Les débatteurs du jour sont : Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, président du Collège de philosophie et Mathieu Souquière, essayiste, expert associé auprès de la Fondation Jean-Jaurès. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-lundi-07-avril-2025-7275602
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00:00Au lendemain de la manifestation organisée par le Rassemblement National,
00:04après la condamnation de Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires du RN,
00:09Marine Le Pen entendait dénoncer un scandale démocratique.
00:13Il n'est ni sain ni souhaitable d'organiser un rassemblement pour protester contre une décision de justice.
00:21Voilà les mots de François Bayrou dans une interview au Parisien.
00:25Justice, morale et politique, on va en débattre avec Pierre-Henri Tavoyau.
00:29Bonjour, philosophe, président du Collège de Philosophie, auteur de « Voulons-nous vivre ensemble ? »
00:37Chez Odile Jacob, Mathieu, Jacob pardon, Mathieu Souquier, bonjour.
00:43Essayiste, expert associé auprès de la Fondation Jean Jaurès, membre du collectif « Les choses de la vie »
00:49avec lequel vous avez publié « La France à 20 heures » aux éditions de l'Aube.
00:54Il n'est ni sain ni souhaitable d'organiser, bonjour et bienvenue évidemment,
01:00il n'est ni sain ni souhaitable d'organiser un rassemblement pour protester contre une décision de justice.
01:08Dit donc François Bayrou, le Premier ministre, vous êtes d'accord avec ça ?
01:13Pierre-Henri Tavoyau ?
01:15Pas complètement, je pense que ça fait partie du jeu politique.
01:18On assiste à quelque chose qui est assez naturel, c'est une décision contestée.
01:22Chacun joue son rôle et son parti.
01:25Donc voilà, je pense qu'on peut le dénoncer, on peut critiquer quand on n'est pas d'accord avec cette organisation.
01:32Mais je trouve que là, on reste dans les limites du débat démocratique.
01:35Il n'y a pas d'appel à la guerre civile, il n'y a pas d'appel de contestation.
01:38Ça n'est pas factieux ?
01:39Ça n'est pas factieux, voilà.
01:41On reste dans une logique de protestation qui ne me paraît pas anormale.
01:44Et vous Mathieu Souquier ?
01:46Je constate qu'il est dans l'ADN, dans la culture et dans l'histoire de l'extrême droite
01:50que de manifester un rival très régulier contre le système en général et contre la justice en particulier.
01:56Pour dénoncer précisément la corruption du système, un système vermoulu
02:01et un procès que l'extrême droite intente à la justice depuis toujours,
02:05un procès en laxisme et un procès en politisation.
02:08Donc de ce point de vue-là, il n'y avait pas grand-chose de neuf dans le discours de Marine Le Pen hier.
02:12On peut quand même noter deux choses, la très faible affluence,
02:15c'est-à-dire que pour le premier parti de France et de très loin,
02:18celui qui désormais à toutes les élections ou à peu près est capable de réunir entre 30 et 40% des suffrages.
02:23Et on dit que Paris n'est pas la France et que l'extrême droite précisément n'a pas sa place à Paris.
02:27On constate quand même que sur les derniers scrutins et les européennes en particulier,
02:30l'extrême droite monte.
02:31À Paris, si on additionnait les scores de Bardella et de Zemmour aux dernières européennes, on était à 25%.
02:37Donc quelques milliers de participants hier, c'est vraiment pas grand-chose.
02:41Et deuxième élément, sur la victimisation quand même, on est monté d'un cran
02:45et quand on peut se comparer à Martin Luther King, être précisément la représentante d'un parti politique
02:51condamné à de multiples reprises pour incitation à la haine raciale
02:54et oser revendiquer un parallèle avec Martin Luther King,
02:56c'est qu'en termes de fenêtres d'ouverton ou de décomplexion, de dédiabolisation,
03:00on se sent quand même largement libre.
03:02Cette comparaison, comment l'avez-vous reçue Pierre-Henri Tavoy ?
03:05Oui, elle me paraît totalement inappropriée parce que là pour le coup, c'est vraiment une comparaison qui n'a pas de sens.
03:12Qu'on puisse envisager le caractère discutable de la décision,
03:17pas de la décision de justice, pas de la condamnation, mais de l'exécution temporaire d'inéligibilité,
03:22ça, ça fait partie du débat.
03:24Ces démis non-juristes ne sont pas troublés, mais disons voilà, c'est quelque chose qu'on peut débattre.
03:31Mais de là à établir une comparaison avec des actes vraiment de discrimination raciale, en l'occurrence non.
03:38Et comment avez-vous reçu la critique violente, brutale, du système, entre guillemets, judiciaire, là, en l'occurrence,
03:47de la part des membres du Front National ?
03:49Elle est excessive, je pense que ça c'est un point qui...
03:53Il y a quelque chose qui mérite débat et quelque chose qui ne doit pas sortir d'un certain nombre de règles.
03:58Ce qui mérite débat, c'est ce qu'on appelle la liberté de l'électeur.
04:01La liberté de l'électeur, c'est qu'est-ce qui fait qu'en démocratie,
04:05on limite la liberté de l'électeur à élire une personne.
04:08Ça, c'est un sujet très intéressant, parce qu'il y a des limites objectives.
04:12Par exemple, l'âge. On ne peut pas être élu avant 18 ans.
04:16Il y a aussi la nationalité.
04:18Et puis, au-delà de ça, il y a toute une série d'éléments.
04:21D'éléments d'honorabilité, d'honnêteté, voilà.
04:24Et la question est de savoir à quel moment on interrompt cette logique.
04:29À quel moment une instance, quelle qu'elle soit, dit cette personne n'est pas éligible.
04:34Est-ce que c'est le fait de reconnaître, par exemple,
04:36s'il ne vous reste plus qu'un point sur votre permis de conduire,
04:39est-ce que vous méritez d'être élu ?
04:41Un poil plus grave.
04:43Mais la question de la limite est très intéressante.
04:45Aux États-Unis, par exemple, là, pour le coup,
04:48on peut être surpris du fait que quelqu'un comme Trump,
04:51qui s'engage dans une logique véritablement factueuse de contestation des élections,
04:56de contestation en effet du système démocratique lui-même,
05:00on pourrait se dire que c'est quand même limite qu'il ne soit pas condamné,
05:02enfin qu'il ne soit pas empêché de se présenter.
05:04C'est plus que limite, c'est là, vraiment,
05:05parce que c'est l'idée de souveraineté du peuple.
05:08Juste un tout petit mot sur cette idée de souveraineté.
05:11La souveraineté, c'est quand on est au-dessus des lois.
05:14Le peuple souverain, c'est le peuple qui est absous des lois,
05:17des lois qu'il n'a pas faites parce qu'il ne les a pas faites,
05:18et des lois qu'il a faites parce qu'il les a faites.
05:20Simplement, il faut bien voir en tête que cette souveraineté oblige beaucoup.
05:23Le peuple souverain a tous les droits, sauf celui d'être un peuple.
05:28Sauf celui d'être un peuple, et ça, ça l'engage beaucoup.
05:31C'est-à-dire qu'il ne doit pas opprimer les minorités,
05:33il doit respecter la parole donnée,
05:35il doit respecter les lois qu'il a lui-même votées.
05:38Et donc, en ce sens, si un peuple souverain
05:41contredit à son existence même de peuple,
05:43alors là, il faut effectivement lui apporter des limites.
05:45C'est ça, l'idée du contrôle de l'électorat.
05:48Mathieu Soucaire ?
05:49C'est un débat intéressant, et il n'y a pas de question tabou, pour le coup.
05:52Mais il semblait que la question était tranchée.
05:54Si précisément, en fait, cette disposition avait été introduite dans la loi,
05:58c'est suite à un certain nombre de scandales
06:00qui avaient beaucoup heurté l'opinion,
06:01et qui globalement est convaincue depuis des années et des années,
06:04et même des décennies, de la corruption de la classe politique.
06:07Vous avez entre deux Français sur trois et trois Français sur quatre
06:09qui sont persuadés que nos élites sont corrompues.
06:11Et d'ailleurs, la dénonciation de cette corruption a été le fonds politique,
06:14le fonds électoral de l'extrême-droite depuis longtemps.
06:17Parenthèse, il y a un paradoxe, ou même une forme d'ironie.
06:19Le RN, FNIR, a fait précisément de la dénonciation de la corruption
06:24son fonds de commerce électoral, et on se trouve avec un parti
06:27qui a vu à sa tête Jean-Marie Le Pen,
06:29c'est-à-dire l'homme politique le plus fréquemment condamné
06:32sous la Ve République, et aujourd'hui Marine Le Pen, sa dirigeante,
06:35qui est la personne la plus lourdement condamnée.
06:37Donc il y a quand même quelque chose d'ironique.
06:39En conclure qu'il y a une atteinte à la démocratie,
06:41comme le font Marine Le Pen et Jordan Bardella depuis une semaine,
06:44ça n'est pas sérieux.
06:45D'abord parce qu'encore une fois, comme on le disait à l'instant,
06:48la démocratie c'est certes le suffrage universel,
06:51mais c'est aussi l'état de droit, et donc la séparation des pouvoirs,
06:53et donc l'indépendance de la justice.
06:55Marine Le Pen n'est pas victime de la justice,
06:57elle est précisément victime de la justiciable qu'elle est elle-même,
07:00qui est aujourd'hui très lourdement condamnée.
07:02Et par ailleurs, il y aurait une atteinte à la démocratie
07:04si l'extrême droite ne pouvait plus sur cette base-là se présenter aux élections,
07:08elle pourra évidemment se présenter à toutes les prochaines élections,
07:11et mieux, elle a déjà un candidat de substitution,
07:14dont on constate que sa cote de popularité et son potentiel électoral
07:17équivalent à ceux de Marine Le Pen.
07:19Deux citations parmi de très nombreuses
07:22depuis la condamnation de Marine Le Pen,
07:26de quoi est accusée Marine Le Pen sinon de vouloir vaincre le système ?
07:31Ça, c'est Jean-Philippe Tanguy,
07:33et le Rassemblement National appelle à une manifestation.
07:37C'est quoi l'étape suivante ?
07:39Je n'ai pas envie qu'on joue un mauvais remake du Capitol.
07:42Ça, c'est Xavier Bertrand.
07:45Comment les recevez-vous ces mots, Pierre-Henri Thériault ?
07:48Non, je pense qu'effectivement, il faut impérativement rester
07:51dans les clous de l'état de droit.
07:54Ça ne veut pas dire que... Attention, état de droit,
07:57une expression qui est ambiguë, parce qu'en un certain sens,
07:59tout état est de droit.
08:02Et donc, un état de droit, ça dépend quel état,
08:05et ça dépend quel droit.
08:06L'Afrique du Sud de l'Apartheid était un état de droit.
08:09C'est ce qui rend d'ailleurs la chose tout à fait scandaleuse,
08:11c'est que le fruit des élections produit des lois raciales.
08:15C'est pour ça que Nelson Mandela s'engage
08:18comme avocat pour lutter contre ça.
08:20En démocratie, un état de droit, c'est au moins quatre éléments.
08:23D'abord, premier élément, le fait que le pouvoir se trouve limité,
08:26s'auto-limite.
08:28On distingue l'état de droit de la tyrannie,
08:31c'est-à-dire un gouvernement sans lois, ou du despotisme.
08:35Le chef considère que l'état, c'est sa propriété privée.
08:38C'est pourquoi d'ailleurs, il peut y avoir un despotisme éclairé.
08:41Le deuxième élément, c'est le fait que les lois sont hiérarchisées.
08:45Il y a une hiérarchie des lois.
08:46Troisième élément, le fait qu'on considère que la souveraineté
08:50est l'émanation de la loi.
08:52La souveraineté populaire, en l'occurrence.
08:54Et quatrième élément, qu'il y a un contrôle juridictionnel,
08:56c'est-à-dire qu'on divise les pouvoirs.
08:57Il y a ceux qui font la loi, il y a ceux qui l'appliquent,
08:59et il y a ceux qui contrôlent leur application.
09:01Voilà, c'est ça l'état de droit.
09:03Donc, quand on reste dans ces clous-là,
09:06c'est la condition indispensable de la démocratie.
09:08On peut très bien néanmoins contester les lois.
09:11Et c'est là où je serais peut-être un petit peu en désaccord.
09:13On va l'explorer, ce désaccord.
09:15Sur la question des lois, on peut discuter, par exemple,
09:17je trouve que la séquence 2016-2017, justement, sur la corruption,
09:22sur la moralisation de la vie politique,
09:24a été une séquence très fâcheuse.
09:26Parce qu'on a confondu morale, droit et politique.
09:29C'est trois registres différents.
09:31Alors, ça ne veut pas dire qu'ils sont totalement séparés.
09:33Il vaut mieux, en général, que les choses soient...
09:35Mais morale, droit et politique...
09:36C'est pas la même chose.
09:37C'est pas la même chose.
09:37Ah là, non, c'est pas la même chose.
09:38Par exemple, il est moralement interdit de mentir.
09:42Voilà, c'est pas bien.
09:43Je vous défie de faire de la politique sans mentir.
09:45Voilà, c'est un exemple très simple.
09:47On peut très bien faire de la politique sans mentir,
09:48mais on ne sera jamais élus.
09:50Soyons clairs.
09:51Et donc, il faut articuler les trois,
09:53mais pas les confondre.
09:55L'idée de moralisation de la vie politique
09:57que lançait notamment Bayrou en 2017,
09:59ça a été de dire à l'ensemble des électeurs
10:01« Vous avez bien raison de penser que les hommes politiques sont corrompus. »
10:04« Vous avez bien raison de le penser. »
10:05Voilà.
10:06Et donc, le sentiment de corruption que vous décriviez tout à l'heure,
10:09c'est un sentiment qui est alimenté
10:11par les politiques eux-mêmes,
10:13pour ceux de l'autre camp.
10:14Le RN a été, de ce point de vue-là...
10:16Et ça donne des mauvaises lois, selon vous ?
10:17Ça donne des mauvaises lois.
10:18Parce que je constate que ces lois de contrôle de la vie politique,
10:23en l'occurrence le financement des attachés parlementaires,
10:26qui a été condamné sur ces questions ?
10:28Le RN et les filles.
10:30Le modem, c'est-à-dire des partis émergents.
10:33Les partis installés, eux,
10:34ils n'ont pas de problème pour gérer.
10:36Pour gérer quoi ?
10:37Pour gérer des gens qui veulent faire vivre pour la politique,
10:41mais tentent en effet de vivre aussi de la politique.
10:44C'est-à-dire l'idée qu'il faut avoir un personnel politique présent.
10:48Je trouve que ces lois sont en effet,
10:50du point de vue du fonctionnement réaliste de la vie politique,
10:52problématiques parce qu'il y a l'intrusion,
10:54à mon sens excessive,
10:56du regard du juge dans le fonctionnement de la vie politique.
10:58Mathieu Souquier ?
10:59Un élément de nuance.
11:00On a vécu pendant très longtemps,
11:01avec la conviction ou même la certitude précisément,
11:04que la justice protégeait les puissants,
11:07protégeait les dominants.
11:08Et qu'en dépit des exactions dont ils pouvaient se rendre coupables,
11:11précisément, ils étaient protégés par un système.
11:14Donc cette demande de moralisation, précisément,
11:16c'est l'effet boomerang qui tient à la réalité
11:18que je décris.
11:20Alors, aujourd'hui, on n'en est plus tout à fait là.
11:22Et en réalité, si le débat est réouvert,
11:24c'est uniquement à cause de l'affaire Marine Le Pen.
11:26Car ces dispositions-là, jusqu'à aujourd'hui,
11:29ne posaient en fait aucune difficulté.
11:31A l'époque de LFI, Mélenchon,
11:33souvenez-vous de la scène, ou François Bayrous,
11:35ça a été...
11:35En tout état de cause,
11:36le débat prend aujourd'hui une toute autre ampleur,
11:38pour deux raisons.
11:39Parce que c'est Marine Le Pen.
11:40Et donc, un, qu'elle est à la tête du principal parti aujourd'hui.
11:44Et que par ailleurs,
11:45ça n'est pas un parti comme les autres,
11:47c'est le parti de la colère.
11:49Et donc, précisément, en fait,
11:50ce que tout le monde redoute aujourd'hui,
11:51c'est que cette décision de justice
11:53soit vécue par une injustice comme
11:55par la partie de l'opinion qui est derrière Marine Le Pen,
11:58et que précisément, cela vienne alimenter
12:00et même amplifier la colère.
12:01Et sur l'idée que ces sujets-là...
12:04L'idée qu'on a entendue, hein...
12:07Ces sujets-là se traitent dans les urnes,
12:10et pas dans les tribunaux.
12:12Et bien, en tout état de cause,
12:13ce qu'on peut observer,
12:14on parle d'une trumpisation de la vie politique française.
12:17Quand on entend précisément certaines déclarations,
12:19alors à l'extrême droite, évidemment,
12:21mais chez une partie des leaders de droite,
12:23et même de façon un peu plus large,
12:24y compris chez Jean-Luc Mélenchon,
12:26on observe que cette trumpisation existe.
12:29Pour autant, quand vous regardez les enquêtes d'opinion,
12:31et y compris celles, d'ailleurs,
12:32qui sont sorties depuis une semaine,
12:33vous observez que cette trumpisation,
12:35finalement, elle ne gagne pas tellement la société française.
12:39J'en veux pour preuve, d'ailleurs,
12:40la très faible mobilisation autour de l'événement d'hier.
12:44Et même plus globalement,
12:45on voit bien que les Français sont finalement assez tranquilles,
12:47assez matures, assez adultes,
12:49face à l'événement qui est survenu la semaine dernière.
12:51Tout le monde comprend ce qu'est une décision de justice,
12:54et tout le monde comprend que
12:55une force politique, même la plus puissante,
12:57doit se soumettre en réalité à la loi.
12:59– Pierre-Henri Tavoyau ?
13:00– Je voudrais raconter une petite nuance,
13:01parce que je pense que, voilà,
13:02trumpisation contre valorisation, je pense...
13:05– C'est le titre de l'opinion, ce matin,
13:07le risque, Marine Le Pen, le risque de la trumpisation.
13:10– Oui, mais ça, je pense que c'est justifié.
13:13Mais je pense qu'il peut y avoir une position intermédiaire,
13:15je pense importante de tenir ces positions
13:19sur le fait que nous avons, en démocratie aujourd'hui,
13:21un problème avec une explosion du droit, de la norme.
13:26Moi, ce que j'appelle la nomocratie,
13:27c'est-à-dire la substitution de la démocratie dans une nomocratie,
13:32qui n'est pas simplement le gouvernement des juges,
13:34parce que le gouvernement des juges,
13:35ça veut dire que les juges seraient responsables.
13:36Ce sont les politiques eux-mêmes qui, s'estimant non légitimes,
13:39disent « Ah non, je ne suis pas légitime pour décider,
13:41donc je vais créer une autorité administrative indépendante
13:44qui va faire le boulot à ma place,
13:45et s'il y a des coups à prendre celles qu'elle prendra,
13:47je vais créer des normes en disant
13:48que c'est le Conseil d'État qui va les vérifier.
13:51Et nous avons aujourd'hui un droit obèse, d'hypertrophie,
13:55qui concerne toutes les dimensions de la société,
13:59et qui devient un droit qui met en péril
14:01une dimension importante de la démocratie,
14:03non pas tellement le Demos, mais le Kratos,
14:05c'est-à-dire la capacité d'agir.
14:07Tous les maires diront aujourd'hui en France, on ne peut pas agir.
14:10Et cette impuissance publique,
14:12je pense qu'il faut vraiment y être particulièrement vigilant.
14:14– Un mot de la fin, Mathieu Soucaire.
14:16– Alléger les normes, c'est une chose,
14:17se soumettre à la loi, en est une autre.
14:19Et aujourd'hui, encore une fois,
14:20ce pseudo-scandale dénoncé par Marine Le Pen,
14:23souvenons-nous d'un parallèle.
14:24En 2012, ou juste avant 2012 précisément,
14:26un autre favori à l'élection présidentielle
14:29a été sorti du jeu politique pour les affaires judiciaires,
14:32alors même qu'il n'était pas encore condamné.
14:34Et à l'époque précisément, ça n'avait pas fait scandale,
14:36la société française avait évidemment conclu
14:38qu'un homme politique qui s'était potentiellement rendu coupable
14:42de ce qu'on lui reprochait,
14:42ne pouvait pas être un candidat à l'élection présidentielle.
14:45– Merci à tous les deux, débat très intéressant.
14:47Mathieu Soucaire, SCI, c'est l'expert associé
14:50auprès de la Fondation Jean Jaurès,
14:52membre du collectif « Les choses de la vie ».
14:56Pardon, Pierre-Henri Tavoyau, le titre de votre dernier livre,
15:00« Voulons-nous vivre ensemble ? » chez Odile Jacob.
15:02Merci encore.