• il y a 17 heures
André Bercoff et Céline Alonzo reçoivent Fawzia Koofi

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2025-01-16##

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News
Transcription
00:00Amique d'Afghanistan, André Berkoff, aujourd'hui sur Sud Radio, nous allons faire une plongée dans le chaos afghan avec l'ancienne vice-présidente du parlement de ce pays qui est aux mains des talibans, André, depuis plus de trois ans.
00:13Oui, il faut parler de ce livre, de ce témoignage tout à fait exceptionnel.
00:18Faouzia Koufi publie aux éditions Michel Laffont « L'être à mes sœurs, la voix des afghanes », après avoir publié il y a une dizaine d'années « L'être à mes filles ».
00:27Elle est diplomate, elle est féministe, elle est militante des droits de l'homme, elle est aujourd'hui à la tête du parti politique, le mouvement pour le changement en Afghanistan.
00:34Vaste programme, c'est très très très, on sait très très bien ce qui se passe en Afghanistan et les derniers développements assez terribles.
00:43Elle a été nominée en 2020 au prix Nobel de la paix et elle se bat, elle se bat tous les jours pour la liberté, pour que l'Afghanistan retrouve d'un pays extraordinaire.
00:54Je dis juste un souvenir personnel, moi je suis allé en Afghanistan avant 1979, dans les années 75.
01:02Et pour moi, du point de vue de la nature de ce pays, c'est l'un des plus beaux pays au monde.
01:07Il est extraordinaire et vraiment c'est un drame que depuis 50 ans, personne ne puisse plus aller en Afghanistan.
01:14C'est l'un des plus beaux pays au monde, vraiment.
01:17Donc voilà, on va parler de ce combat et de cette femme qui se bat.
01:22Et oui, cette femme, Faouzia Koufi, elle lance aujourd'hui un appel aux filles et aux femmes du monde entier à oser rêver, se révolter et se battre pour le changement.
01:31Elle sera donc avec nous en direct sur Sud Radio pour en parler et ce, en direct jusqu'à 14h.
01:37Alors restez avec nous, chers auditeurs.
01:39Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
01:53Kaboul, bien aimé. Cette chanson de Faria, d'Aria, j'espère que je prononce bien son nom.
02:01Le Elvis Algon, comme le surnomment certains médias, fut la première à être diffusée à la radio en Afghanistan après la chute du régime en 2001, André Bercoff.
02:10Et 4 ans après, vous aviez débuté votre carrière politique.
02:15Faouzia Koufi, bonjour à vous et merci d'être avec nous sur Sud Radio.
02:20Alors vous publiez un livre passionnant, poignant, lettres à mes sœurs, chez Michel Laffont.
02:29Ce récit est vraiment poignant dans lequel vous racontez votre histoire, celle d'une femme qui voulait et aurait pu être présidente de l'Afghanistan,
02:37celle qui a dû se réfugier au Royaume-Uni quand les talibans ont pris le pouvoir en 2021,
02:42celle qui a refusé d'être réduite au silence malgré deux tentatives d'assassinat.
02:47Défendre les plus vulnérables, c'est vraiment le combat de votre vie.
02:52Et ce combat, racontez-nous, il a commencé dès votre naissance. Que s'est-il passé ?
03:02Avant de parler de mon histoire, j'ai écouté cette histoire de Farhad Darya,
03:10qui dit « Laissez-moi chanter pour les douleurs et les souffrances du peuple d'Afghanistan ».
03:19Et c'est tellement vrai que les douleurs du peuple d'Afghanistan n'ont pas de fin.
03:24Et ça, ça m'émeut beaucoup parce que j'ai ressenti moi-même cette douleur.
03:31Moi-même, j'ai ressenti ce même niveau de douleur que tout le peuple d'Afghanistan a subi.
03:38Et mes souffrances ont commencé, comme vous l'avez dit, le jour de ma naissance.
03:42Je suis née fille et donc, en tant que fille, je n'étais pas désirée par ma famille.
03:47Ma mère, elle m'a beaucoup aimée par la suite,
03:50mais elle ne voulait pas avoir encore une fille qui allait souffrir autant qu'elle avait souffert elle-même.
03:56Et donc, cette résilience, ce besoin de faire mes preuves, encore et encore,
04:02tout ça, ça a commencé dès ma naissance.
04:05Et ça se poursuit jusqu'à aujourd'hui.
04:10Et c'est cela que ressentent toutes les filles d'Afghanistan.
04:13Et oui, vous dites que toute mon enfance, on m'a dit que je n'étais pas la préférée, que j'étais invisible.
04:18Donc, toute votre vie, effectivement, vous avez lutté pour prouver que vous existiez,
04:22Faouzia Koufi, et durant votre jeunesse, vous avez survécu, il faut le raconter,
04:27à une longue guerre civile qui a éclaté dans les années 70, 90, au tout début.
04:32A l'époque, vous viviez à Kaboul, où 60 000 personnes sont mortes.
04:36Cet épisode tragique a nourri votre combat.
04:40Quels souvenirs vous en gardez ?
04:49Chaque seconde de ma vie est pleine de souvenirs de guerre, de destruction,
04:54de résistance et de résilience, mais aussi de beauté, de succès.
05:01Chaque seconde de ma vie est pleine de souvenirs, à la fois des souffrances que j'ai traversées,
05:06de mes luttes, des luttes de toutes les personnes qui ont vécu en Afghanistan.
05:11Pendant la guerre, j'ai vu des femmes se faire violer devant mes yeux.
05:14J'ai vu une femme être tuée devant mes yeux.
05:18Elle tenait un bébé contre elle.
05:21Et quand elle a été tuée, elle avait du son qui coulait de sa gorge.
05:26Et le bébé qu'elle portait, au lieu de téter son lait, buvait le sang de sa mère.
05:32Mais il y a eu aussi des moments d'espoir, des moments où nous avons cru au changement.
05:37Et c'est à ce moment-là que je me suis présentée pour le Parlement.
05:41En 2001, quand les talibans ont été reversés du Parlement, nous avons pensé que c'était fini.
05:48Et nous avions confiance dans l'avenir.
05:51Et oui, alors il faut raconter à nos auditeurs, parce que vous aviez tout juste 29 ans en 2005,
05:56quand vous êtes devenue députée.
05:58Vous avez tout de suite effectivement brillé le poste de vice-présidente du Parlement que vous avez décroché.
06:04Il faut le dire, parce que convoiter un poste aussi important dans votre pays,
06:08c'était un sacré challenge pour une femme.
06:12Oui, même si je viens d'une famille politique,
06:17puisque mon père lui-même était député,
06:21lui il a été tué, mais c'était un homme qui voulait introduire la paix.
06:27Il a été tué quand j'avais seulement 3 ans et demi.
06:31Et donc je ne voulais jamais entrer en politique.
06:34Ma mère voulait que je sois médecin.
06:37Mais les talibans ont interdit les études médicales aux jeunes filles.
06:41Donc il m'a été interdit de poursuivre cette éducation.
06:44En 2001, quand les talibans ont été renversés,
06:48je me suis dit que seules les femmes au pouvoir pouvaient amener le changement.
06:52Que ce soit le pouvoir politique, le pouvoir médiatique, n'importe quelle forme de pouvoir,
06:56mais c'est en prenant le pouvoir que les femmes pouvaient changer la chose.
06:59Donc je me suis présentée au Parlement et j'ai été élue,
07:03non pas grâce aux quotas qui imposaient des quotas de femmes,
07:06mais grâce à un processus ouvert.
07:10Et j'ai décidé de viser la position la plus haute dans mon pays,
07:13qui était vice-présidente du Parlement.
07:16Et je ne m'attendais pas à gagner.
07:19Mais je voulais ouvrir la voie à d'autres jeunes femmes.
07:22Et j'ai été élue.
07:25Et oui, et votre ambition était donc de venir, on peut le dire,
07:28la porte-parole des 100 voix.
07:31Votre objectif était donc de mener...
07:34Quel chantier et quelle réforme à l'époque ?
07:37Pour moi, entrer au Parlement, ce n'était pas l'objectif principal.
07:40Je pense qu'être élue, c'est un moyen de changer les vies des gens.
07:43Le combat pour la justice, c'est quelque chose que je portais dans mes veines,
07:46parce que j'avais fait l'expérience dans le plus profond de mon corps,
07:49dans mes os, de l'injustice.
07:52Donc mon slogan, c'était « Les femmes ont le droit ».
07:55J'avais fait l'expérience dans le plus profond de mon corps,
07:58dans mes os, de l'injustice.
08:01Donc mon slogan, c'était « Les femmes ont le droit ».
08:05Donc mon slogan, c'était « Les droits de la femme ».
08:08La justice.
08:11Donner la parole aux gens qui viennent des petits villages.
08:14Et je pense qu'on m'a écoutée, parce que j'étais sincère.
08:17Je ne faisais pas semblant.
08:20J'étais vraiment en harmonie avec moi-même, en ce que je croyais.
08:23Et oui, alors vous vous êtes vraiment battue pour changer ce système,
08:26surtout patriarcal.
08:29Vous avez essayé de légiférer contre la polygamie,
08:32dans votre livre, qui avait apporté des tracas dans votre famille.
08:35Le combat a été très difficile.
08:38Vous dites ne pas avoir réussi à obtenir le soutien
08:41des ambassadeurs occidentaux de Kaboul.
08:44Racontez-nous votre combat.
08:47Quand je suis arrivée au Parlement,
08:50j'ai dit que mon siège au Parlement était un moyen.
08:53Dès que j'ai été au Parlement,
08:56j'ai commencé à proposer des lois,
08:59j'ai loué des budgets pour soutenir l'éducation des femmes
09:02dans des parties reculées de l'Afghanistan.
09:05J'ai introduit une loi sur la violence contre les femmes.
09:11Et il y avait des aspects liés à la vie des femmes
09:14qui, selon moi, étaient des choses violentes.
09:17Évidemment, la violence physique est une violence,
09:20mais aussi le mariage forcé est une violence.
09:23Le mariage des très jeunes filles de 9 ans, c'est une violence.
09:26Et se marier plus d'une fois,
09:29même si c'est dans ma religion,
09:32malheureusement, beaucoup d'hommes font un mauvais usage de cela,
09:35y compris mon propre père.
09:38Et donc, cela, je voulais le changer.
09:41Et quand je suis allée taper à la porte de tous les diplomates
09:44en Afghanistan, en disant est-ce que vous pouvez m'aider,
09:47nous aider, utiliser votre influence pour que cette loi soit approuvée,
09:50beaucoup de diplomates m'ont dit que c'était une question interne.
09:54Mais la question, c'est est-ce que les droits de l'homme,
09:57c'est une question domestique ou bien est-ce que c'est une question internationale ?
10:00Est-ce que ce n'est pas la responsabilité de tous ?
10:03Eh oui. En tout cas, vous aviez beaucoup d'opposants
10:06dès le départ, dès votre début en politique.
10:09Ils étaient prêts à tout pour vous éliminer.
10:12Vous racontez que 30 talibans ont été formés
10:15dans le but de vous assassiner.
10:18Comment avez-vous réussi à échapper à la mort, Fawzia Koufi ?
10:24Quand j'ai reçu cette lettre, et je l'ai toujours,
10:27qui m'a été transmise par nos services secrets,
10:30on m'a dit qu'il y avait 30 talibans armés de mitraillettes
10:33qui voulaient m'assassiner.
10:36Pendant trois nuits, je me suis fait du souci.
10:39Pendant trois nuits,
10:42il y avait des gardes du corps sur les toits de mes voisins
10:45qui surveillaient ma maison.
10:48Et au milieu de la nuit, je me réveillais et je me demandais
10:51par quelles fenêtres ils vont entrer maintenant, parce qu'ils sont 30.
10:54Mais au bout d'un moment, j'ai arrêté d'avoir peur.
10:57Je me suis dit, je ne peux pas continuer à vivre dans la peur.
11:00On va tous mourir un jour ou l'autre.
11:03Et peut-être qu'il y a une fierté, en tout cas,
11:06si on meurt, de laisser un héritage derrière soi.
11:09Donc vraiment, je me suis concentrée sur mon travail.
11:12Et je me suis dit que c'était comme ça que je pouvais mettre en échec mes ennemis.
11:15Parce qu'ils veulent nous tuer,
11:19nous viser, nous diffamer à cause de notre travail.
11:22Alors je me suis concentrée sur mon travail.
11:25Et ce n'était pas facile parce que dès que je voyais une voiture qui me doublait
11:28dans ma voiture, je me disais, cette voiture, elle va exploser.
11:31Cette voiture, elle va essayer de me tuer. Donc il y avait toujours cette peur.
11:34Mais au bout d'un moment, on s'endurcit contre ça.
11:37Et vos ennemis vous ont encore mis des bâtons dans les roues
11:40quand vous avez songé à vous présenter à la présidentielle.
11:43Parce qu'il faut le dire que plus le temps passait,
11:46plus vos soutiens issus de la société civile
11:49étaient vraiment très très importants.
11:52Et ils vous ont poussé en 2013 à vous présenter à la présidentielle,
11:55ne pas pouvoir vous présenter.
11:58Comment vous avez vécu cette injustice ?
12:04C'était une expérience formidable de voir le niveau de soutien
12:07que je recevais du public dans tout le pays.
12:10Au début, je n'étais pas sérieuse.
12:13Je me disais, bon, je vais juste prendre la parole
12:16et ça permettra d'ouvrir la voie à d'autres jeunes femmes
12:19pour les encourager à être ambitieuses,
12:22à avoir l'ambition de réaliser leurs rêves.
12:25Donc au départ, je voulais simplement porter les voix de mes soeurs
12:28et leur fournir une plateforme.
12:31Mais avec tous les soutiens que j'ai reçus de toutes sortes de gens,
12:34c'est devenu un projet sérieux.
12:37Et à ce moment-là, ils ont changé les lois électorales.
12:41À l'époque, je n'avais pas encore 40 ans
12:44quand mon inscription a eu lieu.
12:47Mais cette plateforme que j'ai développée,
12:50je l'ai utilisée pour porter la voix des femmes.
12:53Fawzia Khioufi, je voudrais vous poser une question
12:56que beaucoup, beaucoup se posent, évidemment.
12:59On suit de loin, hélas, tout ce qui s'est passé en Afghanistan,
13:02tout ce qui se passe aujourd'hui en Afghanistan.
13:05Le problème qui est posé, d'ailleurs pas seulement pour l'Afghanistan,
13:09et que vous êtes une femme avec un courage formidable,
13:13vous avez travaillé, vous vous battez toujours.
13:16Mais cette culture, cette culture du patriarcat,
13:20cette culture de considérer la femme
13:23comme une sous-citoyenne,
13:26un sous-être humain ou presque.
13:29Cette culture qui consiste au mariage forcé,
13:32vous en avez parlé, au mauvais traitement,
13:35au fait qu'une femme, elle doit être,
13:38et on le voit aujourd'hui, ce qui se passe actuellement en Afghanistan,
13:41et encore plus, ne doit pas parler, ne doit pas chanter,
13:44doit être dans sa maison, ne doit pas jouter, la prison.
13:47Et ça vient d'une culture ancestrale.
13:51Et moi, la question que j'ai envie de vous poser,
13:54c'est comment faire ? Évidemment, on ne peut pas,
13:57à un tournement, changer les choses.
14:00Mais comment faire, vraiment, pour casser, en tout cas,
14:03cette chose que, dans le monde entier, vous dites très bien,
14:06les droits de l'homme, ce n'est pas à géométrie variable,
14:09ce n'est pas quelque chose,
14:12une annihilation qu'on doit avoir ou pas.
14:15Mais comment faire pour, justement, endiguer cela ?
14:18Est-ce qu'il faut le faire ? Est-ce que ça va passer par,
14:21ça devrait être forcé, ou soit d'avenir ?
14:24Mais c'est l'éducation, c'est quoi ? Comment faire pour sortir
14:27de cet état d'esclavage qui, encore une fois,
14:30n'est pas l'appalage de l'Afghanistan, mais encore de beaucoup
14:33d'autres pays dans le monde ?
14:36Absolument, monsieur. Vous l'avez très bien dit,
14:39la misogynie, le patriarcat, c'est un phénomène mondial.
14:42Dans certains pays,
14:45c'est extrême.
14:48Les gens essayent d'utiliser cela comme une arme
14:51pour réprimer les femmes,
14:54pour prendre le pouvoir, et c'est cela que font les talibans.
14:57Ils utilisent leur religion, ils utilisent notre culture
15:00comme moyen de réprimer les femmes afin d'assurer leur survie.
15:03Mais c'est un phénomène mondial, ça se retrouve partout dans le monde.
15:06Le monde est très injuste envers les femmes.
15:09En Afghanistan, c'est une forme extrême,
15:12comme vous l'expliquiez.
15:15L'Afghanistan est devenu une prison à ciel ouvert pour les femmes.
15:18Au XXIe siècle, est-ce que vous vous rendez compte ?
15:21Les femmes n'ont pas le droit d'aller travailler,
15:24elles n'ont pas le droit d'aller à l'école,
15:27parce que les talibans ont peur des femmes qui sont éduquées.
15:30Ils pensent qu'une femme éduquée
15:33ne laissera jamais son fils prendre une arme.
15:36Si c'est le cas, les talibans perdraient la possibilité
15:39de recruter plus de soldats.
15:42C'est pour cela qu'ils détestent l'éducation et qu'ils la suppriment
15:45à chaque fois qu'ils arrivent au pouvoir.
15:48Il y a des petites minorités dans tous les pays.
15:51En Amérique, en Angleterre, en Europe, dans les pays musulmans,
15:54ça se retrouve en Afghanistan.
15:57Le problème en Afghanistan, c'est que ce petit groupe,
16:00cette petite minorité, les talibans,
16:03on leur a donné le pouvoir.
16:06Mais on leur a donné le pouvoir.
16:09C'est au nœud du problème.
16:12Vous avez raison de dire qu'il y a des minorités radicales
16:15qui peuvent prendre le pouvoir.
16:18Vous savez qu'en 1910, il y avait quelques nazis en Allemagne.
16:21Ce n'était pas grand-chose.
16:24Il y avait des bolcheviques en Russie, mais c'était une minorité.
16:27Il y avait des fascistes en Italie.
16:30C'était une minorité. Ils ont pris le pouvoir.
16:33Mais vous dites, on leur a donné le pouvoir.
16:36Non, ils l'ont pris. Et qu'est-ce qui fait que, pour vous,
16:39parce que vous avez été au cœur du combat politique,
16:42qu'est-ce qui fait qu'ils ont pu prendre le pouvoir ?
16:45Est-ce que ce n'est pas parce qu'il y a une culture ancestrale
16:48depuis des siècles qui fait que,
16:51oui, après tout, parce qu'on nous a dit ça, dites-moi si c'est vrai ou pas,
16:54le taliban s'occupait aussi d'amener,
16:57je ne sais pas, c'est la nourriture, etc.,
17:00et que les gens ont accepté, les talibans.
17:03Qu'est-ce qui fait qu'ils ont pu prendre le pouvoir
17:06sans trop de problèmes ?
17:10Je continue à dire que le pouvoir leur a été donné.
17:13Ils ne se sont pas emparés du pouvoir.
17:16Comme vous le savez, j'ai participé à ce processus.
17:19Si les États-Unis n'avaient pas signé un accord avec les talibans,
17:22les talibans n'auraient jamais eu le soutien moral
17:25pour prendre le pouvoir
17:28et pour prendre le contrôle de l'Afghanistan.
17:31Souvenez-vous, ils se sont battus pendant 20 ans
17:34et en 20 ans, ils n'ont jamais réussi.
17:37à contrôler une seule province.
17:40Et dès le moment où les États-Unis ont signé un accord avec eux,
17:43c'est là qu'ils ont réussi à prendre le pouvoir.
17:46L'Afghanistan a changé au cours des 20 dernières années.
17:49L'idéologie des talibans,
17:52ça ne reflète pas quelque chose
17:55qui est apprécié nationalement.
17:58Les talibans ne représentent pas la majorité des gens en Afghanistan.
18:01Ils représentent une minorité.
18:04Mais comme ils avaient des armes,
18:07des milliards de dollars d'armes
18:10qui leur ont été laissées par les Américains,
18:13qu'ils ont pu utiliser pour tuer les gens,
18:16les gens ont peur d'eux parce que personne ne les soutient.
18:19La communauté internationale les a abandonnés.
18:22Mais je pense que l'Afghanistan a changé.
18:25Il y a plus de gens qui veulent éduquer leurs filles.
18:28Et je vais vous donner un petit exemple.
18:31J'ai rencontré un député.
18:34Il a été le premier à ouvrir une école pour filles dans mon village.
18:37Mais il n'a jamais permis à ses propres filles d'aller à l'école.
18:40Moi, quand j'étais membre du Parlement,
18:43il y a des gens de ce village qui sont venus
18:46et qui m'ont demandé à moi d'ouvrir des écoles pour leurs filles.
18:49À une époque où il n'y avait aucune fille
18:52qui allait à ta l'école.
18:55Nous avons recruté des institutrices,
18:59nous avons recruté des femmes, des infirmières, des médecins.
19:02Donc on voit bien que la société a changé.
19:05Et les opinions des gens ont changé.
19:08Je pense que les talibans, vraiment, on leur a donné le pouvoir.
19:11Si ça avait été même par la force, par le combat,
19:14ils n'auraient jamais réussi à prendre le contrôle.
19:17Et ça, c'est quelque chose qu'on peut changer en investissant dans l'éducation.
19:20Fawzia Koufi, on va se retrouver dans un instant sur Sud Radio
19:23et nous allons continuer de parler de ces talibans
19:27qui ont pris le pouvoir en Afghanistan depuis plus de 3 ans maintenant.
19:30André Berkoff, les droits des femmes, on l'a dit,
19:33continuent de régresser de jour en jour.
19:36On va revenir sur l'histoire de ces talibans.
19:39Qui sont-ils ? Comment et quand ce mouvement est-il né ?
19:42On va vous répondre à toutes ces questions dans un instant sur Sud Radio.
19:56Vous m'avez emprisonnée chez moi pour le seul crime d'être une femme,
19:59dit cette jeune femme qui s'est filmée devant son miroir
20:02en chantant sur les réseaux sociaux en signe de protestation
20:05contre une loi qui interdit aux femmes de chanter
20:08et lire à haute voix en public depuis août 2024.
20:11Et depuis octobre de cette même année,
20:14il leur est interdit de parler entre elles.
20:17Fawzia Koufi, aujourd'hui,
20:20quelles autres restrictions sévères
20:23ont été imposées aux femmes ?
20:26Il a été interdit aux femmes
20:29de parler aux autres femmes en public.
20:32Et chaque fois qu'ils passent un édit,
20:35ils disent toujours que c'est temporaire
20:38jusqu'à ce qu'on donne une notification.
20:41Cette chanson que vous avez passée,
20:44c'était une jeune fille qu'on a vue beaucoup sur les réseaux sociaux
20:47et elle dit
20:51privez-moi de nourriture,
20:54privez-moi de sortir de ma maison
20:57jusqu'à ce que soit donné un avis du contraire.
21:00Mais quand est-ce que cet avis va être donné ?
21:03Récemment, ils ont interdit aux femmes
21:06de faire des études médicales
21:09pour devenir infirmières ou sages-femmes.
21:12Et ça, c'est différent de ce qu'avaient fait les talibans
21:15en 1996 où ils avaient permis à l'époque aux femmes
21:18de suivre des études médicales.
21:21Aujourd'hui, il est interdit aux femmes
21:24de devenir médecins, infirmières, sages-femmes.
21:27Et vous savez à quel point ça peut avoir un effet sur la santé des femmes.
21:30Sur le long terme, dans 5 ans,
21:33on n'aura plus assez de doctoresses, de sages-femmes.
21:36Mais ils se suicident, c'est du suicide.
21:39Comment ils ne se rendent pas compte qu'ils se suicident eux-mêmes ?
21:42C'est extraordinaire parce qu'il y a quelque chose qui va se passer.
21:45J'aimerais savoir, vous avez parlé effectivement de ces aidis.
21:48Est-ce qu'ils sont appliqués dans toutes les provinces de l'Afghanistan
21:51où certains résistent ?
21:54La plupart sont appliqués dans tout l'Afghanistan.
21:57Dans certaines provinces,
22:00il y a des responsables locaux
22:03qui essayent de garder les choses plus ouvertes.
22:06Par exemple, dans le cas des infirmières,
22:09certaines provinces gardent leurs écoles d'infirmières ouvertes
22:12parce qu'il y a des membres de leur famille
22:15qui vont dans ces écoles.
22:18C'est un crime contre l'humanité, vous avez raison.
22:21Vous empêchez les femmes de travailler, de ramener un salaire.
22:24En plus, vous interdisez à une femme de devenir médecin
22:27ce qui fait que les femmes n'ont plus accès aux traitements médicaux.
22:30Vous, Fawzia, sur Zoom,
22:33vous donnez clandestinement des cours à des étudiantes
22:36qui sont en Afghanistan.
22:39Vous vous engagez régulièrement sur les réseaux sociaux
22:42avec des hommes, avec des femmes.
22:45Qu'est-ce qu'ils vous racontent de leur vécu, de leur quotidien ?
22:48Comment envisagent-ils leur avenir ?
22:51Le futur paraît très sombre pour ces gens.
22:54Mais l'esprit de la résilience
22:57est toujours en nous et en elles.
23:00Par exemple, quand ils ont interdit aux femmes
23:03de devenir infirmières,
23:06ou sage-femme,
23:09une femme chantait
23:12et ils m'ont envoyé cette vidéo.
23:18Vous savez cette idée que quand on brise un verre,
23:21les petits morceaux deviennent plus tranchants
23:24et ils peuvent être parfois plus puissants.
23:27Nous, nous sommes comme des éclats de verre
23:30et à ce titre, nous sommes plus fortes.
23:34Il y a des gros problèmes de santé mentale en Afghanistan.
23:37Justement, par rapport à ce que vous dites,
23:40est-ce qu'on peut comprendre
23:43qu'est-ce qui se passe à l'intérieur de la tête des talibans ?
23:46C'est quoi ? C'est la religion, une vue extrême de la religion
23:49qui donne ça ? Qu'est-ce que c'est que cette culture extrême ?
23:52Et c'est vrai qu'il n'y a pas qu'en Afghanistan.
23:55Là, parlons de l'Afghanistan et des talibans.
23:58Qu'est-ce qui fait que ces gens arrivent à une telle haine
24:01d'eux-mêmes, enfin quelque part ?
24:04La femme, comme disait le proverbe chinois,
24:07c'est la moitié du ciel. Qu'est-ce qui fait qu'ils haïssent
24:10la moitié du ciel au point de se tirer
24:13une balle dans le ventre et de dire nous ne voulons pas voir ça.
24:16Qu'est-ce que c'est ? Est-ce que c'est la religion ?
24:19Est-ce que c'est la culture ? C'est quoi ?
24:22On aimerait comprendre parce qu'on voit ça
24:25mais on ne comprend pas. Et vous qui avez vécu avec,
24:29on aimerait comprendre. Est-ce qu'il a une explication ?
24:32Pendant les négociations avec les talibans,
24:35j'ai essayé de comprendre quelle était leur logique.
24:38Est-ce qu'ils ont une logique islamique
24:41sur leurs actions ?
24:44Mais en fait, pendant les négociations,
24:47je me suis aperçue que la plupart de ces talibans
24:50ne connaissent même pas l'islam.
24:53Quand je leur posais des questions,
24:56sur leur compréhension de l'islam,
24:59ils n'avaient rien à répondre.
25:02Ils ne connaissaient rien.
25:05Ils ne connaissaient pas
25:08la base même de leurs décisions.
25:11Par exemple, si je leur demandais
25:14où est-ce que ça dit dans le Coran que les femmes
25:17doivent être interdites d'éducation ?
25:20Où est-ce que l'islam dit que les femmes ne doivent pas travailler ?
25:24Je crois que leur existence dès le départ
25:27a été basée sur la répression des femmes.
25:30Ils ont réussi à laver le cerveau
25:33à beaucoup de gens de la jeune génération.
25:36Pendant les 20 ans où les troupes étrangères
25:39ont été présentes en Afghanistan,
25:42ils disaient qu'il y avait ces troupes dans leur pays
25:45qui rendaient les femmes infidèles.
25:48Quand les troupes étrangères sont parties,
25:51les femmes dans les grandes villes portaient toutes des foulards.
25:54Ce sont des femmes musulmanes.
25:57Les leaders talibans utilisaient les émotions de ces jeunes hommes.
26:00Tous ces jeunes hommes, pour beaucoup,
26:03ont quitté les talibans et ils ont rejoint Daesh.
26:06Pour les talibans,
26:09pour pouvoir retenir leurs combattants,
26:12ils ont commencé à passer ces édits.
26:15Ils ont instrumentalisé l'utilisation des femmes comme une arme.
26:18Pour revenir sur ces pourparlers de paix
26:21qui ont lieu à l'époque en 2019 et en 2020 à Doha et Moscou,
26:24comment ces talibans vous ont-ils accueillis ?
26:27Vous consacrez un chapitre très intéressant
26:30dans votre livre à cela.
26:33Ces hommes qui refusent de serrer la main d'une femme,
26:36ces hommes qui refusent de regarder une femme droite dans les yeux,
26:39comment avez-vous réussi à négocier avec eux ?
26:43Personnellement, en tant que femme
26:46qui a beaucoup souffert de cela,
26:49j'ai perdu mon mari dans les prisons des talibans,
26:52j'ai perdu mes frères, j'ai perdu mon éducation,
26:55j'ai perdu mon identité à cause d'eux.
26:58Pendant leur premier règne, j'ai perdu beaucoup de choses.
27:01Quand je suis entrée dans cette salle de réunion avec eux,
27:04avant d'entrer, je me suis arrêtée pendant une minute.
27:07Je n'étais pas sûre d'y arriver.
27:11Je me suis dit, j'ai autant de droits qu'eux,
27:14je suis leur égale, je parle au nom de mon gouvernement.
27:17Il y avait deux talibans, deux sortes de talibans.
27:20Avant de signer l'accord avec les Etats-Unis,
27:23à ce moment-là, ils étaient beaucoup plus accessibles.
27:26Ils faisaient des déclarations publiques.
27:29Ils disaient que selon eux,
27:32il était possible pour une femme de devenir ministre,
27:35premier ministre, pour les femmes de faire des affaires,
27:38de s'éduquer, de faire un doctorat.
27:41Tout ça, ça a été enregistré.
27:44Dès le moment où ils ont signé l'accord avec les Etats-Unis,
27:47en février 2020,
27:50nous avions commencé les négociations
27:53avec eux en septembre 2020.
27:56À l'époque, j'avais la main dans le plâtre
27:59parce que j'avais été attaquée.
28:02J'avais encore des blessures à la main.
28:06À ce moment-là, ils ne nous regardaient plus dans les yeux.
28:09Ils baissaient les yeux quand ils nous voyaient.
28:12Je pense qu'au départ,
28:15ils voulaient se donner une bonne image,
28:18une image de taliban 2.0,
28:21parce qu'ils voulaient arriver à un accord avec les Etats-Unis.
28:24Une fois cet accord signé, en quelque sorte,
28:27ils se sont sentis revigorés, vainqueurs ?
28:30C'est ça ?
28:33Ils avaient l'impression que quoi qu'il arrive,
28:36ils allaient reprendre l'Afghanistan.
28:39Aujourd'hui, est-ce que vous continuez à échanger avec certains d'entre eux ?
28:45Parfois.
28:48Quand ils arrêtent des membres de mon parti
28:51ou des femmes que je connais, parce qu'ils les arrêtent.
28:54Par exemple, il y a quelques mois,
28:57ils ont arrêté un groupe de femmes militantes.
29:00Ces femmes n'avaient rien fait.
29:03Elles protestaient pour que leurs droits soient respectés.
29:06Les familles de ces femmes m'ont contactée pour que je les aide.
29:09À ce moment-là, j'ai contacté certains des hommes qui étaient dans les négociations.
29:12J'aurais dit pourquoi vous faites ça à ces pauvres femmes ?
29:15Elles ne vous combattent pas. Elles ne sont pas armées.
29:18Elles sont juste dans la rue en train de protester.
29:21Revenons à l'histoire de ce mouvement.
29:24Comment vous expliquez, avec le recul,
29:28leur ascension fulgurante de 1994 à 1996,
29:34date à laquelle ils se sont emparés de Kaboul pour la première fois ?
29:40Qu'est-ce qui s'est passé exactement ?
29:43Qu'est-ce qu'ils ont promis aux populations ?
29:46Qu'est-ce qui fait que certaines personnes ont adhéré ?
29:49Pendant la guerre froide,
29:52il y a eu beaucoup d'argent du monde occidental.
29:57Il y a eu beaucoup d'argent du monde occidental
30:00qui est venu pour soutenir les partis du djihad en Afghanistan.
30:03Et on n'évaluait pas si on allait soutenir les femmes ou les droits de l'homme.
30:06On ne regardait pas comment l'argent était dépensé.
30:09Donc cet argent a été dépensé en partie pour vaincre l'URSS
30:12et aussi en partie pour appuyer la radicalisation.
30:15En fait, c'était les ennemis de nos ennemis sont nos amis.
30:18Donc les ennemis de l'URSS, c'est les djihadistes.
30:21On va aider les djihadistes.
30:24C'est ça.
30:27C'était les amis de l'Occident.
30:30Et l'argent a été donné, l'argent a soutenu leur radicalisation.
30:33Et les talibans ont fait partie de cette radicalisation.
30:36Quand ils sont arrivés au pouvoir, au départ,
30:39c'était la guerre civile en Afghanistan.
30:42Les talibans sont arrivés avec un slogan en disant
30:45« Nous sommes des agents de paix, nous voulons apporter la paix dans le pays ».
30:48Et les gens étaient fatigués de la guerre.
30:51Pendant l'être à mes sœurs, les gens, rien qu'à Kaboul,
30:5460 000 personnes ont été tuées.
30:57J'ai vu tout cela se passer devant mes yeux.
31:00Ma ville a été détruite, la bibliothèque de mon école a été incendiée devant mes yeux.
31:03Il y a eu beaucoup de destruction.
31:06Et donc les gens ont cru cela, que les talibans étaient des agents de changement.
31:09Talibans, ça veut dire les étudiants de la Medarsa,
31:12les étudiants de l'islam.
31:15Mais quand ils sont arrivés à Kaboul,
31:18les gens ont vu que ce n'était pas leur vrai visage.
31:21Et c'est pour ça qu'ils ont été vaincus en 2001.
31:24Et à ce moment-là, beaucoup de gens ont fait la fête en Afghanistan.
31:27Comme les gens le font aujourd'hui en Syrie.
31:301996, ça a été l'année 1 de la terreur talibane.
31:33Ils ont tout de suite imposé cette loi islamique la plus stricte du monde.
31:36Comment vous avez-vous vu la vie des afghans basculer ?
31:39Comment vous avez-vous vu la vie des afghans basculer ?
31:42Comment vous avez-vous vu la vie des afghans basculer ?
31:45J'étais à Kaboul.
31:48J'étudiais en école de médecine.
31:51Je voulais devenir médecin.
31:54La vie a changé pour moi et pour des centaines de milliers de personnes.
31:57La vie a changé pour moi et pour des centaines de milliers de personnes.
32:00Je me suis retrouvée enfermée,
32:03à regarder les murs de ma maison
32:06et je regardais la beauté du monde à travers la petite fenêtre de ma maison.
32:09J'étais un peu une femme.
32:12Je regardais la beauté du monde à travers la petite fenêtre de ma maison et je n'avais aucun espoir.
32:16Les humains étaient humiliés, à l'époque ils fouettaient les gens, non seulement ils mettraient les gens en prison mais aussi ils nous ont pris notre dignité et nos valeurs.
32:32Mais ils n'ont duré que 5 ans, donc ce n'était pas trop long.
32:38Quand ils ont repris le pouvoir en 2021, vous, vous avez été assignée à résidence Fawzia Koufi, quels souvenirs gardez-vous de cette période-ci de l'Afghanistan ?
32:54Le 15 août, nous devions aller à Doha pour le dernier tour des négociations, avec l'espoir d'arriver à un accord de paix.
33:06Mais le matin, j'ai regardé au balcon de ma maison et on m'a dit que tout le monde était en train de s'échapper pour aller à l'aéroport parce que les talibans arrivaient.
33:20Et moi je ne croyais pas que c'était vrai, mais comme vous avez vu, l'ancien président s'était échappé, avait quitté le pays et ça a ouvert la voie à la victoire des talibans.
33:30Ils continuent à avoir du mal à y croire. Ils se réveillent et les Afghans se sont sentis trahis, en quelque sorte.
33:40Jusqu'à aujourd'hui, ils continuent à se sentir trahis. Les gens me disent, pourquoi est-ce que tu essaies de travailler avec le monde occidental ? Ces gens, ils nous ont trahis.
33:50C'est commencé par la propre trahison de certains dirigeants afghans. De certains dirigeants afghans qui sont eux-mêmes partis et qui ont abandonné le pouvoir.
34:04L'ancien président, par exemple.
34:06Karzaï ?
34:07Non, Rani, Achev Rani.
34:10Ça a été le premier à quitter l'Afghanistan, ensuite suivi par nos forces de sécurité.
34:14Moi je suis restée en Afghanistan. J'étais assignée à résidence, mais je ne voulais jamais quitter mon pays.
34:20Et comme je suis une mère célibataire, mes filles étaient à l'université et j'ai dû m'en aller.
34:26Et parfois je le regrette. Je me dis que si j'étais encore en Afghanistan, les choses seraient différentes.
34:32Mais je sais que si j'y étais, je ne pourrais plus rien faire. Je serais probablement en prison.
34:38Au moins, en ce moment, je peux porter les voix de ces femmes.
34:42Et vous avez raison, les gens en Afghanistan se sont trahis, non seulement par l'Occident, mais aussi par leurs propres dirigeants.
34:47On va continuer à parler de cela.
34:49Et oui, après plus de trois ans d'administration talibane, l'Afghanistan reste l'un des pays les plus pauvres au monde.
34:55Peut-il se relever ? On en parle dans un instant sur Sud Radio avec Fawzia Koufi.
35:00Le sujet de fuir son pays depuis la prise de Kaboul par les talibans, comme de nombreux autres artistes.
35:06Fawzia Koufi, aujourd'hui l'Afghanistan est au bord de l'effondrement.
35:10Selon l'ONU, 34 millions de personnes, soit 85% de la population, vit sous le seuil de la pauvreté.
35:17Comment votre pays peut-il se relever ? Votre objectif est un Afghanistan unifié et démocratique.
35:24Mais comment comptez-vous l'atteindre ?
35:26L'Afghanistan est un pays riche. Des milliards de dollars qui sont dans le sous-sol.
35:36Nous avons une nature merveilleuse.
35:38C'est vos richesses ?
35:42Des ressources naturelles.
35:45Comme par exemple ?
35:47Du cuivre, de l'or, des minéraux, du gaz.
35:53Nous avons toutes ces ressources naturelles. Nous avons du lapis lazuli.
35:57Nous avons toutes sortes de ressources naturelles en Afghanistan.
36:00Mais la population est pauvre à cause des politiques qui ont été menées.
36:04Et ça, ça me brise le cœur. C'est vraiment douloureux.
36:08Recevoir un appel d'une femme ou d'un homme afghan, tous les jours, qui me demande 10 dollars,
36:15juste pour pouvoir payer leur abonnement de téléphone et rester en contact avec le monde.
36:20Parce qu'ils n'ont pas cet argent.
36:22Vraiment, ça me brise le cœur d'avoir des femmes qui me demandent 20 dollars pour pouvoir emmener leur enfant chez le docteur.
36:28Parce que les femmes ne peuvent pas recevoir de salaire.
36:31La pauvreté, c'est un gros problème en Afghanistan. Le manque de travail, le manque d'opportunités.
36:35Les talibans, ils ont une organisation du travail qui est très intéressante.
36:39Ils reçoivent beaucoup d'argent. Ils reçoivent 40 millions de dollars de la part des pays occidentaux.
36:45Cet argent leur sert à payer leurs services secrets, leurs services de surveillance, pour surveiller la population et la réprimer.
36:52Mais ils n'ont aucune responsabilité vis-à-vis de la population.
36:55Il faut vraiment changer l'écosystème politique.
36:57Aujourd'hui, qu'attendez-vous du monde occidental, Fawzia Koufi ?
37:04Le monde occidental doit arrêter d'envoyer de l'argent aux talibans.
37:08Leur demander de rendre des comptes pour ce qu'ils ont promis pendant les négociations.
37:14Les emmener devant la Cour pénale internationale.
37:19Reconnaître l'apartheid basé sur le genre.
37:22Et fournir un espace à l'opposition politique.
37:25Pour que nous-mêmes, nous puissions travailler sur une alternative.
37:29Sur un processus politique qui fasse participer tous les groupes ethniques, tous les groupes religieux et les femmes.
37:35Mais le Conseil de Sécurité des Nations Unies est divisé au sujet de l'Afghanistan aujourd'hui.
37:44Le monde est polarisé.
37:48Les gens considèrent la politique avant de voir les violations des droits de l'homme.
37:55C'est maintenant la responsabilité de tous les hommes, toutes les femmes qui nous écoutent aujourd'hui,
37:58de demander des comptes à leur classe politique.
38:02Le Conseil de Sécurité, il est fait de pays comme la France, la Chine, la Russie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni.
38:07Pourquoi est-ce que ces pays restent silencieux face à ces violations terribles des droits de l'homme ?
38:13J'ai parlé deux fois au Conseil de Sécurité de l'ONU et je leur ai dit, arrêtez de penser à la politique.
38:22Vous ne laisseriez pas cela se produire dans vos propres pays.
38:25Et on peut se demander si ça ne peut pas arriver aussi chez nous en Occident un jour.
38:33Ça va arriver, mais en septembre, vous vous souvenez ?
38:39Martin Luther King a dit, l'injustice n'importe où, c'est l'injustice partout.
38:45Si aujourd'hui on n'apporte pas un vrai soutien aux femmes d'Afghanistan en faveur du changement,
38:50ce qui se passe là-bas va finir par arriver en Europe.
38:53Parce que vous avez des migrations, vous avez des gens qui émigrent vers chez vous.
38:57Vous ne savez pas combien de talibans ont pu arriver dans vos pays.
39:00Donc il faut maintenant parler, être ferme et demander des comptes à nos gouvernements.
39:05Tous les gouvernements devraient mettre la pression sur les talibans
39:08et leur demander de rendre des comptes vis-à-vis des promesses qu'ils ont faites.
39:11Avec la réélection de Donald Trump, est-ce que vous pensez qu'un nouveau chapitre peut s'ouvrir en Afghanistan ?
39:22Les choses sont très difficiles à prédire.
39:25Le président Trump a signé un accord avec les talibans quand il était président.
39:33Évidemment, le président Biden est parti sans demander aucune condition aux talibans.
39:38Ce que Trump peut faire, c'est mettre la pression sur les talibans,
39:41arrêter de les financer et exiger qu'ils se conforment aux accords de Doha qu'ils ont signés avec les Etats-Unis.
39:50Sur les quatre articles des accords de Doha, il n'y a qu'un seul article qui a été mis en œuvre,
39:56qui était le retrait des forces étrangères.
39:58Oui, et on sait dans quelles conditions.
40:00Juste pour finir, vous avez de l'espoir ? Vous gardez l'espoir malgré tout ?
40:09Vous savez, les gens d'Afghanistan ont toujours eu beaucoup d'espoir.
40:13Je me souviens de certains jours où je regardais les rues de Kaboul depuis la fenêtre de ma maison
40:18pendant la première période où les talibans étaient au pouvoir.
40:21Et je pouvais voir seulement une voiture passer toutes les cinq minutes parce qu'il n'y avait plus de vie.
40:26Les gens respiraient, mais ils ne vivaient pas.
40:28Et le changement est venu après cela.
40:30Et aujourd'hui, les gens ont changé.
40:33Ils sont beaucoup mieux informés.
40:35Ils savent ce que ça veut dire de vivre dans la liberté.
40:38Ils ont fait l'expérience de la liberté de parole, de la liberté de travail.
40:42Donc je pense que la population sera un agent pour le changement.
40:46On l'espère tous. En tout cas, lisez ce livre, lisez votre livre.
40:49Je dis ça aux éditeurs de Sud Radio.
40:52Vous dites, l'Afghanistan vaincra.
40:55C'est votre souhait le plus cher, Faouzia Koufi.
40:58C'est aussi le nôtre.
40:59Merci d'être venu sur Sud Radio.
41:01Je rappelle que votre livre, « L'être à mes sœurs, la voix des Afghans »
41:04vient de paraître chez Michel Laffont.
41:06Tout de suite, vous retrouvez Brigitte Lahaye sur Sud Radio.

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