La RSE gagne du terrain dans les politiques des départements achat des entreprises. À quels enjeux cette dynamique répond-elle ? Quels défis suscite-t-elle, dans un contexte où les défaillances d’entreprises sont nombreuses ? AgileBuyer et CNA ont publié la dernière édition de leur étude sur les tendances et priorités des directions achats.
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00:00Générique
00:06L'invité de ce Smart Impact, c'est Olivier Van Stock, bonjour.
00:10Bonjour Thomas Huc.
00:10Bienvenue, vous êtes le directeur associé et fondateur d'Agile Bayer,
00:15auteur de deux ouvrages sur les achats qui ont été publiés chez Erol.
00:18Et puis il y a cette étude chaque année que vous sortez, je crois que c'est la 16e édition,
00:23sur les tendances et priorités des départements achats pour 2025.
00:27On va beaucoup parler RSE, impact environnemental,
00:30mais c'est quoi la leçon principale de cette étude pour commencer ?
00:33Effectivement, c'est la 16e édition de l'étude sur les tendances achats 2025,
00:37faite par Agile Bayer et le CNA.
00:39Il y a plusieurs enseignements.
00:40Les directions achats ont trois piliers.
00:44L'RSE, on va en parler.
00:45Il y a la gestion des risques.
00:47On est dans un environnement qui bouge de plus en plus d'une façon géopolitique.
00:51Les normes, tout bouge.
00:52On est dans un monde qui change tout le temps.
00:55Le changement, c'est tout le temps.
00:57Et d'une année sur l'autre, sur les 16 ans, on a vu que ça a bougé systématiquement.
01:01Et le dernier point, c'est justement la réduction des prix, la réduction des coûts.
01:06Ça reste très fort.
01:07En plus de ça, cette année, on a vu un sujet sur les cartels.
01:12Alors les cartels, c'est quoi ?
01:13C'est les ententes illicites.
01:15Qu'est-ce qu'on appelle une entente illicite ?
01:16C'est quand les fournisseurs se mettent d'accord ensemble sur les prix de vente.
01:21Et on a commencé à regarder ça il y a un an.
01:23On voyait que ça se chiffrait en dizaines de millions d'euros.
01:25Et l'année dernière, les condamnations se sont chiffrées en centaines de millions d'euros.
01:29Je vous prends un cas sur le béton préfabriqué.
01:33Il y a eu une condamnation à 76 millions d'euros de 11 acteurs
01:37qui se sont mis d'accord depuis des années sur le béton préfabriqué.
01:40Ça veut dire quoi ?
01:41Ça veut dire que tous les bâtiments ont été victimes de ça.
01:45Les entreprises, les particuliers ont été victimes de prix anormalement élevés.
01:51S'il reste une autre tendance avant de rentrer dans le sujet qui nous intéresse,
01:55c'est les risques auxquels font face les entreprises.
01:58Les risques de défaillance de fournisseurs, c'est ça ?
02:00C'est exactement ce point-là.
02:01Le risque de défaillance pour deux raisons.
02:02La défaillance financière et les problèmes de cyberattaque.
02:06Juste pour comprendre le sujet,
02:07le risque de défaillance, c'est quand on a un fournisseur qui est critique.
02:11Un fournisseur critique, c'est un fournisseur sans lequel on ne peut pas travailler.
02:15Si jamais il ne vous fournit pas, vous ne travaillez plus.
02:18Je vous prends un exemple relativement récent.
02:20Il a manqué des puces.
02:21Et donc, parce qu'il a manqué des puces,
02:24il y a des usines automobiles qui se sont arrêtées pendant des semaines.
02:27Et bien ça, ça pourrait exister encore et de nouveau avoir un effet boule de neige.
02:33On est à un moment de l'année, de l'histoire même,
02:36où depuis 15 ans, il n'y a jamais eu autant de défaillance d'entreprise.
02:39Si parmi ces défaillances, il y a un fournisseur critique,
02:42c'est un gros risque pour votre entreprise.
02:44Et sur les cyberattaques, ce n'est pas nouveau,
02:46mais ça fait partie des risques identifiés pour l'année 2025 ?
02:49Ce n'est pas nouveau,
02:49mais quand on regarde le nombre de cyberattaques en 2024 par rapport à 2023,
02:53ça a explosé.
02:54Et le problème, c'est que vous pouvez avoir un fournisseur en bonne santé,
02:57tout va bien, tout se passe bien,
02:58sauf que du jour au lendemain, il arrête de vous livrer.
03:00Et là, c'est un vrai sujet, si c'est un fournisseur critique.
03:04Alors, direction des achats et impact environnemental,
03:09c'est totalement lié.
03:10Donc, c'est forcément, quand on publie une étude comme la vôtre,
03:15un enjeu important, année après année ?
03:18C'est un enjeu fondamental.
03:21Alors, effectivement, comme on est là depuis 16 ans,
03:24on a regardé le sujet depuis 8 ans.
03:25Et pour être très, très clair,
03:28même si le window dressing existe depuis longtemps,
03:29nous, on a vu un changement des directions achats réels depuis 3 ans.
03:33Avant, on disait, c'est vrai ou pas vrai.
03:36Mais là, depuis 3 ans, il y a un changement.
03:39Juste pour revenir à votre question,
03:40pourquoi est-ce que les fournisseurs sont essentiels
03:44dans l'impact environnemental, dans l'aération en général ?
03:48C'est très simple.
03:49Dans une entreprise qui fait 100 chiffres d'affaires,
03:51en général, il y a 30 de main d'œuvre,
03:53mais il y a 60 qui viennent des fournisseurs.
03:56Donc, ce qu'on fait en interne a moins d'impact
04:00que ce que font les fournisseurs.
04:02Si on veut travailler sur la RSE,
04:04il faut travailler avec les fournisseurs.
04:06D'ailleurs, le scope 3, pour ceux qui sont un peu techniciens,
04:09est beaucoup plus fort que les autres scopes.
04:11C'est-à-dire que, clairement, les fournisseurs
04:12sont beaucoup plus contributeurs d'une façon positive ou négative.
04:15C'est pour ça que c'est une des questions
04:17que je pose le plus souvent à mes invités,
04:18c'est qu'est-ce que vous faites sur le scope 3 ?
04:19On est bien d'accord que c'est un levier majeur.
04:23Et donc, ce critère, il y a plein de critères, évidemment,
04:25mais si on prend le plus simple, qui est peut-être le critère CO2,
04:29il est de plus en plus intégré par les directions,
04:32les départements achats ?
04:34Effectivement, c'est le bon point,
04:36c'est que quand on travaille sur la RSE dans l'entreprise,
04:39avec ses fournisseurs, c'est le critère décarbonation
04:41qui vient en tête, le critère CO2.
04:44On a grosso modo trois quarts d'entreprises
04:46qui l'ont mis comme priorité de travailler sur le sujet.
04:50Et donc, il y a des plans d'action qui se font,
04:51il y a un travail qui se fait.
04:53Il y a un travail qui se fait de deux façons.
04:54D'une part avec les fournisseurs existants,
04:57on a des fournisseurs existants et qu'on travaille.
04:59Comment est-ce qu'on s'améliore par rapport à ça ?
05:01Et d'autre part avec les fournisseurs
05:02qui vont être les nouveaux fournisseurs.
05:04On voit qu'une façon efficace de mieux travailler
05:07sur la décarbonation,
05:08c'est de mettre des critères dans les appels d'offres.
05:11On met des critères dans les appels d'offres
05:12et donc, on va naturellement choisir des fournisseurs
05:14qui sont plus aptes dans ce domaine.
05:16Sauf s'ils sont plus chers.
05:17Il y a un facteur de coût aussi.
05:18Si la RSE coûte plus cher,
05:20comment les départements achats
05:23font avec cette contradiction
05:25pas seulement apparente, parfois très réelle ?
05:28Tout à fait réelle.
05:29Thomas Hugues, vous mettez le doigt sur le sujet.
05:31Ça s'appelle les injonctions contradictoires.
05:33Effectivement, il y a une volonté forte de réduire les coûts.
05:36Il y a une volonté forte d'améliorer l'impact carbone.
05:39Mais il y a de temps en temps des injonctions contradictoires.
05:41Donc, il y a des arbitrages qui se font.
05:42Les arbitrages se font dans un sens ou dans l'autre,
05:44en suivant l'envie.
05:46S'il fallait faire un parallèle,
05:47c'est un petit peu comme la ménagère
05:49qui va faire les courses au supermarché.
05:51Il y a des endroits où elle va prendre le moins cher.
05:53Il y a des endroits où elle va prendre le produit le plus sain,
05:57le plus bon pour la planète.
05:58Ça, nous, moi, tout le monde l'a vécu
06:01quand on va dans un grand magasin.
06:03Les entreprises ont le même fonctionnement.
06:05C'est la réalité à laquelle on fait face.
06:07Et effectivement, comme on est dans une situation
06:11où la croissance n'est plus là,
06:12la question, c'est ce qui va se passer demain.
06:14Aujourd'hui, la volonté, c'est de continuer sur cette voie.
06:16Oui, mais alors, ça rejoint ce que vous nous disiez tout à l'heure
06:18sur l'une des tendances de l'année 2025,
06:21c'est le risque de défaillance d'entreprises.
06:23C'est ça.
06:23On y est déjà et on y sera sans doute encore plus.
06:26Donc, le mot d'ordre, c'est peut-être un peu plus
06:28d'assurer la survie de son entreprise
06:30et pas de se coller des...
06:33Je ne dis pas qu'il faut le faire,
06:34mais des surcoûts liés à la RSE.
06:35Vous voyez ce que je veux dire ?
06:36Est-ce que ça ne va pas générer des arbitrages
06:39en défaveur, finalement, de ces enjeux environnementaux ?
06:42Ça peut, mais pas uniquement.
06:44Parce que, vous le savez, de temps en temps,
06:46avoir un produit qui est plus sain, plus bio, plus biodégradable,
06:51c'est un argument de vente.
06:52Bien sûr.
06:53D'accord ?
06:53Donc, en fait, comme c'est un bon argument de vente,
06:56ça peut être une façon de développer le business.
06:59Si vous êtes en avant par rapport aux autres
07:01dans ce domaine-là,
07:02eh bien, vous gagnerez du business plus que les autres.
07:04Donc, en fait, ça peut être un coût
07:06tout à fait rentable dans de nombreuses situations.
07:09Pas partout, mais tout à fait rentable
07:10dans de nombreuses situations.
07:122025, c'est évidemment l'année de la montée en puissance
07:15de la CSRD, la Directive européenne sur le bilan extra-financier.
07:20Quelles conséquences pour les départements à ça ?
07:22C'est un accélérateur de prise de décision,
07:24notamment sur ces enjeux RSE ?
07:26Alors, effectivement, c'est ce que j'appellerais
07:29un bon prétexte.
07:30Il y a des prétextes qu'il faut avoir.
07:32Et donc, à partir du moment où il y a ces contraintes-là,
07:35il n'y a plus le choix.
07:37Il n'y a plus le choix.
07:37Donc, à partir du moment où il n'y a plus le choix,
07:39il faut y aller.
07:40Donc, ça peut être un bon prétexte, effectivement,
07:42pour passer la barrière, du coup, dans certains cas.
07:44Mais c'est aussi un sacré travail.
07:46C'est un sacré travail.
07:48Donc, il y a des avantages, il y a des inconvénients.
07:52Ça augmente, on va dire, la partie administrative.
07:55Ça augmente la façon de tout écrire.
07:58Donc, il y a un coût aussi à la CSRD,
08:01qu'il ne faut pas se cacher.
08:03Et alors, est-ce que, justement, c'est aussi un prétexte
08:05utilisé par certains fournisseurs pour augmenter les prix ?
08:08C'est exactement ça.
08:09C'est une des conclusions de l'étude.
08:10On n'avait jamais vu ça avant.
08:12En fait, c'est effectivement un prétexte pour augmenter les prix.
08:14Des fournisseurs vont dire, on est beaucoup plus vert,
08:16on est beaucoup plus RSE, mais on coûte plus cher.
08:19Le problème, c'est que c'est difficile,
08:21d'une façon rationnelle, de dire combien coûte la RSE.
08:25Autant, si vous avez un stylo,
08:27si jamais le prix du plastique augmente,
08:29eh bien, vous pourrez dire, il y a tant de grammes de plastique,
08:31donc, le prix du stylo doit augmenter de tant.
08:33OK.
08:34Maintenant, on ne peut pas faire la même chose avec les RSE.
08:37Si toute l'entreprise a eu des nouvelles démarches
08:39plus vertueuses,
08:41combien ça coûte ?
08:42Et donc, c'est la faille qui est utilisée par certains fournisseurs
08:44en disant, ça coûte plus cher,
08:46donc, peut-être que ça leur coûte...
08:47Le prix était là, ça leur coûte ça,
08:49et il est probable qu'ils vous mettent des prix ici.
08:52Bon, évidemment, les directions achats regardent ça de près, mais...
08:56On parle énormément de la CSRD dans cette émission,
09:00peut-être un peu moins d'une autre réglementation européenne
09:03sur la déforestation importée.
09:05Là aussi, j'imagine que pour les départements achats,
09:08c'est quand même un enjeu majeur.
09:09Alors, on n'a pas regardé ça précisément dans l'étude,
09:11et surtout, ça concerne une partie,
09:13plutôt ceux qui seront dans le produit que ceux qui seront dans le service.
09:17Là, on n'a pas de réponse dans l'étude cette année.
09:19Oui, mais on sait, parce que...
09:21Alors, ça a été retardé d'un an, la mise en oeuvre de cette directive,
09:25mais elle a forcément des conséquences,
09:27puisqu'on sera interdit sur le marché européen
09:30de vendre des produits qui provoquent de la déforestation
09:32à l'autre bout de la planète.
09:33Donc, on peut imaginer ce que ça veut dire.
09:35Il nous reste un peu moins d'une minute.
09:36Vous l'avez évoqué, on est dans une période de fin de l'inflation.
09:41Donc, ça, c'est ressenti.
09:42On n'est pas sur les enjeux RSE,
09:44mais ça va être une des tendances majeures de l'année ?
09:47Effectivement, on est sur un début de déflation.
09:50Avant, on était sur une inflation qui était de 3 %,
09:52puis 2, maintenant, on est dans les alentours de 1.
09:54Ça veut dire qu'il y a des produits où l'inflation est négative.
09:57Et donc, dans ce cas-là, effectivement,
09:58les directions achats font leur boulot...
09:59Pour renégocier ?
10:00Pour renégocier.
10:01C'est-à-dire, avant le Covid, les prix étaient là.
10:03Même chose, les prix ont augmenté.
10:05On va revenir à un prix plus normal.
10:06C'est normal, c'est sain,
10:07et ils font un boulot utile en entreprise
10:10dans cette période un peu compliquée.
10:11Merci beaucoup et à bientôt sur BeSmart for Change.
10:15On passe à notre Zoom tout de suite, le mécénat d'entreprise.