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INTROSPECTION du 13 février 2025

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00:00Kiara Koradza, bonjour. Je suis absolument ravie de vous accueillir dans mon émission
00:08Introspection. Comme vous le savez, aujourd'hui, on va essayer de faire un entretien un petit
00:12peu différent de ce que vous avez l'habitude de vivre. On vous connaît, mais est-ce qu'on
00:16vous connaît si bien que ça finalement ? Est-ce qu'on connaît toutes ces valeurs
00:19qui vous habitent, toutes ces actions que vous menez ? Vous êtes une citoyenne internationale,
00:26vous avez une connaissance de multiples langues, vous avez une double nationalité. On va commencer
00:31cet entretien en parlant de vous, enfant, bébé. Où êtes-vous née ?
00:36Merci beaucoup, Lucie de Jonquin. C'est vrai que j'ai l'habitude de parler beaucoup
00:40sur la scène internationale, mais pas de moi, parce que ce n'est pas ma nature de
00:44vouloir m'exposer ou de prendre les lumières. Mais je vous suis très connaissante parce
00:49que je crois que c'est important aussi de connaître ce qu'on porte, ce qu'on
00:52connaît, ce qu'on a envie de faire, de façon très personnelle. Donc j'aime beaucoup
00:56cette idée de quelque chose d'intimiste, effectivement, très différent. Alors, je
01:02vais vous dire, j'ai été très gâtée par la vie. Je suis née un 4 décembre sous
01:07la neige, sous les collines de Parme. Parme qui est une ville où la liberté, la démocratie,
01:15le sens de l'envie de conquérir du monde a toujours été très fort. C'est des gens
01:20libres qui n'ont jamais été esclaves, et où peut-être que je respirais depuis
01:25que j'étais petite cette envie, effectivement, de pouvoir porter les valeurs auxquelles je
01:28tiens.
01:29Vous êtes trois sœurs, et trois sœurs qui sont vraiment toutes pas banales, avec des
01:36parcours assez incroyables, et toujours cette envie de vouloir aider l'autre. Il y a
01:42bien une histoire d'éducation derrière.
01:44Alors, on est trois sœurs et un frère, qui arrivait le dernier, après, dont j'étais
01:49un peu la mère, parce qu'on a neuf ans d'écart, et c'est vrai que je me suis
01:52beaucoup occupée de lui, parce qu'il était très fier de dire que sa maman était jeune
01:56et jolie, qu'il allait venir chercher à l'école avec la voiture décapotable. J'étais
02:00une mère bis, très populaire chez mon frère, et encore maintenant, j'ai toujours ce sens
02:06vraiment de quelque chose de différent vis-à-vis de lui. Alors qu'avec mes sœurs, toutes
02:11les trois, c'est vrai que depuis qu'on était toutes petites, on avait envie de changer
02:15le monde, on avait envie de soulever les montagnes, on avait envie de se rendre utile, et chacune
02:19l'a fait à sa façon, dans des pays différents, mais toujours animée de cette force, de cette
02:26énergie qui dit « on a beaucoup reçu, il faut qu'on give back to the community,
02:30il faut qu'on répare les injustices, il faut qu'on essaye d'apporter vraiment
02:35quelque chose que nous pouvons faire, parce qu'on a eu beaucoup, y compris vous parliez
02:41de langue, d'éducation, de possibilités, donc mettons tout cela au service des gens
02:47qui en ont vraiment besoin. Vous avez transmis ces valeurs à vos enfants ? Oui, bien sûr,
02:51absolument, mes enfants dont je suis très fière, et d'ailleurs je voudrais dire aux
02:56auditrices, surtout plus jeunes, vous savez, vous pouvez faire beaucoup de choses dans
03:00la vie, vous pouvez travailler 24h sur 24, vous pouvez voyager énormément, c'est
03:05qui est mon cas, j'ai travaillé dans 80 pays, et avoir des enfants qui ne se sont
03:10pas abandonnés, qui ne se sont pas laissés de côté parce que la mère travaille. L'important,
03:15c'est leur dire, leur partager ce que vous êtes en train de faire, leur faire
03:18sentir fière que si maman n'est pas là, c'est parce qu'elle fait quelque chose
03:23de bien pour d'autres, et chaque fois partager avec eux. Et je crois que c'est ce qui
03:28est important, et c'est un message auquel je tiens beaucoup, parce que je connais beaucoup
03:31de jeunes mamans qui disent « ah mais vous comprenez, si je passe beaucoup de temps sur
03:35le travail, mes enfants vont souffrir ». Vous savez qu'actuellement, j'avais fait
03:39faire un sondage qui m'a beaucoup frappé, 53 personnes, des hommes et des femmes, des
03:45pays du G7, pensent que c'est impossible d'être une bonne mère et faire carrière.
03:5153% ! Et on est en 2020. Et on va parler du G7 tout à l'heure. Et je voudrais dire
03:56ça parce qu'il n'y a rien de plus beau que les enfants, notamment les filles, disent
04:01« maman, tu sais, comme ça m'est arrivé plusieurs fois, maman tu sais, qu'est-ce
04:05que je suis fière de ce que tu fais ». Vous n'avez jamais eu la culpabilité d'être
04:09fière. Non, parce que moi je suis convaincue, et ça vraiment, c'est le temps. Mes enfants
04:15savent que du jour au lendemain, j'aurais tout laissé si j'avais un problème. Si
04:18j'avais un enfant malade, si j'avais un enfant qui avait besoin, ou mon mari, pareil,
04:22j'aurais tout laissé du jour au lendemain. Moi je n'ai jamais travaillé pour moi,
04:26je travaille pour de belles causes. Et si la belle cause était m'occuper des miens,
04:29j'aurais fait. Donc ils le savaient, ils le sentaient, mais en même temps, vous savez,
04:34si vous le racontez, je vous donne un exemple, moi je me rappellerai toujours, mes enfants
04:37étaient tout petits, j'allais beaucoup à Madagascar, parce que Madagascar faisait
04:41partie d'un des pays que j'avais choisi, pour lequel la région de France, où j'étais
04:46directeur des affaires internationales, avait un programme d'aide au développement. Et
04:51je me rappelle, je suis arrivée une fois, dans des conditions que je ne vous raconte
04:53pas, juste après deux cyclones, Daisy et Giralda, qui avaient détruit l'île. C'était
04:5992, mais détruit l'île. Évidemment, nous on avait une coopération, tout le monde disait
05:03comment on allait faire les routes, comment on allait faire le truc, etc. Et moi j'allais
05:06voir les enfants dans la boue, peste et choléra, peste et choléra, je veux dire, c'était
05:11pas « je prends quelques petites bactéries », c'était vraiment, vraiment dangereux.
05:16Et je me demande, mais pourquoi ils sont tous dans la rue ? Et bien parce que les 27 lycées
05:20de la ville sont tous détruits. Donc je rentre au Dardar, je convainc le conseil régional
05:25à voter un programme pour reconstruire, on était en février, je voulais absolument
05:30qu'en septembre ils puissent aller à l'école. Et j'ai réussi. Mais chaque fois que je
05:33racontais à mes enfants que je vais à Madagascar pour ça, ils me disaient « mais alors, qu'est-ce
05:37qu'ils t'ont dit ? ». Et quand je leur racontais qu'eux me disaient « vous savez
05:42madame, je vais être la meilleure de la classe parce que maintenant que vous nous avez donné
05:45un moyen pour faire », je disais à ma fille et à mon fils « vous savez, eux, ils n'ont
05:49rien, même pas des murs. Vous, vous êtes Henri IV à Stagnes, vous avez une autre responsabilité.
05:54» Donc c'était très éducatif, c'était très bon pour eux. Pareil, quand je voyais
05:58les gamines dans les rizières au Vietnam, on pense toujours que le Vietnam c'est un
06:03pays chaud. Je peux vous dire qu'à Hanoi, en décembre, quand le vent arrive directement
06:07de Sibérie, vous voyez ces filles grelottées avec les pieds nus. Et qu'est-ce qu'on
06:12fait ? On leur donne une chance. Moi j'ai créé là-bas l'école supérieure des techniques
06:18informatiques, ayant en tête que ces filles des rizières pourraient étudier l'informatique
06:23et avoir un travail ailleurs. Et quand je racontais à mes enfants, je peux vous dire
06:27que ça les stimulait. Donc c'était une bonne façon pour eux de dire « voilà, maman,
06:32ne voyage pas. Maman, quand elle va quelque part, fait quelque chose qui est bien pour
06:36d'autres enfants que nous sommes. »
06:38Et vous, Chiara, qu'est-ce que ça vous apporte, ce sentiment d'utilité ?
06:46Quand vous me regardez dans la glace le matin, il y a quoi ? Il y a une satisfaction, une
06:54joie ?
06:55Je ne m'imagine pas une Karakoratsa qui tous les soirs ne se couche pas en disant
06:59« aujourd'hui je fais quelque chose d'utile, sinon ce n'est pas moi ». Donc ce n'est
07:02pas que ça m'apporte, c'est moi, c'est ma façon d'être. J'ai toujours été
07:06motivée par ça.
07:07C'est un lien avec le catholicisme que vous prenez ?
07:12J'ai été certainement éduquée de façon extrêmement privilégiée. J'ai été très
07:18bien éduquée, avec à disposition énormément de livres, de possibilités. On m'a donné
07:22beaucoup de possibilités, il fallait les saisir. Et si vous voulez, je suis certaine
07:27que le fait que j'ai été éduquée dans le sens « aimez-vous les uns les autres »,
07:32que l'amour, la générosité, le don de soi était quelque chose qui correspond aux
07:38valeurs du catholicisme, certainement ça m'a…
07:41Ça vous a impactée ?
07:43Non, c'est-à-dire, je sais qu'il y a un but dans la vie. Je ne suis pas orpheline
07:47de quelque chose, je sais qu'il y a un but dans la vie, et peut-être que ça peut être
07:51d'autres religions, ça peut être d'autres religions ou quelque chose. Mais c'est cette
07:55conviction qu'on n'est personne si on n'est pas les autres. Mais bien probablement
08:01vous avez raison de mon éducation catholique, dans laquelle j'ai été…
08:05On va passer à un autre sujet tout de suite, car votre vie est dense et riche. A tout de
08:11suite.

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