Jeudi 16 janvier 2025, INTROSPECTION reçoit Jean-Philippe Courtois (Ex-Président et EVP, Microsoft)
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00:00Bonjour et bienvenue à l'émission Introspection. J'aurai le grand plaisir d'accueillir
00:13dans quelques instants Jean-Philippe Courtois, qui vient de quitter le groupe Microsoft à
00:18des fonctions d'exécutive vice-president. Il y a 40 ans, il rejoignait cette petite
00:23société aux côtés de Bill Gates pour contribuer de façon considérable à son essor. Il a
00:31également, il y a quelques années, fondé une association qui s'appelle Live for Good,
00:37qui a pour vocation d'aider des jeunes entrepreneurs à développer des projets à impact. C'est
00:43passionnant et je vous dis à tout de suite.
00:47Jean-Philippe Courtois, bonjour.
00:50Bonjour.
00:51Je suis très heureuse de vous accueillir aujourd'hui dans l'émission Introspection.
00:54Vous venez de quitter Microsoft. Vous avez fait une longue carrière de 40 ans pour arriver
01:00au sommet, exécutive vice-président. Vous êtes à la tête d'une association dont
01:06on va parler, Live for Good. Qu'est-ce qui s'est passé dans votre vie ? Vous êtes
01:12arrivé en Algérie, si j'ai bien compris, avec un papa médecin. Et là, une vie incroyable
01:20faite de hauts et de bas, mais avec des succès significatifs, des rencontres improbables.
01:26Comment tout ça s'est mis en place ?
01:29Ça peut être très long, donc on va essayer de fermer la concentration. Je dirais que
01:33comme toujours, il y a des rencontres extraordinaires, il y a des moments, il y a des lieux. Il y
01:37a des lieux pour moi qui sont passés dans le sud. On a bien compris, je suis dans l'Algérie.
01:41C'est la dernière génération de ce qu'on appelle les pieds noirs.
01:44Bien sûr.
01:45Les parents de trois générations qui étaient en Algérie depuis 1860.
01:49Donc ils arrivent les mains dans les poches en France.
01:51Et donc exactement, mon papa, docteur de profession, est arrivé littéralement sans
01:57rien, comme on dit, parce qu'il avait son cabinet médical en Algérie et malheureusement
02:01pour ceux qui connaissent un peu l'histoire, tout s'est déclenché après très rapidement.
02:06Il y a eu cet exode de retour massif de tous ces Français dits rapatriés, c'était
02:12le terme utilisé. Et donc après avoir essayé de comprendre où atterrir, mon papa a choisi
02:17avec ma mère aussi, bien sûr, Nice, parce que déjà il y avait la mer.
02:21Et le soleil.
02:22Et le soleil, le sud. Et puis je l'ai vu surtout tout petit, et c'est quelque chose
02:27qui restait en moi, lutter littéralement pour exercer son métier. Parce qu'en fait,
02:32nous n'étions pas bienvenus, nous étions des émigrés. Français, mais des émigrés.
02:36Et donc les Français...
02:37Pas un accueil forcément.
02:38Des territoires. Il y a tout un contexte politique de l'époque, etc. Je ne vais pas
02:43revenir dessus. Mais qui fait que littéralement, il s'est battu physiquement pour pouvoir
02:47ouvrir son cabinet médical contre l'avis de l'ordre des médecins locales. Il a réussi.
02:52Et il a pu comme ça s'occuper de ses trois enfants, de sa maman, très âgée.
02:57Vous avez quand même été imprégné dès votre plus petite enfance par cette force
03:02paternelle.
03:03Oui, force paternelle. Force maternelle qui est, maman, une sérénité incroyable et
03:09qui m'a aidé énormément pour s'occuper de la famille. Les valeurs familiales sont
03:12créées en moi depuis ces premiers jours. Et d'une certaine manière, d'un sens, de
03:17la communauté. Parce qu'il y avait une communauté, évidemment, de ses pieds noirs, de Nice,
03:21d'autres villes, qui se retrouvaient entre eux pour s'entraîner. Parce qu'au début,
03:25c'était très compliqué.
03:26Et après, ça s'est ouvert un petit peu à l'école.
03:29Oui, après ça s'est ouvert, évidemment. Après, j'ai bénéficié d'un magnifique
03:34système éducatif français, de l'école, l'école primaire, secondaire, sur Nice,
03:39dans la ville de Nice, la belle ville de Nice. J'ai ensuite, donc je fais une accélération
03:44en toute l'histoire, j'ai ensuite rejoint, en fait, l'école de commerce qui s'appelait
03:50le Serra Massophia Antipolis, qui faisait partie de l'ensemble de ces écoles supérieures
03:54de commerce qu'on avait en France, où la tutelle des chambres de commerce, et qui
03:57est devenue ce qu'elle est aujourd'hui. D'ailleurs, en raccourci, je suis devenu
04:00président du conseil d'administration de Skéma il y a quelques années. Parce que
04:03j'ai tendance à être fidèle à des organisations, des personnes que je connais
04:06depuis des années. J'ai toujours aimé rester proche et aider mon école, dans la
04:10mesure où je pouvais l'aider dans son développement.
04:12Et vous saviez, vous étiez attiré comme ça par l'informatique ou c'est le hasard
04:16complet ?
04:17Non, alors, hasard ou pas, j'étais très curieux. Et pendant ma deuxième année,
04:24en fait, au Serra Masséma, à Sophia Antipolis, j'ai découvert l'Apple II. L'Apple
04:30II, il y a plein d'auditeurs qui ne sont même pas nés. C'était l'ancêtre du
04:34micro-ordinateur qui est sorti avant le fameux IBM PC. Et sur l'Apple II, j'ai
04:38découvert la puissance de logiciels. Les premiers, c'était le contrôle de gestion
04:42visicale. C'était le premier tableur qui existait, avant même qu'il y ait Excel,
04:46Microsoft, plus tard, beaucoup plus tard. Et j'ai pu travailler dans une société
04:50niçoise, une start-up qui s'appelait Memsoft.
04:53Déjà une start-up.
04:54Oui, c'est une start-up. Et j'ai commencé à travailler littéralement à mi-temps
04:57pendant des études années 2, 3 et 4. Après, des études aussi avec un copain de promo
05:01qui restait un ami très, très proche. À coder et développer un logiciel de comptabilité
05:08pour des PME, PMI. Et donc, ce qui était formidable, on ne s'en rend pas compte aujourd'hui
05:12parce qu'on a accès à tout sur son téléphone, sur son laptop. À l'époque, la comptabilité
05:17des boîtes, des PME grandes boîtes, c'était des tonnes de listings de papier.
05:21C'est ça.
05:22C'était fait par un travail, comme on dit, à façon, par des sociétés de services
05:25qui vous facturaient des montants énormes. Et on commençait à démocratiser pour la
05:30première fois l'accrétion de votre comptabilité pour votre PME.
05:33Donc là, vous étiez presque entrepreneur.
05:36Oui, on était un peu entrepreneur.
05:38Vous étiez à propager une petite structure.
05:40Totalement. En fait, d'ailleurs, on avait un contrat d'indépendant. On était payé
05:42sur royalties. J'ai appris à mes dépens après que j'étais un peu naïf sur le contrat
05:46de royalties à l'époque. Ça ne me nourrissait pas trop. Mais ce n'est pas grave.
05:50Mais on a appris énormément. On était deux. On était un duo, un petit peu, entre le produit
05:54qu'ils développaient. Mon ami était un développeur. Moi, je faisais un peu de basic.
05:57Mais lui était vraiment un développeur dans l'art.
05:59Et vous avez vendu.
06:00Et moi, la partie vente, marketing.
06:01C'est votre point fort.
06:02On a lancé ce produit en France, dans d'autres pays. Je me rappelle du package. Je l'ai
06:05toujours. D'ailleurs, il y a une boîte que j'ai gardée dans mes archives de même seule
06:08comptabilité où il y a un très beau palmier rouge parce qu'on était littéralement
06:12la rue Meyerberg. Pour ceux qui ne connaissent pas Nice, c'est sur la promenade des Anglais.
06:15Et donc, dans des journées qui finissent à minuit, deux heures, on essayait d'aller
06:19faire une demi-heure à la plage quand même au soleil. Et il y avait ce palmier qui était
06:23sur le package.
06:24D'accord. Et vous sentiez une âme d'entrepreneur à l'époque ou c'était juste une expérience
06:30où vous disiez « je serai salarié d'un groupe ? »
06:32Non, sincèrement, la notion d'entrepreneuriat à l'époque, il faut se replacer en 1983,
06:39ce n'était pas quelque chose d'abord du tout de discuté, de connu, de populaire
06:45maintenant qui est quelque chose d'assez incroyable au pays, j'en suis réjoui.
06:49Mais en fait, j'avais plongé dans la vie d'une entreprise avec un statut un peu à part.
06:54Mais à l'époque, je me disais « oui, je vais peut-être continuer dans le monde d'une
06:58entreprise ». Je n'avais pas nécessairement percuté avec le dire « pourquoi pas être
07:02moi-même un entrepreneur finalement ? »
07:04Et c'est là où Microsoft arrive dans votre vie parce que vous avez passé 40 ans.
07:09Oui, c'est là où Microsoft arrive. C'est-à-dire qu'un jour, un de vos homologues, une chasseuse
07:14de tête à l'époque, qui a chassé d'ailleurs pendant au moins 10-15 ans, je lui rends
07:18hommage, Joël Dujour, qui est une grande dame de la chasse dans la tech de l'époque
07:23et qui m'a recruté pour Microsoft. Alors qu'en fait, au départ, on voulait me faire
07:28vendre des produits hardware pour Thomson. J'ai dit « l'hardware, je n'y crois pas ».
07:32On m'a dit « on a cette petite boîte de soft qui démarque en France depuis un peu
07:34moins d'un an qui s'appelle Microsoft, qui est à la zone de courte à boeuf aux Ulysses.
07:38» Moi qui montais de Nice, comme on dit en train, c'était la zone de courte à boeuf
07:41et j'ai trouvé surtout des personnes, des leaders incroyables.
07:46On va en parler. On va faire une petite pause et on va rentrer dans le poumon de Microsoft
07:52et votre ascension extraordinaire. A tout de suite.
07:59Jean-Philippe, vous avez été et vous resterez dans la mémoire de tous un très grand dirigeant.
08:05Pourquoi à mon sens ? Parce que vous portez en vous des valeurs. L'impact est une chose
08:10essentielle. Vous avez senti l'influence que vous pourriez avoir sur ceux que vous
08:16avez dirigés, sur ceux qui vous écoutaient. D'abord, ce sens qui fait partie de vous,
08:22d'où vous vient-il ?
08:24D'abord, avant que l'impact soit né en moi, soit développé en moi ces dix dernières
08:31années, ces dix décennies, je commencerais par la responsabilisation, la responsabilité.
08:36Du dirigeant.
08:38Du dirigeant et en tant que personne, en tant que citoyen. Et là, pour faire un petit
08:44peu une connexion avec mon père et les valeurs familiales, papa avait un sens de responsabilité
08:50extrêmement élevé et de l'engagement qu'il donnait dans sa vie pour sa famille d'abord,
08:56pour sa communauté aussi. Et donc, pour moi, le fait d'avoir un job, quel qu'il soit,
09:02en démarrant, j'ai démarré ingénieur technico-commercial chez Microsoft, sur le
09:05terrain, parce que j'adore ça. Il y avait vraiment un sens de responsabilité très
09:09fort, de dire, il faut mériter le rôle que j'ai, le job que j'ai pu avoir. Et ça
09:17veut dire qu'il faut ensuite, quand on devient manager, devenir le plus possible, personne
09:23n'est parfait, exemplaire ou en tout cas, quand on demande des choses à des personnes,
09:27il faut montrer qu'on est soi-même déjà prêt à faire ces choses-là et prêt à
09:32montrer l'exemple en permanence. Donc, responsabilité a précédé l'impact et
09:35l'impact, je l'ai découvert aussi dans des rôles très différents que j'ai eus,
09:39entre mon premier rôle, notamment de leader, vraiment déjà à un bon niveau, qui était
09:44être le président de la France, ça me rend des années 90, donc c'est il y a quelque
09:48temps, et où j'ai souhaité, en fait, intégrer au développement, à la croissance
09:53de Microsoft France, parce qu'évidemment, j'ai été évalué aussi dans l'entreprise
09:57par la croissance, la part de marché de nos produits et tout ce qu'on peut imaginer
10:00comme indicateur économique, mais où on avait lancé une initiative qui s'appelait
10:04Génération Micro, où j'avais embarqué 500 salariés de l'époque pour devenir
10:09des mentors, deux jeunes, on l'appelait pas ça les quartiers à l'époque, mais
10:13c'est les quartiers déjà, qui avaient des difficultés, tout simplement, à trouver
10:17un emploi, et en leur ouvrant les clés de l'accès à la micro-informatique, à
10:21l'époque, tout simplement en traitant un texte pour faire son CV, pour préparer un
10:25entretien et pour ouvrir les réseaux. Et je m'étais rendu compte de l'impact que
10:28ça pouvait avoir, d'abord auprès de ces jeunes, et puis des parties prenantes, à
10:34l'époque, il y avait M. Béroux, je t'ai allé voir, je me rappelle très bien, dans
10:37sa collectivité dans le sud-ouest régional, et de très belles initiatives que ça avait
10:43généré, je dirais, en résultant de cela autour de l'entreprise, et la fierté des
10:49collaborateurs de participer à ça pendant toute une année, en fait.
10:52C'est contagieux, c'est contagieux la bienveillance.
10:54C'est une très bonne contagion, dans la mesure où on aligne vraiment les valeurs
10:58des personnes, de chacun à chacune, et on ne les oblige pas, mais en fait, ils sentent
11:01qu'il y a quelque chose qui va leur donner un sentiment d'appartenance encore plus
11:05fort. Et pour moi, l'impact, c'est aussi une connexion très forte avec une appartenance
11:09entre soi, qui on est, ce qu'on souhaite être, ce qu'on aspire à être, et la plateforme
11:14qui est une entreprise. J'ai eu cette chance d'exister dans une boîte comme Microsoft,
11:18d'avoir une plateforme dans laquelle j'ai pu réaliser mon potentiel et lui donner des
11:22dimensions que je n'avais même pas imaginées au début de ma carrière.
11:24Oui, après, il y a le job qu'on a et ce qu'on a fait, et vous en avez fait quelque
11:27chose d'extraordinaire. Donc, vous avez dit dans un podcast que pour être un bon
11:32manager, il faut déjà avoir une bonne estime de soi et avoir fait un travail sur soi. Est-ce
11:37qu'on peut parler un petit peu de ça ? C'est quoi un travail sur soi ? Et c'est
11:41quoi l'estime de soi ?
11:42Oui, je pense que ça commence réellement par la connaissance de soi, et c'est probablement
11:47une des choses les plus compliquées, quel que soit son âge d'ailleurs, ce n'est
11:50pas une question de dire. C'est comment on prend le temps, on a le courage aussi
11:55de se regarder dans le miroir et de donner le miroir à d'autres personnes, parce
11:59que ce n'est pas juste tout seul, on ne fait pas ça tout seul.
12:01On peut être exigeant avec soi-même.
12:03On peut être exigeant avec soi-même et c'est très important de recueillir un maximum
12:07de points de vue, d'opinions basés sur des comportements réels. Ce ne sont pas
12:11des choses en l'air, telle personnalité, tel trait. C'est de dire ici et maintenant,
12:16Philippe, voilà ce que tu as fait, voilà les effets que ça a pu créer auprès d'autres
12:21personnes, positifs ou négatifs d'ailleurs, et voilà peut-être une façon pour toi de
12:26te rappeler de ce moment-là, pour travailler sur toi-même là-dessus. Et ça peut être
12:31des domaines extrêmement différents.
12:33Donc je ne dis pas que j'ai commencé à faire ça très jeune, très sincèrement,
12:37je m'en suis rendu compte en essayant de devenir, à l'époque je ne disais pas le
12:41terme de coach, ça a été beaucoup plus tard.
12:44Vous avez été coaché, non ? Vous avez été fait coaché ?
12:46Oui, coaché, alors pas dans le sens d'un coach certifié à l'extérieur, mais c'est
12:49plus des moments avec des managers que j'ai connus, des personnes incroyables, et ce ne
12:53sont pas simplement les plus grands leaders, des Steve Ballmer, des Bill Gates, des Satya
12:57Nadella, mais des fois des personnes qui peuvent être des altérégaux, et ça n'a même
13:01aucun rapport hiérarchique d'ailleurs, ça peut être des personnes premier niveau
13:04d'organisation.
13:05Qui vous inspirent aussi.
13:06Qui inspirent, et puis qui par leur courage, leur sincérité, leur authenticité, vous
13:10disent des choses. Je me suis toujours aimé parce que plus on a un rôle qui est élevé
13:13dans l'hiérarchie, plus en fait on est caché de la réalité, c'est-à-dire qu'il
13:19y a des filtres qui sont mis autour de soi, et si on n'en est pas conscient, on a une
13:24fausse représentation de soi.
13:26Et donc voilà, c'est quelque chose que j'ai beaucoup travaillé aussi dans la culture
13:29peut-être anglo-saxonne, en tout cas des feedbacks, et la verbalisation écrite.
13:34Moi ça m'aide beaucoup, d'abord que les personnes éventuellement puissent écrire,
13:38et que moi après je puisse en faire une synthèse.
13:41D'ailleurs j'ai un très bel épisode dans mon podcast Positive Literature, je ne
13:45m'empêche pas de le mentionner bien sûr.
13:47Mais on va en parler, on va en parler.
13:48Et dans lesquels Kim Cameron, qui est l'un des pères fondateurs de Psychologie Positive,
13:52il a créé une technique, il l'a appliquée sur moi dans cet épisode, dans l'épisode
13:56où il m'a posé cette question, qui s'appelle le Best Self Portrait, le meilleur autoportrait.
14:00Et en fait ça consiste à interroger sept personnes de vos connaissances personnelles,
14:04professionnelles, sociales, et leur demander à chacune d'entre elles, mais pas vous,
14:08une tierce personne.
14:09Ce qu'elles pensent de vous.
14:10Non, non, deux ou trois paragraphes d'un moment unique dans lequel ils ont vu Lucille
14:15faire des choses extraordinaires, qui les ont vraiment impactées de manière remarquable
14:18dans leur vie.
14:19Et je peux vous dire que quand il m'a lu des récits de ces personnes, je vais juste
14:22donner les noms, des personnes que je connais dans ma vie, etc., et qui vous plongent dans
14:28le moment, dans les faits, dans le comportement, et qui sont de belles choses.
14:33Là on parle des choses positives que vous avez pu faire.
14:35Oui, bien sûr.
14:36Je ne dis pas qu'il n'y ait pas de choses négatives, mais des choses positives.
14:39Là on parle de positif.
14:40Ça permet de prendre conscience de ses forces, de ses, je ne sais pas si c'est des talents,
14:45à un certain moment peut-être ça peut devenir un talent, et ça c'est très puissant.
14:49En tout cas je suis très convaincu que dans la connaissance de soi, et ensuite pour arriver
14:53à l'estime de soi, il faut bâtir sur des forces.
14:56Tout en étant aussi ouvert à grandir sur des dimensions qui sont sous-développées,
15:03qu'on appelait souvent en management d'entreprise des faiblages, je n'ai pas trop de termes,
15:06mais bon, des domaines d'opportunité, je dirais les américains aussi, mais qui sont
15:10des vrais domaines aussi sur lesquels on veut bosser.
15:13Voilà en quelques mots le regard que j'ai pu porter et travailler pendant pas mal d'années.
15:18Et l'ego, parce que quand on grimpe, on grimpe comme ça, et puis vous avez des personnes
15:22autour de vous qui vous adultent, qui vous félicitent et tout.
15:25Comment on gère ça ? On sait que les femmes ont moins d'ego que les hommes, et quelques
15:29fois l'ego peut être contre-productif par rapport à l'intelligence.
15:33Est-ce que vous avez eu à gérer ça, la peur de justement ne pas avoir toujours les
15:41bons comportements en raison de cette image ?
15:44Je pense que j'ai eu assez conscience de ça assez tôt, dans la mesure où je me suis
15:48toujours senti un peu privilégié d'être là où j'étais.
15:51Et là encore, je reviens aux valeurs paternelles.
15:54Il est important ce papa-mère.
15:56Oui, dans le sens de l'humilité, c'est-à-dire à la fois être fier de ce qu'on fait,
16:00des choses que l'on peut faire constructives, positives dans sa vie, l'impact qu'on peut
16:04avoir autour de soi, mais également de la capacité finalement à comprendre qu'on
16:12est une personne au milieu de milliards d'autres individus, et on vaut autant que n'importe
16:17quelle autre personne.
16:18Et surtout, j'ai assez rapidement compris que la montée dans la hiérarchie, une position,
16:24ça se perd en un jour, donc en titre.
16:26Et on l'a vu avec des tas de personnes.
16:28Absolument.
16:29Et que ça ne définit pas qui vous êtes.
16:31Ça ne définit pas qui vous êtes.
16:32Et se rappeler ça, quand j'ai vu autour de moi, professionnellement, personnellement,
16:35des situations des fois dramatiques, très compliquées au plan humain, ça me rappelait
16:39peut-être, et c'est toujours nécessaire, à plus d'humilité et plus de sens du quotidien,
16:44d'ici et de maintenant, du présent, et pas de s'enflammer parce qu'on est président,
16:50exécutif-vice-président.
16:52Mais ça fait une passerelle sur ce dont on va parler après la petite pause, à savoir
16:56les obstacles que vous avez pu traverser.
16:59A tout de suite.
17:00A tout de suite.
17:05Jean-Philippe, dans un parcours qui est celui que vous avez eu, la vie n'est pas un long
17:09fleuve tranquille.
17:10Vous avez eu des obstacles, des épreuves.
17:12On peut en parler un petit peu, oui ?
17:15Oui, bien sûr.
17:16Alors, il y a des obstacles au plan professionnel, et puis évidemment, il y a aussi des obstacles,
17:20voire des fois des drames au plan personnel, comme chacun, chacune a dans sa vie.
17:24Alors, au plan professionnel, je dirais qu'une de mes premières grandes leçons de management,
17:29de leadership, et à l'époque, je n'avais pas les mots pour appeler ça le leadership
17:33positif, mais c'était un vrai épisode formateur pour moi, le leadership positif,
17:36c'est une réunion que j'ai eue dans la fin des milieux des années 90, où j'étais
17:41jeune directeur général de Microsoft France, dont j'ai parlé un petit peu tout à l'heure,
17:45et où je devais présenter les résultats de la filiale dans un exercice très institutionnel
17:49qu'on avait pendant 15 ans chez Microsoft, qui s'appelait la Media Review, qui est
17:53une vraie messe où vous allez inspecter votre business avec 200 slides dans toutes
17:59les dimensions, 12 heures d'affilée avec toute l'équipe du leadership, face à
18:03qui ? Face à Steve Ballmer, qui était le numéro 2, futur CEO de Microsoft à l'époque.
18:07Exercice pas facile.
18:08Facile.
18:09Et à l'époque, juste un tout vieux contexte rapide, la filiale française était en train
18:13de changer ses prix pour converger vers un modèle de prix unique européen, et de baisser
18:17de manière radicale 40-50 %. Autant dire que mon chiffre d'affaires en prévision
18:21n'allait pas à la hausse, donc ce n'était pas terrible, et que j'ai eu 10-12 heures
18:26très éprouvantes à convaincre, ou essayer de convaincre, que le plan mis en place pour
18:31gagner en part de marché, malgré la baisse de prix, allait porter ses fruits.
18:35Et sincèrement, vu l'intensité des questions, des échanges avec Steve Ballmer, et puis
18:40d'autres personnes, parce qu'il n'était pas tout seul, j'ai cru, s'il devait être
18:4421 heures, que ma carrière s'arrêtait là, et que ce rêve que j'avais vécu déjà
18:50depuis quelques années chez Microsoft allait s'arrêter là.
18:52Et là, ça a été un des moments forts, vraiment, de ma carrière de l'époque, jeune,
18:57et qui m'a poursuivi positivement, c'est quand Steve Ballmer a conclu en disant, en
19:01fait, Jean-Philippe, à 75 mois, et toute l'équipe de leadership française, d'abord
19:05je ne suis pas content des résultats.
19:07Il avait raison, les résultats n'étaient pas à la hauteur des objectifs qui étaient
19:12espérés.
19:13Mais j'ai confiance en toi, j'ai confiance en toi, j'ai confiance en ta télassité,
19:19j'ai confiance également à ta capacité à regrouper un petit peu toutes les troupes
19:25françaises, et à aller bâtir quelque chose de très fort, et je te donne rendez-vous
19:31dans six mois, bien sûr, pour montrer que tu es à la hauteur.
19:33Mais cette conclusion m'a donné une telle pêche, un tel optimisme, par cette confiance
19:41qu'il a instillée en moi.
19:43Et c'est resté un moment fort, quand plus tard dans ma vie, où j'ai moi-même fait
19:47ces mêmes messes avec des tas de CEOs, j'ai essayé toujours de me rappeler dans des situations
19:51très compliquées pour des personnes en face de moi, j'ai des hommes, des femmes,
19:55qui sont en train de vivre des drames professionnels, et des fois il y a des choses personnelles
20:00aussi d'ailleurs, qui se mêlent à ça, et qu'il faut toujours faire la part des
20:04choses, des faits, des personnes, et la capacité d'instiller de la confiance dans les acteurs
20:08pour qu'ils donnent le meilleur de eux-mêmes.
20:10Bien sûr.
20:11Et donc cette énergie qui vous habite, parce que vous avez voyagé à travers le monde,
20:16vous descendez d'un avion pour assister à des réunions, et animer des réunions
20:19qui durent plusieurs heures, d'où elle vous vient, cette force ?
20:22C'est quoi ? C'est la passion du métier ?
20:24C'est réellement la passion, la passion et l'envie d'apprendre.
20:26Je pense qu'il y a deux...
20:27Ça suffit pour tenir le coup physiquement ?
20:29Il faut avoir physiquement, je dirais, une bonne nature, comme on dit, l'entretenir,
20:33donc j'ai essayé aussi régulièrement tout au long de ma vie de m'entretenir physiquement,
20:37et j'ai l'avis qu'il soit fort.
20:39Mais je crois énormément dans la passion.
20:42Et le fameux Gross Mindset, c'est le terme qui a été donné ensuite par Carol Dweck,
20:46de cet esprit apprenant.
20:48On peut apprendre de toute personne, de toute chose, de toute activité,
20:51à tout moment de sa vie.
20:52C'est clair.
20:53La question est de dire comment on prépare son esprit à être ouvert
20:55pour accueillir cet apprentissage.
20:57Alors parlons de Live For Good.
20:59Comment c'est arrivé dans votre vie ?
21:01Live For Good a surgi fin 2015.
21:05Et a été construit autour d'une tragédie dans ma vie, ma vie familiale,
21:10la perte de mon fils Gabriel.
21:12Gabriel avait 22 ans.
21:14Et Gabriel nous alléguait à mon épouse, à mes deux filles,
21:20donc Pascal, Aurore, Romane,
21:22quelque chose de très fort qui était des valeurs qu'il avait,
21:26d'aller aider les autres personnes qui étaient moins privilégiées que lui.
21:30Et il avait ce sens aigu de dire,
21:32et c'est une citation qu'il m'avait envoyée par message,
21:34en anglais parce qu'on avait vécu quelques années aux Etats-Unis,
21:37il préférait presque parler en anglais qu'en français,
21:39il parlait très bien évidemment les deux langues,
21:41qu'il avait ce désir vital d'aider positivement la vie des autres.
21:45Et il avait créé un site web qui s'appelait Live For Good,
21:48suite à un voyage en Malaisie où il avait aidé une ONG américaine connue
21:52qui s'appelle Habitat for Humanity à construire des maisons en mortier
21:55pour des gens qui n'ont pas de maison.
21:57Et en revenant, il a codé un site web qui s'appelait Live For Good.
22:01pour lever des fonds pour aider à financer ça.
22:04Il a réussi à lever des fonds ?
22:06Il a levé quelques petits fonds, c'est pas énorme,
22:08en fait il avait commencé à faire ça.
22:10Et donc, en fait quand vous êtes une famille de cinq,
22:13et je ne dis pas que c'est un doigt qui manque, c'est plus qu'un doigt,
22:16c'est une fonction qui disparaît,
22:19enfin qui disparaît pas totalement,
22:21c'est justement l'enjeu qu'on a essayé en tant que famille
22:25de bâtir et de se bâtir un horizon.
22:29Et cet horizon, il était à la fois de famille,
22:31et il est aussi très personnel.
22:33Parce que chacun, chacune, notamment les trois femmes de ma famille,
22:36ma femme et mes deux grandes filles, qui ont grandi depuis,
22:39chacune avait un vécu de cette tragédie évidemment très personnelle.
22:43Et donc on a créé Live For Good rapidement,
22:45quelques mois littéralement, après une longue marche dans les Alpes,
22:48je me rappelle très bien, on était assis dans l'air,
22:50on se dit mais qu'est-ce qu'on peut faire pour nous donner un futur, tout simplement.
22:53C'est formidable, c'est plaisir familial autour.
22:56C'est une forme d'espérance, une envie de faire vivre des valeurs
23:01que Gabrielle nous avait laissées en héritage.
23:05Donc toute la famille aujourd'hui s'occupe de Live For Good.
23:08Alors différemment, chacune personne.
23:10Mais vous êtes tous soudés autour de lui finalement.
23:12Oui, on a régulièrement, on va avoir un atelier stratégie cette semaine,
23:15il y a une partie où les cofondateurs,
23:17nous sommes les cofondateurs de Live For Good,
23:19on apporte une discussion vraiment venant des cofondateurs
23:22sur les valeurs, le futur de Live For Good,
23:24c'est-à-dire une équipe de dix salariés,
23:26avec une mission qui est de révéler le potentiel de jeunes venus de tous horizons
23:30par l'entrepreneuriat Impact.
23:32Donc en fait notre enjeu, c'est d'aider toute une nouvelle génération
23:35qui a entre 18 et 30 ans, dont au moins 50% de publics fragiles,
23:39c'est-à-dire vraiment des jeunes de quartier, de zone rurale,
23:43RSA, scolaire, handicap, et des jeunes où tout va bien,
23:47bien entourés, bonne famille, bac plus 5, etc.
23:50et de les mélanger ensemble.
23:52On les mélange ensemble sur des campus 3 fois 3 jours,
23:54on les mélange ensemble dans la co-innovation
23:57de modèles d'économie circulaire,
23:59avec un impact positif social et environnemental
24:01pour créer des start-up à impact.
24:03Quelle formidable association.
24:05Ça nous donne de la joie.
24:06Oui, parce qu'on est dans le donner-recevoir.
24:08On rencontre et on vit avec ces jeunes littéralement année après année,
24:11on les voit grandir, on les voit devenir des rôles modèles.
24:14Parce que vous avez une traçabilité des premiers, vous l'essayez.
24:18Bien sûr, et notre vision, c'est de dire faire émerger
24:22une nouvelle génération de leaders positifs
24:24qui entreprennent pour le bien commun.
24:26Je suis très convaincu qu'avoir des rôles modèles,
24:28hommes-femmes, il n'y a rien sur de qui est une femme d'ailleurs,
24:30mais qui viennent d'environnements très différents
24:32et qui portent ces projets qui sont magnifiques,
24:34qui sont des projets de santé mentale,
24:36qui sont des projets d'alimentation régénératique,
24:38qui sont des projets d'inclusion sociale et intergénérationnelle,
24:41mais qui sont des entreprises,
24:43ce n'est pas de la philanthropie, j'aime beaucoup la philanthropie aussi,
24:46qui sont, je pense, un moteur incroyable
24:48de montrer aux modèles de l'entreprise établie
24:51que j'ai connu pendant toute ma vie,
24:53de très grosses boîtes comme Microsoft,
24:55qu'il est possible d'harmoniser finalement
24:57l'impact économique et financier qui est nécessaire
24:59pour une boîte pour grandir,
25:01et par rapport à ses actionnaires,
25:03avec des externalités qu'on veut construire
25:05de manière positive dès le début,
25:07et pas simplement négative pour les minimiser,
25:09vers le social et l'environnemental.
25:11C'est formidable.
25:14Que vous félicitez pour telles actions,
25:16et on inscrira le moyen de contribuer à cette association
25:20en fin d'émission.
25:22Merci.
25:27Jean-Philippe, votre mère a compté,
25:29votre épouse compte, vos filles comptent énormément,
25:32donc les femmes dans le monde de l'entreprise,
25:35qu'est-ce qu'elles ont pu vous apporter
25:38et comment les aider aujourd'hui à passer ce flafon de verre ?
25:42Oui, j'ai pu vivre pendant plusieurs décennies,
25:46et notamment à la tête de l'ensemble des filiales de Microsoft,
25:49plus de 120 filiales dans le monde,
25:51le pouvoir incroyable de transformation des femmes à la tête.
25:54Il m'a fallu 10 ans, je l'avoue,
25:56donc ce n'est pas un exercice facile,
25:58pour passer non pas d'un quota,
26:00je n'aime pas le terme,
26:02même si quelquefois il faut combiner
26:04le changement de culture avec des processus
26:06et des objectifs numérisés,
26:08de 10% de femmes CEOs de Microsoft,
26:10des filiales de Microsoft à plus de 50%.
26:13Et cette transformation s'est faite
26:15avec un travail quotidien, hebdomadaire, trimestriel,
26:19de coaching sur comment on va trouver des talents féminins.
26:24Et on les trouve.
26:25Et comment on les attire.
26:27Comment votre entreprise est capable ou pas
26:29d'un pouvoir d'attraction ou au contraire
26:31de répulsion des femmes, parce qu'elles le savent très bien,
26:33les images sont projetées beaucoup plus
26:35que le speech corporate des entreprises ne le pensent.
26:37Comment on les accueille ensuite ?
26:39Comment on les fait grandir ?
26:40Comment on les mentore ?
26:42Comment on s'assure que les promotions
26:44ne les défavorisent pas par rapport aux hommes
26:46ou d'autres environnements ?
26:48Comment on crée des équipes inclusives
26:50dans leur culture ?
26:51Comment ensuite on va avoir ce comportement
26:53vis-à-vis des clients ?
26:55Des histoires aussi, mais on n'a pas le temps,
26:57de comportements inacceptables de clients
26:59où des leaders hommes ont pu prendre position
27:03face à des clients qui avaient un comportement
27:06inacceptable, misogyne et détestable
27:09vis-à-vis des femmes.
27:10Et alors justement, puisqu'on arrive à la fin,
27:12malheureusement ça vient trop tôt de cet entretien,
27:15est-ce qu'on pourrait conclure sur des conseils
27:17que vous pourriez donner à ces hommes
27:19qui vont accueillir ou qui ont accueilli
27:21et peut-être mal, pas si bien,
27:23ces femmes qui ne demandent qu'à
27:25être performantes à leur côté ?
27:27Oui, je dirais quelques conseils.
27:29D'abord c'est de comprendre
27:31que cette diversité de points de vue
27:35féminine et dans toutes ses autres formes aussi,
27:38j'ouvre un petit peu la diversité
27:40de manière beaucoup plus large personnellement,
27:42crée une richesse de perspectives incroyables.
27:45Je l'ai vu au fur et à mesure de ma vie
27:47chez Microsoft au niveau global,
27:49avec plus de 120 filiales de cultures
27:51déjà internationales très différentes,
27:53de backgrounds, de croissances de personnes,
27:56de points de vue, de religions très différentes.
27:58Je l'ai vu également dans les moments difficiles
28:00où la capacité de femmes leaders,
28:02au contraire, à créer un,
28:04j'allais dire une empathie,
28:06une capacité à rebondir des équipes
28:08était beaucoup plus forte
28:10et la capacité d'attirer des talents
28:12plus variés également.
28:14J'avoue que j'ai, et ça c'est le conseil
28:16que je donne à ces hommes, se dire
28:18accueiller et créer un environnement favorable
28:20dans cette culture
28:22pour vous faire grandir vous-même
28:24parce que vous allez grandir
28:26en résultat de cela
28:28et être entouré par ce type de talent
28:30ne va faire que vous aider en fait
28:33à aller plus loin
28:35dans votre mission, dans votre réalisation personnelle.
28:37Merci Jean-Philippe
28:39pour ce mot de la fin qui m'enthousiasme.
28:41Nous arrivons au terme de l'émission
28:43Introspection.
28:45J'aurai grand plaisir à
28:47vous retrouver prochainement
28:49avec une invitée inspirante
28:51et je vous remercie pour votre fidélité
28:53déjà apparente
28:55sur la télé Be Smart for Change.