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Yasmine Belkaid, directrice générale de l’Institut Pasteur, le 22 janvier 2025 sur franceinfo.

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00:00Toujours avec Yasmine Belkaïd, directrice générale de l'Institut Pasteur.
00:04On parlait des coupes budgétaires dans le domaine de la recherche.
00:07Si on veut se rendre compte concrètement des conséquences du manque de moyens accordés à la recherche,
00:11il faut regarder cinq ans en arrière avec le Covid.
00:14C'est l'une des raisons pour vous, Yasmine Belkaïd, pour lesquelles nous, la France,
00:18on n'a pas su trouver de vaccins pendant le Covid, contrairement à nos voisins allemands ?
00:21Non, je pense qu'en fait, il y a beaucoup de raisons.
00:24Et en fait, si on regarde les vaccins, tout le monde entier s'est mis à faire des vaccins.
00:28Donc en fait, la France a été un des pays, parmi beaucoup d'autres, qui a essayé des vaccins.
00:33Et on sait que parmi tous les essais vaccinaux et toutes les possibilités,
00:36ceux de la France n'ont pas marché. Bon, ça arrive.
00:39Mais c'est juste qu'on n'avait pas assez de moyens pour bien chercher.
00:43Il est possible qu'il n'y ait pas eu assez de moyens, dans le sens où je pense qu'il y a une chose en particulier
00:47qui n'était pas très forte en France au moment où la pandémie est arrivée.
00:52C'était le partenariat entre le service de recherche, les services publics et l'industrie.
00:57En fait, on n'avait pas vraiment un système fluide.
01:00Et je pense que c'est ce qu'on est en train, collectivement, de reconstruire.
01:02Il y a un homme qui illustre très bien ça, c'est Stéphane Bancel, français, né à Marseille,
01:07formé en France, parti aux Etats-Unis, où il dirige Moderna, qui est pionnier de la RN messager
01:12et qui a été l'une des grandes entreprises de la vaccination contre le Covid.
01:16Est-ce que c'est un cas isolé, ces Français qui doivent partir à l'étranger pour mettre au point leur technologie ?
01:24Je pense que beaucoup de Français partent, notamment en science,
01:28parce qu'il n'y a pas forcément de débouchés de travail en France.
01:32Il y a peu de positions pour des scientifiques en France.
01:35Donc oui, ce n'est pas pour développer de nouvelles technologies,
01:38mais c'est parce qu'il y a moins de possibilités de trouver du travail en recherche en France qu'ailleurs.
01:42C'est une question de moyens ou c'est une question d'organisation ?
01:46Vous parliez un peu de l'écosystème entre la recherche fondamentale
01:50et jusqu'à cette industrie pharmaceutique qui va développer les médicaments, les vaccins.
01:55C'est les deux, parce que c'est un écosystème qui est entièrement dépendant l'un de l'autre.
01:59Donc d'avoir un système de recherche dans lequel on peut maintenir
02:02un écosystème de recherche fondamentale en partenariat avec l'industrie,
02:05de l'industrie qui peut vraiment travailler avec la recherche fondamentale,
02:08créer un environnement dans lequel il y a beaucoup plus de positions et de dynamisme.
02:11Et vous, à l'Institut Pasteur, vous faites comment pour retenir vos chercheurs,
02:14pour attirer les talents étrangers ici en France ?
02:17On a beaucoup de chance, c'est-à-dire qu'on a beaucoup de chance
02:19parce que l'Institut Pasteur d'abord est une maison très prestigieuse,
02:22parce qu'on bénéficie aussi beaucoup de la générosité du public
02:25qui nous donne justement la capacité de donner à nos scientifiques qui arrivent
02:29des moyens, justement des moyens comparables
02:32à ce qui pourrait être fait dans des organismes internationaux.
02:35Yasmine Belkaïd, vous avez compris la déception des Français
02:38quand il n'y a pas eu de vaccin français contre le Covid ?
02:43Il y avait une attente particulière parce que, justement, on est le pays de Pasteur.
02:46Vous avez compris cette déception-là ?
02:49Bien sûr, je pense qu'on peut tous être déçus par rapport à ça
02:52et je pense que les Français ont aussi exprimé une forme d'attente
02:55et d'affection et d'amour pour l'Institut Pasteur.
02:58Je pense qu'ils voulaient que Pasteur soit là.
03:01Je pense qu'ils voulaient qu'il y ait un vaccin avec un petit nom Pasteur dessus
03:04et je le comprends tout à fait.
03:05Et c'est pour ça qu'on travaille énormément en ce moment
03:08pour reconstruire ce dynamisme de vaccinologie dans l'écosystème français
03:11en partenariat avec le gouvernement.
03:13Vous dites qu'il y a un problème de moyens, un problème d'organisation aussi.
03:15Ce qui est intéressant dans votre parcours, c'est que vous avez travaillé 30 ans aux Etats-Unis.
03:19Qu'est-ce qu'on, que nous, on n'a pas ?
03:22Alors, il y a déjà peut-être effectivement une continuité.
03:27Alors peut-être, évidemment, les événements récents vont peut-être changer la donne.
03:30Mais il y a une continuité d'investissement dans la recherche.
03:33Il y a une chose qui a vraiment été très différente aux Etats-Unis par rapport à la France
03:36c'est qu'il y a eu un investissement continu dans la recherche depuis 60 ans.
03:39Ils n'ont jamais laissé.
03:41Et le HHS, en fait, qui a créé vraiment tout cela,
03:44était vraiment un système qui a été créé pour que la recherche fondamentale soit protégée
03:48et soit vraiment face-partie d'investissements du gouvernement de façon stable.
03:51Donc, ce que l'on voit aujourd'hui aux Etats-Unis,
03:54c'est le produit d'investissement depuis 60 ans.
03:56Et en fait, maintenant, ça continue et ça continue à continuer.
03:59Et c'est vraiment la différence.
04:00Et la deuxième différence que j'ai pu voir,
04:02c'est peut-être une relation avec le risque très différente.
04:05C'est-à-dire ?
04:07C'est-à-dire, en fait, que le risque est une vraie valeur.
04:10Le risque est quelque chose...
04:11On tente des choses.
04:12On tente des choses.
04:13Et il y a, je trouve peut-être en France, peut-être notamment en science,
04:17quelque chose où les gens sont un peu plus dans la...
04:19Peut-être aussi que c'est associé au moyen.
04:20Mais en tout cas, il y a plus de peur, plus d'anxiété
04:22et moins cette valorisation du risque.
04:25Le risque, c'est aussi les limites qu'on se pose parfois dans la recherche fondamentale
04:29ou parfois dans la recherche appliquée.
04:30Ça nous ramène d'ailleurs à la question de l'IA.
04:32Il y a cette petite musique en ce moment.
04:33Pendant que l'Amérique innove, l'Europe, elle, régule.
04:36C'est par exemple le ministre chargé de l'Europe qui le disait récemment.
04:39Est-ce qu'il y a du vrai, selon vous, là-dedans ?
04:44Je pense qu'on pourrait peut-être simplifier un petit peu les choses.
04:46Je pense que...
04:47Effectivement, je pense qu'on devrait toujours réfléchir à simplifier les choses.
04:52Un peu moins de normes.
04:54Non, je pense qu'il faut rester très, très éthique.
04:57Il faut contrôler les choses.
04:58Il faut maintenir de la rigueur.
05:00Ça, c'est pas du tout la question.
05:01Mais est-ce qu'on a besoin toujours de processus extrêmement complexes
05:04où on ne peut pas les simplifier ?
05:05C'est important.
05:06Je pense qu'il faut aussi se rappeler que la recherche est un travail immense.
05:10Et que si on crée énormément de papiers, de structures
05:13et qu'on complique la vie des scientifiques,
05:15on les enlève, en fait.
05:16On les déprive de leur capacité d'innover.
05:18Je vous écoute depuis tout à l'heure, Yasmine Belkaïd.
05:20Et en fait, je me demande pourquoi les politiques décident,
05:24selon les gouvernements, de baisser les moyens de la recherche
05:27tellement c'est important.
05:28Vous nous dites que sans avoir travaillé sur les maladies infectieuses,
05:33on risque de faire face à des épidémies comme celle du Covid
05:36qui peuvent décimer des populations.
05:38Vous dites quoi ?
05:39Les politiques, en fait, n'investissent pas dans la recherche
05:41parce qu'il n'y a pas de gain immédiat ?
05:43Ils ne peuvent pas en profiter politiquement tout de suite ?
05:45Parce que la recherche ne devrait pas être sujet à des fluctuations politiques.
05:49La recherche est quelque chose qui appartient à la société
05:51et qui doit être protégée sur le long terme.
05:53Ça ne peut pas être un agenda politique
05:55parce que ce sera toujours l'élément pauvre du système.

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