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Retrouvez L 'Affaire dans l'affaire, tous les samedis de 12h et 13h sur les ondes de Sud Radio, en partenariat avec la revue Affaires Criminelles de McSkysz.

Avec Jade Serano, journaliste police-justice et Me Lionel Ferlaud, avocat.

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##L_AFFAIRE_DANS_L_AFFAIRE-2025-01-25##

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Transcription
00:00Sud Radio, l'Affaire dans l'Affaire, Stéphane Simon.
00:04Bonjour à tous, bienvenue dans l'Affaire dans l'Affaire, une heure de décryptage de l'actualité judiciaire,
00:09une heure en partenariat avec la revue Affaires Criminelles,
00:12une heure en compagnie de l'immanquable Jean-Marie Bordry, l'homme de vos matinales le week-end.
00:18Bonjour mon cher Stéphane.
00:20Victor Lefebvre qui va nous rejoindre, rédacteur en chef de la revue Affaires Criminelles.
00:23Jade Serrano est parmi nous, spécialiste de l'investigation. Bonjour Jade.
00:27Bonjour Stéphane.
00:28Nous allons parler aujourd'hui justice et drogue.
00:31Peu d'études sur le sujet et le sujet est pourtant d'importance.
00:34Je dirais même plus, c'est un sujet qui prend de la place dans les tribunaux.
00:39Il ne s'agit pas aujourd'hui de parler du cartel des drogues, du trafic de stupéfiants dans les quartiers difficiles.
00:44Non plus nous ne parlerons pas de la consommation de drogue chez les magistrats, non pas du tout.
00:50Il s'agit de parler de la responsabilité de la drogue dans les délits et les crimes.
00:55Des affaires de plus en plus nombreuses font apparaître que le criminel ou l'auteur d'un délit est au moment des faits sous l'emprise de la drogue.
01:02Se pose alors pour les juges une question qui n'est pas si facile à trancher, vous allez vous en rendre compte.
01:07Avoir consommé de la drogue, est-ce que c'est une circonstance aggravante ou atténuante ?
01:12Quelle place les juges doivent faire à l'altération du jugement que la drogue occasionne ?
01:17Nous allons parler avec nos invités, Johanna Rosenblum est parmi nous, psychologue clinicienne. Bonjour Johanna.
01:22Bonjour Stéphane.
01:23Et Maître Lionel Ferlot, avocat qui a été au cœur d'une affaire tragique jugée la semaine dernière aux assises du Var, est avec nous.
01:30Nous allons le rejoindre dans un instant.
01:32Je disais que c'est une question importante car la consommation de drogue explose aussi en France.
01:37L'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, l'OFDT, dans une étude publiée mercredi 15 janvier,
01:43nous faisait savoir que 1,1 million de personnes ont consommé au moins une fois de la cocaïne en France en 2023.
01:51Elles étaient 600 000 seulement en 2017, soit une hausse de près de 83% en 6 ans.
01:57La cocaïne est la deuxième drogue la plus consommée en France après le cannabis,
02:01qui lui compte plus de 5 millions de consommateurs selon les données de l'OFDT.
02:06Deux autres drogues, l'ecstasy et l'héroïne, ont également vu leur consommation augmenter.
02:12Nous avons choisi pour illustrer cette problématique sur l'impact de la consommation de la drogue sur l'activité des tribunaux
02:18de vous détailler cette affaire récemment jugée par les assises du VAR.
02:23Smahine Marzouk encourait la réclusion criminelle à perpétuité après avoir tué et décapité Nabil Chouchen le 7 janvier 2022 à Fréjus.
02:36L'homme était sous l'emprise d'un mélange de stupéfiants au moment des faits.
02:40Son avocat a plaidé l'altération de la responsabilité, le trouble psychiatrique sous l'emprise des toxiques.
02:47Il a été partiellement entendu. Il nous en parlera dans un instant.
02:51Mais je vous propose tout d'abord de revenir sur les faits.
02:57Nous sommes le 6 janvier 2022.
02:59Smahine Marzouk rend visite à son frère Abdelali, quartier de la Gabelle, à Fréjus.
03:04Il est nerveux. Rapidement, il vient à l'objet de sa visite. Il a besoin d'argent.
03:09La conversation tourne court entre les deux frères car Abdelali n'est pas disposé à ouvrir son portefeuille.
03:15Il lui conseille même d'arrêter de se droguer et termine par un « occupe-toi plutôt de ta famille et de tes enfants ».
03:22Les deux frères se parlent cash même quand ils ne se parlent pas à argent.
03:26D'ailleurs, en partant, Smahine Marzouk répond à son frère que sa famille « il va la tuer ».
03:31Abdelali ne prend pas ses menaces au sérieux car celui-ci a l'habitude de déraper et de tenir ce genre de propos.
03:37Rien ne sert de discuter dans ce cas.
03:39Abdelali ne tarde pas du reste à avoir des nouvelles.
03:42Le lendemain matin, à 9h06 exactement, coup de téléphone de Smahine.
03:46Il tient des propos bizarres. Il crie. Il a des hallucinations.
03:51Il confie à son frère que des individus sont en train de violer sa femme et que ces individus ne veulent pas partir de chez lui.
03:58Smahine lui passe Nabil qui fait partie des amis qui sont là.
04:03Au téléphone, Nabil rassure Abdelali « rien de tout cela n'a lieu, Smahine est en plein délire ».
04:10Abdelali Marzouk comprend alors que les deux hommes sont totalement perchés.
04:14Il tente de les calmer, demande à Nabil de quitter le domicile de son frère, de le laisser reposer.
04:19Ce qu'il ne fait pas.
04:21Épuisé des divagations des deux hommes, de cette conversation sans queue ni tête,
04:26Abdelali Marzouk met fin à la conversation.
04:29Il reste serein car Nabil chouchène et comme il le dira devant les policiers,
04:34un mec tranquille, un gentil, un brave type très respectueux.
04:39La matinée ne se passe malheureusement pas comme l'espère Abdelali.
04:43Dans l'appartement du couple, Smahine et sa femme, Anan, vivent avec leurs deux filles.
04:48Mais ce ne sont pas des bruits d'enfants qui se font entendre.
04:51Entre 9h et 10h, des coups, des hurlements, des voix d'hommes.
04:55Puis, ils entendent des bruits similaires à ceux de meubles que l'on déplace.
05:01Les voisins pensent alors à une dispute dans le couple.
05:04Le voisin du dessus ira même jusqu'à penser que Marzouk s'en est pris à sa femme et l'a peut-être tué.
05:10Mais il n'appelle pas les secours.
05:12D'ailleurs, curieusement, personne n'ira alerter les secours.
05:15C'est Smahine Marzouk lui-même qui va se rendre à la gendarmerie.
05:24Le 7 janvier 2022, à 10h50, Smahine Marzouk garde son scooter
05:29et se présente à l'accueil de la brigade de gendarmerie de Fréjus.
05:33Comme un zombie, il dit avoir tué Nabil Chouchen.
05:38L'homme dit qu'il est en possession de la tête et des testicules du défunt, dans son sac à dos.
05:44Les gendarmes sont médusés.
05:46Smahine Marzouk déclare alors que Nabil Chouchen l'a droguée
05:50et a tenté d'abuser sexuellement de sa femme et de ses enfants.
05:53Il a donc décidé de le tuer en coupant sa tête et ses testicules avec un couteau
05:57et a laissé le reste du corps dans son appartement dans lequel se trouve toujours sa femme.
06:02Les enquêteurs fouillent le sac à dos imprégné de sang
06:06et constatent la présence effectivement d'une tête humaine ensanglantée ainsi que d'un pénis sectionné.
06:13Alerté, le procureur de la République de Draguignan saisit le service de police judiciaire de Toulon.
06:19Les fonctionnaires de police se rendent immédiatement au domicile du mis en cause.
06:24Des gouttelettes de sang sont retrouvées sur place.
06:27Le logement où se trouve bien l'épouse du mis en cause, Anan Marzouk, est relativement ordonné et propre.
06:33Mais des traces rougeates sont découvertes au sol, dans le hall d'entrée, le couloir et la salle à manger.
06:39Et des traces apparaissent dans le lavabo de la salle de bain après passage du révélateur de sang.
06:45Les policiers pénètrent enfin dans une pièce fermée et plongée dans le noir, faisant office de bureau.
06:52La pièce renferme un corps décapité, allongé sur le dos dans une mare de sang.
06:58Plusieurs documents au nom de Nabil Chouchen sont découverts dans sa veste.
07:03Le récit hallucinant de Smaïne Marzouk est donc bien réel.
07:12Dans cette pièce fermée, les enquêteurs découvrent une bouteille d'ammoniaque,
07:17des pipes à eau artisanales, huit briquets, un couteau, une cuillère à soupe, une petite cuillère usagée,
07:24des traces de drogue, bref, tout un arsenal pour consommer des drogues sous toutes ses formes.
07:32Son épouse, Anan Marzouk, qui a ouvert la porte aux enquêteurs, déclare qu'elle ignorait la présence du corps
07:38puisque son mari lui interdit l'accès à cette pièce.
07:41Personne n'entre dans cette pièce en raison de l'odeur des produits qui s'y consomment.
07:47Anan Marzouk informe les enquêteurs que son mari a déjà fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique.
07:54Elle explique que cela fait trois jours qu'il ne mangeait pas et ne dormait pas en raison de l'absorption de différentes drogues
08:01qu'il achète avec sa pension d'invalidité.
08:05La nuit des faits, vers deux heures du matin, son mari lui a demandé d'aller dormir car il avait des amis, dont Nabil.
08:12Alors qu'elle dormait, elle a entendu plusieurs fois le bruit de la porte d'entrée de l'appartement s'ouvrir et se refermer.
08:19Vers quatre heures, son mari lui a demandé de fermer la porte d'entrée derrière lui car il allait sortir.
08:24Et c'est vers sept heures que Smahine Marzouk est rentrée, à nouveau, cette fois avec Nabil seulement.
08:30Et ils se sont rendus dans la pièce fermée.
08:33Anan Marzouk, pendant ce temps, a préparé ses enfants pour l'école et elles sont parties comme tous les matins, vers 8h20.
08:39A son retour, vers 10h, son mari est entré dans la chambre et lui a dit « Je viens de tuer Nabil. C'est à cause de lui.
08:46Je suis en chute libre à cause de lui. Et aussi parce qu'il veut te prendre, toi et les enfants.
08:52Je vais me rendre maintenant à la police pour leur dire que j'ai tué Nabil. »
08:56Elle ne l'a pas cru, y compris lorsqu'il lui a demandé de nettoyer des gouttelettes de sang présentes dans la cuisine et dans le couloir,
09:02pensant qu'il s'était simplement blessé.
09:05Les interrogatoires, analyses de sang et de cheveux établiront que Smahine Marzouk consommait au moins un gramme de crack par jour,
09:15qu'il avait pris de l'ecstasie deux jours avant les faits, qu'il mélangeait encore alcool et résine de cannabis.
09:21Bref, qu'il se drogue continuellement.
09:24Rien que dans la soirée du 6 au 7 janvier, Smahine avait été acheté 5 grammes de cocaïne.
09:31Smahine Marzouk, en garde à vue, tient des propos incohérents.
09:35Il déclare à propos du meurtre de Nabil Chouchen « J'ai fait ce que j'avais à faire. Je lui ai fait la bonne année. »
09:41Il soutient aussi que Nabil Chouchen est venu chez lui accompagné de personnes qu'il ne connaissait pas pour le tuer.
09:48Il ajoute « Il m'a fait un sourire de joker et j'ai compris qu'il allait me tuer. J'étais persuadé cette nuit-là que j'allais mourir. »
09:56Plus tard, il expliquera encore « Je pensais qu'il voulait maquer mes filles. J'ai senti qu'il voulait violer mes filles et qu'il voulait me tuer.
10:05J'ai pensé qu'il m'avait mis quelque chose dans mon verre, alors j'ai commencé à taper dans la carotide avec mon couteau.
10:11Je ne me rappelle plus précisément de ce que j'ai fait. J'avais les larmes aux yeux et puis je me suis dit qu'il fallait que je lui coupe la tête.
10:17Je l'ai piqué dans les fesses aussi et je lui ai coupé son sexe. C'était lui qui allait me tuer ou c'était moi ? »
10:25Interrogé sur la raison qui l'avait poussé à couper la tête et le pénis de sa victime, Smaïn Marzouk répond « C'est fait, c'est fait. Il a eu ce qu'il méritait. »
10:33Il reconnaît bientôt que le couteau pliable d'une lame de 9 cm découvert dans la boîte à gants de son scooter est bien celui qui a servi à tuer Nabil.
10:42L'expert psychiatre qui va bientôt l'examiner conclut à des troubles psychiques anciens associant des éléments interprétatifs et des délires de persécution, des conduites psychotiques et addictives.
10:53Les experts notent que les troubles psychiques se renforcent avec la prise de toxiques.
10:58Bientôt, devant l'horreur des faits, le procureur de la République de Draguignan ordonne le placement provisoire des deux filles mineures du couple et la garde à vue du couple.
11:06L'expertise de médecine légale de Nabil Chouchen met en évidence que la décapitation n'a pas été simple et que le corps de la victime a été percuté par 61 coups de couteau.
11:17Avec un criminel qui se dénonce et avoue les faits, l'enquête est rapide.
11:21Reste pour les enquêteurs à restituer les antécédents judiciaires de Smaïd Mazbrouk.
11:26Et là, s'interroger aussi sur ce parcours criminel entre psychiatrie et récidive.
11:32Le casier judiciaire de Smaïd Marzouk porte trace de 20 mentions de condamnation entre 1999 et 2020.
11:40Des peines d'emprisonnement pour des infractions très variées, vols, aggravés, délits routiers, violences aggravées, dégradations ou destructions, détentions ou offres ou cessions de stupéfiants, évasion.
11:53Sa dernière condamnation avant les faits est celle du tribunal correctionnel de Draguignan en date de septembre 2020 qui l'a condamné à une peine d'un an de prison.
12:01Smaïd Marzouk a été placé en détention provisoire le 9 janvier 2022 et isolé en détention par mesure de sûreté.
12:09Il a fait l'objet d'un transfert en soins psychiatriques à l'unité pour malades difficiles d'Albi en juillet 2022 jusqu'au 17 janvier 2023, date à laquelle il a intégré une unité hospitalière spécialement aménagée, l'UHSA de Marseille.
12:25Smaïd Marzouk a ensuite été transféré au centre pénitentiaire de Toulon pour la mise en place d'un suivi médical approprié.
12:34L'enquête de personnalité de Smaïd Marzouk nous apprend que l'intéressé est le dernier né d'une fratrie de huit enfants.
12:40La famille Marzouk est d'origine marocaine et tous les enfants sont nés au Maroc excepté Smaïd qui est né en France.
12:46Élevé par sa mère, Smaïd Marzouk a terminé son parcours scolaire en classe de troisième avant d'occuper divers emplois non déclarés.
12:55Au moment des faits, il ne travaillait pas et touchait une pension mensuelle d'invalidité de 900 euros.
13:01Les frères et sœurs du mis en examen évoquent de mauvaises fréquentations.
13:05Ils décrivent chez leurs frères depuis l'adolescence des comportements inexplicables, de violentes colères, des hallucinations et des consommations de drogues incessantes.
13:14Smaïd Marzouk a été examiné par de nombreux médecins et experts psychiatriques.
13:18Les experts retiennent des troubles anciens de la personnalité.
13:22Un expert note, Smaïd Marzouk n'a pas agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle il n'aurait pas pu résister,
13:29mais son discernement était, au moment des faits, altéré.
13:33Nous lui laissons une part de responsabilité dans la survenue des faits parce qu'il a délibérément interrompu son traitement,
13:40non par déni de sa pathologie, mais parce qu'il a consommé des substances illicites dont il connaissait les effets délétères chez lui.
13:48Une autre expertise établit que la dangerosité de Smaïd Marzouk est établie.
13:53Smaïd Marzouk est, au moment des faits, atteint d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement.
13:59Les faits sont à mettre en lien, non pas avec une phase paranoïde et hallucinatoire décompensée,
14:05mais avec une psychose toxique, autrement dit, directement liée à la consommation de drogues.
14:11Début janvier 2024, Smaïd Marzouk est renvoyé devant les assises du Var pour y être jugé d'effet de torture, acte de barbarie, assassinat.
14:21Durant le procès, aucun élément objectif du dossier n'a pu appuyer les explications de Smaïd Marzouk
14:27quant à l'existence d'une légitime défense ou d'un danger qui leur ait poussé à tuer Nabil.
14:31Les jurés ont pu, au contraire, entendre que Nabil avait, lui, un comportement pacifiste et calme en dépit de sa consommation de drogues.
14:39Ils ont pu découvrir aussi l'impensable.
14:42Nabil Chouchen n'était évidemment ni un diabolique, ni un joker au sourire maléfique qui voulait du mal à Smaïd, non.
14:50Il n'était rien de tout ça. Ils ont découvert que Nabil était, en revanche, son ami d'enfance.
14:55Les deux hommes se sont connus au collège et ne se sont jamais quittés.
14:59Nabil fournissait souvent Smaïd en drogues, cette drogue qui allait finir par empoisonner leur amitié.
15:05Rien, à part la drogue et les territoires troubles de la psychopathie, ne pouvait laisser penser qu'une amitié aussi longue
15:12pourrait finir en acte de barbarie, torture, meurtre, décapitation, mutilation.
15:20Reconnu responsable au moment des faits, bien que sous l'emprise de substances toxiques,
15:24Smaïd Marzouk a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle.
15:33L'emprise de la drogue est-elle un facteur criminogène ?
15:37Ce n'est pas seulement dans les délits routiers comme dans l'affaire Palmade,
15:40mais dans de nombreuses affaires.
15:42Quelle est la part des crimes et délits commis sous emprise ?
15:46Nous allons y revenir et nous allons nous demander si pour la justice c'est un facteur aggravant
15:51ou une circonstance atténuante.
15:53L'affaire dans l'affaire revient tout de suite sur Sud Radio.
16:00De retour dans l'affaire dans l'affaire, votre rendez-vous du samedi midi pour décrypter l'actualité judiciaire sur Sud Radio.
16:06Un rendez-vous en partenariat avec la revue Affaires Criminelles dont le rédacteur en chef est ici, Victor Lefebvre.
16:11Bonjour, il nous a rejoint.
16:13Jade Serrano également est avec nous.
16:15Bonjour.
16:17Re-bonjour Jean-Marie Bordré.
16:19Bonjour mon cher Stéphane.
16:20La voix des matinales du week-end de Sud Radio est avec nous.
16:23Johanna Rosenblum, psychologue, clinicienne, merci d'être là.
16:27Merci.
16:28Et Maître Lionel Ferlot, avocat.
16:30Nous parlons aujourd'hui d'une affaire impensable qui s'est déroulée à Fréjus dans le Var le 7 janvier 2022
16:36au terme de trois jours sans dormir, sans manger, sous l'effet de la drogue.
16:40Smaïd Marzouk a lardé de 61 coups de couteau son ami d'enfance Nabil Chouchen
16:45qui l'a donc tué, décapité et mutilé.
16:48Une affaire qui n'aurait sans doute pas eu lieu sans ce cocktail de drogue
16:51et de troubles psychiatriques qui ont conduit à un crime barbare.
16:55Maître Lionel Ferlot, merci d'être avec nous.
16:58Vous êtes l'avocat de l'auteur du crime.
17:00Cette affaire vient d'être jugée.
17:02Il a été condamné à 30 ans de réclusion.
17:04Comment se sont passées les audiences ?
17:06Tout d'abord, bonjour à vous tous.
17:09J'ai écouté votre résumé, vous auriez fait un très bon président de cour d'assises.
17:13Vous avez bien mis en relief ce qu'il fallait.
17:15Alors, ça s'est passé très calmement parce que, bien évidemment,
17:18avec la détention et l'isolement de mon client,
17:22il n'a plus accès à ces drogues dures
17:25et il est suivi très particulièrement par les psychiatres
17:28de la maison d'arrêt de La Farlette qui font un super travail avec lui.
17:31Donc, ça s'est passé très calmement, très sereinement.
17:35Par contre, au niveau de la profondeur de la réflexion,
17:39là, tout de suite, on se rend compte qu'il n'y en a plus.
17:43En gros, la cour d'assises a retenu un peu d'altération du jugement.
17:47Mais la problématique du dossier, c'est deux aspects de la loi.
17:50D'un côté, la drogue est considérée par le Code pénal comme un facteur aggravant.
17:54Et de l'autre, la loi prévoit aussi la notion d'altération
17:57ou d'abolition du discernement lors du passage à l'acte.
18:00Donc, l'emprise de la drogue, au moment des faits,
18:02peut intervenir sur les deux leviers, si j'ose dire.
18:06C'est un casse-tête pour les juges, en fait ?
18:09Alors, c'est un casse-tête pour tout le monde parce qu'évidemment, la loi évolue.
18:13Donc, au départ, c'était vraiment pour les malades mentaux
18:16au sens psychiatrique du terme maladie pure et dure.
18:20Et bien évidemment, l'arrivée de la drogue fait que cette notion se colle à ça.
18:26Et la cour d'assises doit faire le tri.
18:29Alors, bien évidemment, on est aidé par les expertises psychologiques et psychiatriques.
18:35Et tout l'important est de reconnaître ou pas, au moment des faits,
18:42il y a soit une abolition totale de la personne,
18:47soit une altération, ce qui a été retenu par la cour d'assises du VAR dans ce dossier.
18:53Johanna Rosenblum, je rappelle, vous êtes clinicienne.
18:56Est-ce que vous voyez souvent l'impact de la consommation de la drogue
19:00qui peut conduire à des comportements de psychopathie dans la patientèle
19:04que vous pouvez croiser dans les affaires que vous suivez ?
19:06Alors, déjà, dans la consommation de drogue, elle a toujours des conséquences.
19:11C'est complètement irréel d'imaginer qu'on puisse consommer
19:14et avoir à terme, en tous les cas, aucune conséquence,
19:17que ce soit au niveau d'un trouble de la personnalité ou une pathologie psychiatrique,
19:20c'est-à-dire une maladie psychiatrique.
19:22Oui, la consommation de substances neurotoxiques fait aussi décompenser
19:26des personnes qui n'avaient pas de troubles diagnostiqués ou avérés.
19:29Donc ça, c'est une réalité, surtout à la fin de l'adolescence et au début de l'âge adulte.
19:33Et pour les adultes, les personnes qui ont des troubles de la personnalité,
19:36des maladies qui sont suivies, qui prennent des traitements,
19:39les consommations de drogue, de cannabis, de cocaïne et même d'alcool
19:45peuvent avoir des conséquences dramatiques,
19:47parce que pour ceux qui observent bien leur traitement,
19:49il peut y avoir vraiment un effet bombe à retardement.
19:51Et généralement, pour les personnes qui se remettent ou qui se mettent à consommer des drogues,
19:56il y a, en général, un arrêt du traitement.
20:00Et donc là, on peut avoir non seulement un effet rebond des symptômes chez le patient,
20:03mais en plus, une majoration de certaines caractéristiques de leur pathologie
20:07à cause de la désinhibition liée à la consommation.
20:10Alors, on va être très concrets. Dans un instant, je vais vous demander la cocaïne, par exemple.
20:14Est-ce que c'est reconnu comme développant la paranoïa ?
20:17Puis je vais demander à Victor Lefebvre, dans un instant,
20:19de nous faire un point sur l'impact de la consommation de la drogue sur les crimes et délits en France.
20:23On revient dans un instant avec nos invités.
20:25Sud Radio. L'affaire dans l'affaire. Stéphane Simon.
20:29De retour dans l'affaire dans l'affaire.
20:31Votre rendez-vous du samedi midi sur Sud Radio pour parler actualité judiciaire.
20:35Un rendez-vous en partenariat avec la revue Affaires Criminelles,
20:39dont Victor Lefebvre est le rédacteur en chef.
20:41Rebonjour Stéphane Simon.
20:42Rebonjour. Dans un instant, la parole va vous être donnée.
20:45Toujours en compagnie de Jean-Marie Bordry.
20:47Toujours présent.
20:48Et également la journaliste d'investigation, Jade Serrano, est avec nous.
20:51Bonjour Stéphane.
20:52Ainsi que nos invités.
20:53Johanna Rosenblum, psychologue, clinicienne, qu'on est ravies d'accueillir ici.
20:57Et Maître Lionel Ferlot, avocat.
21:00Nous avons évoqué cette incroyable affaire survenue en janvier 2022 à Fréjus
21:04et qui vient d'être jugée à l'époque des faits.
21:06Sous l'emprise de drogue, Smaïne Marzouk tue et décapite un de ses amis.
21:10On apprendra même que c'est son ami d'enfance.
21:12Il est alors persuadé que celui-ci lui veut du mal
21:15et que tout cela, malheureusement, relève d'une paranoïa
21:19que l'emprise de la drogue a développée, bien sûr.
21:22Alors, Johanna Rosenblum, la cocaïne, par exemple, est reconnue comme développant la paranoïa.
21:28Vous nous expliquiez que la drogue a des effets sur les malades,
21:32d'une part qui ont des symptômes psychotiques,
21:36mais aussi révèle parfois des symptômes psychotiques.
21:39Complètement.
21:40Le problème de la cocaïne, c'est qu'elle inonde tout le monde.
21:45Tous les Français à Paris en ont absolument partout.
21:47Le problème de la cocaïne, déjà, c'est qu'on n'est jamais très au courant de ce qu'on consomme.
21:51Il n'y a plus beaucoup de cocaïne pure.
21:53Parfois, certains consommateurs ont l'impression de consommer de la cocaïne.
21:56En fait, ils consomment déjà du crack,
21:58c'est-à-dire une cocaïne qui a été mélangée à parfois des produits ménagers ou autres.
22:02Et puis, il y a aussi la fameuse 3MMC, la petite sœur de synthèse de la cocaïne
22:07dont on a entendu parler dans l'affaire Palmade.
22:10Cette drogue crée une forme de désinhibition, un sentiment de toute puissance.
22:14Il peut y avoir des symptômes paranoïaques, il peut y avoir aussi des symptômes de persécution.
22:19Tout cela est mêlé à un sentiment de puissance absolue.
22:23Si vous avez l'impression, au moment de votre consommation,
22:26on voit aussi combien vous avez consommé, à quelle distance les consommations se font.
22:31Il y en a qui consomment toutes les deux heures, d'autres toutes les huit heures.
22:34Est-ce qu'il y a de l'alcool qui est ajouté à tout ça ?
22:36Tout cela peut créer des symptômes paranoïaques, mais pas seulement.
22:40C'est ce sentiment de toute puissance qui donne une légitimité à la personne qui a consommé.
22:46Il y a une altération du discernement, plus de libre-arbitre, plus d'esprit critique.
22:50Si vous pensez qu'on vous veut du mal, vous n'avez plus cette faculté à rationaliser.
22:54Cela peut conduire à des passages à l'acte dramatique.
22:57Alors, je voudrais vous demander, Victor Lefebvre,
22:59de nous faire un point sur l'impact de la consommation de la drogue sur les crimes et délits en France.
23:04Qu'est-ce qu'on peut dire ?
23:06Des études menées sur le nombre d'affaires criminelles où les mises en cause ont pris de la drogue,
23:14est-ce qu'on sait exactement le nombre ?
23:16Oui, il y a eu une étude menée par le Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure,
23:21le SSMSI, c'est un nom un peu barbare, mais ça dépend du ministère de l'Intérieur,
23:26qui a publié une étude très intéressante à ce sujet.
23:28C'était en septembre 2022 et qui dit que sur la période 2016-2021,
23:31donc c'est relativement récent quand même,
23:33pour les zones police et gendarmerie, il ressort que 12% des personnes interpellées
23:37pour infractions relatives à la législation sur les stupéfiants
23:40sont également mises en cause pour d'autres crimes et délits.
23:43Il est dit également que les usagers de drogue sont 11% dans cette situation
23:47et les trafiquants 18%, soit quasiment 1 sur 5 dans cette situation précise.
23:52L'étude relève également que pour 20% des mises en cause pour trafic de stupéfiants,
23:56les infractions associées concernent l'acquisition, la détention, le port
24:00ou le transport d'armes et d'explosifs.
24:03Alors, très concrètement, je voudrais demander à notre avocat Lionel Ferlot
24:08si lui, dans l'exercice de son travail, il a vu déferler de plus en plus de personnes
24:14qui sont des consommateurs de drogue dans les affaires de crimes et délits
24:19auxquels il peut avoir accès.
24:21Alors oui, moi je confirme tout ce qui a été dit et parfaitement bien dit,
24:26notamment l'augmentation de tous les effets que ça a.
24:30Et dans le dossier de ce monsieur, je ne sais pas si vous le savez,
24:36mais il a commencé à fumer du shit dès l'âge de 9 ans.
24:42Voilà, dès l'âge de 9 ans, et comme Mme Rosana Rosenblum l'a dit...
24:48Johanna.
24:49Johanna Rosenblum.
24:50Johanna.
24:51Mais Rosana c'était pas...
24:52Mais Rosana ça lui va très bien aussi.
24:55Pardonnez-moi.
24:58Là on est, au moment des faits, depuis 2-3 ans sous craque.
25:04Il a 40 ans à peu près au moment des faits, je le rappelle.
25:07Donc il a commencé à fumer à l'âge de 9 ans, vous voyez un peu le chemin parcouru.
25:12Exactement.
25:13Et au moment des faits, on sait qu'on est à 2-3 ans de craque,
25:17et là on est à 3 jours pleins, sans dormir, sans dormir, où il n'y a que du craque.
25:22C'est-à-dire ammoniaque et cocaïne.
25:28Et c'est de pire en pire.
25:31De pire en pire.
25:32Alors Johanna, est-ce qu'on est d'accord pour dire qu'il y a certains malades
25:38pour qui la drogue est très fortement déconseillée,
25:41parce que ça annihile leur traitement, ou alors ça va lutter contre leur traitement ?
25:47Oui, complètement.
25:48Il y a un effet annihilation du traitement médicamenteux quand on consomme de la drogue.
25:53C'est complètement déconseillé, ça vient majorer tous les symptômes.
25:56On le sait, il y a souvent beaucoup de comorbidités de toute façon
25:59avec les pathologies psychiatriques, et l'addiction en fait partie.
26:02Mais la consommation de drogue dure est de toute façon fortement déconseillée pour tout le monde.
26:10Comme je vous le disais, il y a des décompensations qui se font.
26:14Je vois des jeunes qui à 14-15 ans fument pour la première fois du cannabis,
26:18et il suffit d'une fois de trop pour qu'il y ait une décompensation psychotique
26:22et une entrée dans la maladie à vie.
26:25C'est fréquent ?
26:26Heureusement, ce n'est pas la majorité des cas, mais oui, c'est quand même assez fréquent.
26:31Je le vois assez régulièrement, et on voit des décompensations vers une bipolarité
26:36ou une schizophrénie qui se fait au jeune âge quand il y a déjà une consommation de cannabis récréative.
26:43Ou même pas, il suffit de la fois de trop en fait.
26:46Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'aujourd'hui le cannabis n'est pas synthétisé pareil que dans les années 80.
26:52On a affaire à un cannabis extrêmement concentré, extrêmement fort, et donc qui est susceptible de...
26:56Très fort en THC.
26:58Exactement, mais aussi il est coupé à des nez, à des pneus, à des choses extrêmement nocives.
27:04Ça, ça n'a pas changé depuis 20 ans.
27:07La buée était plus pure auparavant, parce que c'est très chimique et très nocif,
27:10et donc ce qui altère encore plus les neurones.
27:12Et puis il y a des nouveaux comportements qu'on voit chez les adolescents,
27:15le binge drinking, où ils boivent comme ça, à outrance, à outrance.
27:18Donc ils cherchent évidemment à la fois et l'ivresse et le shoot au niveau de la consommation de drogue.
27:23Et là, c'est une bombe à retardement.
27:25Alors, qu'est-ce qui se passe dans les tribunaux concrètement ?
27:28Est-ce que les juges estiment qu'avoir consommé de la drogue, c'est une circonstance aggravante
27:34ou est-ce que c'est une circonstance atténuante ?
27:36Qu'est-ce que vous observez, Johanna peut-être, et puis ensuite Lionel ?
27:39Moi, je suis très mal à l'aise avec cette altération du discernement.
27:42Quand je vois des cas comme l'affaire Palman, mais si on reprend aussi l'affaire de Sarah Halimi,
27:49alors on a un prédateur qui, parce qu'il a consommé du cannabis,
27:54n'est plus responsable d'avoir jeté cette femme par-dessus son balcon.
27:58Je pense qu'il y a une vraie question à se poser.
28:00Oui, il y a une altération du discernement quand on a consommé, parce que les effets de la drogue,
28:04mais au moment où on décide de consommer, au moment où on décide d'acheter,
28:08au moment où on se rend au domicile d'un revendeur,
28:13où on met sa clé de contact dans sa voiture,
28:16où on décide d'entrer par effraction dans l'appartement d'une femme,
28:20est-ce qu'on n'est pas à ce moment-là quand même très conscient ?
28:23Et est-ce que la drogue ne vient pas aussi aider à ce comportement ?
28:28Mais justement, vous, Johanna Rosenblum, parce que c'est un débat
28:30qu'il y avait eu notamment sur la place publique il y a quelques semaines,
28:33quand vous voyez un toxicomane, par exemple, est-ce que vous voyez d'abord un délinquant ?
28:37Ou d'abord un malade ?
28:39Évidemment, je vois d'abord un malade.
28:41C'est une maladie, l'addiction, c'est aussi une maladie des rechutes.
28:46Ce sont des pathologies qui sont extrêmement dures à traiter, à prendre en charge sur le long terme.
28:54Néanmoins...
28:56La maladie n'excuse pas tout.
28:58Je pense qu'elle n'excuse pas tout.
29:00Et vous savez, si vous prenez l'exemple des terroristes,
29:04si on va à l'extrême de la consommation de la drogue,
29:07ils vont chercher le captagon pour passer à l'acte.
29:09Donc il y a une vraie utilisation, la désinhibition.
29:12Même si la volonté n'est pas le crime et le délit dans un premier temps,
29:16on est quand même conscient des conséquences qu'a la consommation de drogue.
29:20Et si on décide de consommer, à ce moment-là, il ne faut pas sortir de chez soi,
29:23il ne faut pas prendre la voiture, et ainsi de suite.
29:25Il faut prendre un maximum de précautions.
29:27Maître Ferlot, est-ce que vous considérez
29:30qu'un usager régulier de substances stupéfiantes
29:35va le placer un peu comme une victime,
29:39ou au contraire, ça aggrave sa responsabilité ?
29:42Le problème, c'est que les autres intervenants ont répondu à tout.
29:48Et on a tous raison.
29:50Oui et non.
29:52D'où la difficulté de l'imbroglio juridique
29:57dans la tête des juges qui doivent juger,
30:00parce que tout dépend de qui, quand, comment.
30:03Ce qui renvoie aussi au problème de l'entourage,
30:05au problème de l'éducation.
30:07Quand je suis à 9 ans en train de fumer du shit,
30:11quelle est la réponse parentale ?
30:13Il faut s'occuper de nos jeunes.
30:15C'est un tout.
30:17Maintenant, pour répondre en droit, le droit est très clair.
30:19La loi dit que ce n'est pas du tout une cause d'irresponsabilité.
30:25C'est après, quand on plaide,
30:27et c'est après, quand on rentre dans la personnalité de quelqu'un,
30:31que toutes ces notions s'imbriquent les unes dans les autres.
30:35Mais bien évidemment que quand on est conscient
30:38que ce qu'on fait n'est pas bien, c'est aggravant.
30:41Mais quand on n'est plus en état de comprendre ce qu'on fait,
30:45c'est là où on bifurque sur la pathologie médicale.
30:49Les deux sont liés.
30:51C'est très compliqué.
30:54L'importance du subjectivisme, dossier par dossier,
31:02être humain par être humain,
31:04ne peut pas être remplacée par l'intelligence artificielle.
31:08Il faut vraiment rentrer dans la vie de quelqu'un pour comprendre.
31:11Dans un instant, on continue de parler de l'hyperviolence
31:14souvent liée à la consommation de drogue dans les crimes, les délits.
31:17On va parler de tout ça avec nos invités.
31:20On se retrouve dans un instant sur Sud Radio.
31:23L'affaire dans l'affaire, Stéphane Simon.
31:26De retour dans votre rendez-vous pour regarder l'actualité judiciaire à la loupe.
31:30Un rendez-vous en partenariat avec la revue Affaires Criminelles
31:33dont nous saluons le rédacteur en chef Victor Lefebvre.
31:36Toujours en compagnie de Jean-Marie Bordré,
31:38de la journaliste enquêtrice Jade Serrano.
31:41Et avec nous, Joanna Rosenblum, psychologue, clinicienne
31:44et maître Lionel Ferlot, l'avocat de Smaïd Marzouk
31:47dont on a détaillé l'affaire.
31:49Une affaire tragique qui a été jugée la semaine dernière
31:51par les assises du Var.
31:53Je rappelle que cet homme de plus de 40 ans,
31:55gros consommateur de stupéfiants depuis son plus jeune âge,
31:58maître vous nous disiez depuis l'âge de 9 ans,
32:00violent, récidiviste, au casier judiciaire extrêmement chargé,
32:04a fini par tuer son amie d'enfance, la décapiter, la mutiler,
32:07convaincu que cet ami était maléfique pour lui et sa famille.
32:11Enfin, il était en plein délire.
32:14On a vu, maître, que votre client avait une vingtaine d'inscriptions
32:18sur son casier judiciaire.
32:20La société a beaucoup de peine à savoir quoi faire de ce genre d'individu
32:24à la fois dangereux et récidiviste.
32:26On a vu qu'il a dû séjourner dans une unité pour malades difficiles,
32:31que ça ne l'a pas empêché de récidiver à sa sortie.
32:34Johanna Rosenblum, quel destin réserver à ce type de profil très difficile
32:39car finalement aux confins de la drogue et de la pathologie ?
32:43C'est très compliqué.
32:44C'est d'ailleurs pour ça que les services de psychiatrie sont souvent proches
32:48voire les mêmes que les services d'addictologie.
32:50Il y a des secteurs fermés, c'est-à-dire des services spéciaux
32:54pour malades difficiles avec une attention particulière,
32:56une sécurité renforcée.
32:59En fait, la difficulté avec l'addiction et la pathologie psychiatrique,
33:05c'est faire de la prévention.
33:06On peine à faire de la prévention, on peine à prévenir la récidive également.
33:11Donc c'est des patients qui doivent être extrêmement suivis.
33:15Toute la difficulté réside à la fois dans leur pathologie,
33:18parce que quand on a une pathologie psychiatrique,
33:20on peut souffrir ce qu'on appelle d'anosognosie.
33:22C'est un terme un peu difficile pour dire que le patient n'a pas conscience
33:26de ses symptômes et de sa pathologie,
33:28donc n'a pas la capacité de reconnaître son trouble ou sa maladie
33:31et donc n'observe pas son traitement et donc peut décompenser.
33:35Et la maladie addictive, bien sûr, avec toute la difficulté qu'on connaît très bien,
33:39le craving, la nécessité de reconsommer,
33:43c'est-à-dire le besoin irrépressible de consommer dans l'urgence, compulsif.
33:50Et puis tous les symptômes associés au travail de sevrage,
33:54c'est-à-dire le manque, les stigmates somatiques.
33:57Parfois, c'est des personnes qui ont des comorbidités ORL, digestives,
34:01donc tout est extrêmement compliqué.
34:03Malgré tout ce qu'on vient de dire, corrigez-moi si je me trompe,
34:06dans l'affaire qu'on raconte et le drame qu'on raconte,
34:08la victime comme le meurtrier avait consommé la même chose
34:11et réagissait de manière complètement différente aux produits qu'il consommait.
34:14Absolument. Justement, Maître Ferlot, vous qui êtes l'avocat de Smile Marzouk,
34:18on voit que ces deux individus réagissent totalement différemment
34:22aux produits qu'ils consomment.
34:24Et vous, quel est votre sentiment par rapport au profil de votre client ?
34:31Comment on peut à la fois protéger les citoyens
34:36et à la fois essayer de soigner ce qui peut l'être encore
34:40chez un individu comme votre client Smile Marzouk ?
34:44Plusieurs choses et questions extrêmement intéressantes.
34:48Sur ce coup-là, la victime, la malheureuse victime,
34:53elle était calme.
34:55Au passage, elle a 19 mentions au casier, quasiment similaires aux miens.
35:01Donc ça veut dire que cette pauvre victime a eu des phases aussi de violences,
35:06de braquages, pour évidemment récupérer de l'argent pour se droguer.
35:11Donc c'était une phase où l'un a été comme ça, l'autre comme ça.
35:15Les choses auraient pu être inversées.
35:18Madame Rosanna Rosenblum...
35:21Johanna.
35:23Johanna, j'ai dit Jo, a répondu de façon très élégante.
35:28Je vais être beaucoup moins sympa, moi.
35:30Parce que là, on touche du doigt l'hypocrisie d'État.
35:34Il n'y a pas de structure permettant de s'occuper de ce genre de cas en France.
35:42Voilà, il faut être très clair.
35:45Donc il faut arrêter de dire les choses, etc.
35:49On s'en fout, en fait.
35:50Je pense que la politique générale s'en fout
35:53parce que ce sont des cas qui sont pour la politique pénale générale.
36:00Compliqués, mais à la marge.
36:03Et après, les drames arrivent.
36:05Et bien évidemment, il y en a énormément.
36:09Mais nous n'avons pas les réponses.
36:11Et d'ailleurs, je remercie les gens qui travaillent dans les maisons d'arrêt
36:13parce qu'ils font un travail sans moyens énorme pour ce genre de cas-là.
36:17Mais on n'a pas de structure qui réponde à ça.
36:20Ça veut dire que si on regarde le parcours de votre client tel qu'il lui est promis,
36:2330 ans de réclusion criminelle, où est-ce qu'il sera enfermé ?
36:27Comment sera-t-il traité ?
36:28Et qu'est-ce qui lui arrivera s'il sort un jour ?
36:32Grâce au directeur de la FARLED, de la maison d'arrêt de Toulon,
36:42il bénéficie de soins quotidiens.
36:50Donc, tant qu'il est enfermé, il n'y a pas de difficulté.
36:54Si un jour, je peux aménager sa peine,
36:59on a bien compris que vu qu'il a commencé à fumer depuis l'âge de 9 ans,
37:05qu'on est passé au krach,
37:08il y a des choses qui se sont passées dans le cerveau qui sont irrémédiables.
37:12Donc, le jour où cette personne va sortir,
37:16bien évidemment, il va falloir qu'elle soit encadrée.
37:21Mais la problématique, c'est que si elle est encadrée,
37:24mais qu'elle se retrouve seule dans un studio,
37:27chez elle, en cas de crise ou de panique,
37:31qu'elle saura la réponse.
37:32Pardon, mais cette question est importante.
37:34Je sais que vous êtes avocat, ce n'est pas votre rôle d'y répondre ainsi,
37:36mais il faut que je vous la pose.
37:37Est-ce que dans ce cas-là, il n'est pas mieux pour votre client
37:40qu'il reste le plus longtemps possible en prison, tant qu'il y est soigné,
37:44plutôt qu'il en ressorte un jour, quitte à voir sa peine aménagée ?
37:47Alors, humainement, médicalement,
37:51malheureusement, je suis obligé de vous dire oui.
37:55Parce que sinon, je mens.
37:58Merci de votre franchise d'ailleurs.
38:00Humainement, c'est insupportable de voir qu'il y a des pans entiers dans notre démocratie
38:08où on ne s'occupe pas des gens en difficulté.
38:11Alors, Jade Serrano, justement, dans l'affaire de Smaïd Marzouk,
38:14est-ce qu'il n'y a pas eu un problème d'évaluation ?
38:17Parce que quand même, on voit 20 inscriptions sur son casier judiciaire,
38:21des séjours en unité pour malades difficiles,
38:24des séjours en pénitentiaire, enfin bref.
38:26Est-ce qu'il n'y a pas un problème d'évaluation déjà sur ce cas ?
38:29Oui et non.
38:30C'est-à-dire que Smaïd Marzouk est incarcéré pour des faits de délit mineur.
38:34C'est-à-dire qu'on l'évalue comme un délinquant mineur, voyez-vous.
38:37Ce n'est pas parce qu'on commet des vols avec violence
38:40que ça prédit qu'un jour, nous serons un criminel.
38:43Et nous aurons décapité quelqu'un.
38:45Ce n'est pas parce qu'on a été un jour criminel
38:47qu'auparavant on a été un délinquant notoire.
38:49Donc, si vous voulez, on a un problème aujourd'hui
38:52de justice et de prise en charge des justiciables.
38:56C'est qu'on est dans la répression, mais il n'y a pas d'amont, en fait.
39:00On n'a pas en amont...
39:02De prévention.
39:03Voilà, exactement, cette prévention.
39:05Et voilà ce qui se passe avec le gré Marzouk,
39:07mais ce qui se passe aussi avec plein d'autres cas.
39:09Alors vous, vous avez visité plusieurs unités pour malades difficiles.
39:12Est-ce que ces structures sont encore ce qui a mieux adapté
39:15à ce type de personnalité entre schizophrénie,
39:18consommation massive de drogue ?
39:20Est-ce que ce sont les unités pour malades difficiles
39:23qui semblent à la fois pouvoir protéger les citoyens
39:26et aussi traiter et soigner ces personnes ?
39:30Oui, les UMD, je pense qu'elles sont vraiment formidables
39:33pour ce qui est de protéger les citoyens,
39:35surtout quand on parle de criminels irresponsables pénales.
39:38Ça, évidemment que c'est fondamental qu'elles existent.
39:41Après, pour ce qui est des personnes complètement addictes à la drogue,
39:46le seul avantage que je vois à être pris en charge en unité
39:50pour malades difficiles, c'est le nombre croissant
39:52de personnel qui y travaille, donc qui va nécessiter
39:55une approche et une prise en charge beaucoup plus individuelle,
39:58donc meilleure.
40:00Mais en cela, sinon, le profil à la base de Smaïd Marzouk,
40:04si ce n'est les troubles à l'ordre public,
40:06ne relevait absolument pas d'une prise en charge
40:08dans une unité pour malades difficiles.
40:09Vous partagez cet avis, Johanna ?
40:11Oui, les UMD, ce sont des services qui ont des équipes
40:15pluridisciplinaires, donc on offre aux patients une prise en charge.
40:17Peut-être qu'il faut expliquer ce que c'est une unité
40:19pour malades difficiles pour nos auditeurs.
40:21C'est des patients qui ont besoin de soins tout particuliers,
40:24qui souffrent de pathologies, qui peuvent éventuellement
40:28générer de la violence hétéro-agressive,
40:30c'est-à-dire à l'égard des autres, ou même auto-agressive
40:32à l'égard de soi-même, et puis des comorbidités
40:34comme par exemple l'addiction.
40:36Donc c'est aussi des cas médicaux et psychologiques
40:39difficiles à gérer. Dans ces services-là,
40:41il y a donc des équipes pluridisciplinaires,
40:43des médecins, des psychologues, tout un tas d'intervenants.
40:46Le but, c'est dans un premier temps de pouvoir équilibrer
40:49psychiquement le patient et donc trouver le bon traitement
40:52et celui qui va pouvoir observer, donc avoir un maximum
40:55de pédagogie avec lui pour lui faire prendre conscience
40:57de la nécessité d'observer ce traitement médicamenteux
41:00et aussi amorcer une période de sevrage qui dure
41:03de quelques semaines à quelques mois pour qu'il ressorte
41:06finalement sevré de son addiction, c'est-à-dire
41:09moins dépendant physiquement de son addiction,
41:12mais il reste la dépendance psychologique.
41:14Et c'est ce que vous disiez tous tout à l'heure,
41:16c'est que quand on a commencé à 9 ans, même si au niveau
41:19du corps on est sevré, on n'est plus dépendant
41:22de la substance, il y a ce réflexe...
41:23On sera abstinent toute sa vie.
41:25Il faudra être abstinent toute sa vie, c'est-à-dire
41:27redoubler d'efforts chaque matin pour tenir toute la journée.
41:30Écoutez, cette émission était absolument passionnante,
41:32on a pu éclairer, commencer à réfléchir sur l'impact
41:36de la consommation de drogue sur les crimes et délits.
41:39Je pense que ce n'était pas la dernière émission
41:41qu'on consacrera à ce sujet, il y a beaucoup de choses à dire.
41:43Merci Johanna Rosenblum d'être venue nous voir,
41:46merci Maître Lionel Farleau, je rappelle que vous êtes avocat
41:49et que vous étiez l'avocat de Smahine Marzouk
41:52qui vient d'être condamnée.
41:54Merci à vous, merci à nos auditeurs de nous avoir écoutés,
41:57merci à Victor Lefebvre.
41:58Merci Stéphane.
41:59Vous pouvez retrouver notre émission sur la chaîne YouTube
42:01de Sud Radio, la semaine prochaine on se retrouve
42:03toujours à la même heure, mais tout de suite,
42:05Alain Martin nous emmène sur les routes des vins de France.
42:08Avec modération, ne vous inquiétez pas,
42:10c'est juste après les informations Stéphane.
42:12Avec tout ce qu'on s'est raconté.
42:13Allez, à tout de suite sur Sud Radio.

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