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Pour son interview d’actualité, Télématin reçoit Charles-Edouard Barbier, propriétaire de l'Auberge des Tilleuls à Heilles.

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Transcription
00:00Les bars-cafés qui disparaissent chaque année en France, et pourtant ils sont essentiels à la vie des communes, notamment les communes les plus rurales.
00:06On va en parler avec notre grand témoin du jour.
00:08Bonjour Charles-Édouard Barbier.
00:10Bonjour.
00:11Merci d'être avec nous ce matin.
00:12Vous êtes restaurateur et vous êtes président des bistrots de pays et président de l'UMI60, c'est l'union des métiers et des industries de l'hôtellerie.
00:21Alors l'actualité, c'est que les députés se penchent actuellement sur la possibilité d'assouplir l'octroi de licence 4 qui permet de vendre certains alcools.
00:29Ça fait la une d'ailleurs, on l'a peut-être vu passer du Télégramme ce matin, bistrots de campagne, soif de lien.
00:37En quoi est-ce que c'est important selon vous d'obtenir cette loi ?
00:39C'est important parce que les bistrots, c'est souvent la dernière lumière, le dernier commerce qui est ouvert dans nos villages et dans nos territoires les plus ruraux.
00:46Et aujourd'hui, 26 000 communes n'ont plus de commerce et donc par définition non plus de bars-restaurants.
00:53Et c'est avec lui souvent le lien social qui s'en va, l'animation, la culture aussi, puisqu'on amène beaucoup de culture dans les bistrots à travers des scènes de bistrots, des soirées-comptes, des soirées-concerts, etc.
01:05Et quand ce dernier commerce s'en va, c'est avec lui toute l'âme du village aussi qui s'en va.
01:10Et donc du coup, quand un commerce comme un bistrot meurt, finalement c'est le repli sur soi et le lien social qui s'effrite ?
01:17Tout à fait, c'est des villages qui deviennent dortoirs, des gens qui restent chez eux, qui se parlent moins, parlent éventuellement à leurs voisins proches mais plus aux autres.
01:25Et on voit en fait qu'il faut recréer des lieux de vie dans les villages pour que les gens puissent se reparler, échanger, se comprendre et apprendre à vivre ensemble.
01:35Est-ce que quelqu'un connaît le village d'Aye dans l'Oise ?
01:38Non.
01:39Combien d'âmes ?
01:40650 habitants.
01:42Bon, vous vous avez étudié, Charles-Édouard.
01:45Oui.
01:46Bonne révision.
01:48Et pourquoi on en parle ? C'est parce que vous, vous avez étudié au Touquet, vous avez fait vos classes de chef à La Rochelle, sur la Côte d'Azur, vous avez même travaillé en Chine.
01:55Et c'est dans ce village dans lequel vous avez été élevé que vous avez décidé un jour de vous réinstaller en 2009.
02:00Vous aviez alors 22 ans et vous avez repris l'auberge.
02:03Tout à fait.
02:04C'est mon village natal, donc mes parents y habitent encore.
02:07Et puis en 2009, quand je revenais pour des week-ends quand j'étais encore à Châtelayon, à côté de La Rochelle à l'époque.
02:14Et ce bar-restaurant qui ne faisait plus déjà que bar était menacé de fermeture.
02:20Les propriétaires essayaient de vendre depuis six mois et ils allaient engager une procédure de liquidation judiciaire.
02:27Et là, je me suis dit, ce n'est pas possible, il faut faire quelque chose.
02:30Il faut prouver que c'est possible et prouver que ça peut marcher.
02:33Parce que l'auberge, vous l'aviez connu, vous, j'imagine ?
02:35Ah oui, moi, je l'avais connu tout gamin.
02:37Voilà, c'était le lieu de vie, encore une fois, le dernier commerce de Haït.
02:41On venait y acheter nos bons becs quand on était gamins à la sortie de l'école.
02:47On venait y déjeuner en famille le dimanche.
02:49Voilà, c'était le lieu de vie que tout le monde connaissait, que tout le monde partageait dans l'imaginaire du village.
02:54Donc j'imagine que quand on a vu le petit Charles-Édouard qui allait acheter ses bons becs,
02:58arriver à 22 ans et dire « moi, je reprends l'auberge », tout le village a dû vous remercier pour ça ?
03:04Les gens étaient soulagés que le commerce ne ferme pas.
03:07On a engagé le label Bistrot de Pays et avec lui, le fait de faire Relais Postes, le fait de faire Française des Jeux.
03:15Vous ne faites pas que ça, voilà, c'est ça.
03:16Exactement.
03:17Et est-ce que ça fonctionne ? Est-ce que ça marche ? Est-ce que la vie est revenue, les clients sont là ?
03:21Écoutez, on est là depuis 16 ans, on fêtera nos 16 ans dans un mois.
03:24Donc oui, ça fonctionne, effectivement.
03:26J'ai commencé tout seul avec une serveuse et aujourd'hui, on est neuf collaborateurs.
03:31Génial.
03:32Donc oui, ça fonctionne.
03:33Il faut se donner les moyens, c'est un sacerdoce.
03:36Il faut y croire, mais c'est une expérience extraordinaire et c'est un lieu qui revit dans un village et ça, c'est top.
03:42Parce que vous l'avez souligné, en fait, vous ne faites pas que auberge.
03:45Enfin, si je puis dire, vous ne faites pas que de la restauration.
03:47C'est ça qui est important aussi de dire.
03:50Exactement.
03:51On a pris plusieurs biais.
03:52Le premier, c'est d'apporter des services aux habitants avec La Poste, avec la Française des Jeux, avec le dépôt de colis, avec un petit coin bibliothèque dédié aux enfants aussi, par exemple.
04:02Et puis, on a pris un biais aussi économique.
04:04Donc, on a développé avec une activité bar, limonade, terrasse, etc., avec une activité traiteur qui est aujourd'hui 40% à peu près de notre activité, en événementiel et en séminaire.
04:15L'activité restaurant traditionnelle 100% fait maison, évidemment, qui est toujours le fondement de l'établissement.
04:19Et puis, un petit coin de vente de produits locaux avec nos producteurs locaux.
04:22Samuel, je suis curieux de connaître le rapport de vos clients à l'alcool, parce qu'on dit que la France est un pays culturellement où l'alcool est important.
04:29Et pourtant, il y a de plus en plus de prévention.
04:31Est-ce que vos clients consomment de l'alcool comme avant ?
04:34Non, clairement, la consommation d'alcool a beaucoup changé et les modes d'achat de la consommation d'alcool ont beaucoup changé.
04:41Aujourd'hui, 10% de l'alcool consommé est acheté dans un CHR, un café, un hôtel, un restaurant, une discothèque.
04:46Donc voilà, 90% de l'alcool est acheté ailleurs.
04:49C'est ça qu'il faut retenir très clairement.
04:51Et c'est une bonne réponse à ceux qui font le procès d'intention de dire remettre de licence et remettre de la consommation d'alcool dans les villages.
04:59Ce n'est pas du tout vrai.
05:00Nous, on a développé notre gamme de produits sans alcool, cocktails sans alcool, les mocktails, comme on les appelle en ville.
05:06Alors nous, c'est encore des cocktails sans alcool.
05:08On est encore un peu old school chez nous, mais voilà, on propose beaucoup de choses, des limonades artisanales, des jus de fruits artisanaux.
05:14Vous devez être au courant de tout ce qui se passe dans le village, vous, parce que normalement, c'est au bistrot qu'on raconte tout.
05:19Oui, oui, les cahiers de doléans chez nous, ils se font à l'oral.
05:22Effectivement, on est au courant de tout ce qui se passe et de tous les ragots.
05:25Mais vous ne répétez rien.
05:27Voilà, c'est ça, ce qui se dit à l'auberge, reste à l'auberge.
05:29Vous n'êtes pas sur les réseaux sociaux ?
05:31Le réseau social, il est en réel chez nous.
05:33C'est bien, ça fait du bien.
05:34C'est ça qui est bien.
05:35Est-ce que je peux vous demander si on en vit facilement ?
05:37Parce qu'à 22 ans, se lancer dans ce genre d'aventure, dans un village de 650 habitants, on peut dire aussi que c'est un risque pour celui qui le prend.
05:44Oui, très clairement, la question n'est pas du tout taboue.
05:49C'est pour ça que je vous dis que c'est un sacerdoce.
05:50Moi, je ne me suis pas payé pendant dix ans.
05:52Dix ans ?
05:53Voilà, donc j'habite au-dessus, vous voyez sur les photos, les fenêtres du dessus, c'est mon appartement.
05:57Bon, c'est un restaurant, donc on y mange sur place, etc.
06:01Donc, il faut quand même un peu d'abnégation.
06:04Il faut un conjoint ou une conjointe, en l'occurrence pour moi, qui puisse aussi subvenir aux besoins du foyer.
06:11Et donc, voilà, c'est aussi une aventure familiale parce que même si ma conjointe, ma future femme d'ailleurs, bientôt, ne travaille pas avec nous dans l'affaire,
06:20forcément, quand il y a des coups durs, elle est mise à contribution pour le foyer.
06:24Eh bien, en tout cas, merci beaucoup et bravo à vous.
06:27Et on embrasse tous les habitants de Haïe qu'on appelle les Haï...
06:30Haïois et Haïoises.
06:32Et la fête du mariage, ce sera au bar ?
06:33Non, ce sera chez un copain.
06:35Il faut changer un petit peu, chercher du niveau.
06:38Merci, Charles-Édouard Barbier.
06:40Allez à Haïe, donc, à l'auberge à Haïe, si on passe, je vous en prie.

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