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00:00On reprend 9h30 11h avec Thomas Hill et vos invités ce matin Thomas.
00:03Oui je crois que c'est la première fois que je reçois une mère et son fils,
00:06un jeune homme que le public a découvert le 29 avril 2019 dans ce jeu.
00:12Je suis plutôt Asperger moi.
00:13Ah dites nous !
00:14C'est un syndrome autistique qui ne touche pas les capacités cognitives,
00:19c'est un peu un syndrome léger par rapport à l'autisme qu'on connaît,
00:22et ses difficultés de communication, c'est un peu compliqué dans la vie de tous les jours,
00:29mais ça va sinon.
00:31Ça va sinon, c'était votre tout premier jour.
00:34Ah mais j'étais hyper stressé.
00:35Oui ça sent un petit peu.
00:37Paul Elkarrat sur le plateau de Jean-Luc Richemont,
00:39c'était la première de vos 153 ou 154 émissions, je ne sais plus.
00:44153 émissions.
00:45Et alors tout de suite ça a été une évidence pour vous de le dire d'ailleurs,
00:49je suis autiste Asperger, parce que ça n'est pas visible,
00:52c'est ça la particularité Paul ?
00:54Oui après pour les connaisseurs ils peuvent supposer,
00:57pour ceux qui ont une sensibilité accrue à tout ce qui est troubles du spectre de l'autisme,
01:03ou troubles mentaux, ils peuvent supposer qu'il y a quelque chose,
01:07une difficulté, une déviance, une pathologie quelconque,
01:10et du coup il y en a qui peuvent deviner,
01:13mais c'est vrai que si on ne l'exprime pas c'est quasiment indiscernable.
01:18Encore pire pour les filles.
01:20Pourquoi pire pour les filles ?
01:22Parce qu'on considère que les femmes avec un trouble du spectre de l'autisme
01:25sont considérées comme des filles qui ont une timidité maladive,
01:29elles sont moins dans l'expansion émotionnelle que les hommes,
01:36elles gardent beaucoup plus pour elles,
01:38et donc elles sont encore moins détectables que les hommes.
01:41Déjà les hommes, par exemple quand ils crient,
01:44quand ils font des crises, quand ils hurlent, etc.
01:47c'est délicat, mais on ne se dit pas forcément qu'ils sont autistes,
01:50mais alors les filles c'est encore plus compliqué.
01:52Et alors vous, Sophie Elkarrat, vous avez eu peur pour votre fils
01:55quand il a fait sa première télé ?
01:56Parce qu'à l'époque, Paul il n'avait que 19 ans,
01:59il avait été diagnostiqué Asperger depuis 3 ans seulement.
02:03Est-ce que ça vous a effrayé de le voir comme ça à la télévision ?
02:06Ou vous disiez, non c'est une aventure pour lui, c'est bien ?
02:09Ecoutez, c'était une des pires journées d'angoisse que j'ai eues.
02:14Parce qu'il a voulu faire ce jeu,
02:17et donc je l'ai accompagné en étant persuadé
02:20que je le faisais pour lui,
02:23c'était sa dernière toccade,
02:26et que ça allait rapidement se terminer.
02:32Si vous regardez les images de la première émission
02:35où il explique justement son autisme Asperger,
02:38c'était l'angoisse totale.
02:39Parce qu'un studio télé, c'est tout ce qu'il ne faut pas.
02:42C'est du bruit, des gens,
02:44c'est une boîte de nuit, c'est des spots,
02:48c'est une équipe énorme qui s'active,
02:51et donc c'était tout ce qu'il ne fallait pas.
02:53Donc je me suis dit, on va repartir comme on est venu, tranquillement.
02:57Et puis voilà.
02:58Et c'est vrai que c'est ce que vous expliquez dans ce livre atypique
03:01qui permet de mettre en lumière votre parcours, votre histoire.
03:05Vous expliquez une chose qui est commune aux autistes,
03:07il ne faut pas bouger les habitudes, il ne faut pas bouger les repères.
03:11Et ça c'est particulier, Paul Elkarad,
03:13que vous ayez choisi finalement cette carrière médiatique,
03:16parce que justement, les médias, ça bouge tout le temps.
03:19Il n'y a absolument rien de stable dans les médias.
03:21Oui, justement.
03:22C'est parfois compliqué de supporter les changements d'habitude,
03:28les changements promotionnels.
03:31Là par exemple, je commence aujourd'hui,
03:33il y a des choses qui s'ajoutent, il y a des choses qui s'enlèvent,
03:36il y a des annulations, il y a des rajouts.
03:38Oui, rien que le fait de sortir un livre et d'en faire la publicité,
03:43c'est des changements permanents.
03:46Donc oui, même en faisant de la radio, même en écrivant,
03:49en étant auteur, sociétaire, etc.
03:52Comment vous le gérez ça au quotidien ?
03:54Ce n'est pas évident, mais il faut le plus possible communiquer,
03:59s'expliquer, téléphoner, s'adresser les uns aux autres,
04:03plutôt que de rester dans le silence non convenu,
04:06et puis de se faire des circonvulsions cérébrales,
04:09et puis après de tomber dans des difficultés d'ordre psychique insurmontables.
04:15Dans votre livre, on se rend compte que ça a été un long chemin
04:18avant de mettre un mot sur ce qui fait que Paul est différent.
04:22Au départ, ce sont des petites choses qui vous interpellent, Sophie,
04:25comme sa manière de jouer aux petites voitures, par exemple.
04:27Racontez-nous ça.
04:28Oui, parce que sans avoir étudié la question au préalable,
04:33quand vous regardez des enfants en général, petits garçons, même petites filles,
04:37jouer aux voitures, ils imaginent des circuits,
04:41ils imaginent des accidents, il y a des tas de choses qui se passent,
04:45alors que lui, pas du tout, il est aligné au millimètre près
04:49avec un espace entre les voitures qui était le même absolument, totalement,
04:54on aurait mesuré que ça aurait été le même,
04:56et donc c'est vrai que c'est quelque chose qui nous a interpellés,
04:59en disant que c'est bizarre, ce gamin, il ne joue pas aux voitures comme les autres.
05:03Et une passion aussi pour les plaques d'immatriculation.
05:05Ah oui, mais toujours aujourd'hui.
05:07Qui ne vous a pas quitté, toujours aujourd'hui.
05:09A chaque fois que je vois une plaque qui sort de l'ordinaire,
05:12bon après les plaques basiques, françaises, allemandes, espagnoles, italiennes,
05:17bon ça c'est basique, mais par contre quand je vois des plaques,
05:19la dernière fois devant chez moi, il y avait une plaque serbe,
05:21et j'ai dit waouh, c'est rare, c'est rare, une plaque serbe.
05:25Et là vous étiez heureux quoi.
05:26Oui, mais surtout qu'il y ait une personne d'origine serbe dans mon immeuble,
05:29donc c'est peut-être sa voiture, je ne sais pas,
05:31mais en tout cas, on vous appelait Milo Vivic, donc c'est possible,
05:35mais après quand je vois des plaques je suis content,
05:38et les camions c'était ma marotte particulière,
05:40parce que les camions voyagent dans le monde entier,
05:43et voilà, je voyais des plaques grecques, des plaques turques.
05:46Des passions très spécifiques, et puis vous vous êtes aperçus aussi très vite,
05:50mais dès la fin de l'allaitement, de cette détestation du changement.
05:54Le premier biberon par exemple, ça a été terrible,
05:57vous racontez aussi la première purée, ça a été terrible,
06:00et puis il se trouve que vous, vous allez beaucoup déménager en plus,
06:04pour vos travaux respectifs, le travail de votre mari, le vôtre,
06:09vous avez beaucoup bougé dans votre vie, beaucoup déménagé,
06:11et ça aussi, ça a été un problème pour Paul.
06:13À chaque changement, ça a été un drame,
06:16le plus important a été de quitter la Martinique,
06:19nous avons vécu six ans pour arriver à Grenoble,
06:23et le changement était terrible, et ça a occasionné une dépression sévère.
06:28Donc les changements, on ne mesure pas à quel point,
06:33pour les neuroatypiques, c'est une violence inouïe.
06:39Nous déjà, on a du mal à changer, à se réhabituer,
06:43ça ne prend pas des proportions aussi importantes,
06:45mais pour eux, c'est une réelle souffrance,
06:47qui peut occasionner des dépressions.
06:49Et puis vous racontez, Sophie, que vous allez vivre avec votre mari,
06:53justement sous la pression constante de Paul,
06:56qui dès ses trois ans ne laisse absolument rien passer,
06:58il vous surveille, il vous corrige tout le temps.
07:01Dès qu'il a été en âge de le faire, oui.
07:04C'est-à-dire que, ça c'est un trait aussi commun
07:08aux personnes porteuses d'un TSA, d'un trouble du spectre autistique,
07:12c'est que l'imperfection du monde, le désordre,
07:19et Dieu sait si on vit quand même dans un monde de désordre,
07:23de plus en plus, occasionne chez eux une angoisse telle
07:31qu'ils essayent de se rattraper à des petites choses,
07:34d'où les rituels, d'où les habitudes,
07:37pour essayer, tenter de maîtriser un minimum ce monde désordonné.
07:45Là ça va, ça se passe bien, pour l'instant,
07:47il n'y a rien qui te semble en désordre ?
07:49Oui, après, si on peut considérer qu'il y a de l'ordre dans du désordre,
07:53il n'y a pas de problème.
07:54Après, il peut y avoir du rangement dans un désordre apparent,
07:57ça c'est plus compliqué.
07:58Et ranger à contrario, ça peut être le bazar dans sa tête,
08:01parce qu'on ne s'y retrouve plus.
08:03Ça dépend, mais là je ne dis rien, parce que ce n'est pas le propos,
08:06je me concentre sur ce que je veux dire.
08:09Justement, on va continuer à parler de ce livre
08:11dans un instant atypique et publié aujourd'hui aux éditions HarperCollins.