Vendredi 14 février 2025, SMART IMPACT reçoit Paul de Préville (cofondateur, Ensol) , Michael Rogué (Cofondateur, ESCUNA) , Marguerite Laborde (copilote, CEC Nouveaux Imaginaires) , Valérie Doussinault (fondatrice, Nikita) et Valérie Brisac (directrice générale, Communauté des entreprises à mission)
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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue. C'est un grand format de Smart Impact que je vous propose,
00:14une heure d'émission pour creuser les enjeux de transformation environnementale et sociétale avec
00:20un grand entretien de 25 minutes. Et cette question, êtes-vous prête pour l'impact que je pose à une
00:25personnalité qui compte dans notre économie ? Aujourd'hui, c'est Valérie Brissac, la directrice
00:29générale de la Communauté des entreprises à mission. Pour démarrer ce Smart Impact, je recevrai
00:34Mickaël Roguet qui nous racontera comment il a transformé l'ancienne ferme familiale en refuge
00:40pour la faune et la flore. Notre débat, il portera sur ses nouveaux imaginaires à inventer pour
00:46accélérer la transition écologique pour la rendre acceptable, même désirable. On en parlera tout à
00:52l'heure. Et puis dans notre rubrique Smart Ideas, la bonne idée du jour, elle est signée EnSol,
00:57spécialisée dans l'installation de panneaux photovoltaïques. Voilà pour les titres,
01:03c'est parti pour ce Smart Impact en format XXL. L'invité de ce Smart Impact, c'est Mickaël Roguet,
01:17bonjour. Bonjour. Bienvenue, vous êtes le cofondateur d'Escuna. Alors, il y a plusieurs
01:22histoires à raconter, mais on va déjà poser le décor. C'est quoi une ferme familiale qui
01:27est dans le Nord, à Erkinghemlis pour être précis. Comment vous l'avez transformée ? Qu'est-ce que
01:32c'est devenu ? Oui, alors effectivement, c'est une ferme familiale qu'on a achetée. C'est vraiment
01:37un projet de famille dans le prolongement de son engagement avec ma femme sur les enjeux
01:40environnementaux. Et on l'a rachetée. C'est une ferme qu'on a achetée il y a deux ans, qui n'était
01:44plus en activité depuis une trentaine d'années. Et on a décidé d'en faire un grand lieu de refuge
01:50pour la biodiversité, en plus de notre domicile, et aussi d'en faire un lieu d'accueil pour le
01:55public. Alors, ça ressemble à quoi ? Présentez-nous Escuna aujourd'hui. Alors, c'est une grande ferme
02:00en hue, dans laquelle on habite dans une partie. Il y a une partie d'indépendance où on a fait un
02:05lieu d'accueil qui est hybride entre salles de séminaire, formation, gîte, etc. Il y a trois
02:11hectares de terre tout autour, qu'on a aménagé de différentes manières. Une partie plutôt verger
02:17et une petite partie potager. Une grande partie qu'on a commencé à reboiser pour faire une
02:23forêt sur un hectare. Et puis, une partie plutôt paysager, à viser d'agréments, avec une mare et
02:30plein d'essence florale. Et beaucoup de présence de sauvages pour laisser place à la spontanéité,
02:35à la biodiversité sauvage. Oui, évidemment, il ne faut pas que tout soit au cordeau et travaillé
02:40par l'homme. C'est quoi votre histoire professionnelle ? Comment vous en êtes arrivé à faire ce choix ?
02:44Alors, moi, je suis ingénieur de formation en informatique électronique. J'ai bossé pendant 15
02:48ans dans cette industrie, jusqu'à temps de quelque part me réveiller et me dire que j'avais envie de
02:54faire autre chose. Et moi, je suis un grand amoureux de la nature et de l'environnement. Je suis d'abord
02:58parti sur les enjeux de transition écologique en entreprise, où j'ai rejoint un boulanger pour
03:02monter tous les enjeux de transition écologique et accélérer les enjeux économiques circulaires,
03:07avant de vraiment vouloir repartir sur les enjeux nature et construire ce projet-là.
03:14On va revenir au projet Escuna, mais vous avez créé une autre entreprise à un pas qui s'appelle
03:19Chapter 2. C'est quoi l'idée ? C'est quoi l'ambition ? Oui, Chapter 2, moi, je l'ai créée parce qu'effectivement,
03:24en partant de boulanger, je voulais prendre du temps pour construire ce projet Escuna. Et aussi,
03:28je voulais garder un lien avec les entreprises. Moi, je suis convaincu que les entreprises sont
03:32un levier formidable pour accompagner les nouveaux modes de consommation. Ici aussi, on est convaincu.
03:36C'est pour ça que cette émission existe. Et voilà. Et ça m'a permis de garder un pas dans l'entreprise,
03:40à savoir que Chapter 2, que j'ai monté avec deux associés, on accompagne les dirigeants sur
03:46comment reposer leur modèle d'entreprise pour intégrer pleinement les enjeux sociétaux et
03:51environnementaux, en reposant l'ensemble du business model, aussi de la gouvernance, les compétences,
03:55pour vraiment construire l'évolution de leur entreprise pour intégrer pleinement ces enjeux.
04:00Parce que, je reste là-dessus, ça veut dire que si on veut intégrer ces enjeux de transformation,
04:05il faut penser global. Dans toute la sphère de l'entreprise, ce n'est pas seulement un levier
04:12d'un côté ou de l'autre. Nous, on appelle ça la transformation systémique, effectivement.
04:17Une entreprise, ce n'est pas qu'un business model, c'est plein de choses qui constituent.
04:21C'est des individus, c'est une dynamique individuelle et collective, c'est une culture
04:25de la performance de l'entreprise, c'est un très petit compétence outil process. Et pour nous,
04:30effectivement, pour qu'une transformation réussisse vraiment pleinement et soit intégrée
04:34pour de vrai dans l'entreprise, il faut réussir à revoir l'entreprise dans sa globalité.
04:38Oui, mais il y a peut-être des leviers plus efficaces que d'autres. La politique des achats,
04:41par exemple, on dit souvent que c'est un levier de transformation très important,
04:45peut-être l'un des plus simples à activer.
04:50Effectivement, notamment dans le cadre de la grande distribution, le levier des achats,
04:55c'est le levier principal. Moi, chez Boulanger, par exemple, quand j'y étais, 95% de l'empreinte
05:00environnementale de l'entreprise est liée aux produits qui sont vendus. Donc, effectivement,
05:04le gros impact va sur la partie achat des produits.
05:08Alors, on revient à ce projet ESCUNA. D'ailleurs, ça veut dire quoi ESCUNA ?
05:11ESCUNA, ça veut dire c'est la contraction de espace, culture, nature. Comment on relie
05:16la culture et la nature ? Comment vous l'avez pensé, réalisé ? Vous nous l'avez décrit tout
05:21à l'heure, mais on ne s'improvise pas, spécialiste de l'environnement, de la biodiversité. Comment
05:29vous avez choisi les espèces, les arbres, tout ce que vous avez mis en place et planté ?
05:36Déjà, moi, j'ai passé un an de formation en permaculture et ensuite, je me suis fait
05:41accompagner notamment par différentes associations locales, notamment une qui s'appelle les Jardins
05:45du Cygne, qui œuvre pour la reforestation dans les Hauts-de-France et qui, effectivement,
05:50m'a conseillé pour avoir une forêt qui soit vraiment la plus accueillante pour la biodiversité,
05:57de diversifier le plus possible avec le maximum d'essences locales endémiques. Donc, on a pris
06:03plein d'essences différentes qui vont être à la fois des grands arbres, mais à la fois aussi des
06:07arbustes et qui vont amener différentes choses. Ça peut être de l'habitat pour des oiseaux,
06:13ça peut être des baies, ça peut être des graines. On a aussi beaucoup d'essences florales,
06:17mélifères, nectarifères. Le but, c'est de diversifier le maximum pour accueillir le
06:23maximum de biodiversité. D'ailleurs, vous n'avez pas planté tout seul, c'est ça ? C'était au mois
06:27de janvier, vous en avez fait un événement un peu participatif ? Oui, cette fameuse forêt,
06:32il y a 5 000 arbres dedans maintenant et c'est la deuxième année qu'on l'a réalisé en chantier
06:36participatif. Et là, effectivement, 3 jours début janvier, on a invité toutes les personnes qui
06:43voulaient participer à ce chantier. On a planté 3 000 arbres sur 3 jours et effectivement,
06:48donc on ne l'a pas fait tout seul. On l'a fait, il y avait une vingtaine, trentaine de personnes
06:52par jour et on a planté tous ensemble. D'ailleurs, c'est un jour où il a neigé, donc ça avait un
06:56côté un peu bucolique d'ailleurs. Et d'ailleurs, toutes les personnes qui sont venues ont passé un
07:02excellent moment à la fois faire un geste pour l'environnement et à la fois, c'était vraiment
07:05un moment extraordinaire. Alors, vous avez démarré le projet il y a combien de temps ? On l'a démarré
07:09il y a deux ans. Est-ce que vous commencez à voir les effets sur la biodiversité ou est-ce que c'est
07:13trop tôt ? Oui, on le voit déjà. Rien que l'été dernier par rapport à l'été d'avant, on a vu
07:19effectivement beaucoup de papillons revenir, de coccinelles. On a installé une petite mare,
07:23ça a fait venir des populations qui ont besoin d'un écosystème aquatique, notamment des libellules,
07:29etc., des abeilles, etc. Donc oui, on commence vraiment à le voir, à le sentir. Globalement,
07:37quand on crée un écosystème qui est favorable pour la biodiversité, elle revient toute seule.
07:44Assez vite quoi. Assez vite et quelque part, ça a un côté assez magique. Mais alors,
07:47vous êtes entouré de champs, d'agriculture ? Quel type d'agriculture ? Vous imaginez les
07:55questions. Il faudrait voir la photo du ciel. Mais effectivement, tout autour, c'est beaucoup
07:59de champs plutôt en monoculture, plutôt en agriculture conventionnelle. Donc, on n'a pas
08:06un terrain tout autour qui favorise la biodiversité. Donc quelque part, c'est aussi pour ça qu'on est
08:10tombé sur cette ferme et on est tombé amoureux. On s'est dit mais ça va être l'occasion de créer
08:14ce refuge autour d'endroits qui ne sont pas propices à ça. Comment ils vous regardent,
08:20vos voisins agriculteurs ? Parce que les agriculteurs, c'est un vrai paradoxe. Ils
08:23sont à la fois en première ligne face au changement climatique et ils le subissent.
08:28Ils subissent aussi les effets sanitaires de certains produits qu'ils utilisent. Et puis en
08:33même temps, ils disent qu'il y a trop de normes, c'est trop compliqué. On empile les contraintes,
08:37notamment environnementales. Comment ils voient votre projet ? Globalement, j'ai plus d'encouragement
08:42que de gens qui me huent. Et en même temps, effectivement, comme vous le dites, avec toutes
08:48les difficultés qu'ils ont, c'est compliqué à leur échelle de faire avancer les choses.
08:54Cependant, on commence à impulser des changements, notamment la recréation de haies dans certains
09:00champs, etc. Oui, ça bouge évidemment aussi du côté des agriculteurs. Ce n'est pas un modèle
09:08philanthropique. L'objectif, c'est de gagner de l'argent aussi ?
09:12Le premier lieu, c'était vraiment une vue personnelle de comment est-ce qu'on recrée un
09:20refuge sur la biodiversité et comment on crée de la pédagogie autour de ça. C'est un lieu de
09:27séminaire. C'est un complément de revenu. Ma grosse activité, c'est Chapter 2. Ça peut être
09:33un complément de revenu, même si vraiment le premier objectif, c'est surtout le refuge.
09:38Imaginons une entreprise qui nous écoute et qui dit « Tiens, c'est intéressant, on va peut-être
09:42faire notre séminaire là ». Au-delà de parler boulot, qu'est-ce qu'ils vont trouver comme
09:47activité à faire chez vous ? On propose différentes activités, soit de
09:50reconnexion à la nature. On propose des circuits de balade dans Escuna, la découverte de toute la
09:56faune et la flore qui existent, un peu de pédagogie sur remettre un peu le rôle des
10:01insectes, des plantes sauvages dans toute notre vie, tout notre écosystème. On propose des
10:07randonnées tout autour. On peut proposer aussi d'aller servir dans le potager, de cuisiner dans
10:12la cuisine qui est dans la salle de séminaire. Et aussi, on propose des activités plutôt pour
10:17quelque part se mettre en action et améliorer ses compétences et repartir avec un petit bout
10:22d'Escuna chez soi, avec des initiations sur la permaculture, sur le compost, encore une fois,
10:27apprendre comment fonctionnent les interactions entre les insectes, les mauvaises herbes qu'on
10:34appelle, qui sont plutôt utiles d'un point de vue sauvage et biodiversité. C'est un peu tout ça
10:38qu'on peut proposer. Il y a une question beaucoup plus générale sur les enjeux de restauration de
10:44la biodiversité ou de la reforestation, parce que c'est aussi ça le projet Escuna. Les Hauts-de-France,
10:51le département, la région, vous êtes basée, elle est plutôt bien lotie, mal lotie en la
10:56matière ? Non, par rapport au reste de la France, on est plutôt mal lotie. La France, globalement,
11:02le territoire est couvert à 33% de forêt. Les Hauts-de-France, on est à 15%. Donc on est l'une
11:07des régions les moins boisées de France et ce n'est pas le cas. Au Moyen-Âge, on était une
11:14région très boisée, mais avec tout ce qui s'est passé sur l'urbanisation, l'agriculture, aussi
11:21les deux guerres mondiales, on fait que ça a décimé une très grande partie des forêts. Ça se voit sur,
11:26par exemple, la population d'insectes qui a fortement baissé, il y a des chiffres là-dessus ?
11:32Oui, pareil, on dit qu'on a à peu près en 30 ans, on a eu une baisse de 80% des populations
11:38d'insectes. Donc c'est énorme et c'est palpable. Effectivement, on le voit et on le sent.
11:43Merci beaucoup Mickaël Roguet. Bon vent à Escuna. Bon retour dans le Nord. On passe à notre débat,
11:50le rôle majeur de la communication et des imaginaires pour accélérer la transition.
11:57Comment inventer de nouveaux imaginaires pour accélérer et accompagner la transition ? C'est
12:07le thème de notre débat avec Marguerite Laborde. Bonjour. Bonjour Thomas-Yves. Bienvenue,
12:11vous êtes copilote du parcours Nouveaux Imaginaires à la Convention des entreprises
12:15pour le climat et Valérie Doussinaud, bonjour. Bonjour Thomas-Yves. Fondatrice de l'agence Nikita,
12:21on va commencer, même si on a fait beaucoup d'émissions en partenariat avec la Convention
12:25des entreprises pour le climat. C'est quoi Marguerite Laborde ? La Convention des entreprises
12:29pour le climat, c'est un collectif de dirigeants qui prouve qu'on peut faire du business différemment
12:35dans le respect des limites planétaires et dans le respect du vivant. La première session a eu
12:40lieu en 2021 avec un parcours national et multisectoriel qui depuis a eu des petits
12:47frères et des petites sœurs, des conventions des entreprises pour le climat territorial,
12:50régional et puis plus récemment des conventions des entreprises pour le climat thématiques qui
12:55s'adressent à des écosystèmes business qui ont un effet de levier assez puissant sur le reste de
13:00l'économie. Si on les fait bouger, le reste de l'économie va bouger plus rapidement. On a eu la
13:05CEC Consulting, la CEC du monde financier et donc aujourd'hui cette CEC des Nouveaux Imaginaires.
13:10Alors pourquoi cette CEC des Nouveaux Imaginaires ? C'est quoi le parcours d'ailleurs ? C'est un
13:16parcours particulier, spécifique j'imagine ? Oui, c'est un parcours qui s'adresse aux créateurs,
13:21producteurs et diffuseurs de récits parce qu'en fait on a constaté que le constat des limites
13:27planétaires et des enjeux auxquels on va faire ça face, il est de plus en plus partagé. La
13:32connaissance avance même si on a des vents contraires qui soufflent fort. Il y en a quelques-uns,
13:37pas seulement aux Etats-Unis. Exactement, mais on n'a pas de passage à l'action collectif. Et
13:43pourquoi ? Parce qu'on estime que les récits ont une responsabilité énorme là-dedans, notamment à
13:49travers le triangle médias, information, publicité. On a identifié vraiment trois problèmes. Le
13:56premier c'est celui avec des médias, c'est celui de la couverture, c'est-à-dire qu'aujourd'hui en
14:00termes de couverture des sujets climatiques dans les médias, ça représente 1 à 3% des sujets
14:06évoqués. Et puis la biodiversité, on n'en parle même pas. Le deuxième problème c'est celui de la
14:11publicité. Aujourd'hui c'est plutôt un problème volumique, c'est-à-dire qu'aujourd'hui vous comme
14:17moi on est exposés par jour à entre 4000 à 10000 messages publicitaires qui sont souvent pour des
14:24produits nocifs voire climaticides. On peut partir à l'about du monde pour 500 euros, on peut aller
14:31faire ses courses et être livré en 15 minutes. Donc ça c'est des modes de vie qui ne sont pas
14:36soutenables, ni pour notre planète ni pour nous d'ailleurs. Et puis le troisième problème c'est
14:41celui de la fiction, donc les films, les séries. Aujourd'hui ces enjeux ils sont parfois abordés,
14:46mais ils sont souvent pris sous l'angle de la dystopie. Donc on va jouer sur le registre de
14:52la peur en fait, même si on prend des films qui par exemple abordent ce sujet comme donc Look Up
14:57ou Le Monde Après Nous, en fait c'est vraiment le levier de la peur qui est utilisé. Et ce levier
15:02c'est pas un moteur pour passer à l'action pour tout le monde. Sinon ça aurait marché depuis longtemps,
15:06parce que c'est le premier levier qui a été activé. Je veux bien que vous nous présentiez avant de nous
15:10dire ce que vous apporte ce parcours, Valérie Doussineau, que vous présentiez l'agence Nikita.
15:14Alors l'agence Nikita est une agence qui a plus de 30 ans et qui travaille pour les marques sur le
15:21long terme pour les transformer et accompagne des plateformes de marques juste à la production de
15:25contenus et jusqu'à la performance des contenus. Donc nous faisons parler les marques en fait.
15:30Et justement vos clients, ces marques, elles sont conscientes, elles commencent à être conscientes
15:36de cette obligation presque d'inventer de nouveaux imaginaires ?
15:42Alors pas vraiment, c'est-à-dire que ce qu'on a fait au sein de l'agence, c'est qu'on a créé des personnages,
15:48c'est-à-dire qu'on a identifié quelle était la maturité finalement par rapport à ces sujets, la maturité de nos clients.
15:54Donc on adresse chacun des clients de façon différente pour les faire bouger. En tous les cas, nous ce qu'on cherche
16:01c'est les faire bouger et les faire prendre conscience qu'il y a des récits qui ne sont plus tenables.
16:07Alors je vais prendre un exemple pour être...
16:08Oui, allons-y.
16:10C'est par exemple pour une enseigne de jardinage qui évidemment a un plan d'action commercial.
16:17Est-ce qu'on ne peut pas changer son plan d'action et n'être pas tout le temps dans la société de consommation
16:21mais peut-être dans la société, dans une communication d'usage ?
16:26Un exemple, au lieu de faire une communication pour le jardin, faire son jardin en printemps, faire une opération sur SOS plantes.
16:35Comment prendre soin des plantes, comment les sauver ?
16:37Et donc on va passer d'une logique volumique, je vends des tas de produits, à une logique servicielle.
16:44Et donc c'est d'aller vers cette société d'usage et c'est comme ça qu'on accompagne les clients en fait.
16:50Et alors qu'est-ce que vous avez trouvé dans ce parcours des nouveaux imaginaires proposés par la Convention des entreprises pour le climat ?
16:57Qu'est-ce qui vous manquait en quelque sorte ?
17:00Alors première chose, c'est de ne pas être seul.
17:02Et ça c'est énorme parce qu'en fait c'est de retrouver des compagnons de route qui ont vraiment envie de changer les récits
17:10parce qu'on est très conscient que nous avons un pouvoir énorme, un pouvoir de grande responsabilité.
17:18Ça on a quand même réussi à faire le lien entre fumer, c'est la liberté, après-guerre.
17:24Donc ça veut dire qu'on est capable de changer les imaginaires.
17:26Et moi j'aime bien raconter quand même ce que c'est qu'un nouveau récit.
17:29Un nouveau récit c'est une histoire positive qui crée du désir pour aller vers un monde plus juste,
17:36donc l'équité sociale, plus durable par rapport aux limites planétaires,
17:40mais aussi plus joyeux, où les gens s'épanouissent.
17:44Mais c'est pas seulement, Marguerite l'aborde, un changement de communication.
17:50Dans ce que vous nous décrivez, c'est souvent un changement de modèle économique.
17:55D'ailleurs c'est ce que la Convention des entreprises pour le climat porte, et c'est ce qui était passionnant.
18:00Il y avait à la fois ce que vous décrivez, c'est-à-dire ne pas se sentir seul,
18:04pouvoir discuter avec d'autres chefs d'entreprise ou cadres dirigeants,
18:09et puis il y a une feuille de route, c'est ce qui est vraiment intéressant dans la CEC.
18:13C'est un engagement sur une feuille de route pour changer les choses.
18:15Absolument, et dans le cadre de notre CEC, on a vraiment travaillé sur les deux dimensions,
18:20c'est-à-dire celle des contenus et des récits, et celle des modèles d'affaires,
18:23parce qu'en fait les deux sont liés.
18:25C'est-à-dire que, si je prends un exemple des agences de publicité,
18:29en tant qu'agence de publicité, si je gagne de l'argent en faisant des publicités pour des produits climaticides,
18:35comme des SUV, ça va être beaucoup plus difficile d'aller changer les récits que je produis
18:42en challengeant mes clients si je suis le seul.
18:44Alors que dès lors qu'on crée un collectif et cette dynamique collective qu'on fait en mettant ces acteurs dans la même salle,
18:51ça permet de sortir du dilemme du prisonnier en n'étant pas le seul à faire le premier pas,
18:56ou si mes concurrents ne bougent pas, je ne bouge pas.
18:59Là, on crée cette dynamique en jouant sur les contenus à travers le prisme des modèles d'affaires,
19:05parce qu'on n'est pas uniquement sur des bons sentiments, on parle vraiment de business en fait.
19:09Oui, on parle de business, il suffit de voir par exemple la rétractation du marché du bio-marché alimentaire,
19:16il y a un moment où les consommateurs envoient un message,
19:18et donc même si on a plein de bonnes volontés, même si on est en train d'essayer de changer son modèle,
19:23si les consommateurs ne suivent pas, la transition s'arrête, net.
19:28C'est pour ça qu'on a identifié plusieurs ingrédients clés pour engager à passer à l'action.
19:33On se l'est dit tout à l'heure, le registre de la peur, ce n'est pas celui qui fonctionne le mieux.
19:37Nous, on a identifié d'abord, enfin je pourrais vous en citer trois...
19:41Mais je vous interromps, parce que je vous entendais parler des SUV,
19:44je suis d'accord avec vous, il y a une forme d'absurdité à continuer de rouler en SUV,
19:48et puis peut-être aussi de concevoir des SUV 100% électriques qui pèsent de plus en plus lourd.
19:53Sauf qu'il y a un moment où il y a énormément de Français qui ne peuvent pas s'en passer une voiture,
19:57et qu'il n'y a pas l'offre de transport en commun suffisante,
20:02je ne vais pas vous refaire tout l'argumentaire,
20:04et puis il y a surtout ceux qui veulent continuer de rouler en voiture.
20:06Vous voyez ce que je veux dire ?
20:08Et derrière, il y a des entreprises avec des milliers de salariés,
20:12c'est plutôt un modèle fort en France et en Europe,
20:15donc il y a tous ces enjeux en même temps à faire rentrer dans l'équation.
20:19C'est très compliqué, est-ce que le nouvel imaginaire peut y suffire ?
20:22Alors, le nouvel imaginaire est nécessaire mais pas suffisant, c'est sûr.
20:27Évidemment que probablement on pourra avoir besoin d'être appuyé aussi par le législateur,
20:33c'est important pour faire accélérer les changements d'usage et de comportement, c'est très clair.
20:38Donc là, dans les acteurs qu'on a mis dans la salle,
20:41on a plutôt traité le sujet des imaginaires et des nouveaux récits,
20:44mais là, il y a aussi des leviers d'accélération qui sont super importants,
20:48notamment par exemple celui de la co-construction.
20:50Vous disiez, c'est vrai que les utilisateurs ne sont pas tous prêts à changer,
20:53mais c'est précisément pour ça qu'il est hyper important d'aller co-construire avec ses audiences les récits,
20:58en fonction des leviers qui vont eux les embarquer.
21:02Tout le monde n'a pas les mêmes problématiques dans sa vie quotidienne,
21:05on ne peut pas parler à X et à Y de la même façon,
21:08c'est précisément l'apport d'associations comme Parlons Climat qui ont permis de montrer ça,
21:12donc c'est important d'aller co-construire aussi ces récits avec ses audiences.
21:15Parce que Jeep, par exemple, ils passent à l'électrique en Europe,
21:19mais aux États-Unis, no way, ils n'y pensent même pas,
21:22parce qu'ils savent que les Jeepers aux États-Unis, jamais ils n'achèteront une voiture électrique.
21:26Donc, il y a là, j'imagine, dans la discussion avec vos clients, avec les marques que vous accompagnez,
21:32une question qui est la rapidité du changement,
21:35à quel moment on se dit, je peux faire basculer mon modèle,
21:38effectivement, de la possession à l'usage, par exemple,
21:42c'est un vrai enjeu, sans perdre mes clients,
21:44et donc, finalement, mettre en péril la pérennité de l'entreprise.
21:48La vitesse de la transition, vous voyez ce que je veux dire ?
21:51Alors, la vitesse, effectivement, on n'en est pas maître,
21:53et d'ailleurs, ce que je trouve très bien dans la Convention des entreprises pour le climat
21:58sur les nouveaux imaginaires, c'est qu'en fait,
22:01on se dit que plus on sera nombreux, les acteurs, à pousser des nouveaux récits,
22:06plus la bascule culturelle se fera, et c'est ce tipping point dont on parle qui se fera.
22:11Mais pour répondre à votre question, particulièrement sur le rythme, etc.,
22:16c'est qu'en tous les cas, on se donne comme règle de toujours avoir des alternatives.
22:21Une alternative, oui, j'ai besoin de la voiture, mais qu'est-ce que tu me proposes comme autre alternative ?
22:25Oui, je veux acheter des vêtements pour mes enfants,
22:28mais si je les loue ou si je le prends en seconde main, ça existe.
22:32Et en fait, la bascule, on ne sait pas exactement quand elle va se faire,
22:36mais si on raconte bien l'histoire de qu'est-ce que ça apporte de plus de louer ou de mutualiser,
22:45et en fait, il y a François Gemmene du GIEC qui dit, alors fort de son expérience,
22:50qui dit que c'est clair qu'on ne change pas les comportements en disant « alerte au climat »,
22:55en étant négatif. Ça, il l'a expérimenté lui-même pendant des années.
22:59Et puis malheureusement, on le voit à chaque catastrophe climatique.
23:01Ce ne sont pas elles qui suffisent à changer les comportements.
23:05Ça paralyse, enfin il y a plein. Étudier les comportements ne sont pas les...
23:07Bon, je vais prendre l'exemple de la rénovation énergétique.
23:12En fait, il ne faut pas dire « c'est bien pour le climat », ce n'est pas ça,
23:14ou « le bio, c'est bien pour le climat ». En fait, il faut parler aux gens.
23:17Et les gens, quand on va leur dire « la rénovation énergétique va vous apporter du confort »,
23:26ou « vous allez gagner de l'argent sur votre facture », là, on leur parle.
23:31Et c'est tous ces leviers-là, et c'est pour ça qu'à la CEC Nouveaux Imaginaires,
23:37on a expérimenté la coopération, et on croit beaucoup à l'effet volume et coopération,
23:42et de changer de modèle aussi nous-mêmes, de passer de la compétition,
23:46qui est quand même notre modèle de société, à la coopétition ou à la coopération.
23:53Et donc, on a monté un collectif qui s'appelle la coalition des...
23:58Enfin, c'est une collection d'agences qui va des cabinets d'études jusqu'à des producteurs de contenus,
24:04des agences de com, de RP...
24:05– Pour qu'il y ait un effet de masse, en quelque sorte.
24:07– Pour qu'il y ait un effet de masse. – Je comprends.
24:08– Et que, globalement, on se soutienne, parce que ce n'est pas facile comme enjeu,
24:14qu'on se soutienne, que quand on va voir un annonceur et une marque,
24:18qu'on dise, finalement, de mutualiser nos idées,
24:23et surtout de les alimenter avec des chiffres,
24:26et avec des choses peut-être qui viennent même des neurosciences,
24:29c'est-à-dire, qu'est-ce qui fait que je change de comportement ?
24:31Parce que c'est ça qu'on veut, finalement.
24:33– Dernier Moïse, 40 secondes, il faut aller vite.
24:35Sur, justement, ces engagements, ces feuilles de route,
24:37c'était très clair pour moi quand on parlait CEC classique.
24:41Là, sur cette thématique-là, c'est quoi l'engagement ?
24:43Vous venez de commencer à répondre.
24:44– Là, on demande aux participants aussi de nous remettre une feuille de route
24:48qui va adresser à la fois leur modèle d'affaires et les contenus
24:52et les récits qu'ils produisent, pour les revoir en profondeur,
24:56en montrant qu'on peut adresser le sujet des récits
25:01que si on prend aussi celui du sujet des modèles d'affaires.
25:03Parce que le récit, finalement, le plus absolu à revoir,
25:07c'est celui de l'entreprise en elle-même.
25:09C'est de se dire qu'on ne recherche pas une entreprise surperformante avant tout,
25:14mais une entreprise robuste qui va pouvoir s'adapter au contexte qui y arrive,
25:18parce qu'on est vraiment dans le sujet de la pérennité des business, en fait.
25:22– Merci beaucoup, merci à toutes les deux et à bientôt sur Be Smart For Change.
25:26On passe tout de suite à notre rubrique « Prêt pour l'impact ? »
25:34« Prêt pour l'impact ? », c'est la question que je pose chaque semaine
25:37à une personnalité qui compte dans notre économie aujourd'hui,
25:40c'est Valérie Brizac, bonjour.
25:42– Bonjour Thomas.
25:43– Bienvenue, vous êtes la directrice générale de la Communauté des entreprises à mission.
25:49On va commencer, on a 25 minutes d'entretien,
25:51mais par la base, rappelez-nous ce qu'est cette communauté
25:54qui a été créée, je crois, en 2018.
25:56– Exactement, c'est une association d'intérêt général
25:58qui a été créée par les pionniers du modèle,
26:00donc à la fois des entrepreneurs comme Emery Jaquia,
26:03de la CAMIF, ou Laurence Meignerie, Citizen Capital,
26:06et des chercheurs, des mines, qui étaient à l'origine du concept
26:10de l'entreprise à mission.
26:12Alors pourquoi cette association ?
26:13L'idée, c'est vraiment de promouvoir ce modèle,
26:16mais aussi de créer une forme de maison commune pour les dirigeants,
26:20les entreprises qui s'interrogent sur le fait de devenir à mission,
26:23ou qui le sont déjà, donc pour créer une forme de partage,
26:26de retour d'expérience, et aussi de créer des événements
26:31pour parler de ce modèle.
26:34On a aussi un observatoire, qui est en fait la mesure officielle
26:37en France du nombre d'entreprises à mission,
26:41et on réalise un certain nombre de documents aussi
26:43qui permettent d'expliciter comment devenir entreprise à mission.
26:46– Oui, parce que l'objectif, c'est que le mouvement, évidemment,
26:48grandisse le plus possible.
26:51Est-ce que c'est lié à la loi Pacte, qui traite de beaucoup de thématiques,
26:55mais qui notamment offre aux entreprises la possibilité
26:59de définir leur raison d'être, puis de l'inscrire dans leur statut ?
27:03C'est pour ça aussi que la communauté s'est créée ?
27:06– Ah oui, tout à fait, en fait, évidemment, les entreprises engagées
27:09n'ont pas attendu la loi Pacte pour être engagées,
27:11il y avait déjà beaucoup d'initiatives, de mouvements,
27:13d'entreprises qui ont créé plein de projets,
27:16mais vraiment, cette loi Pacte a introduit une innovation juridique
27:20qui est cette mission, finalement, que l'on vient inscrire dans ses statuts,
27:24et qui vient engager toute la gouvernance.
27:26– Donc ça, c'est vraiment la phase principale,
27:30on peut dire qu'on parle d'une entreprise qui fait de la politique,
27:34mais au sens étymologique du terme, c'est-à-dire qui s'engage dans la cité,
27:40et qui s'engage pour les citoyens, il y a aussi cet objectif ?
27:43– Ah mais c'est exactement ça, en fait, nous, la communauté,
27:46notre conviction, c'est effectivement que, face aux enjeux du XXIème siècle,
27:51l'entreprise est finalement un outil qui a les moyens, l'agilité, l'énergie,
27:55et ce génie humain, finalement, du collectif, de répondre à des problématiques.
28:01Mais donc, effectivement, cette idée que l'entreprise est un objet politique
28:06est absolument centrale, en fait, on s'oppose finalement à une vision,
28:12plus, on va dire, années 80 ou XXème siècle, où l'entreprise,
28:16voilà, on n'avait pas forcément de responsabilité vis-à-vis de la société,
28:19un peu hors-sol, je délocalise, j'importe partout, etc.
28:24Et là, en fait, non, c'est vraiment cette espèce de passage à la maturité,
28:29où l'entreprise a vraiment conscience qu'elle a des impacts, qu'elle a un enjeu,
28:32qu'elle travaille avec des hommes, qu'elle utilise des matières,
28:35et que donc, à ce titre, elle a des devoirs vis-à-vis de la société.
28:39– Et est-ce qu'en faisant de la politique, on s'expose plus aux critiques ?
28:43Même cette façon de faire de la politique, vous voyez ce que je veux dire ?
28:46Parce qu'il y a, on en parlait juste avant que l'émission démarre,
28:50il y a quand même un vent un peu contraire sur les enjeux de transformation
28:54environnementale et sociétale, il vient des États-Unis, mais pas seulement,
28:57on voit au niveau européen que le Green Deal est potentiellement un peu détricoté,
29:03que le bilan extra-financier, la CSRD, il y a quand même beaucoup de voix
29:07qui s'élèvent pour freiner, simplifier, peut-être qu'il faut un peu simplifier,
29:12freiner, ou pour certains, stopper.
29:15Est-ce que, quand on est chef d'entreprise,
29:17qu'on fait prendre ce virage avec un engagement de société à mission,
29:22de temps en temps, on s'expose plus aux critiques ?
29:24Est-ce qu'il y a une part de risque d'une certaine façon ?
29:27Pour moi, le risque, c'est justement de ne rien faire.
29:30Je suis d'accord avec vous, mais bon.
29:32En fait, déjà, il y a un principe de réalité, c'est que toutes ces crises,
29:36qu'elles soient sociétales ou écologiques, de toute façon vont impacter l'entreprise.
29:39Donc, soit on les anticipe, on les analyse, on se demande quels vont être les impacts
29:43sur soi-même et on essaye aussi de corriger ces impacts.
29:46Et donc, quelque part, on est un peu en avance de phase par rapport à des concurrents
29:50qui, eux, ne réalisent pas ça, mais aussi vis-à-vis de la société.
29:55Une entreprise qui ne se pose absolument aucune question,
29:59en fait, c'est là où la critique va jaillir.
30:01Donc, on peut avoir une vision, entre guillemets, court-termiste.
30:04Effectivement, c'est plus simple de ne pas se poser de questions,
30:06de ne pas rendre compte, de ne pas avoir de projet.
30:08Mais si on résonne sur le long terme, finalement,
30:11c'est qu'est-ce que l'entreprise fait pour aussi assurer sa propre pérennité ?
30:15C'est quand même ça, le sujet aussi.
30:16Au-delà du rôle politique que l'entreprise peut avoir,
30:20c'est en quelle mesure elle sera encore là dans 5 ans, 10 ans, etc.
30:24Vous êtes devenue directrice générale de cette communauté des entreprises à mission
30:28en septembre 2023, avec quelle idée, quelle ambition ?
30:33L'ambition, c'est de poursuivre ce projet de la communauté,
30:37donc de faire en sorte que devenir entreprise à mission,
30:39ça devienne finalement la norme.
30:41Et on voit aujourd'hui, on a 2 000 entreprises qui sont à mission.
30:451973 !
30:47Exactement, vous avez lu le compteur ce matin,
30:49ça représente 1 million de salariés,
30:51donc c'est vraiment quelque chose qui est assez considérable.
30:55Et donc mon mandat, c'est de continuer à promouvoir ce modèle,
31:00parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne le connaissent pas,
31:03et surtout de montrer que ça marche.
31:05C'est ça aussi l'enjeu, c'est que c'est pas juste un choix parmi d'autres modèles,
31:10c'est qu'on a plein d'exemples d'entreprises qui sont devenues entreprises à mission
31:14ou qui se sont créées nativement à mission,
31:16puisque chaque année dans les promos,
31:19il y a à peu près un tiers d'entreprises qui sont créées à mission.
31:22Donc ça prouve que c'est dans la tête des dirigeants, des entrepreneurs,
31:25c'est le modèle du XXIe siècle.
31:27On va revoir ces chiffres que vous avez donnés,
31:291973 d'entreprises à mission référencées,
31:311 million de salariés qui travaillent aujourd'hui dans une société à mission.
31:35Ça change quoi pour ces salariés ?
31:38Ça change qu'il y a un deal en fait, il y a une promesse, il y a un projet.
31:43C'est-à-dire qu'une entreprise qui devient à mission,
31:46elle dit clairement à la société et donc évidemment à ses salariés ce à quoi elle contribue,
31:51la problématique qu'elle se propose de résoudre.
31:54Et donc c'est pas uniquement de proposer des produits et des services,
31:57c'est de résoudre un problème.
31:59Et donc le rapport au travail n'est pas du tout le même,
32:01vous ne vendez pas des produits, vous contribuez à résoudre un problème.
32:04Et donc c'est exactement ce que cherchent les jeunes aujourd'hui,
32:07et d'ailleurs aussi les moins jeunes.
32:08Mais est-ce que vous…
32:11Si on commence à avoir 5-6 ans de recul,
32:13est-ce que les entreprises à mission, elles ont plus de facilité à recruter,
32:17à fidéliser leurs talents,
32:21justement parce qu'il y a un sens donné à l'action commune ?
32:25Ah mais ça c'est évident, c'est ce que tous nos membres…
32:27C'est pas juste intuitif.
32:28Ah non non non, on a des retours.
32:30Alors évidemment, chaque mission étant spécifique,
32:33on ne peut pas avoir le chiffre 80% des salariés.
32:38En revanche, on a des retours d'expérience entreprise par entreprise
32:41qui prouvent que depuis que les entreprises sont à mission,
32:44elles ont plus, elles reçoivent plus de candidatures spontanées,
32:47elles ont moins d'absentéisme, plus de fidélité,
32:49voire c'est un plus pour recruter des dirigeants.
32:52Quand on est chassé pour être CEO pour une entreprise à mission,
32:56c'est plus attractif qu'une entreprise classique.
32:58Oui, à tous les niveaux de l'entreprise.
33:01Il y a aussi des entreprises qui font du social washing,
33:04ça existe, on ne va pas se leurrer.
33:06Est-ce que vous, vous vérifiez ça d'une certaine façon ?
33:09C'est-à-dire une entreprise qui se déclare à mission
33:12et qui en fait ne tient pas exactement sa feuille de route.
33:16Est-ce qu'elle a inscrit dans ses statuts ?
33:17Justement, c'est le principe du modèle de l'entreprise à mission,
33:20c'est d'allier la liberté et la responsabilité.
33:23La liberté, l'entreprise peut définir la mission qu'elle souhaite
33:26avec le niveau d'ambition, de transformation qu'elle souhaite.
33:29Donc c'est vraiment le respect total de la liberté d'entreprendre,
33:32ce qui plaît en général aux dirigeants et aux entrepreneurs,
33:36et en même temps, le corollaire, c'est de mettre en place
33:38un système de contrôle qui est double.
33:40Le premier contrôle, c'est plutôt interne avec un comité de mission,
33:44un comité qui est composé à la fois de gens de l'entreprise
33:46mais aussi d'extérieurs, qui va challenger l'exécutif,
33:49la gouvernance sur le fait qu'elle remplit bien sa mission.
33:53Donc ça, c'est déjà une première boucle de contrôle interne.
33:57Et ensuite, il y a un peu la vérité des prix,
33:59c'est-à-dire que les entreprises à mission sont auditées
34:01par des OTI, des organismes tiers indépendants,
34:03c'est un peu les commissaires aux comptes de la mission finalement,
34:06et qui émettent un avis qui est public,
34:08qui doit être sur le site internet de l'entreprise pendant 5 ans.
34:11Et donc, en fait, c'est l'antidote anti-social ou greenwashing
34:16parce que l'entreprise à mission fait une promesse
34:18qui, à la fin, est vérifiée par un auditeur.
34:21Il n'y a pas une brebis galeuse en 5-6 ans ?
34:24Dans ces cas-là, le système, c'est qu'il faut qu'un tiers,
34:29une ONG, un salarié, un concurrent, finalement, dénoncent
34:32l'entreprise à mission qui se dit toujours à mission.
34:34Et c'est encore plus compliqué parce que c'est dans les statuts.
34:37Donc, il y a pour une association ou une ONG,
34:40un outil presque juridique.
34:42Alors, ça existait déjà avant, même quand ce n'était pas inscrit dans les statuts,
34:44mais le fait que ce soit inscrit dans les statuts,
34:46ça peut donner un levier d'action à une ONG, par exemple.
34:49Exactement. Alors, pour l'instant, on n'a pas ce cas de figure.
34:52Donc, voilà, pour l'instant...
34:53Ce qui est bien.
34:54Ce qui est bien, et en même temps, ça permet aussi de montrer
34:57qu'il y a une forme de bâton quelque part qui existe aussi.
35:01Mais bon, le modèle est jeune encore, donc on n'en est pas encore là.
35:05Mais effectivement, c'est la beauté du modèle, c'est d'avoir ce contrôle.
35:09Alors, vous savez, chaque semaine, dans cette rubrique prête pour l'impact,
35:15l'invité pose une question à celui ou celle qui était assis à cette place
35:19la semaine dernière, c'était la directrice générale du Crédoc.
35:22Sandra Wabian, on l'écoute.
35:24Bonjour. Donc, écoutez, j'aurais une question pour vous.
35:27Comment faire, en fait, pour que davantage d'entreprises
35:30se saisissent de ces nouvelles possibilités et, en fait,
35:33s'engagent dans ce chemin de l'entreprise à mission
35:37qui, peut-être, pourrait apporter un peu de mieux à notre société ?
35:41Alors, effectivement, c'était l'un des objectifs initiaux,
35:44l'un de vos objectifs quand vous êtes arrivés en septembre 2023,
35:47faire grandir cette communauté.
35:53On en est où ? C'est-à-dire, le rythme de croissance, quel est ce rythme ?
35:58Donc, déjà, les décrets de la loi Pacte sont sortis il y a 5 ans.
36:01Donc, 5 ans, ce n'est pas beaucoup à l'échelle de l'histoire de l'économie.
36:05Donc, on est quasiment à 2 000 entreprises.
36:07C'est un chiffre qui a triplé en 3 ans, doublé en 2 ans.
36:10Et la dynamique est là, est toujours là.
36:13Et surtout, ce qui est intéressant, c'est qu'il y a une variété très grande,
36:17en fait, dans le type d'entreprises à mission.
36:19Ce n'est pas uniquement, par exemple, les entreprises de la tech,
36:22créées par des gens de moins de 30 ans, pas du tout.
36:25On a 80% de PME de moins de 50 salariés,
36:2820% sont des ETI et des grandes entreprises,
36:31de tout secteur d'activité, de toute région.
36:3457% des entreprises à mission ont leur siège en région.
36:37Donc, c'est vraiment quelque chose qui est dans le pays,
36:40qu'il soit le tissu économique au sens large.
36:43On n'a pas une typologie.
36:45Ça, ça veut dire que c'est rassurant sur la promesse.
36:49Après, il y a le rythme de croissance.
36:52C'est l'ancien ministre de l'Agriculture,
36:54on va lire sa citation, Julien Denormandie,
36:57qui dit que les entreprises à mission doivent devenir la norme et pas une niche.
37:01Comment sortir de la niche, en fait ?
37:03Parce que c'est encore un peu une niche, aujourd'hui.
37:052 000 entreprises, c'est très bien,
37:06mais c'est peu par rapport aux dizaines de milliers d'entreprises
37:09qui existent dans notre pays.
37:11Alors, le premier sujet, c'est effectivement la connaissance du modèle.
37:14Donc, ça, c'est notre boulot.
37:15Communauté, c'est d'en parler et de mettre en valeur les belles histoires,
37:20les exemples qui, évidemment, sont extrêmement pluriels
37:24et auxquels, en fait, dans tous les secteurs, on peut s'approprier.
37:27Nous, notre stratégie, c'est plutôt de réfléchir par secteur d'activité.
37:31C'est plutôt de montrer qu'il y a des dynamiques
37:33qui deviennent tellement fortes dans certains secteurs
37:35que ça fait finalement basculer le secteur d'activité.
37:40À la communauté, on a créé des cercles sectoriels,
37:43dans l'assurance, par exemple, ou l'immobilier,
37:45où on commence à avoir une masse critique, finalement,
37:47d'entreprises qui deviennent à mission
37:50et, quelque part, qui montrent le chemin
37:53et qui disruptent, finalement, le secteur.
37:57– Est-ce qu'on n'est pas, quand même, et ça rejoint la question
38:00que je posais tout à l'heure sur les ventes contraires,
38:01dans un moment de creux ?
38:03C'est-à-dire qu'il y a eu, et pour moi,
38:05ce n'est absolument pas un effet de mode,
38:06mais ça a pu être perçu comme un effet de mode.
38:08Oui, il faut définir sa raison d'être.
38:10Oui, devenir société à mission.
38:12Et puis, finalement, bon, est-ce que c'est la priorité aujourd'hui ?
38:15– Alors, c'est sûr qu'il y a eu, effectivement, une hype, entre guillemets,
38:20et notamment autour de la raison d'être,
38:21parce que c'est un exercice intellectuellement assez intéressant,
38:25d'aller retrouver dans l'ADN, dans l'histoire de l'entreprise,
38:27qui fait vraiment son capital, et de se projeter dans le futur.
38:31– Un moment de réflexion collective qui est souvent bénéfique.
38:34– Exactement, mais aujourd'hui, cette année, par exemple,
38:37l'entreprise Belle est devenue entreprise à mission,
38:39les filiales de Transdev, on a le restaurant Paul Bocuse,
38:43Nutrition & Santé, donc, en fait, le flow ne tarie pas.
38:47Après, il faut avoir aussi en tête que c'est une dynamique qui prend du temps
38:52et qui engage l'entreprise, donc ça ne se décide pas en deux mois.
38:55On est contacté par des entreprises aujourd'hui
38:57qui deviendront entreprise à mission peut-être dans un an ou deux.
38:59– Oui, si on veut que ce ne soit pas du social washing,
39:01il faut bien y réfléchir et y prendre du temps,
39:04puisqu'on l'inscrit dans ces statuts.
39:05Mais j'avais lu que l'observatoire des sociétés à mission
39:09avait fixé un objectif de 10 000, là, pour 2025,
39:13donc il ne sera pas atteint, on est à 2 000 au mois de février.
39:16C'était quoi ? C'était trop ambitieux ? On a vu trop grand ?
39:20– Je pense que ce chiffre, voilà, était effectivement…
39:24– C'était dans l'enthousiasme des débuts, c'est ça ?
39:26– Exactement, je pense qu'il faut aussi mesurer le fait que,
39:30comme je le disais, c'est une décision qui ne se prend pas à la légère
39:34et que quand elle est prise, elle doit être assumée.
39:37En fait, notre rôle, c'est de montrer vraiment
39:40à quel point ça transforme les entreprises
39:42et que c'est bénéfique pour tout le monde.
39:45Ça crée plein de vertus, en termes, évidemment, de fidélisation,
39:49mais aussi au niveau business,
39:51puisqu'en fait, le modèle de l'entreprise à mission,
39:53vous ne vendez plus uniquement des services, vous résolvez un problème.
39:56Et du coup, il y a plus de manières de résoudre ce problème.
39:59Vous ne vendez plus uniquement, par exemple, des logiciels,
40:01pour prendre l'exemple de Julien Denormandie,
40:03mais aussi des services pour réduire l'impact carbone des clients.
40:06Et donc, ça réouvre le jeu.
40:09Et donc, dans ce cas-là, en fait, ça prend effectivement un petit peu de temps
40:12et ça ouvre des perspectives qui engagent.
40:18– Une question sur les rôles modèles.
40:21C'est-à-dire que, ce que je comprends bien, c'est une communauté,
40:23donc l'importance de partager des expériences, des bonnes pratiques.
40:27Est-ce que les chefs d'entreprise à mission,
40:30ils en ont déjà beaucoup de choses à faire,
40:32surtout quand ils sont patrons ou patronnes de PME,
40:35mais est-ce qu'ils prennent le temps ou ils trouvent le temps
40:38d'aller porter la bonne parole ? Vous voyez ce que je veux dire ?
40:41Et dire, ah tiens, voilà un patron, une patronne,
40:44son entreprise est devenue à mission,
40:45voilà tout le bénéfice qu'il en a retenu, et donc je me lance.
40:50Ça marche ça ?
40:51– Ah mais tout à fait, on a d'ailleurs au sein de la communauté
40:53une soixantaine d'ambassadeurs qui nous représentent
40:56au sein de différentes ambassades régionales
40:59et dont le rôle, c'est évidemment de créer un peu de la vie
41:02avec nos membres localement,
41:03mais aussi de parler de l'entreprise à mission localement
41:06au sein d'événements de différents réseaux,
41:09la CEC, le MEDEF, le CJD, et donc de promouvoir finalement le modèle
41:13et de montrer ce que ça a changé chez eux,
41:14parce que ce qui marche, c'est le témoignage,
41:16le retour d'expérience.
41:18– Il y a des régions plus engagées que d'autres ?
41:20– Alors il y a PACA, ça marche bien, Nouvelle-Aquitaine,
41:25les Hauts-de-France, et puis la région Aura.
41:28– Oui, Auvergne-Rhône-Alpes.
41:29– Exactement, par exemple, région Auvergne-Rhône-Alpes,
41:33on a une entreprise qui s'appelle le groupe GPA,
41:36qui est une entreprise familiale,
41:37qui était historiquement une casse automobile,
41:39donc vous imaginez des grands champs avec plein de voitures,
41:42et qui ont fait complètement pivoter leur modèle
41:44et qui sont devenus aujourd'hui une usine high-tech
41:46de recyclage d'entreprises, et ils recyclent 99% de voitures
41:52qui deviennent des matières premières,
41:54des pièces détachées pour les assurances.
41:57Et donc ça est devenu,
41:59avec justement une vision un peu philosophique, éthique,
42:02de la casse finalement,
42:04quelque chose d'extrêmement moderne et d'attirant,
42:07et un modèle du genre.
42:09– On les a reçus ici même, effectivement,
42:10leur modèle il est assez passionnant.
42:13Est-ce que ça suppose de former les dirigeants et les dirigeantes ?
42:15Est-ce qu'il y a des ateliers de formation pour les accompagner
42:18ou pour les inciter à devenir entreprise à mission ?
42:20– Alors nous on organise des formations, effectivement,
42:22destinées notamment aux dirigeants
42:25qui souhaitent transformer leur entreprise à mission
42:27pour leur expliquer tous les tenants et les aboutissants,
42:29et quel est leur rôle,
42:30et ce que ça change aussi dans la gouvernance,
42:32puisqu'il y a ce comité de mission
42:34qui est cette innovation,
42:36et qui est un peu nouveau, qui doit trouver sa place,
42:38et qui apporte énormément de valeur ajoutée.
42:39Je discutais la semaine dernière
42:41avec une jeune entreprise à Toulouse,
42:44ils sont cinq, c'est une agence de communication,
42:46ils ont un comité de mission avec dix personnes,
42:48et le dirigeant ne reviendrait rien en arrière
42:50parce que ça lui apporte vraiment une valeur ajoutée stratégique
42:53qu'il n'a pas forcément dans son équipe,
42:56et ce dialogue est extrêmement fructueux.
42:57– Est-ce qu'il y a des pièges
42:58dans le fait de devenir entreprise à mission ?
43:01Des écueils que vous avez pu identifier
43:04avec cinq ou six années de recul ?
43:07– Ce qui est important, la première phase du modèle,
43:10c'est vraiment de bien définir sa mission.
43:12Après, avec le temps, on peut la raffiner,
43:13il y a des entreprises qui la revisitent,
43:16mais effectivement que cette mission soit suffisamment large,
43:20ambitieuse, et surtout qu'elle soit bien ancrée
43:22dans le business model qui n'est pas d'angle mort,
43:24parce qu'il n'y a rien de pire qu'un salarié
43:27qui ne se retrouve pas dans la mission,
43:28qui se dit, moi ce que je fais, ce n'est pas dedans,
43:30donc en gros, ça ne sert à rien.
43:31Donc, il faut bien travailler cette mission
43:33pour qu'elle soit bien englobante et qu'elle inclue tout le monde.
43:36Et après, il y a un peu le niveau d'ambition que l'on se donne.
43:40C'est aussi important que l'entreprise soit en capacité
43:42de promettre des choses qu'elle va pouvoir délivrer,
43:44et donc ne pas se faire trop mal entre guillemets,
43:47mais en même temps, il faut qu'il y ait une tension.
43:50Donc, c'est en fait ce dosage-là qui est assez subtil
43:53et qui doit être bien pensé par les dirigeants.
43:55– Il y a une autre ambition que vous étiez donnée
43:56en arrivant à ce poste, c'est sur l'ambition européenne.
44:00Il y a un cadre européen de l'entreprise à mission,
44:03oui, non, c'est en cours, qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ?
44:06– Oui, tout à fait, effectivement, c'est un peu notre réflexion aussi
44:09de dire que c'est bien de transformer l'économie en France,
44:12mais ça a plus de sens en Europe, et on le voit bien encore plus aujourd'hui,
44:15il y a un peu des blocs avec des cultures,
44:17des philosophies différentes qui émergent.
44:18Et en fait, nous, notre enjeu, c'est quand même que l'économie européenne,
44:22les entreprises européennes aient ce modèle de travailler
44:26dans les limites planétaires tout en restant des entreprises commerciales.
44:30Et donc, on a cette initiative, au niveau européen,
44:32avec d'autres pays, notamment les Italiens,
44:34qui ont un modèle similaire, la Societa Benefit,
44:38de proposer une directive pour la Purpose Driven Company,
44:41qui viendrait, en fait, syncrétiser finalement
44:45les modèles d'entreprises engagées au niveau européen,
44:47et proposer donc un modèle alternatif.
44:50– Mais alors, quand vous voyez, ça reprend la question que je posais tout à l'heure,
44:53mais le coup de fin européen sur le pacte vert
44:56ou sur le bilan extra-financier,
44:58est-ce que ce n'est pas aussi un coup de frein pour les entreprises à mission, de fait ?
45:02C'est-à-dire qu'à quoi ça sert de créer un cadre européen
45:04si à côté de ça, sur les engagements qui ont été pris, on revient en arrière ?
45:09– Je pense qu'aujourd'hui, on n'a plus tellement le choix.
45:11– Mais oui, mais sauf que c'est ce qui est en train de se passer.
45:14– Oui, mais pour moi, c'est un peu un soubresaut de l'histoire,
45:18c'est-à-dire qu'il y a eu toute cette initiative autour du Green Deal,
45:23tout le monde était d'accord sur le fait que l'entreprise
45:25ne peut plus être irresponsable, entre guillemets,
45:28ou ne plus être comptable d'un certain nombre de choses.
45:31On voit bien effectivement que ça frotte aujourd'hui,
45:33que le modèle alternatif, notamment américain,
45:37vient chatouiller ces convictions,
45:39mais moi je suis absolument persuadée,
45:41et ça je le dis aussi au nom de toute la communauté,
45:44qu'on ne peut plus faire du business comme avant.
45:47Alors peut-être qu'on va faire deux pas en arrière,
45:49mais ça va revenir, c'est évident,
45:51puisque de toute façon, ces crises, et notamment écologiques,
45:57vont impacter l'entreprise à un moment donné.
45:59Donc soit on reste dans un modèle un peu adolescent,
46:02je veux jouer sans contraintes,
46:04soit on est dans un modèle plus adulte,
46:07qui pour moi est le modèle européen, et on prend ses responsabilités.
46:10– Oui, avec l'idée, qu'était l'idée du Green Deal,
46:14c'était finalement de faire de l'Europe un peu le continent mieux-disant,
46:18et de se dire, ça va attirer, ça va attirer des talents,
46:21ça va attirer des consommateurs,
46:22qui vont vouloir nos produits plutôt que ceux venus d'ailleurs.
46:26Sauf qu'il y a aussi le discours, et c'est pour ça que moi ça m'inquiète,
46:32de dire, avant que ce soit un atout, c'est un boulet.
46:35Et ce discours-là, il pèse beaucoup plus lourd aujourd'hui
46:39qu'il y a deux ou trois ans.
46:40Et c'est aussi ce que les urnes ont dit lors des élections européennes,
46:44d'une certaine façon, il faut écouter aussi les citoyens d'Europe.
46:47– Non, mais évidemment que ce mouvement-là existe, c'est une réalité.
46:52Après, c'est vrai que sur, par exemple, la CSRD,
46:56l'outil aussi a été enrichi d'énormément d'indicateurs,
47:01et qu'il y a vraiment des choses à simplifier,
47:03ça c'est évident, soyons si pragmatiques.
47:05– Ça c'est sur 800 pages, c'est sans doute un peu complexe.
47:08– Voilà, exactement, donc voilà, on peut aussi être pragmatique,
47:10et c'est d'ailleurs, on s'est associé à d'autres mouvements
47:12d'entrepreneurs engagés pour aller dans ce sens-là.
47:16Et nous, ce que nos entreprises à mission nous disent,
47:18c'est qu'en ayant un cadre clair, une mission claire,
47:21finalement l'exercice de la CSRD, il passe beaucoup plus facilement,
47:25parce qu'on a déjà les indicateurs, on a déjà les outils de mesure,
47:29et finalement on sait où sont nos impacts,
47:31où sont les points sur lesquels on doit rendre compte.
47:35Et donc finalement, la mission ça donne le sens, la vision, l'orientation,
47:38et la CSRD c'est une espèce de super RSE
47:41qui finalement se combine très très bien avec l'entreprise à mission.
47:44– Vous avez également piloté le grand défi des entreprises,
47:48il y a quelques années, l'objectif c'était de faire émerger
47:50une centaine de propositions justement pour accélérer la transition écologique.
47:56Quel bilan vous en faites de cette expérience ?
47:58Parce que là on est dans le concret,
48:00c'est ce que je trouve passionnant dans les histoires
48:02qu'on raconte dans cette émission, ce n'est pas seulement de la théorie.
48:06– En fait, ce que j'ai vécu pendant le grand défi,
48:08c'est ce que je vis aujourd'hui,
48:09c'est-à-dire qu'il y a une pluralité incroyable de gens qui sont engagés.
48:14Et qui croient à ce modèle, à cette manière de faire du business,
48:18autrement, avec responsabilité, mais aussi,
48:20et c'est ça que j'apprécie dans l'entreprise à mission,
48:22c'est le génie humain au service de craquer finalement cette équation,
48:29comment on continue à faire du business,
48:30alors qu'on voit bien que les contraintes s'accumulent,
48:32que la compétition fait rage,
48:36mais en fait c'est une source d'espoir incroyable.
48:39Au grand défi, on avait vraiment ce collectif très fort
48:43qui a créé, inventé, identifié un certain nombre de propositions.
48:49Les dirigeants d'entreprises à mission, c'est pareil,
48:51ils ont cette foi dans l'avenir et ce côté positif finalement,
48:55qu'il faut le dire, il y a des solutions qui existent
48:58et des gens qui croient et qui sont très différents les uns des autres.
49:01– Alors, vous nous avez cité plusieurs exemples,
49:04mais est-ce qu'il y a d'autres exemples,
49:05alors peut-être de propositions nées du grand défi des entreprises,
49:11ou d'autres entreprises à mission, pour dire voilà,
49:15c'est possible, ça marche et c'est déjà en place.
49:19– Par exemple, le grand défi avait une proposition
49:21sur l'économie de la fonctionnalité, de passer,
49:24alors ça n'a rien de très original,
49:26sauf qu'il y avait un certain nombre de corollaires
49:29qui étaient associés à cette idée.
49:30– Passer de la possession à l'usage.
49:31– Exactement, et là par exemple, on a une entreprise à mission
49:33qui s'appelle Sunlib qui s'est créée à mission
49:35et qui fait de la location de panneaux photovoltaïques.
49:39Donc plutôt, vous êtes particulier, vous avez une maison,
49:44vous voulez mettre des panneaux photovoltaïques,
49:47ça coûte cher, c'est compliqué, il faut trouver l'artisan,
49:50et bien là en fait, vous louez l'installation.
49:52Donc en fait, c'est l'entreprise qui se charge de toute cette partie,
49:56et donc vous louez, et vous pouvez à la fin être propriétaire
49:58ou pas de vos panneaux photovoltaïques.
50:01Et donc le poids finalement, cette invention en fait,
50:04le poids de la charge repose sur l'entreprise.
50:07Ça c'est un outil malin et ça a été créé d'emblée à mission
50:12parce que justement, il y avait cette conviction très forte à la base.
50:15– Oui, et c'est plus simple, c'est un peu de la palissade ce que je veux dire,
50:18c'est quand on crée son entreprise, on peut un peu cocher toutes les bonnes cases.
50:22Quand on est un grand groupe, une ETI qui existe depuis un siècle,
50:27qui s'est construit sur le modèle du linéaire produire, consommer, jeter,
50:34c'est beaucoup plus compliqué.
50:35– Oui, justement, il y a l'exemple de GPA tout à l'heure
50:38qui était dans ce modèle-là et qui a fait un pivot complet.
50:43– Oui, merci beaucoup, merci Valérie Brissac,
50:45et à bientôt sur BeSmart for Change.
50:48On passe tout de suite à notre rubrique Start-up.
50:50– Smart Ideas – Avec Paul Depréville, bonjour.
50:59– Bonjour, merci de me recevoir.
51:00– Bienvenue, vous êtes le co-fondateur d'Ensole,
51:02vous l'écriez en 2023 avec Martin Doffschmidt.
51:04Vous étiez venu nous parler de l'entreprise presque au tout début.
51:07Alors, double question, vous allez nous redire ce que c'est qu'Ensole
51:10et puis surtout où vous en êtes aujourd'hui ?
51:12– Avec plaisir, Ensole c'est pour énergie solaire.
51:14Notre mission c'est de simplifier, accélérer, rendre sexy
51:17le passage à l'énergie solaire pour les foyers français.
51:20On va électrifier des foyers, on installe des panneaux,
51:21des batteries, des bandes de recharge.
51:23On a aussi une application pour maximiser les économies d'énergie pour nos clients.
51:27Et on a eu une première année assez intense,
51:30on a équipé 500 familles, fait plus de 4 millions d'euros de chiffre d'affaires.
51:34Et là on accélère, on ouvre deux nouvelles régions en 2025 notamment.
51:38– Lesquelles ?
51:39– L'Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine, on fait tout le sud de la France.
51:42– Parce que c'est un modèle qui marche que dans le sud ? Non ?
51:45– Non, non, non, le solaire c'est rentable partout en France pour les français.
51:49C'est juste que moi je viens du sud,
51:51donc les premiers clients c'était mes parents, ma rue, mes voisins.
51:55Et on s'est développé, comme on a nos propres entrepôts,
51:57maison par maison, rue par rue, village par village, c'est un peu notre credo.
52:00– Alors ça veut dire quoi ? Vous travaillez sur l'ensemble de la chaîne,
52:03ce n'est pas juste poser des panneaux solaires, c'est ça le modèle d'Ensol ?
52:06– Exactement, nous on se définit comme un intégrateur de solutions énergétiques.
52:11Donc on s'occupe de tout pour le client, il ne voit que Ensol,
52:13donc on va électrifier son foyer.
52:15Et à la suite de ça, on dit que notre chantier,
52:17il commence quand le chantier du client est fini.
52:19Notre mission ça va être de le suivre
52:21et de faire que sa courbe de production solaire en journée
52:24suive sa courbe de consommation.
52:25Donc notre application va se connecter à ces gros équipements énergétiques lourds.
52:29– Donc des outils de pilotage.
52:30– Exactement, et on va piloter à distance automatiquement
52:33l'énergie de nos clients pour les aider à faire plus d'économies.
52:37– Et donc à produire plus qu'ils ne consomment
52:40et donc à remettre cette électricité sur le marché, c'est ça ?
52:42– Alors en journée, justement le surplus solaire,
52:45le but du jeu ça ne va pas être de le gâcher, de le réinjecter dans le réseau
52:48mais d'utiliser pour soi-même.
52:49Donc on va par exemple chauffer l'eau quand j'ai du surplus,
52:52charger la voiture électrique car c'est l'électricité gratuite
52:54et plein de cas de ce genre.
52:57– Je vous pose cette question parce que le ministre de l'énergie Marc Ferracci
53:01sous pression de dizaines de parlementaires notamment de la droite et du centre
53:05annonçait vouloir recentrer le soutien public
53:07aux installations photovoltaïques les plus efficaces.
53:10Un, ça vous concerne ? Deux, ça vous inquiète ?
53:12– Non, ça nous concerne et il y a plein de choses à faire
53:15et il faut qu'on ait un cap clair sur le mix énergétique
53:17et la politique énergétique de la France.
53:19Là où c'est le plus efficace,
53:20nous on pense profondément que c'est l'autoconsommation.
53:23Donc on va produire là où on consomme.
53:24Chez les foyers français, le résidentiel c'est quand même
53:26un quart de l'énergie consommée en France.
53:30Pour les aides, il faut s'inspirer de nos voisins européens
53:32qui eux aussi ont vu le renouvelable, qui ont un peu d'avance sur nous français
53:35car on a aussi la chance d'avoir le nucléaire.
53:38Tout ce qu'on voit c'est que les aides vont progressivement disparaître,
53:42donc la prime à l'autoconsommation et la revente de surplus à EDFA.
53:45Par contre il y a d'autres types d'aides qui sont peut-être plus efficaces,
53:48notamment la baisse de la TVA qui va arriver sur le nouveau plan
53:52de budget de 2025 de Berroux qui le propose,
53:56donc ils vont baisser la TVA à 5%.
53:58Et aussi il y a peut-être d'autres choses à creuser comme les économies d'impôts,
54:01des choses où c'est le client, les Français qui réceptionnent les aides
54:06et moins les installateurs, là où il peut y avoir quelques abus.
54:08Ça veut dire que vous êtes relativement d'accord avec les députés
54:12qui disent que le système n'est pas le plus efficace possible,
54:17le système d'aide, de subvention actuelle ?
54:19Pour la partie autoconsommation qui nous concerne,
54:21nous on plaide pour une baisse de la TVA
54:25et une simplification des démarches administratives.
54:26Donc ça ce n'est pas dans le plan économique,
54:29mais c'est un des gros freins aujourd'hui.
54:31Nous chez Ensol on a des délais monstrueux avec les mairies,
54:35avec Enedis entre un et deux mois, on perd des clients à cause de ça,
54:38on doit recruter des gens juste pour gérer la paperasse administrative
54:42et on gagnerait, la France aussi, à simplifier ses démarches.
54:45Alors vous êtes aussi à l'initiative de la Suntech, c'est quoi la Suntech ?
54:48La Suntech c'est un réseau d'acteurs, d'entrepreneurs,
54:51engagés dans l'énergie et l'électrification en France.
54:54On a une cinquantaine de boîtes aujourd'hui
54:56et le but c'est de, à la base c'est des apéros,
54:58qui ont de plus en plus de succès.
55:01Ça devient un lobby ?
55:02Exactement, c'est exactement ça, ça devient un réseau d'entraide
55:04et maintenant on se structure pour faire porter nos messages, nos idées,
55:09et provoquer une révolution solaire en France,
55:12mais aussi participer à l'électrification et à la transition énergétique.
55:17Et sans lobby, on n'arrive pas à peser auprès des collectivités locales ou de l'État
55:22pour obtenir ce que vous disiez, c'est-à-dire baise de la TVA, moins de paperasse, etc.
55:26Vous voyez l'efficacité quand même, quand on est nombreux à parler ?
55:29Oui, de plus en plus, et aussi se structurer, on n'est pas seul, on s'entraide,
55:32mais il y a aussi beaucoup de réseaux qui existent déjà, NR Plan,
55:34ou simplement nos clients qui eux-mêmes poussent pour ces choses-là.
55:38Merci beaucoup Paul de Préville, à bientôt sur BeSmart4Change.
55:42Bravo pour le succès d'Ensole.
55:44Voilà, c'est la fin de ce numéro de Smart Impact.
55:48Je voudrais remercier toutes les équipes de BeSmart4Change qui m'accompagnent.
55:54Merci à vous, merci à toutes et à tous de votre fidélité à la chaîne des audacieuses et des audacieux.
55:59Salut !