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Avec Jean-Marie Rouart, académicien et auteur de "Drôle de justice" aux éditions Albin Michel

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##EN_TOUTE_VERITE-2025-03-30##

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00:00En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio Économie, Sécurité, Numérique, Immigration, Écologie.
00:12Pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:17Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir l'écrivain et académicien Jean-Marie Roir, qui viendra nous parler de son nouveau livre, Drôle de Justice.
00:28Ça vient de paraître aux éditions Alba Michel. Ça tombe bien, puisque l'actualité judiciaire est très riche.
00:36Actualité judiciaire avec notamment les réquisitions très dures contre Nicolas Sarkozy.
00:44L'ancien président de la République pourrait être envoyé en prison pendant ces temps.
00:49Et actualité judiciaire aussi pour le procès Marine Le Pen.
00:54La patronne du Rassemblement national pourrait être privée d'élection présidentielle en cas d'inéligibilité et d'exécution immédiate.
01:05La justice est-elle une grande illusion ? La justice est-elle politique ? Faut-il craindre un gouvernement des juges ?
01:15Et si oui, faudrait-il juger les juges ? Tout de suite les réponses de Jean-Marie Roir, en toute vérité.
01:22En toute vérité, sur Sud Radio, Alexandre De Vecchio.
01:26Jean-Marie Roir, bonjour.
01:28Bonjour.
01:29Ravi de vous recevoir dans cette émission pour discuter pendant une heure de votre nouveau livre, Drôle de Justice, chez Alba Michel.
01:40Mais pour commencer, puisqu'on parle de justice, je voudrais vous parler d'une injustice d'un prisonnier politique, Boilem Sansalle.
01:49On espère toutefois qu'en cette fin du ramadan, il pourra être gracié par le président Théboune.
01:57Est-ce que vous l'espérez d'abord ? Et est-ce qu'Emmanuel Macron, si ça s'avérait être le cas, a bien fait finalement d'essayer de négocier avec le régime algérien sans en rentrer dans un rapport de France ?
02:12Bien sûr que je l'espère de tout mon cœur. Et je trouve en effet que le président de la République, puisque c'était une affaire politique, c'était un otage politique,
02:23je crois qu'il a eu raison d'intervenir avec modération. Personnellement, j'aimerais bien que le président soit modéré dans tous les domaines, y compris sur la question ukrainienne.
02:36En l'occurrence, pour cette libération de cet écrivain, je m'en réjouis. Vous savez que l'Académie avait failli les lire, justement.
02:48Et puis finalement, on a préféré attendre que les conditions soient tout à fait normales. Il sera certainement élu un jour.
02:55Merci Jean-Marie Rouart. On parle surtout de votre livre ce matin, Drôle de justice, parce qu'il n'y a pas qu'en Algérie.
03:06Alors bien sûr, la justice française, attention, n'a rien à voir avec la justice algérienne. Mais vous êtes tout de même assez piquant sur la justice.
03:15Votre livre Drôle de justice, qui paraît aux éditions Albin Michel, et qui tombe bien, je dirais, avec l'actualité, notamment avec l'affaire Sarkozy.
03:31Vous avez été surpris par les réquisitions du parquet qui réclament 7 ans de prison pour l'ancien président de la République, même la déchéance de son statut de père à Nicolas Sarkozy.
03:48Est-ce que vous, qui dénoncez dans votre livre une justice politique, est-ce qu'il vous semble qu'il y a une forme d'acharnement judiciaire ?
03:55Manifestement, il y a un acharnement. Et même un juge comme Vanhoenbeek s'était un moment opposé aux poursuites. Là, il y a vraiment trop de raisons d'en vouloir à Nicolas Sarkozy.
04:08sur la dernière affaire qui est jugée en ce moment. Je connais mal le dossier. Mais en tout cas, c'est sûr qu'il y a une particulière obsession de la justice
04:24vis-à-vis des grandes figures de la politique, notamment quand elles sont de droite. Vous avez remarqué, c'est drôle, parce qu'il y a des gens à gauche comme Strauss-Kahn
04:34qui passent entre les gouttes. Donc les juges ont une petite préférence pour la droite. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est vrai que sur le fond,
04:43on est en train de se constituer une république des juges qui interviennent. On l'a vu pour l'affaire Fillon, on le voit pour Marine Le Pen.
04:52Et ça, c'est vraiment un déni de démocratie. Il n'est pas normal que les juges interviennent pour finalement pousser les Français vers la préférence des juges.
05:04On a l'impression qu'il y a maintenant un pouvoir des juges qui est au-dessus de tout. Mais dans beaucoup de domaines. Parce que, d'une certaine façon,
05:12il y a une magistrature de droit divin. Et c'est très ancien, puisqu'au fond, l'origine des juges, c'est une délégation du pouvoir royal.
05:24Et le pouvoir royal, il vient de Dieu. Donc, c'est resté dans le cortex des juges. Ils se croient de droit divin et ils croient qu'ils ont toujours raison.
05:34Regardez le mal qu'ils ont quand ils ont tort à le reconnaître. C'est très, très, très rare. La cassation est très, très, très rare en France.
05:44Donc, ce pouvoir quasiment divin des juges, ils l'exercent pour leurs préférences politiques et il y a une politisation manifeste.
05:54J'essaie de l'expliquer dans mon livre, notamment, même si je ne suis pas un spécialiste du droit, de proposer quelques réformes.
06:03Notamment, la réforme de l'école de la magistrature. L'école de la magistrature, c'est un complexe.
06:10On dit que c'est une école très idéologique, l'école de la magistrature.
06:14Mais surtout inhumaine. Inhumaine, pourquoi ? Parce qu'on a réuni des élèves qui vont être magistrats.
06:24Autrefois, la magistrature était constituée par des avocats. C'était des avocats qui devenaient des juges.
06:31C'est d'ailleurs ce qui se passe dans les pays où il y a une vraie justice, un peu moins baveuse que la nôtre, comme le Canada.
06:38Le Canada, vous commencez par être avocat et ensuite, vous devenez juge.
06:43En France, les juges et les avocats, on ne peut pas dire que ce soit le grand amour entre les deux.
06:48Mais ce n'est pas normal. Parce qu'au fond, un avocat et un juge, ce sont les deux versants de la justice.
06:56Donc, ça serait formidable qu'il y ait un tronc commun dans l'école de la magistrature.
07:01Au départ, avec ceux qui veulent devenir avocats et ceux qui veulent devenir juges.
07:05Ensuite, ils se séparent. Mais en tout cas, c'est absurde de voir que maintenant, les juges apprennent comment déjouer les pièges posés par les avocats.
07:17C'est scandaleux. Et c'est ce qui donne cette inhumanité, ce sentiment d'impunité totale aux juges qui ont oublié, finalement, le raisonnement des avocats.
07:29Vous nous avez dit, effectivement, justice de droit divin, quasiment.
07:34Il n'empêche qu'elle est rendue, au nom du peuple français, théoriquement, la justice aujourd'hui.
07:40Et pour en revenir, après, on parlera plus largement de la justice.
07:44Mais à l'affaire Marine Le Pen, puisque c'est lundi et qu'on saura d'abord si elle est coupable ou pas.
07:53Ensuite, si elle est inéligible et si la décision s'applique ou pas immédiatement.
07:58Mais si elle était inéligible et que ça s'appliquait immédiatement, ça voudrait dire que des juges ont décidé de priver ce qui est probablement la favorite
08:08ou du moins l'une des favorites de l'élection présidentielle de pouvoir concourir.
08:12Est-ce que ça ne pose pas un problème démocratique très important ?
08:16On rentre complètement dans la république des juges.
08:20C'est évident, c'est un déni de démocratie.
08:24Mais je pense que quand même, les juges vont comprendre, étant donné les échos qu'il y a eu dans la presse.
08:31Je crois qu'ils vont sursoir à cet empêchement de Marine Le Pen.
08:38Mais vous savez, il y a également le cas, vous dites la justice rendue au nom du peuple français, c'est quand même une grande rigolade.
08:48Parce que, vous savez, dans les cours d'assises, en effet, autrefois, la justice était rendue par 12 jurés populaires.
08:57Voilà, ça c'est ce qui a existé.
08:59Vous rappelez dans votre livre que ce n'est plus le cas.
09:03Et d'ailleurs que la réforme vient du maréchal Pétain.
09:08De Vichy.
09:09De Vichy, en tout cas.
09:10Le maréchal Pétain, je crois que je l'ai déparlé.
09:12Il n'était peut-être pas au courant, mais en tout cas, c'est une politique...
09:15C'est un décret loi qui a stoppé, au fond, une tradition de 200 ans, depuis la révolution.
09:22Et qui fait que, c'est ce qu'on appelle l'échevinage.
09:26C'est-à-dire, vous mettez 3 magistrats et 6 jurés populaires.
09:32Et c'est bien évident que ces magistrats prennent la main, parce que les malheureux jurés populaires qui connaissent mal le droit,
09:39avec des gens qui sont des professionnels, c'est eux qui imposent le verdict.
09:43Et je l'ai pressenti dans une affaire dont je me suis beaucoup occupé, qui est l'affaire Omar Haddad.
09:49Omar Haddad, on en parlera, évidemment.
09:51Et bien, c'est évident qu'il y a eu une pression.
09:54D'ailleurs, les jurés l'ont reconnu. Ils avaient donné des interviews au journal VSD.
09:58Parce qu'il y a eu une peine absurde, avec des circonstances atténuantes, donc...
10:02Voilà. Non mais, écoutez, imaginez, très rapidement, c'est une femme qui a été torturée.
10:08Elle a eu le foie perforé. On lui a arraché la mâchoire. Elle le doit arracher.
10:13Et Omar est condamné à 18 ans de réclusion, avec les circonstances atténuantes.
10:22Qu'est-ce que ça veut dire, cet incrime abominable, atroce ?
10:25Ça veut dire simplement que le président du tribunal, M. Djan, est intervenu auprès des...
10:31Il a dit, écoutez, vous croyez qu'il est innocent ? Moi, je crois qu'il est coupable.
10:34On va couper la poire en deux.
10:36On coupe la poire en deux. Qu'est-ce que c'est que 8 ans de prison ?
10:39Non, c'est rien dans une vie. C'est scandaleux.
10:42C'est scandaleux. Donc il faudrait revenir sur ce décret de Vichy, sur l'échevinage,
10:48qui d'ailleurs, évidemment, ça a été très gênant à la Libération,
10:51parce qu'on avait prévu que les jurés populaires ne pouvaient être ni francs-maçons ni juifs.
10:59Ça faisait un peu désordre. Alors on a retiré cet additif.
11:04Merci Jean-Marie Rouart. On continue de parler de votre livre Drôle de justice.
11:08C'est aux éditions Albin Michel. C'est passionnant.
11:10Après une courte pause, et on parle justement aussi de cette actualité judiciaire très riche,
11:16et puis du rapport compliqué entre les juges et les Français.
11:20Les Français de plus en plus défiant à l'égard de la justice.
11:23A tout de suite dans En toute vérité, avec l'écrivain et l'académicien Jean-Marie Rouart.
11:28En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
11:33Nous sommes de retour sur Sud Radio, En toute vérité, avec Jean-Marie Rouart.
11:36On parle de son dernier livre Drôle de justice, qui explore les liens entre la justice et la littérature.
11:42On en parlera. Ça a été une très grande source d'inspiration pour vous, Jean-Marie Rouart.
11:47Mais aussi les liens entre justice et politique.
11:51Vous nous avez dit tout à l'heure craindre l'avènement d'un gouvernement des juges.
11:55Est-ce que c'est un retour de balancier et une vengeance des juges ?
11:59Puisque un temps, peut-être, l'équilibre des pouvoirs, ou plutôt le déséquilibre des pouvoirs,
12:04était plutôt en faveur des politiques, avec des politiques qui avaient le contrôle sur les juges.
12:08On a l'impression que là, c'est exactement l'inverse.
12:12Mais on n'est pas plus dans la séparation des pouvoirs.
12:15C'est-à-dire que plus personne n'arrête le pouvoir judiciaire.
12:19Oui, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y ait pas des interventions du pouvoir sur les juges.
12:23Aussi, parce qu'il y a eu beaucoup d'affaires extrêmement mystérieuses.
12:27Je pense à l'affaire Doucet, par exemple. Vous savez, ce pasteur pédophile.
12:31C'est ce que je vous disais, mais c'est plutôt le cas dans le passé.
12:33Est-ce que, justement, il n'y a pas une rupture en ce moment ?
12:37Une inversion de rapport de force ?
12:40C'est l'impression que nous avons.
12:42Mais, dans les faits, je crois que le pouvoir continuera à intervenir.
12:46Et il y a un grand nombre d'affaires où on a senti qu'il y avait quand même une intervention du pouvoir.
12:53Mais ce pouvoir exorbitant des juges, en ce moment, je crois qu'il faudrait se rendre compte et essayer de le réformer.
13:04C'est quand même bizarre, cette frilosité des politiques vis-à-vis des juges.
13:09Regardez l'affaire, qui n'est pas si ancienne, du mur des cons.
13:15Le mur des cons, c'était vraiment un scandale épouvantable.
13:18C'est un syndicat de la magistrature qui avait affiché dans son bureau, non seulement des personnalités de droite, ce fameux mur des cons, mais surtout des familles de victimes.
13:27De victimes ? Des gens qui avaient perdu leur enfant ?
13:30C'était tué, violé ?
13:32C'était monstrueux.
13:34Et est-ce qu'il y a eu une réaction des pouvoirs publics ? Non.
13:38Parce qu'il y a une frilosité des parlementaires, des pouvoirs publics.
13:42Ils auraient pu faire une commission d'enquête parlementaire.
13:44Ils en ont fait une sur Benalla.
13:46Pouvez-vous me dire en quoi Benalla pouvait être intéressant dans le fonctionnement de la démocratie ?
13:52Ça n'avait aucun intérêt.
13:53En revanche, l'histoire du mur des cons, ça montrait une prise de position des juges passionnels qui portaient un grave préjudice à la magistrature.
14:04Je ne veux pas mettre en cause complètement le syndicat de la magistrature.
14:08J'ai connu sa naissance.
14:11Il y avait un idéal pour soustraire la justice aux pressions politiques.
14:17Mais maintenant, après, c'est la phrase de Peggy.
14:20Tout commence en mystique, tout finit en politique.
14:23Ça s'est politisé et c'est sûr qu'il y a eu des dérives qui auraient dû être sanctionnées.
14:28Vous expliquez justement dans votre livre que le sentiment de toute puissance des juges,
14:33vous nous l'avez dit, ça vient de l'histoire, du fait qu'à l'origine c'était une justice de droit divin.
14:40Mais ça vient aussi aujourd'hui du fait qu'il n'y a pas du tout de contrôle sur la justice.
14:45Personne ne juge les juges.
14:46Vous parliez de réforme de la justice.
14:48Il faut imaginer une justice de la justice comme il y a une police des polices.
14:53Écoutez, il y a quelque chose d'intéressant à faire, si on a un peu de temps,
14:58c'est de regarder sur Internet comment les juges se jugent.
15:02Parce qu'il arrive que les juges commettent des infractions, des délits, des choses pas très jolies.
15:08C'est intéressant de voir comment ils se jugent.
15:11Je veux dire, c'est merveilleux.
15:13C'est comme ça qu'on aimerait être jugé.
15:15C'est avec une indulgence, une gentillesse, une compréhension.
15:19Je crois que c'est ça qu'il faut aspirer à cette justice humaine dont les juges usent envers leurs confrères.
15:28C'est formidable.
15:29Mais pour les autres, vous savez, la justice en France, l'opinion est montée contre les juges
15:36parce qu'il y a un très lourd passif.
15:39Vous savez, il y a un livre magnifique de Michelet sur la Révolution française
15:44qui explique la haine qui s'est développée vis-à-vis des juges et vis-à-vis du pouvoir
15:51qui venait de l'horrible situation des plébéiens qui étaient torturés,
15:57qui passaient à la question.
15:59Et ça créait une haine vis-à-vis de tout ce qui avait un lien avec la justice
16:04qui explique la prise de la Bastille et qui explique la prise de toutes les Bastilles.
16:08C'est un fond terrible parce que non seulement il y a eu des exactions effroyables, légales,
16:16mais en plus il n'y a jamais eu une reprendance.
16:19Jamais les juges ont beau avoir commis des erreurs les plus énormes,
16:24et on le voit bien, surtout depuis qu'il y a un appel en matière d'assises.
16:31Mais avant, les gens étaient guillotinés et on se rendrait compte,
16:34dix ans plus tard, qu'ils étaient innocents.
16:36Je crois qu'il y a 60 affaires par an qui, en appel, ont un verdict différent
16:43où la cour d'appel contredit la première instance.
16:48Donc ça veut dire 60 personnes qui ont été victimes à la base d'une erreur judiciaire.
16:54Et avant on rappelle qu'il n'y avait pas de cour d'appel.
16:57Omar Haddad justement n'a pas bénéficié, mais sa cause a permis à Jacques Toubon
17:03de créer l'appel en matière d'assises.
17:06Donc vous voyez bien, les gens qui étaient guillotinés,
17:08on se rendrait compte un peu après qu'ils étaient innocents.
17:13Effectivement, parlons de cette affaire Omar Haddad,
17:20puisque c'est l'affaire de votre vie, Jean-Marie Roy.
17:25C'est le moment où vous comprenez l'enjeu de la justice en France,
17:32ou c'était quelque chose que vous aviez déjà en tête ?
17:35Vous dites que vous avez découvert avec naïveté l'univers de la justice à ce moment-là ?
17:41Non, bien avant.
17:42Il se trouve que ces questions de justice m'ont obsédé depuis très très longtemps,
17:48parce que comme tout le monde, j'ai connu l'injustice.
17:51Chacun connaît l'injustice.
17:53Chaque jour, qu'elle soit pour soi ou pour les autres,
17:57nous sommes dans un monde d'injustice.
18:00Et moi, j'ai cette particularité, comme disait Romain Garry,
18:03j'ai mal chez les autres.
18:05Et mon premier article a été sur l'affaire Gabrielle Russier.
18:10Gabrielle Russier, c'est ce professeur qui était tombée amoureuse d'un de ses élèves
18:14et qui a été inculpée, et on l'a mise en prison.
18:17Et à ce moment-là, j'ai fait un article dans le Figaro, il y a très longtemps,
18:20c'était en 69, et elle était vivante,
18:23c'était bien avant que Georges Pompidou prenne position.
18:27J'ai pris position pour l'affaire libérée.
18:30Au contraire, on l'a maintenue en prison et elle s'est suicidée.
18:34Et c'est là que j'ai vraiment pris conscience, au fond, de ce lien qu'il peut y avoir
18:40entre le journalisme et la défense de la justice.
18:44Parce que je me suis dit, c'est formidable ce métier,
18:47on peut venir en aide à beaucoup de gens qui souffrent
18:51et auxquels personne ne s'intéresse.
18:53Donc ça a été à l'occasion de ma...
18:55Non, non, mais je parlais d'AFT parce que vous l'écrivez,
18:59vous expliquez qu'après votre livre sur Omar Haddad,
19:05excusez-moi, vous êtes vous-même inculpé par la justice,
19:12on vous accuse effectivement d'écrire des mensonges
19:16avec rapport à la diffamation,
19:19et vous arrivez à la barre en pensant que vous allez être félicité
19:22parce que vous avez découvert une erreur judiciaire.
19:24Ah oui, j'étais complètement naïf.
19:26Alors je suis arrivé à la dix-septième chambre correctionnelle
19:29et je me tendais à ce que le président de la chambre me dise
19:33vous avez consacré beaucoup de temps, vous voulez nous aider.
19:36Et ça n'a pas du tout été comme ça.
19:38Je me suis trouvé dans la position de Zelensky à la Maison-Blanche.
19:42C'est-à-dire que tout le monde me tombait dessus,
19:45me disait le président me disait j'ai honte pour vous,
19:47et la partie civile, c'était le maître Kiezzman,
19:50qui m'a même dit, nous savons tous pourquoi vous défendez Omar Haddad.
19:54C'est pour vous faire élire à l'Académie française.
19:57Et à ce moment-là, Jean-Noël Meusson, qui était présent pour venir me soutenir,
20:00a dit, maître, je crois que vous ne connaissez pas très bien les usages de l'Académie.
20:04Si on veut se faire élire, mieux vaut faire la biographie du roi du Maroc
20:08plutôt que celle d'un jardinier marocain.
20:11C'est très drôle.
20:13Et effectivement, Omar Haddad, qui a été gracié par Jacques Chirac,
20:18mais qui est toujours officiellement reconnu coupable,
20:21est-ce que vous espérez qu'un jour il soit totalement blanchi ?
20:26Bien sûr, il y a eu deux tentatives de révision qui n'ont pas abouti,
20:31mais il reste l'affaire elle-même.
20:34C'est là où on voit la surdité et la cécité des juges.
20:38Parce que cette affaire Omar Haddad, si on l'apprend dès le début,
20:42et moi dès le début, j'ai vu les incohérences de la justice.
20:45Puisque, vous savez, il y a un rapport d'autopsie.
20:48Dans ce rapport d'autopsie, on voit que cette malheureuse a le foie perforé,
20:53un traumatisme crânien, un doigt arraché, la mâchoire à moitié arrachée,
20:58elle est torturée sur le long du corps.
21:01Et on voudrait nous faire croire que cette accusation avec l'apostrophe
21:05à deux endroits de la cave de Mougins a été écrite par elle.
21:09Elle était dans l'impossibilité physique de faire cette inscription.
21:13Et à partir du moment où ce n'est pas elle qui a fait l'inscription...
21:16Et en plus, c'était quelqu'un d'extrêmement lettré.
21:19Effectivement, Omar m'a tué. La faute d'orthographe est quand même surprenante.
21:23Tout est ridicule. La phrase elle-même.
21:26Quand vous êtes à l'article de la mort, vous n'allez pas faire des phrases
21:29avec l'apostrophe à deux endroits.
21:31Non, ça ne tient pas debout.
21:33Et puis, il y a tellement de choses qui ne tiennent pas debout dans cette affaire
21:37que c'était un évident déni de justice.
21:42Merci Jean-Marie Rouart.
21:44On continue à parler de cette thématique de la justice
21:48qui vraiment est une thématique aujourd'hui,
21:50qui est dans l'actualité,
21:54qui divise les Français, qui divise les politiques.
21:58On continue notre conversation autour de votre livre Drôle de Justice,
22:02après la pause.
22:04En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Devecchio.
22:08Nous sommes de retour en toute vérité avec Jean-Marie Rouart,
22:13écrivain, académicien, auteur d'un nouveau livre,
22:16Drôle de Justice, des éditions Alba Michel.
22:20Un livre dans lequel vous explorez les rapports entre la justice et la politique,
22:24la justice et la littérature,
22:27où vous dénoncez l'avènement d'un gouvernement,
22:31des juges notamment,
22:33et donc un livre qui tombe à pic dans l'actualité
22:36avec toutes ces affaires judiciaires.
22:39On a parlé de l'affaire Nicolas Sarkozy,
22:41de l'affaire Le Pen.
22:43On va peut-être en parler d'ailleurs de l'affaire Depardieu.
22:47Mais tout d'abord, Jean-Marie Rouart,
22:50vous décrivez une justice qui aujourd'hui est assez impitoyable
22:55avec les puissants.
22:56Pourtant, paradoxalement, l'opinion publique juge la justice
23:00trop laxiste.
23:01Alors, peut-être pas d'ailleurs avec les puissants,
23:03mais en matière justement de criminalité, de délinquance,
23:07les juges, voilà, on leur reproche souvent
23:11d'être trop cléments et trop humains.
23:14Comment vous expliquez ce décalage ?
23:17Est-ce que c'est de l'idéologie ?
23:19Vous savez, il faudrait voir au cas par cas.
23:21C'est extrêmement complexe parce qu'en effet,
23:24il y a un attrait de la justice pour les gens puissants
23:29et si possible de droite.
23:31Bon, c'est vrai que pour les gens de gauche,
23:33on considère qu'ils sont des gens...
23:35Voilà, ils ont été communistes dans leur jeunesse,
23:38c'est-à-dire tellement généreux.
23:40Donc il y a cet aspect, mais il y a aussi, au jour le jour,
23:45il faut voir quand cette justice s'exerce,
23:48sur les malheureux qui n'ont pas vraiment des avocats
23:50pour les défendre.
23:52Et on ne sait pas tout ce qui se passe,
23:54si vous voulez, de toutes les prisons.
23:56Le fait d'être pauvre, de ne pas avoir de travail,
24:00d'avoir une vie un peu dissolue,
24:02vous êtes plus matraqué que si vous avez pignon sur rue,
24:06c'est évident.
24:07C'est évident qu'il y a une protection
24:10de la grande bourgeoisie, relativement,
24:12même si le curseur est parti de l'autre côté.
24:15Et maintenant, les gens puissants sont terriblement attaqués
24:18pour des raisons idéologiques.
24:20C'est pour ça qu'on est dans une situation,
24:22à mon avis, complètement contradictoire
24:25de la justice.
24:26On est dans une période comme notre société.
24:29Parce que la justice, c'est quoi ?
24:31C'est l'expression de notre société.
24:33On le voit bien.
24:34Regardez dans l'histoire,
24:35quand Mme Bovary a été...
24:38Flaubert a été inculpé par le juge Pinard,
24:42et qu'ensuite Baudelaire a été non seulement inculpé,
24:46mais il a été condamné.
24:48Et son éditeur pour les Malassis a été ruiné.
24:50Donc vous voyez, la justice change très souvent.
24:53Elle correspond aux mœurs.
24:55Aux mœurs d'une époque.
24:57Aux mœurs, vraiment,
24:58ou à l'idéologie d'une minorité aujourd'hui.
25:01Parce que, je vous disais,
25:02il semble qu'il y ait de plus en plus...
25:04On a commencé l'émission en disant
25:05que la justice est censée être rendue au nom du peuple.
25:08On dirait qu'il y a un décalage croissant
25:11entre la volonté du peuple et la volonté des juges.
25:13Non, mais regardez sur un certain nombre de lois,
25:18sur les avortements.
25:20Il y a une avorteuse sous Vichy
25:22qui a été condamnée à mort et guillotinée.
25:24Mais les femmes qui se faisaient avorter
25:27étaient condamnées à 5 ans de prison.
25:29C'était épouvantable,
25:31à la fois avant Vichy, bien avant Vichy.
25:33Regardez sur l'adultère.
25:35Mais là, on était dans le cadre de la loi.
25:36Les juges appliquaient la loi.
25:38Aujourd'hui, on a l'impression qu'il peut y avoir une...
25:42C'est aussi l'une des raisons de la défiance
25:44à l'égard de la justice.
25:45C'est-à-dire que les peines ne sont pas totalement appliquées.
25:50Les juges, par leur jurisprudence,
25:52interprètent très fortement la loi.
25:54C'est peut-être ça, la nouveauté de l'époque.
25:56Oui, mais seulement, il y a une question de dignité.
25:59Regardez sur l'homosexualité.
26:01L'homosexualité était condamnée pendant très longtemps.
26:03En Angleterre, il a fallu attendre 1964
26:06pour abolir le délit.
26:09C'était quasiment un crime.
26:10Non, je pense que la société et la justice,
26:14quelquefois, marchent ensemble.
26:17Mais ces lois changent.
26:19Mais il pourrait y avoir un peu de dignité
26:21de la part de certains juges.
26:22On le voit.
26:23Quand on voit que les juges qui ont jugé
26:27les sections spéciales,
26:29donc c'était un déni de justice absolu
26:31puisque c'était une loi rétroactive,
26:33et bien ensuite, qu'est-ce qu'ils ont fait ?
26:35Eh bien, ça a été les mêmes juges
26:37qui, pendant la dépuration,
26:38ont été les plus virulents.
26:40Il faut voir les conditions dans lesquelles...
26:43Qu'ils soient coupables ou non.
26:44Mais quand vous voyez le procès de Laval,
26:46quand vous voyez le procès de Brasillac,
26:48quand vous voyez le procès d'un certain nombre de personnes...
26:50Vous revenez sur le procès Brasillac.
26:53Il y a d'ailleurs...
26:54Je ne sais pas si on peut appeler ça un scoop,
26:56mais une découverte...
27:00Alors appelons ça un scoop Jean-Marie Roy,
27:02une découverte historique.
27:03Je n'en parlerai pas de mot scoop,
27:05puisque, comme vous le savez,
27:06je me bats contre le franglais.
27:08Exactement, c'est pour ça que je...
27:10Mais c'est vrai que c'est...
27:11Une révélation.
27:12Alors disons, il y a une révélation dans ce livre.
27:14C'est une information exclusive
27:17qui, bizarrement,
27:19avait échappé aux historiens.
27:22Il leur avait échappé...
27:24Vous savez, il y a une phrase que j'aime beaucoup,
27:25le Gorbatchev,
27:27quand il est venu en France, il a dit
27:29« J'aime beaucoup la France.
27:31C'est le seul pays où le communisme est réussi. »
27:35Eh bien,
27:37en ce qui confère à Brasillac,
27:39on avait trouvé...
27:40On vous rappelle peut-être le contexte,
27:43l'écrivain Brasillac,
27:45accusé de collaboration,
27:47d'ailleurs, sans doute coupable...
27:49Pas sans doute, coupable de collaboration,
27:52et qui a été donc guillotiné.
27:55Fusillé.
27:56Fusillé, pardon.
27:57Il est traduit devant les tribunaux,
27:59son procès se passe en six heures,
28:01et ce qui était l'habitude,
28:02pendant le moment de l'épuration,
28:03les gens avaient la main de gourde.
28:05Et puis son cas est soumis
28:07au général de Gaulle.
28:08Et vous savez, il y a eu...
28:10On a soumis, je crois,
28:111300 cas au général de Gaulle,
28:13il en a agracié 750 à peu près.
28:15Et donc on lui soumet le cas,
28:18et il y a une intervention
28:20de tous les écrivains,
28:21François Mauriac,
28:22Jean Polan,
28:23Paul Valéry,
28:24pour obtenir la grâce de Brasillac,
28:28qui était antisémite,
28:30qui avait écrit,
28:31tenu des propos antisémites,
28:32mais ça ne suffisait pas quand même
28:34pour être fusillé.
28:35Et le général de Gaulle,
28:37eh bien, décide de ne pas agracier Brasillac.
28:40C'est très mystérieux,
28:41parce qu'il y avait des gens
28:42comme Benoît Méchain
28:43qui avaient participé
28:44à la politique de Vichy,
28:45qui n'avaient pas du sang sur les mains.
28:47Ils avaient pris des décisions
28:49qui avaient amené,
28:50s'ils voulaient,
28:51à un certain nombre de crimes.
28:52Alors pourquoi ?
28:53Pourquoi est-ce que de Gaulle
28:54a agracié ?
28:55Et voilà ce que j'ai trouvé.
28:56J'ai trouvé quelque chose
28:58de très important
28:59dans la Seconde Guerre mondiale,
29:02c'est les fausses de Cattine.
29:04Qu'est-ce que c'est Cattine ?
29:06C'est...
29:07On a retrouvé
29:0921 000 soldats polonais,
29:12dont 12 généraux,
29:14qui avaient été assassinés
29:15d'une balle dans la tête,
29:16en 1940,
29:18au moment où les Russes
29:22sont rentrés en Pologne.
29:2421 000 officiers
29:28tués d'une balle dans la tête.
29:30Et ensuite,
29:32quand il y a eu l'avancée des Allemands,
29:34ils ont découvert ces charniers
29:36et ils ont prévenu les Alliés
29:39en disant
29:40« Regardez avec qui vous êtes alliés,
29:43avec ces Russes,
29:44qui sont des assassins. »
29:45Alors ça a provoqué
29:47énormément de choses.
29:49Tsirkovski,
29:50le chef du gouvernement polonais en exil,
29:52a hurlé à la mort.
29:54On s'en est débarrassé
29:55parce que son avion s'est écrasé.
29:57Et puis,
29:58il restait une personne
29:59qui était témoin
30:01de la découverte
30:03de ces cadavres.
30:04C'était Brasillac.
30:06Puisque Brasillac était allé en 1943
30:08voir les fosses de Katyn.
30:10Elle avait fait un grand article
30:12dans le journal qu'il dirigeait
30:14« Je suis partout »
30:15et donné une interview
30:16qu'on peut encore entendre
30:18à la radio
30:19pour dénoncer cette horreur.
30:22Et donc les communistes
30:23ont fait pression sur De Gaulle.
30:26Ils leur ont fait pression
30:28déjà sur l'affaire Pucheux.
30:29Vous savez que Pucheux a été condamné.
30:31De Gaulle l'a reconnu.
30:32A la demande des communistes.
30:34Et il a même dit
30:35qu'il n'est peut-être pas coupable.
30:36D'ailleurs, je m'occuperai de ses enfants.
30:38Et bien, il y avait
30:39quelque chose de beaucoup plus important.
30:41Dans la perspective
30:43du tribunal de Nuremberg,
30:45les soviétiques
30:47étaient terrorisés
30:48à l'idée
30:49qu'on allait témoigner
30:51sur la réalité
30:53de leurs crimes.
30:54Il n'y a jamais eu d'ailleurs
30:55de Nuremberg,
30:56de communisme.
30:57Ce qui aurait peut-être été...
30:59Il faudrait qu'il vienne.
31:00Cela dit,
31:01on était dans un contexte
31:02avec le possible déclenchement
31:04d'une nouvelle guerre mondiale.
31:08Avec la Russie.
31:10Enfin, avec l'Union soviétique
31:12à l'époque.
31:13Donc, en fait,
31:14le général De Gaulle
31:15n'a pas fait ça simplement
31:16pour faire plaisir aux communistes.
31:17C'est une forme de raison d'État.
31:18Est-ce que
31:20c'est quelque chose
31:22d'acceptable finalement ?
31:23C'est la justice
31:24de Créon contre Antigone.
31:28Est-ce que c'est acceptable ?
31:29Personnellement,
31:30je trouve ça ignoble.
31:31Vous êtes du côté d'Antigone.
31:34Qu'est-ce d'autre qu'un écrivain
31:36s'il n'est pas du côté d'Antigone ?
31:38Toute la littérature,
31:39c'est un cri
31:41contre la justice.
31:42Tous les écrivains
31:44ont passé leur temps
31:46à défendre...
31:48Madame Bovary,
31:49c'est la défense
31:50de la femme adultère.
31:51Anna Karenin,
31:52c'est la même chose.
31:54Gide a défendu l'homosexualité.
31:56Dans tous les domaines,
31:58les écrivains
31:59justement,
32:00contrairement aux juges,
32:04et même le plus extraordinaire,
32:05c'est Voltaire.
32:06Voltaire a passé
32:07une partie de sa vie
32:09à défendre Calas,
32:11Sirène
32:12et la mémoire du chevalier de la Barre.
32:14C'était des gens...
32:15Est-ce qu'il y a eu un juge
32:16pour protester ?
32:17Non.
32:18Non, la justice
32:20en France
32:21a été rendue
32:22par les écrivains.
32:23Non seulement dans des affaires judiciaires,
32:25mais dans ces affaires de mœurs,
32:27justement.
32:28Ce sont eux
32:29qui ont été,
32:30justement,
32:31pour la dépénalisation
32:32d'homosexualité,
32:33pour la dépénalisation
32:34de l'adultère.
32:35Ils ont
32:36rempli un rôle
32:37progressiste.
32:38Et vous savez bien,
32:40au 18e siècle,
32:41finalement,
32:42contre l'obscurantisme
32:43religieux...
32:44Moi, je ne suis pas
32:45anti-religieux,
32:46mais au contraire,
32:47je crois que la religion
32:48est importante.
32:49Mais c'est vrai que le cléricalisme
32:50était absolument abject,
32:52puisqu'il entraînait
32:53la torture
32:54d'un certain nombre de gens
32:55pour blasphème.
32:57Merci,
32:58Jean-Marie Auvoir.
32:59C'est intéressant
33:00que vous terminez
33:01là-dessus,
33:02parce qu'il reste encore
33:03une partie.
33:04Ce n'est pas terminé,
33:05il faut le dire
33:06à nos éditeurs.
33:07Mais justement,
33:08la dernière partie,
33:09vous nous avez dit
33:10que les écrivains
33:11étaient du côté
33:12de la liberté.
33:13Aujourd'hui,
33:14on a l'impression
33:15que les artistes
33:16sont de plus en plus
33:17du côté de la censure
33:18avec ce néo-féministe,
33:19ce wokisme,
33:20ces procès pour mœurs
33:21qu'on instruit aujourd'hui.
33:22On en parlera
33:23notamment
33:24du procès de Pardieu.
33:25Restez avec nous
33:26après la pause
33:27En Toute Vérité
33:28avec Jean-Marie Auvoir.
33:33Nous sommes de retour
33:34sur Sud Radio
33:35En Toute Vérité
33:36avec Jean-Marie Auvoir.
33:37Nous parlons de son
33:38nouveau livre
33:39Drôle de Justice.
33:40Chez Alba Michel,
33:41ça vient de paraître.
33:42C'est d'actualité
33:43puisque les polémiques
33:44s'enchaînent
33:45sur la question
33:46de la justice.
33:47On a exploré
33:48dans cette émission
33:49les liens entre justice
33:50et politique.
33:51Jean-Marie Auvoir,
33:52vous nous avez dit
33:53que la justice
33:54était aussi
33:55le reflet
33:56des mœurs
33:57de l'époque.
33:58Vous avez rappelé
33:59des affaires célèbres
34:00de censure
34:01d'écrivains.
34:02Aujourd'hui,
34:03on a l'impression
34:04qu'on assiste aussi
34:05au retour
34:06de la censure.
34:07Ce qui est paradoxal,
34:08c'est que vous nous avez dit
34:09que les écrivains
34:10ont toujours été
34:11du côté
34:12de la liberté.
34:13C'est peut-être
34:14un peu moins vrai
34:15aujourd'hui.
34:16Il y a les écrivains
34:17mais les artistes
34:18en général
34:19avec
34:20la liberté
34:21et la liberté
34:22d'expression.
34:23En général,
34:24avec
34:25ce phénomène
34:26Me Too,
34:27on a l'impression
34:28qu'il y a un retour
34:29peut-être
34:30du puritanisme
34:31et une volonté
34:32de censure
34:33par le monde
34:34du spectacle,
34:35de la littérature
34:36lui-même.
34:39Vous savez,
34:40le mal français
34:41c'est
34:42l'idéologie.
34:43Et
34:44cette idéologie
34:46c'est une forme
34:47de laïcisation
34:49des querelles religieuses.
34:51Et maintenant,
34:52on a placé
34:53le religieux,
34:54le blasphème
34:55dans des domaines
34:56laïcs.
34:57C'est une évolution.
34:59En ce qui concerne
35:00le féminisme
35:01et Me Too,
35:02moi,
35:03personnellement,
35:04vraiment,
35:05je trouve que le féminisme
35:06c'est quelque chose
35:07de tellement normal
35:08d'être du côté des femmes
35:09mais aussi du côté des hommes.
35:10C'est l'humanisme.
35:13Il y a une phrase
35:14merveilleuse d'ailleurs
35:15d'Alfred Levinier
35:16qui disait
35:17« Après avoir étudié
35:18la condition des femmes
35:19dans tous les temps
35:20et dans tous les pays,
35:21je suis arrivé
35:22à la conclusion
35:23qu'au lieu de leur dire
35:24bonjour,
35:25on devrait leur dire
35:26pardon. »
35:27Ça, je le comprends
35:28très bien
35:29parce que c'est vrai
35:30que les femmes
35:31ont été exploitées
35:32de façon abominable
35:33et personnellement,
35:34j'ai lutté
35:35en faveur
35:36des prostituées.
35:37J'ai même écrit un livre
35:38qui s'appelle
35:39« Le livre noir
35:40de la prostitution »
35:41où je montre
35:42l'abomination
35:43que représente
35:44la prostitution
35:45dans tous les temps,
35:46dans tous les pays.
35:47Les rapports
35:48malsains
35:49avec la police
35:50etc.
35:51Donc,
35:52de ce point de vue-là,
35:53ce qu'il faut voir,
35:54c'est que
35:55l'histoire
35:56avance
35:57par contre-coup.
35:58C'est-à-dire,
35:59maintenant,
36:00on légifère
36:01par contre-coup
36:02des erreurs passées.
36:03Et
36:04les féministes,
36:05à mon avis,
36:09parce que c'est
36:10idéologique,
36:11c'est pas humain,
36:12c'est idéologique.
36:13La loi,
36:14par exemple,
36:15qui a été poussée
36:16par les féministes
36:17au Sénat
36:18pour condamner
36:19le client
36:20des prostituées,
36:21c'est une loi
36:22qui, d'un point de vue
36:23idéologique,
36:24peut se comprendre
36:25mais qui est absurde.
36:26Parce que
36:27qu'est-ce qu'elles vont devenir
36:28ces malheureuses prostituées ?
36:29Est-ce qu'on a trouvé
36:30quelque chose
36:31pour les faire vivre ?
36:32Elles ont des enfants,
36:33elles ont des...
36:34Alors,
36:35c'est idéologique,
36:36ça satisfait
36:37les idéologues,
36:38mais moi
36:39qui vois l'humain,
36:40eh bien,
36:41je trouve ça désastreux.
36:42Eh bien,
36:43c'est la même chose
36:44dans un certain nombre
36:45de procès.
36:46Si elles savaient
36:47comment sont traitées
36:48les femmes et les hommes
36:49c'est que
36:50c'est une vraie
36:51création de dessin
36:52de nos droits.
36:53Et,
36:54il suffit d'aller
36:55au bois de Boulogne
36:56ou au bois de Vincennes
36:57et j'y suis allé
36:58avec des associations
36:59qui défendent les prostituées.
37:00C'est le viol
37:01tous les jours !
37:02C'est des choses
37:03atroces !
37:04C'est monstrueux.
37:05Et je trouve que c'est...
37:06Si on veut
37:07attaquer
37:08et
37:09poursuivre
37:10des hommes
37:11qui ont des conduites
37:12un peu,
37:13disons
37:14vulgaires
37:15ou transières,
37:16je trouve très bien
37:17embranlent tout le système judiciaire, tout le système médiatique, pour les rayer de la carte.
37:21C'est pour ça que j'avais signé. Moi, en faveur, il y avait une...
37:25C'est sûr, sur Dieu par Dieu. Parce qu'effectivement, Dieu par Dieu, attendons le verdict,
37:30mais il a été jugé coupable avant même le verdict. Il est mort socialement.
37:36Oui, et cette mort, c'est quand même sur un témoignage d'une femme.
37:42Et si maintenant, on se met à accepter unilatéralement le témoignage d'une femme,
37:50moi, je fais confiance aux femmes, vraiment, parce que c'est normal. Un écrivain, d'ailleurs,
37:56a une tendance... Toutes les héroïnes sont des femmes merveilleuses.
38:00Donc les romans sont nourris par des personnages féminins. Néanmoins, il y a des femmes,
38:06on le voit bien, qui peuvent se venger. Et si on entre dans ce système de donner à la parole
38:13des femmes, eh bien, on rentre dans un système qui est exactement celui de...
38:18Il faut quand même les entendre, Jean-Marie Roy.
38:20Ah, bien sûr.
38:21Mais ce que tu voulais dire, je suppose, c'est qu'il faut des preuves matérielles également.
38:24Voilà. Et puis, il y a une question de gravité. De gravité. Est-ce que l'insulte...
38:29Maintenant, l'insulte a pris une position... Vous savez ce que je disais ?
38:33L'affaire Nicolas Bedos, par exemple, où effectivement il a un comportement déplacé,
38:39une peine de prison ferme, ça peut paraître excessive quand on voit que d'autres qui agressent
38:45des policiers ou qui agressent physiquement des personnes ne vont pas en prison.
38:51Surtout les insultes. Vous savez ce que disait Freud ? Freud disait que l'insulte était un très grand pas
38:59dans l'ordre de la civilisation. Parce qu'avant, quand on avait un problème, on allait oxyre son ennemi,
39:05on lui tapait dessus, et l'insulte a permis de franchir un pas dans l'ordre de la civilisation.
39:10Elle a une dimension cathartique.
39:11Parce que maintenant, l'insulte, c'est quasiment considéré comme un crime.
39:15Oui. Les offenses, on est dans une société où chacun se dit offensé des petites susceptibilités.
39:21Effectivement, pour en revenir à la littérature, c'est quand même ce qui vous anime le plus.
39:29Votre livre d'ailleurs se termine par un vaut de ville, un vaut de ville autour de la justice.
39:36Est-ce que la justice est avant tout pour vous une formidable matière littéraire ?
39:41Non. Franchement, si je pouvais régler tous les problèmes de justice, mais on ne peut pas le régler.
39:47C'est impossible. Parce que la justice, c'est une aspiration.
39:51On ne peut pas régler toutes les formes d'injustice qui nous...
39:54Et je crois que c'est justement parce qu'on ne peut pas régler toutes les formes, toutes les causes de l'injustice,
40:01que la littérature est essentielle, parce qu'elle donne un sens à l'injustice.
40:06Et vous savez, c'est très important, au fond, quand on est en phase d'un malheur, de trouver un sens à ce malheur.
40:13Et c'est pour ça que je parle de l'abbé Stock, qui est le confesseur de tous les malheureux au Mont-Valérien,
40:19qui allait être fusillé et qui essayait. C'était des gens de 20 ans, vous savez, ils allaient être fusillés par les Allemands.
40:24Et il les confessait et il essayait de donner un sens à leur mort.
40:29Et bien je crois que la littérature remplit ce rôle. Elle accepte l'horreur du monde, avec bien entendu ses lumières et ses bienfaits.
40:40Mais aussi, cette horreur, elle essaie de dire, nous ne pouvons pas échapper à cette condition terrible,
40:47mais essayons de le comprendre et de nous élever en donnant un sens à toutes ces choses atroces.
40:57– Vous avez été, on l'a rappelé, vous-même condamné par la justice pour diffamation.
41:04Est-ce qu'il y a une part de vengeance dans votre livre, Jean-Marie Aura ?
41:08Est-ce que vous réglez vos comptes avec la justice ?
41:12– Non, je vous promets, parce que ça a été une expérience humaine.
41:15Je n'ai pas dit que je voudrais recommencer, mais une expérience humaine extraordinaire.
41:19– Oui, je voulais vous le faire en t'entendant dire.
41:21Je te disais, c'est une matière littéraire formidable,
41:23parce que vous remerciez quasiment le juge de vous avoir condamné.
41:27– Non, non, pas du tout. Mais puisque j'étais...
41:30Moi, cette cause de ma radade, je la poursuivrai jusqu'à la fin,
41:34parce que c'est une cause injuste et que ça met en cause surtout la France, la justice française.
41:40Mais, disons, le fait d'être traduit devant un tribunal,
41:44j'ai compris que, finalement, l'homme qui passe devant un tribunal,
41:48même si à ce moment-là, j'étais déjà à l'Académie française,
41:51j'étais traité comme rien. Et quoi que je dise, personne ne m'écoutait.
41:56Donc, c'est une expérience. Et qu'est-ce que c'est que la littérature, pour un écrivain ?
42:01C'est de transformer ses expériences, bonnes ou mauvaises,
42:05et de les hisser à un autre niveau, au-dessus de soi-même,
42:09pour que ça puisse devenir quelque chose,
42:11bon, je ne sais pas si j'y arrive, mais d'universel.
42:13Et c'est ça qui est merveilleux dans la littérature,
42:15c'est que vous avez une petite anecdote,
42:17une petite histoire d'amour entre Georges Sand et Alfred de Musset.
42:21Il en tire un livre qui, finalement, parlera à tout le monde,
42:24toutes les catégories sociales, dans le monde entier.
42:26C'est ça la littérature, c'est essayer de tirer de l'horreur du monde
42:31une lumière qui puisse éclairer les autres.
42:34Le livre se termine par une pièce de théâtre,
42:37est-ce qu'on va bientôt avoir une pièce de théâtre
42:40écrite par Jean-Marie Rouart, sur scène, sur la justice ?
42:44Je l'espère. Mais vous savez, les pièces de théâtre,
42:47c'est beaucoup plus difficile à monter que de publier un livre.
42:50C'est très, très cher et ça ne défend pas que de l'auteur.
42:54Ça ne défend pas que de l'auteur.
42:55Tandis qu'un livre, il ne dépend que de son auteur.
42:57Je revendique tout dans un livre.
43:00Mais pour le théâtre, c'est plus difficile.
43:01Vous avez eu plusieurs pièces de théâtre qui ont été montées sur scène
43:06avec succès Jean-Marie Rouart.
43:09On le rappelle. Pourquoi avoir choisi la forme du Vaudville ?
43:13On a parlé d'Antigone.
43:15La justice donne plutôt lieu à des tragédies, habituellement.
43:19Et vous, vous avez choisi de traiter la question avec humour.
43:23D'ailleurs, votre livre est sous-titré
43:26« Confessions d'un anarchiste de droite ».
43:28Pourquoi ce sous-titre ?
43:30Et qu'est-ce qu'est un anarchiste de droite ?
43:31Et ce sera la fin de l'émission.
43:34Eh bien, écoutez, un anarchiste de droite,
43:36c'est aussi bien Montaigne que Léo Ferré ou Brassens.
43:42C'est-à-dire, c'est vraiment quelqu'un qui est bizarrement assez conservateur.
43:47C'est pas quelqu'un qui veut mettre des bombes,
43:48comme l'anarchiste en général qui met des bombes
43:52et qui veut changer la société.
43:54L'anarchiste de droite, c'est plutôt un conservateur
43:56qui veut que la liberté personnelle,
43:59c'est-à-dire la loi naturelle, puisse s'exprimer.
44:03Qu'on ne l'emmerde pas.
44:05Et qu'on n'emmerde pas les autres.
44:07Et donc, je suis du côté de ces anarchistes de droite.
44:11Et le modèle, puisque vous parlez de théâtre,
44:14c'est bien entendu Marcel Aimé,
44:17dans tout ce qu'il a pu écrire, qui est absolument merveilleux.
44:20Et notamment sa pièce de théâtre qui s'appelait « La tête des autres »,
44:23qui déjà mettait en cause les juges, tu vois, à cette époque-là.
44:28Et donc, c'est ce qui, moi, me plaît dans la littérature,
44:33c'est d'essayer, au fond, de développer
44:36tout ce que Brassens a pu chanter ou Léo Ferré.
44:42– Merci Jean-Marie Rouart, c'était passionnant.
44:45On a pu parler de politique, de justice et de littérature.
44:49C'est assez rare pour être souligné.
44:52Je vous laisse avec les informations
44:55et je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau numéro,
44:57dans Toute Vérité.

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