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Violette Spillebout, députée du groupe Ensemble du Nord, et Paul Vannier, député du groupe La France insoumise du Val d’Oise. Ils sont co-rapporteurs de la commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-20-mars-2025-6042930

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00:00Il est 7h50, Sonia De Villers, vos invités sont co-rapporteurs de la commission d'enquête
00:09sur les violences dans les établissements scolaires.
00:12Violette Spilboud, vous êtes députée du Nord, La République En Marche.
00:15Paul Vanier, vous êtes députée du Val-d'Oise, la France Insoumise, bonjour à tous les deux.
00:20Bonjour.
00:21La commission parlementaire débute dans deux heures avec l'audition notamment d'Alain
00:25Esquerre, qui est le porte-parole des victimes de Bétarame.
00:29Mais pas seulement, huit collectifs de victimes seront face à vous tout à l'heure.
00:34C'était important de commencer par les entendre, elles, ces victimes, Paul Vanier.
00:39C'est indispensable parce que tout part au fond de leur force, de leur courage.
00:43Et comme député, nous voulons aussi accompagner cette libération de la parole qui est considérable
00:47dans tout le pays.
00:48D'anciennes victimes se saisissent de ces questions, parlent, vont en justice et peut-être
00:53que c'est la première utilité de cette commission d'enquête.
00:55C'est d'accompagner ce mouvement et les victimes vont non seulement nous dire de
00:59quoi elles ont été l'objet, mais elles vont surtout nous renseigner sur les portes
01:02fermées, sur les silences, sur le mépris, sur le déni qu'elles ont rencontré parfois
01:06pendant des décennies qui a conduit à cette situation intolérable.
01:09Alors à propos des portes fermées, dès que la commission a été constituée, vous
01:14avez sauté tous les deux dans un train afin d'exercer ce qu'on appelle votre pouvoir
01:18d'investigation sur place et sur pièce.
01:20Vous revenez de trois jours passés à Pau, à Bayonne, à Bordeaux et à l'Estelle-Bétarame.
01:26Violette Spilbout, est-ce que vous avez tout obtenu ? Est-ce que les portes se sont ouvertes ?
01:30On a senti la force de cette commission d'enquête et le respect de notre travail de parlementaire
01:37dans notre différence.
01:38Le respect d'un travail qui est extrêmement important pour le respect des victimes d'abord.
01:43Et effectivement, que ce soit à Pau, à Bayonne, à Bordeaux et au Collège Borameau à Bétarame,
01:50nous avons été accueillis avec des portes ouvertes et je peux le dire, un esprit de coopération.
01:55Mais vous avez tout obtenu ?
01:56On a obtenu de nombreux documents, près d'un millier de pages, en particulier des documents
02:01de l'époque de 1990 à 2000, avec des documents qu'on doit maintenant éplucher, analyser
02:09tout au long de cette commission d'enquête et pour préparer efficacement nos auditions.
02:13Et puis avant 2000, c'est plus difficile, il y a des archives qui n'existent plus parce
02:18qu'elles ont été détruites et c'est le règlement dans les administrations et
02:23puis d'autres qui sont pour le moment introuvables.
02:25On attend des documents.
02:26Il y a des archives manquantes, il y a des pages qui manquent.
02:28Oui, mais on a ressenti en tout cas, que ce soit à la direction de l'IOCZN ou à l'Éducation
02:33Nationale, un vrai souhait en tout cas de retrouver des documents au maximum.
02:37Il y a des trous quand même.
02:38Il y a des trous, mais ils font déjà apparaître des choses intéressantes.
02:41On est au début de nos travaux, mais on voit que ces protocoles, ces procédures de remonter
02:44des signalements en cas de violence, on voit qu'ils sont très cloisonnés.
02:48On voit que quand des protocoles existent, ils ne sont pas nécessairement appliqués.
02:51Et puis, on découvre un système qui est très informel.
02:54Beaucoup d'oralités, des gens, des responsables qui se passent des coups de fil plutôt qu'ils
02:58ne suivent des procédures écrites.
03:00Et donc, nos travaux maintenant, avec les auditions sur la base des documents que nous
03:03avons saisis, vont consister à reconstituer ces chaînes de remontée pour voir où un
03:07signalement se perd.
03:08À quel niveau est-ce qu'il n'est pas transmis, bien transmis ? Est-ce qu'il échoue quelque
03:12part ? Est-ce qu'il est oublié ? Et ce sera ensuite notre responsabilité d'apporter
03:17des solutions, des propositions, bien sûr, pour corriger ces défaillances et pour empêcher
03:21d'autres bêtes à rame.
03:22Parce que là, quand vous mettez la main sur un signalement, et c'est absolument déterminant
03:25quand on parle du dossier bêtes à rame, je rappelle que là, on a dépassé les 150
03:29plaintes.
03:30180.
03:31On est à 180.
03:32On est à 180 plaintes pour violences physiques, violences psychiques et abus sexuels commis
03:36sur mineurs.
03:38Quand vous mettez la main sur un signalement extrêmement récent, c'est-à-dire un signalement
03:43des années 2020, ça change tout.
03:46C'est-à-dire que jusqu'à présent, on parlait de signalements qui s'étalaient
03:48entre les années 50, des témoignages entre les années 50 et 2004.
03:52Alors, il faut être très prudent.
03:53Effectivement, au Collège Le Borameau, nous avons, dans les échanges avec le directeur
03:59actuel, eu des signalements, puisqu'on a demandé l'ensemble des documents de signalement
04:03de violences, de signalements concernant des violences sexuelles entre élèves.
04:07Mais je crois qu'il ne faut pas faire d'amalgame.
04:09Nous avons, nous, fait ce que nous devons faire en tant que parlementaires, c'est-à-dire
04:14un signalement article 40 au procureur.
04:17Il a hier, d'ailleurs, indiqué qu'il avait bien ces deux affaires dans ses mains.
04:23Mais ce qui est important aussi, c'est que nous avons récupéré des signalements plus
04:27anciens et nous voyons comment ces signalements ont été traités, que ce soit à Bétarame
04:31ou que ce soit dans d'autres endroits.
04:33Vous parliez de 180 plaintes ici à Bétarame.
04:37Mais dans ma région, dans le Nord-Pas-de-Calais, avec le village de Riomont, c'est de 1960
04:42à 2019, près de 200 personnes qui ont été entendues dans le cadre d'enquêtes judiciaires.
04:47C'est une journaliste qui a fait un travail pendant 6 ans de recueil de la parole et c'est
04:52là aussi des centaines de victimes.
04:54Et donc, on le voit, ça libère la parole partout en France.
04:57Voilà.
04:58Partout en France.
04:59C'est-à-dire que là, il y a des plaintes et des témoignages glaçants qui surgissent.
05:02Il y a des anciens élèves de Notre-Dame de Garaison, dans les Hautes-Pyrénées, Notre-Dame
05:07du Sacré-Cœur, à Dax, à Saint-François-Xavier, à Oustaritz, à Saint-Pierre, dans le Finistère,
05:12à Saint-Dominique, à Neuilly-sur-Seine, à Saint-Croix-des-Neiges, en Haute-Savoie.
05:17Donc, est-ce que Bétharame est la face émergée de l'iceberg ? Est-ce que vous craignez
05:23ou est-ce que vous attendez un tsunami de témoignages et de signalements qui va vous
05:29arriver dessus ?
05:30Alain Esquière a parlé d'une déflagration et je crois qu'elle vient dans tout le pays.
05:33Nous l'attendons, nous l'encourageons.
05:35Il faut que l'OMERTA cesse, il faut que le mur du silence tombe.
05:39Est-ce que l'un et l'autre, vous êtes déjà pris à partie ?
05:41Oui, nous recevons individuellement, Violette Spilbout et moi-même, des mails, des interpellations.
05:46Et je vous raconte, lors de ce déplacement pendant trois jours, des victimes nous attendaient
05:51quasiment à chacune de nos étapes.
05:52Elles avaient vent de notre présence et elles tenaient parfois à faire de longues heures
05:56de route pour venir nous interpeller à la sortie d'une administration et nous dire
06:01ce à quoi elles avaient fait face, leur souffrance d'avoir été méprisées, déconsidérées
06:07pendant des décennies.
06:08Et il y a donc une très grande attente.
06:11Vous avez raison, et d'ailleurs on le rappelle régulièrement, ces victimes aujourd'hui,
06:18elles s'orientent vers des collectifs, ces collectifs se structurent, ils communiquent,
06:22ils incitent à la libération de la parole et d'abord nous les accueillons avec beaucoup
06:26de respect, avec beaucoup d'humilité parce que c'est en leur nom, quelque part, que
06:30nous agissons en tant que parlementaires.
06:32Et puis, il faut le dire, ce sont des victimes qui, pour beaucoup, se sont senties méprisées
06:38par l'éducation nationale mais aussi par la justice.
06:41Aujourd'hui, beaucoup de Français sont extrêmement en colère contre la lenteur de la justice,
06:47contre le silence de la justice, contre le non-suivi de leurs plaintes sur le manque
06:50d'informations.
06:51Et c'est ça aussi qu'elles attendent, qu'on remonte toute la chaîne, qu'on comprenne
06:55pourquoi et comment les parquets peuvent classer sans suite des plaintes pour violences sexuelles.
07:00On a des témoignages effroyables et je crois qu'on leur doit ça.
07:04Et on aura toujours ce fil conducteur dans les auditions qui commencent tout à l'heure
07:08et dans les auditions de l'administration et des responsables politiques, il leur faut
07:11des réponses et peut-être un nouveau cadre pour que ce contrôle sur les établissements
07:17scolaires en cas de violence puisse être efficace et qu'elle soit entendue.
07:21Le contrôle, c'est vraiment l'angle mort, ça devient le sujet absolument brûlant.
07:26C'est l'objet de notre commission d'enquête pour le public et pour le privé.
07:30Et quand vous disiez tout à l'heure, en ouverture de cette interview, que vous avez
07:34senti une vraie volonté de coopérer de la part des autorités diocésiennes, il y
07:39a quand même deux choses.
07:40Il y a un refus jusqu'à présent d'ouvrir les archives à Betaram, notamment pour protéger
07:45les données personnelles.
07:46Bon, qu'est-ce que vous répondez à cela ? Et puis il y a autre chose, il y a des responsables
07:50de l'enseignement catholique qui se disent ouverts au contrôle, mais qui craignent,
07:55je cite, qu'ils soient menés dans un état d'esprit de règlement de compte avec l'enseignement
08:02privé.
08:03Est-ce qu'on est en train de ré-ouvrir la guerre scolaire, Paul Collier ?
08:05Non, et moi ça me choque qu'on vienne sur ce terrain-là, parce que ce dont nous parlons
08:08c'est de la protection de millions d'élèves, de millions d'enfants, et j'aspire moi à
08:12ce que chacun se hisse à la hauteur de cet enjeu.
08:15Il y a des carences très graves en matière de contrôle qui conduisent à la mise en
08:20danger d'enfants.
08:21Il faut que chacun le regarde avec lucidité et assume de faire changer le système pour
08:26garantir cette protection, pour empêcher d'autres Betarams.
08:28Et nous aurons des auditions…
08:29Donc il n'y aura pas de règlement de compte avec l'enseignement catholique, pas de règlement
08:33de compte avec l'enseignement privé.
08:34Il y aura de l'exigence.
08:35L'exigence, encore une fois, que quel que soit l'établissement scolaire où vos enfants
08:39sont scolarisés, ils ont la garantie, ils doivent avoir la garantie d'être bien protégés.
08:44Et puis vous savez, il n'y a pas que l'inspection académique ou la direction d'iocésaine
08:49qui est concernée.
08:50Je veux parler de la justice, il y a aussi les conseils départementaux qui ont la responsabilité
08:53de la protection de l'enfance.
08:54Quand on voit aujourd'hui que les signalements ne prennent pas en compte, par exemple, les
08:58fugues nocturnes des internats qu'on retrouve à Betaram, qu'on retrouve au village de
09:02Riomonde dans le Pas-de-Calais, et bien on se dit qu'il y a des trous dans la raquette.
09:05Et c'est là aussi qu'on va trouver des solutions et faire des propositions.
09:08Merci à tous les deux.
09:10Cette commission débute ses travaux dans deux heures et on continuera de la suivre.
09:13Elle rend ses travaux fin juin.

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