succession de patronnes dont aucune ne la traite comme un être humain.
03:17Joséphine encaisse.
03:19Serre les dents.
03:21Jusqu'à ce jour que jamais elle n'oubliera.
03:25J'avais trop laissé bouillir l'eau de la vaisselle et les assiettes s'étaient cassées.
03:30Madame se mit dans une colère telle qu'elle me prit les mains et les plongea dans l'eau bouillante.
03:35Je hurlais.
03:38Je suppliais Dieu.
03:40Fais-moi mourir je t'en prie.
03:43Je suis trop malheureuse sur terre.
03:55Fuir pour survivre.
03:58Joséphine n'a que 13 ans lorsqu'elle quitte définitivement Saint-Louis avec une troupe de théâtre noir itinérante.
04:05Sa mère déclare, si elle a choisi sa vie, laissons-la faire.
04:13Joséphine Baker a eu une enfance très dure à Saint-Louis, dans le Missouri.
04:18Pendant la guerre de sécession, Saint-Louis avait été du bon côté.
04:22C'était une ville de l'union.
04:25Mais ça restait un lieu dur pour les Noirs, avec une très forte ségrégation.
04:31C'était un environnement très pauvre.
04:34Il y avait bien sûr les beauges d'une classe moyenne noire, mais Baker n'en faisait pas partie.
04:40Et elle a subi beaucoup de tragédies, d'abus.
04:44Elle s'est mariée très jeune, deux fois.
04:47Alors elle était prête à prendre beaucoup plus de risques que d'autres.
04:50Joséphine vise le ciel.
04:53Et le chemin qui y mène passe par New York.
04:57La ville du musical s'ouvre timidement à l'Amérique noire.
05:01Plus curieux que d'autres, quelques blancs s'encanaillent, le soir, dans des cabarets de Harlem.
05:07Joséphine sait que c'est par ce public qu'il faut se faire remarquer.
05:12Soucieux de retenir cette nouvelle clientèle, les producteurs noirs n'engagent que des filles à la place.
05:18Trop petite, trop maigre, trop foncée, Joséphine ne fait pas l'affaire.
05:25Qu'à cela ne tienne, elle se fait embaucher comme costumière.
05:29Quelques semaines plus tard, elle est sur scène.
05:33Pour attirer les regards, Joséphine redevient l'enfant espiègle de Saint-Louis.
05:38Elle roule des yeux, gesticule, fait des grimaces.
05:42Les spectateurs s'esclaffent.
05:44S'ils reviennent chaque soir, c'est pour elle.
05:50Un soir, une femme blanche m'a attendue après le spectacle.
05:54Elle était productrice, et elle montait un spectacle noir à Paris.
05:59Et elle voulait m'embaucher.
06:04Joséphine sait que c'est la chance de sa vie.
06:07Elle embarque.
06:09Le jour du départ, je n'ai rien vu.
06:12Je suis restée toute la journée enfermée dans ma cabine.
06:15J'avais tellement peur.
06:17Peur de la mer, peur de l'Europe, peur de l'inconnu.
06:23Sydney Béchette m'a glissée à l'oreille.
06:26N'aie pas peur, tu verras.
06:29Les Parisiens ne font pas attention à notre couleur.
06:33Et il avait raison.
06:35Dès l'arrivée, j'ai été stupéfaite d'être traitée comme une égale par les Blancs.
06:39Et de pouvoir me mélanger avec eux.
06:42Partout, on nous accueillait avec le sourire.
06:45Mais alors, c'est vraiment ça, la liberté ?
06:51Joséphine est immédiatement conquise par Paris.
06:54Ses rues étroites, ses terrasses de café,
06:57ses voitures qui klaxonnent en permanence,
07:00ses amoureux qui s'embrassent.
07:03Pourtant, le rêve parisien de Joséphine est déjà sur le point de s'écrouler.
07:09Les promoteurs du spectacle sont dans l'angoisse.
07:12La revue nègre est trop américaine,
07:15trop rude, alors que le public attend la sauvagerie de l'Afrique.
07:20Il ne reste que trois jours pour trouver l'idée de la revue nègre.
07:24Et c'est là qu'elle se trouve.
07:27La revue nègre, c'est la revue de l'Afrique.
07:30Il ne reste que trois jours pour trouver l'idée de génie qui sauvera le spectacle.
07:35Tous les regards se tournent vers Joséphine.
07:39Dans la troupe, c'est la plus drôle, la plus sexy,
07:43et elle n'a pas froid aux yeux.
07:45C'est décidé, ce sera elle la vedette.
07:48Et l'un des numéros, elle le dansera saint nu.
07:52Ça, le public parisien ne risquera pas de l'oublier.
08:00Critiques, artistes, gens du monde, ils sont tous là.
08:08Pour Joséphine, c'est le moment de vérité.
08:11Si elle les séduit, la gloire est à sa portée.
08:16La revue nègre, c'est la revue de l'Afrique.
08:19Il ne reste que trois jours pour trouver l'idée de génie qui sauvera le spectacle.
08:24Et c'est là qu'elle se trouve.
08:26La gloire est à sa portée.
08:32Les lumières baissent.
08:34Elle s'élance.
08:42Éblouie par les projecteurs qui m'incendiaient,
08:44mue par je ne sais quel diable,
08:46j'improvisais,
08:47au hasard de la musique qui me subjuguait,
08:49rendue folle par le théâtre plein à craquer.
08:53J'avais la fièvre partout et jusque dans les dents et les yeux.
08:57Il me semblait que lorsque je bondissais, je sautais au ciel.
09:01Et quand je retombais à terre, elle m'appartenait toute entière.
09:06C'était une espèce d'ovni.
09:08Elle débarque et elle fait quelque chose qui n'est dans aucun dictionnaire, dans aucun code.
09:13Elle a quelque chose d'assez déjanté dans sa danse,
09:16la façon dont elle dansait son Charleston,
09:19la façon dont elle sentiment que son corps vivant en dehors d'elle,
09:23avec ses jambes qui s'entrecroisaient, etc.,
09:26et ses yeux qui allaient se cogner comme des billets de loto et repartir dans l'autre sens.
09:30Ça venait d'ailleurs.
09:40Alternativement clown ou séductrice,
09:44indigène ou américaine,
09:46Joséphine fait l'effet d'une bombe.
09:50Elle invente un style jamais vu auparavant,
09:53répondant à tous les fantasmes,
09:55transcendant toutes les attentes.
10:01C'est un triomphe sans précédent.
10:04Tout de suite, des camps se forment.
10:06Pour les anciens, elle est un poison, un facteur de décadence.
10:10Pour les modernes, au contraire,
10:12Joséphine est l'héroïne du renouveau artistique dont l'Europe a besoin.
10:23Je collectionnais les coupures de presse.
10:25Elles étaient mes premières leçons de français.
10:29Elles apportent le souffle de la jungle,
10:31la force et la beauté élémentaires sur les scènes fatiguées de la civilisation.
10:36Mieux encore,
10:38c'est la Vénus noire qui entabote l'âme.
10:42Plus vulgaire,
10:44mais aussi plus cruelle.
10:47La revue nègre est un lamentable exhibitionnisme transatlantique
10:51qui nous fait remonter aux singes en moins de temps que nous n'avons mis à en descendre.
11:00Dans les cercles les plus conservateurs,
11:02le succès de la revue nègre dérange.
11:05Cette modernité noire américaine est subversive.
11:09Et il vaudrait mieux que le public français se contente de visiter l'exposition coloniale
11:13qui circule au même moment de ville en ville.
11:16Ici, au moins, chacun est à sa place.
11:19Les Noirs d'Afrique sont dans leur village reconstitué
11:22et les Blancs se promènent en territoire conquis.
11:25L'Empire français est là pour durer.
11:29Pour appuyer encore la démonstration,
11:31on fait ramasser à de jeunes Africains quasi nus
11:33des pièces de monnaie qu'on jette dans un bassin.
11:39Josephine est bien consciente d'incarner elle aussi la sauvage.
11:44Mais elle va inventer une manière bien à elle d'occuper cette place dérangeante.
11:49Elle va se nourrir des fantasmes, les digérer, les transfigurer.
11:54Autour de ses reins, les bananes, symboles racistes par excellence,
11:58se transforment en trophées phalliques qu'elle agite sous le nez des spectateurs ravis.
12:04Josephine, c'est le concentré de tous les fantasmes, positifs et négatifs,
12:10vers lequel l'arthr
12:33Je pense qu'à cette époque-là,
12:35tout bon bourgeois rêvait, s'il ne l'a pas fait,
12:38de connaître l'ivresse dans les bras d'une négresse.
12:41Et c'est cette fascination qui est à la fois malsaine et positive,
12:46positive dans le sens où je pense que les gens sont admiratifs de sa liberté,
12:51même s'ils ne l'appelleront pas comme ça, ceux qui la consomment sur scène.
12:56Et les autres sont heureux de voir qu'effectivement,
13:00le nègre est un animal un peu bizarre,
13:03qui fait des choses bizarres, qui se met tout nu, etc.
13:07Donc les baveux bavent, les intellectuels intellectualisent
13:11et le bon public s'amuse.
13:13Donc il y en a pour tous les goûts.
13:17Quant aux artistes, ils adorent cette danseuse
13:20qui scandalise les bien-pensants avec grâce et humour.
13:24Simenon devient son secrétaire et son amant,
13:27Poiret l'habille,
13:29Émingoué fréquente son nouveau cabaret,
13:32Colette lui écrit des lettres,
13:35Calder sculpte son corps,
13:37Van Dongen la dessine
13:39et Picasso l'appelle la Nefertiti de son époque.
13:44L'art africain était très populaire à cette époque.
13:47Les surréalistes l'appréciaient énormément.
13:50Pour eux, c'était l'incarnation d'un art
13:54qui était exempt des influences occidentales.
13:57Et les Noirs étaient les représentants de cela.
14:00C'est pour ça qu'il y a eu beaucoup d'influences occidentales
14:03dans les années 60.
14:05C'est pour ça qu'il y a eu beaucoup d'influences occidentales
14:09dans les années 60.
14:11Et les Noirs étaient les représentants de cela.
14:14Et Baker était au centre de ce mouvement.
14:17À travers les pauses qu'elle prenait consciemment,
14:20Joséphine montrait qu'elle comprenait bien
14:23l'image qu'elle incarnait à leurs yeux.
14:27C'était une femme très intelligente.
14:32Joséphine se nourrit du regard des artistes.
14:36Elle se grise d'incarner à leurs yeux
14:39l'image d'une jeune fille africaine
14:42qui se mettrait soudain à danser.
14:45Mêlant le raffiné à l'instinctif,
14:48son tempérament colle parfaitement
14:51avec les années folles,
14:55ce tourbillon où la démesure devient vitale,
14:58où l'on est prêt à tout pour oublier
15:01qu'un frère, un père, un amant
15:04n'est pas revenu du front.
15:07C'est l'image d'une jeune fille
15:10qui s'éloigne de ses parents
15:14pour sortir de soi,
15:17tenter de ressembler à ces sauvages
15:20qui n'ont pas eu l'idée bizarre
15:23d'inventer la guerre mondiale.
15:26C'est une période, les années folles,
15:30qui n'est pas folle du tout.
15:33Les gens sortent de la guerre.
15:36Elle sait son passé, sa psyché qui est en jeu
15:39alors que les autres veulent oublier.
15:42La manière dont elle va oublier n'a rien à voir
15:45avec la manière dont les autres veulent oublier.
15:49Elle va oublier pour continuer.
16:07J'avais changé d'hôtel.
16:10J'étais Rue des Batignolles,
16:13un très joli petit bâtiment blanc.
16:16La femme de chambre, blanche,
16:20et le garçon d'étage qui m'apportait
16:23le petit déjeuner, blanc,
16:26au petit soin pour moi,
16:29enfoui dans mes oreillers, blanc.
16:32Moi qui avais passé mon enfance
16:35dans un bâtiment blanc.
16:39C'était une expérience absolument bouleversante pour elle.
16:42La France devenait une citadelle,
16:45un refuge pour les Afro-Américains.
16:48C'est comme si elle leur disait
16:51« Venez, vous verrez, ici, l'eau est chaude.
16:55Laissez tomber cette eau froide et venez,
16:58vous serez bien accueillis. »
17:01Ça permettait aux Français de se faire une haute opinion
17:04et de se dire que c'était vrai.
17:34C'est un bâtiment.
17:37Pépito pense qu'il est temps pour Joséphine
17:40de s'attaquer au marché féminin.
17:44Dans leur combat pour se libérer
17:47des carcans du passé,
17:50les Français ont besoin d'un modèle.
17:53Noir, glamour et insoumise,
17:56Joséphine incarne cet idéal d'émancipation.
18:00Pépito lance une ligne de produits à son nom.
18:03Baker Fix pour imiter sa coiffure,
18:07Baker Skin pour bronzer à son image.
18:10Et ça marche.
18:13À Paris, comme en province,
18:16les élégantes s'arrachent tout ce qui est signé Joséphine.
18:19Même les petites filles jouent avec une poupée à son image.
18:23Rien n'arrête plus Joséphine.
18:26Elle devient chanteuse, y compris à l'opéra.
18:29Elle fait de la danse classique
18:32et dame une carrière d'actrice.
18:35C'était ça, la liberté moderne.
18:38La femme qui prend possession de la ville,
18:42des rues, des nightclubs,
18:45qui danse de façon provocatrice, audacieuse
18:48et qui se permet même de chanter.
18:51Et puis elle avait appris que la nudité, c'était beau.
18:54Et elle était même devenue une icône de mode.
18:58Elle changeait sa coiffure,
19:01elle se baladait dans la rue avec un léopard.
19:04Tout ça, c'était la mise en scène d'une modernité libre.
19:19Toute l'Europe la réclame.
19:22Joséphine part en tournée.
19:26Durant presque deux ans,
19:29elle s'est rencontrée à Paris,
19:32d'Allemagne en Roumanie, de Suède en Italie.
19:35Partout, les gens se pressent
19:38pour voir cette danseuse noire
19:41qui transgresse les normes de la vieille Europe.
19:45Joséphine reçoit des milliers de lettres d'amour
19:48et des centaines de propositions de mariage.
19:51Un engouement presque effrayant.
19:54À Prague, pour la première fois,
19:57j'ai eu peur de la foule, de sa curiosité,
20:00de son affection, de son enthousiasme.
20:04C'est quelque chose, l'imagination des Blancs
20:07lorsqu'il s'agit des Noirs.
20:10Alors que les uns l'étouffent
20:13de leur amour démesuré,
20:16les autres la haïssent sans retenue.
20:20À Vienne, par exemple, toutes les cloches de la ville
20:23avertissent les fidèles de l'arrivée
20:26des noirs pour qu'ils s'enferment chez eux.
20:29Des tracts sont distribués où l'on peut lire
20:32« Puisse-t-elle être punie comme elle le mérite,
20:35l'immorale. »
20:57Ainsi, j'ai, malgré moi, incarné la décadence des moeurs
21:00menaçant la bonne autriche.
21:03S'ils savaient que la petite négresse,
21:06la négrillonne, aussi fatiguée qu'elle soit,
21:09fait sa prière chaque soir quand elle rentre
21:13après avoir dansé.
21:21Je commençais à trouver des mots pour les noirs.
21:25Je commençais à trouver pénible d'être une curiosité,
21:28alors que c'était écrit dans mon contrat
21:31« Amusez les gens ».
21:34Ça a dû être terrifiant parfois.
21:38Elle était tout le temps en représentation
21:41et tout le temps sous une sorte de surveillance visuelle
21:44et culturelle.
21:47Que va-t-elle faire maintenant ?
21:51Est-ce que c'est une avancée ?
21:54Ou bien est-ce que c'est un peu présomptueux
21:58ou un peu dégradant ?
22:01Est-ce que c'est de l'art ?
22:04Est-ce qu'elle fait avancer la cause des Noirs ?
22:07Ou bien est-elle simplement en train de s'amuser
22:10de façon triviale ?
22:20Elle ne voulait pas que l'on voit ce qu'il y avait de dramatique
22:24à être la première star noire internationale.
22:27Je pense qu'elle voulait qu'on voie cela
22:30comme une divine comédie.
22:38La comédie pour masquer le drame, les déceptions.
22:41Le fait, par exemple, qu'aucun des hommes blancs
22:45qu'elle a aimés depuis son arrivée en France
22:48n'a pas le droit d'entendre parler de mariage.
22:51La vie amoureuse de Joséphine est à l'image des rôles
22:54qu'elle joue au cinéma.
22:57On peut s'amuser avec elle, mais pas question de l'épouser.
23:00Elle leur répond à sa manière,
23:04en chanson et avec le sourire.
23:18Si mes seins et mes hancheurs
23:21changent de couleur,
23:25au soleil c'est par l'extérieur
23:28qu'ils lancent d'or.
23:31Moi, c'est la flamme de mon coeur
23:34qui m'encolore.
23:37Mais je suis francheur,
23:41dites-moi, monsieur, faut-il que je sois blanche
23:44pour vous faire mieux ?
23:48La vie en Europe n'est pas parfaite,
23:51mais c'est sur ce continent
23:54que Joséphine s'est inventé un destin.
23:57Là, qu'elle est devenue une figure majeure
24:01du monde du spectacle.
24:04Là, qu'elle a pris conscience du pouvoir
24:07qu'elle avait en tant que star.
24:1011 ans après son départ,
24:13elle n'a qu'une envie, prendre sa revanche,
24:16qui est la Becker.
24:22Quand le paquebot a manœuvré pour entrer dans son doc,
24:25j'aperçus de nombreuses figures noires qui attendaient sur le quai.
24:28Est-ce moi qui les attendais ?
24:31Le débarquement a commencé,
24:35tous les noirs se sont précipités vers la passerelle.
24:38C'était des porteurs, des chauffeurs,
24:41des domestiques venus attendre leur maître.
24:44Le jour où j'arrivais à l'hôtel,
24:47les choses se sont gâtées.
24:51Un appartement pour Mlle Becker ?
24:54dit le gérant en me regardant d'un air soupçonneux.
24:57Il doit y avoir une erreur.
25:00Mon manager a protesté,
25:03mais le directeur a répété
25:07« Mademoiselle, il y a sûrement une erreur ».
25:10Cela m'a suffi, il n'y avait rien à faire.
25:13Je n'étais qu'une négresse.
25:16D'un hôtel à l'autre, toujours la même courtoisie,
25:19le même sourire froid,
25:22le même haussement d'épaule,
25:26le même refus formel, indiscutable, atroce.
25:29Les démons de mon enfance ressurgissaient.
25:32Je me suis souvenu de cette fois où ma mère,
25:35affolée, nous avait secoués en pleine nuit,
25:38mes frères et sœurs et moi.
25:41J'entendais des cris qui se rapprochaient de plus en plus.
25:45Mon frère croyait que c'était l'orage, mais non,
25:48c'était les blancs.
25:51Les paroles de notre révérend raisonnaient dans ma tête.
25:54D'une grosse, terrifiante voix, il avait parlé de l'apocalypse.
25:57Du côté du fleuve,
26:01l'énorme flamme s'élevait.
26:04Les gens couraient dans tous les sens.
26:07On aurait dit que tout le quartier noir se sauvait, épouvanté,
26:10mais c'était la guerre.
26:13J'entendais quelqu'un crier.
26:16Une femme blanche a été violée.
26:20Je ne comprenais pas ce que cela voulait dire,
26:23mais je savais que c'était une catastrophe,
26:26comme l'apocalypse.
26:34Joséphine espérait que la gloire acquise en Europe
26:37n'était qu'un phénomène de terrorisme.
26:40Il n'en est rien.
26:44Au lendemain de son spectacle à Broadway,
26:47les critiques la ramènent avec une violence terrible
26:50à sa couleur de peau.
26:53Elle pensait qu'elle revenait en tant que star
26:56d'un grand spectacle de Broadway,
27:00le Ziegfeld Follies,
27:03et qu'elle allait triompher auprès des critiques et du public.
27:07Les critiques ont été condescendants, voire méprisants.
27:10Sur le ton, on essaie d'être tolérants,
27:13mais qui est cette petite négresse
27:16qui est partie en tant que minuscule danseuse de musical
27:19et qui a mystérieusement réussi à devenir si connue à Paris ?
27:23C'était clair que la culture américaine
27:26avait besoin de la rabaisser,
27:29de se moquer d'elle, voire même de la dégrader
27:32pour ce qu'ils avaient décidé de voir comme une prétention
27:35de réussite.
27:38Amère, humiliée, Joséphine rentre à Paris.
27:46Paris, à la gare Saint-Lazare.
27:49Joséphine Baquer, de retour d'une longue tournée en Amérique,
27:52est accueillie par ses amis parisiens.
28:05C'est incroyable, Joséphine, de voir Paris !
28:08Je suis tellement contente, tellement, tellement contente !
28:12Vous voyez quelle joie pour moi, quelle joie !
28:15Vous ne pouvez jamais imaginer, M. Dervas,
28:18quand j'ai vu cette nuit, les crocs français.
28:21Sur le quai de la gare, Joséphine donne le change.
28:24Elle est heureuse de retrouver Paris,
28:28mais son cœur est en deuil.
28:31Pepito est mort subitement pendant son absence.
28:35Joséphine est la seule à ses côtés,
28:38le compagnon, le manager, l'amie sûre.
28:41Sans lui, elle va devoir réinventer sa vie.
28:58Ma chère, me dit Colette, ne restez pas isolée.
29:01Je suis en train d'insister à des mots si doux et solaires.
29:04Alors j'insistais à des galas, à des cocktails,
29:08j'étais marraine ici, présidente là.
29:11Et je rencontrais Jean Lion, un industriel.
29:14Il était jeune et riche.
29:17Toutes les femmes le regardaient, et lui ne voyaient que moi.
29:20C'était flatteur.
29:24On s'est mariées.
29:27Je suis devenue Madame Jean Lion.
29:30J'avais un passeport français, j'attendais même un bébé, je ne me sentais plus esselée.
29:42Joséphine a fini par accomplir son rêve d'épouser un prince charmant.
29:47Au début, elle adore jouer le rôle de Madame Jean-Lyon, mais rapidement cela l'ennuie.
29:54Elle est une femme libre, pas une fée du logis.
29:57Lorsqu'elle perd son bébé, elle comprend que cette vie n'est pas la sienne.
30:02Elle divorce et remonte sur scène.
30:11Mais cela ne lui suffit plus.
30:14Joséphine cherche à donner un sens à son existence.
30:17Elle le trouvera dans la résistance contre les nazis.
30:20L'intérêt supérieur de la patrie commande à tous les Français libres de continuer le combat.
30:29Je ne demandais qu'une chose, servir le pays à l'égard duquel j'aurais toujours une dette de reconnaissance.
30:36La France a fait de moi ce que je suis, en marge de tous les préjugés.
30:40J'étais prête à lui donner ma vie.
30:43Cette guerre représente un tel tournant.
30:46Probablement le voyage en Amérique, quelques années auparavant, y est pour quelque chose.
30:52Elle avait été politiquement attaquée par des leaders noirs qu'il avait mis au défi.
30:57On lui avait demandé, et toi, que vas-tu faire pour les droits civiques ?
31:02Es-tu toujours une star superficielle, futile et égocentrique ?
31:06Ou bien as-tu plus à proposer ?
31:09Tu as une dette à payer.
31:12Lors de sa visite en Amérique, la question se posait en termes de race.
31:18Mais le combat pour les droits civiques amenait à l'antifascisme.
31:23Si bien que quand elle est rentrée en France, il a fallu qu'elle repense à son rôle là-bas aussi.
31:28La guerre donne l'occasion à Joséphine de franchir le pas, de s'engager dans un combat commun.
31:33Elle devient espionne pour la France Libre.
31:37À plusieurs reprises, elle se met en danger, voyage dans des pays hostiles en cachant dans ses partitions
31:44des plans d'installation allemandes dessinés par les nazis.
31:48Elle a été éliminée par la France Libre.
31:50À plusieurs reprises, elle se met en danger, voyage dans des pays hostiles en cachant dans ses partitions
31:56des plans d'installation allemandes dessinés à l'encre invisible.
32:09Ça peut aider d'être Joséphine Baker.
32:12Les douaniers m'ont fait de grands sourires et m'ont réclamé des papiers.
32:15Mais c'était des autographes.
32:17Et voilà, j'avais transmis les plans comme une lettre à la poste.
32:25Sa notoriété lui sert de paravent.
32:28Partout où elle va, elle introduit son pseudo-assistant, Jacques Apthé, un membre des services secrets de la Résistance.
32:37L'action clandestine révèle Joséphine à elle-même.
32:41Derrière la vedette se cache une combattante.
32:48Quand les soldats américains débarquent au Maroc en novembre 1942,
32:52Joséphine, au service de la Résistance, s'y trouve déjà.
32:59Symbole parfait de l'alliance franco-américaine, elle va chanter pour galvaniser les troupes.
33:17J'ai toujours mon pays Paris
33:24Avec toujours mon cœur qui ravit
33:32Moi ça va des bleus
33:36Mais pas pour vous le vieux
33:40Ce qui m'empêche à le faire c'est
33:42Paris, Paris tout entier
33:48Le pariou
33:52Du Maroc à la Syrie, Joséphine se produit devant des américains noirs et blancs, des arabes, des européens.
34:00Elle imagine un monde meilleur, uni et solidaire, après l'écrasement des nazis.
34:05Alors un, deux, trois
34:07J'ai toujours mon pays Paris
34:15Avec toujours mon cœur qui ravit
34:31Joséphine était en train de faire de son public une sorte de communauté.
34:35C'était l'une des premières fois qu'elle pensait à réunir des gens très divers en une sorte de communauté,
34:48grâce à son pouvoir, son talent, sa vision.
35:06Joséphine revient de la guerre, auréolée de sa participation à la résistance.
35:12Elle est maintenant une héroïne française.
35:17Peu de temps après son mariage avec le chef d'orchestre, Joe Bouillon,
35:21elle accepte une invitation à chanter aux Etats-Unis.
35:25Certaines qu'après avoir vaincu le nazisme, son pays natal va enfin combattre ces vieux démons racistes.
35:32En arrivant à New York, elle constate que, malheureusement, rien n'a changé.
35:38Comme avant-guerre, les hôtels lui refusent une chambre.
35:41Avec son mari blanc, elle pourrait choquer les clients venus du sud.
35:51Alors je décidais de partir.
35:54J'ai fait un choix.
35:57Alors je décidais de partir.
36:00Si en tant que star, on me traitait comme ça à New York, ville du nord,
36:05je n'imaginais même pas ce qui pouvait se passer dans le sud.
36:09Je devais affronter la bête en la regardant dans les yeux.
36:17J'ai bien préparé mon voyage.
36:20Je ne voulais pas être Joséphine Baker, vedette de musicales et française.
36:23Je voulais me mettre dans la peau d'une simple américaine de couleur.
36:27Une Miss Brown quelconque.
36:30Le nom m'a paru assez amusant.
36:35Partout, la loi du sud s'affirmait.
36:38Tout était en double.
36:40Deux salles d'attente, deux buffets, deux lavabos.
36:46J'entre au buffet sur la porte duquel il y a écrit « Blanc ».
36:50Je passe parmi les tables.
36:51Tous les yeux sont braqués sur moi.
36:54« Donnez-moi deux sandwiches, s'il vous plaît. »
36:57Comme si elle voulait se débarrasser de moi, la serveuse me tend les sandwiches et encaisse mon argent.
37:04En sortant du buffet blanc, j'entre dans le buffet noir.
37:08Je pensais trouver au moins un sourire approbateur,
37:11un coup d'œil complice parmi tous ces gens de couleur.
37:14Eh bien, pas du tout.
37:15Pas du tout.
37:20Je n'avais devant moi que des visages renfroignés,
37:23des approbateurs,
37:25certains même atterrés.
37:27Je n'y comprenais plus rien.
37:36Il ne faut pas sous-estimer le risque qu'elle a pris en faisant ça.
37:41Beaucoup n'auraient jamais osé.
37:43Mais le problème, encore une fois, c'est qu'elle est Josephine Baker.
37:48Elle entre dans un établissement ségrégué,
37:51elle piétine les habitudes.
37:53Il faut savoir que dans de nombreux États du Sud,
37:56les choses étaient comme ça.
37:58Les Noirs savaient très bien où était leur place
38:01et ils étaient convaincus que ça ne changerait pas.
38:04Et la voilà qui débarque et leur explique comment sortir de là.
38:09Et puis elle s'en va.
38:13Le problème, c'est ça.
38:16Est-ce qu'elle va rester et se battre ?
38:18Est-ce qu'elle va gérer les conséquences de ses actes ?
38:21C'est pour ça qu'elle a été critiquée.
38:23Pour beaucoup d'Afro-Américains,
38:25elle avait franchi la barrière raciale.
38:27Mais elle n'était pas revenue en arrière.
38:29Et elle n'avait pris personne avec elle.
38:31Ça aussi, c'était un problème.
38:34Elle n'avait pas non plus créé un cercle de gens qu'elle aurait aidé autour d'elle.
38:39C'était Josephine Baker et seulement Josephine Baker.
38:43D'un côté, il y avait une grande fierté parce qu'elle avait réussi.
38:48Et de l'autre, on la critiquait parce qu'elle seule avait réussi,
38:53sans forcément ouvrir de porte.
39:00Josephine est piquée au vif par les critiques de la communauté noire.
39:05Depuis son départ vingt ans plus tôt,
39:08elle était déconnectée de la réalité des Afro-Américains.
39:11Elle comprend maintenant que malgré ses déboires,
39:14sa célébrité l'avait protégée de la violence de la ségrégation.
39:20Ses privilèges, elle les mettra désormais au service des siens.
39:27Trois ans plus tard, en 1951,
39:29elle est de retour pour un concert en Floride.
39:33Cette fois, elle a posé ses conditions avant de traverser l'Atlantique.
39:37C'était simple.
39:39Je ne pouvais pas chanter là où mon peuple n'avait pas droit de citer.
39:43Je n'accepterais de venir aux Etats-Unis
39:46que si les Noirs étaient accueillis dans la salle.
39:51Le producteur du concert est sûr que c'est le bon moment
39:54pour lancer Josephine aux Etats-Unis.
39:56Il cède à toutes ses demandes.
40:07Son contrat stipule,
40:09il est entendu que les clients seront admis
40:12sans considération de race, couleur ou religion.
40:16C'est un événement historique.
40:18Pour la première fois à Miami,
40:20des Noirs sont admis dans des cabarets chics,
40:22des hôtels de premier ordre.
40:24C'est un triomphe.
40:26On pleure dans la salle.
40:37Je t'aime.
40:39Je t'adore.
40:41Je suis heureuse.
40:43Je t'aime.
40:45Je t'aime.
40:47Je t'aime.
40:49Je t'aime.
40:51Je t'aime.
40:55Le bruit du concert à Miami se répand dans tous les Etats-Unis.
40:59Josephine chante à Saint-Louis, à Los Angeles et dans une dizaine d'autres villes.
41:03À Las Vegas, elle dénonce publiquement les propos racistes d'un patron de boîte de nuit.
41:09Elle offre son soutien à Willie McGee, condamné à mort sans preuve,
41:13accusé d'avoir violé une femme blanche.
41:17Elle peut enfin mettre son succès au service de son peuple.
41:21On peut être prophète en son pays à condition de savoir attendre.
41:25Josephine Baker a attendu 25 ans,
41:28mais Harlem a su en une seule journée triomphale
41:30lui faire oublier ses déboires de débutante.
41:33La plus grande métropole noire du monde a fait revivre le retour de l'enfant prodigue
41:37en l'honneur de la petite Colorado Girl,
41:40partie il y a un quart de siècle pour conquérir la gloire à Paris.
42:00Mais un incident vient perturber cette lune de miel.
42:05Un soir, au très chic Stork Club de New York où elle fête son succès avec des amis,
42:10elle attend son plat longtemps.
42:12Très longtemps.
42:14Jusqu'à ce qu'elle comprenne que son plat n'arrivera jamais.
42:18Elle s'impatiente, s'exaspère, puis quitte le lieu très en colère.
42:23Appelle l'Association pour les droits des Afro-Américains
42:26et demande à un huissier de constater le racisme qu'elle a su.
42:31Le lendemain, des militants viennent avec des banderoles pour bloquer la porte d'entrée du club.
42:38L'affaire devient vite médiatique.
42:40Joséphine dérange.
42:43Un dossier pour sympathie communiste est lancé contre elle par John Edgar Hoover, le patron du FBI.
42:53Du jour au lendemain, Joséphine est décrétée ennemie des Etats-Unis.
42:57Elle part pour l'Amérique latine où elle critique publiquement la politique raciale de son pays.
43:03C'est la guerre.
43:05Le FBI fait pression sur les pays où elle doit se produire.
43:08Ses concerts sont annulés au Pérou, en Colombie, à Cuba et à Haïti.
43:14On la menace de ne plus pouvoir pénétrer aux Etats-Unis.
43:18Elle est terrassée.
43:27Qu'avons-nous fait, dites ?
43:29J'avais voulu servir à la guerre comme j'avais pu, contre les nazis, contre leur politique de race.
43:35Et cette politique, je la retrouvais aussi sournoise, aussi moche, chez ceux qui prétendaient la combattre.
43:46Je suis rentrée en France.
43:48Depuis avant la guerre, c'était dans un beau château, en Dordogne, que je me sentais le mieux.
43:54C'était chez moi.
43:57Lors de mes voyages à travers le monde, je voyais bien que les peuples se mélangeaient de plus en plus.
44:03Et il me semblait si évident que, peu à peu, la pureté des races disparaîtrait.
44:09Mais moi, je voulais que ce soit par l'amour, et non pas par la haine.
44:16Pour montrer au monde entier que tous les peuples de la Terre peurent,
44:19Joséphine adopte douze enfants de toutes origines et les installe dans son château.
44:26Elle appelle sa famille la tribu arc-en-ciel.
44:31De cette tribu, elle est la prophétesse.
44:35Ils sont élevés dans des religions différentes ?
44:37Bien sûr.
44:38Alors à qui, quelle est sa religion ?
44:40Il est cintoïste.
44:42Il est cintoïste ?
44:43Oui.
44:44Et Louis ?
44:45Louis, catholique.
44:46Catholique.
44:47Et Jeannot ?
44:49Jeannot, bouddhiste.
44:51Bouddhiste, oui.
44:52Et qui est-il ?
44:54Il est le dimanche.
44:55Le dimanche.
44:57Et qui est le dimanche ?
44:58Le dimanche.
45:00Et qui est le dimanche ?
45:01et Jeannot, bouddhiste, et Jean-Claude, catholique,
45:08Jarry, protestant, Moïse, israélite,
45:15Ibrahim, musulman,
45:17ça y est vous le savez mieux que moi,
45:20et Rafi, qui est fétichiste.
45:29Je m'appelle Abdio Genova, et mon pays d'origine, c'est la Corée du Sud.
45:39Je m'appelle Jarry, j'ai 7 ans, et mon pays d'origine, c'est Finlande.
45:44Je m'appelle Louise, j'ai 8 ans et demi.
45:49Mon pays d'origine, c'est la Colombie.
45:52Pour son bonheur et pour son malheur, Joséphine Beka a toujours suivi ses instincts,
45:57c'est-à-dire ce qu'elle ressentait de faire, elle le faisait sans nécessairement penser aux conséquences.
46:04Donc faire une tribu arc-en-ciel, qui est un rêve, c'est une utopie,
46:10qui explique que les enfants du monde sont mes enfants,
46:13la famille est d'abord quelque chose d'humain,
46:16que le sens est un hasard.
46:18Donc elle fabrique cette chose, et c'est amusant d'ailleurs,
46:21que quelques années après, un monsieur sortant de prison rêve de fabriquer la nation arc-en-ciel.
46:28C'était Nelson Mandela.
46:31Comme quoi, pour tous les gens qui ont souffert des conditions d'espace dans lesquelles la couleur est ce qui détermine les choses,
46:42on n'a qu'une envie, c'est de faire exploser le prisme et d'annuler la couleur en intégrant toutes les couleurs.
46:48Il me semble que c'est d'abord ça, consciemment ou inconsciemment, qui pousse Joséphine Baker à se lancer dans cette aventure.
46:59Depuis plus de trente ans, les Français suivent Joséphine dans toutes ses aventures.
47:04Ils l'ont aimée comme danseuse, chanteuse, actrice, puis célébrée comme héroïne de la Résistance.
47:13Ils lui ont même décerné la Légion d'honneur, dans son château, au milieu de sa tribu arc-en-ciel.
47:19Hier, en Dordogne, une résistante était à l'honneur, une résistante célèbre, dans son château d'Émilande.
47:25Vous avez deviné de qui je veux parler ? De Joséphine Baker, qui a reçu la Légion d'honneur.
47:30Et pour recevoir cette Légion d'honneur, elle avait remis son uniforme.
47:33Pourtant, quelque chose manque à Joséphine, l'amour de son pays natal, dont elle est toujours bannie.
47:43Là-bas, en Amérique, les choses pourtant se sont mises à bouger.
47:47Un jeune pasteur, Martin Luther King, a pris la tête du mouvement pour les droits civiques.
47:53En août 1963, il appelle les Noirs et les Blancs à se rassembler à Washington, contre la ségrégation.
48:01Joséphine a accompli ce qu'aucune femme Noire n'avait réalisé avant elle.
48:05Le pasteur tient à ce qu'elle soit là.
48:08Bob Kennedy intervient pour lever son interdiction de visa.
48:12Le jour de la marche, Joséphine est la seule femme à s'exprimer.
48:38Vous êtes un peuple unifié.
48:41Enfin, vous êtes à l'aise d'une victoire complète.
48:46Continuez. Vous ne pouvez pas faire de mal. Le monde est derrière vous.
48:55Joséphine Reynaud est la seule femme Noire à s'exprimer.
48:59Joséphine arrive à cet événement majeur, qui est organisé majoritairement par les hommes du mouvement pour les droits civiques.
49:06Les femmes qui étaient impliquées étaient un peu poussées sur le côté.
49:10C'est une parenthèse, mais ça compte.
49:13Joséphine arrive comme une ambassadrice étrangère.
49:17Et cette dimension intérieure, c'est ce qu'elle fait.
49:20C'est ce qu'elle fait.
49:24Joséphine arrive comme une ambassadrice étrangère.
49:28Et cette dimension internationale n'est pas à négliger.
49:34Et Madame Sex Symbol, Madame Objet Glamour, porte l'uniforme de l'armée libre française.
49:42Elle n'était pas obligée de venir.
49:45Le fait même qu'elle ait traversé l'Atlantique, non pas pour sa carrière,
49:50mais pour lier entre elle des générations de réussites noires, de spectacles noirs, de combats noirs,
49:58était absolument magnifique.
50:06Jusqu'à la marche de Washington, à chacun de mes voyages aux États-Unis, j'avais l'estomac noué.
50:12Pour la première fois, je suis rentrée en France avec un goût de liberté.
50:17Mon combat était juste.
50:21J'étais allée à Washington pour transmettre le flambeau à ceux qui m'écoutaient,
50:26pour qu'ils puissent avoir les mêmes opportunités que moi, sans devoir fuir.
50:31Maintenant qu'ils m'avaient entendue, je pouvais partir en paix.
50:41En faisant d'elle la première star noire de l'histoire,
50:45le destin avait joué un drôle de tour à Joséphine.
50:49Loin des siens, elle avait affronté le racisme en un combat solitaire.
51:02Au soir de sa vie, enfin, sa lutte contre l'injustice rejoignait celle d'un monde qui voulait changer.
51:10Son existence appartenait désormais à l'histoire.
51:14Elle pouvait même en rire.
51:25Et voilà, maintenant j'ai envie de me mettre tout près de vous.
51:32C'est vrai, tout près de vous, tout près.
51:37Ah, toutes ces complications.
51:41Où sont mes bananes?
51:44C'est vrai, quand j'avais des bananes autrefois, c'est que je n'avais pas de complications.
51:53Faites-moi confiance, il n'y avait pas de complications.
51:57Pendant ce que maintenant il n'y a rien à faire, je me contente de me rester tout près de vous,
52:02avec un petit matelas tout doux, tout doux, tout doux.
52:06Voilà, tout près de vous maintenant, tout près de vous.

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