Donald Trump menace d'utiliser la force militaire pour annexer le Groenland et le canal du Panama, tout en exprimant son désir d'absorber le Canada. Les réactions de Trudeau et du Panama soulignent que leur souveraineté est inébranlable.
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00:00Avec nous ce matin Jérôme Clèche, consultant BFM TV. Bonjour, merci d'être là face à Patrick Sos, éditorialiste politique internationale à BFM TV.
00:08On parle en fait de cette conférence de presse un peu lunaire, qui est passée un peu inaperçue aussi hier.
00:14Passée un peu inaperçue avec la mort de Jean-Marie Le Pen hier. Donald Trump donc à Mar-a-Lago, dans sa résidence de Floride.
00:21Au départ, il convoque la presse pour parler d'un investissement émirati pour de nouveaux centres de données aux Etats-Unis.
00:26Et puis ça dérive sur la politique internationale. Et tout y passe sur les volontés expansives de l'Amérique et même de Gaza.
00:35Il est question des otages et du hamas. Tiens, on écoute un premier extrait sur les otages.
00:40Si les otages ne sont pas de retour avant mon arrivée à la Maison-Blanche, l'enfer tout entier s'abattra sur le Moyen-Orient.
00:48Et ce ne sera pas bon pour leur hamas. Ce ne sera bon pour personne pour être franc.
00:54Mais son retour à la Maison-Blanche, c'est dans 12 jours. C'est possible, ça ?
00:58Oui, c'est possible. Alors évidemment, pas de faux espoirs, notamment pour les familles des otages français.
01:03Mais en fait, tout le monde aux Etats-Unis veut cette libération.
01:06Joe Biden veut un dernier grand coup d'éclat, justement, dans ces 12 derniers jours, avant de quitter la Maison-Blanche.
01:11Et Donald Trump, en fait, c'est un homme pressé. On va justement en parler. Il veut passer à autre chose. Il a d'autres dossiers en cours.
01:17Alors justement, on va aller passer en revue ces autres dossiers, parce que c'est vrai que les déclarations, Adeline a raison, d'employés qualificatifs,
01:23certaines sont assez lunaires. Incroyable menace contre le Danemark et le Canada.
01:28On va commencer par le Danemark et la question du Groenland.
01:32Sur le Groenland, les gens ne savent même pas si le Danemark a un droit légal sur ce territoire.
01:38Mais si c'est le cas, ils devraient y renoncer, car nous en avons besoin pour notre sécurité nationale. C'est pour le monde libre.
01:46On a besoin du Groenland pour la sécurité nationale des Etats-Unis, Jérôme. C'est sérieux ?
01:51Eh oui, c'est sérieux. Pourquoi ? Eh bien parce qu'avec le dégel prévu et le changement climatique, des routes de l'Asie vers l'Europe vont s'ouvrir.
02:03Des gisements de pétrole et de gaz nouveaux, 10 à 20 % des gisements non connus, sont sous la banquise.
02:10Des enjeux d'approvisionnement en énergie et en matériaux critiques venant de l'Asie se jouent au pourtour de l'Arctique.
02:20Pour avoir le contrôle de l'Arctique, il faut le contrôle du Danemark, du Groenland, le contrôle du Canada.
02:26Le Groenland n'est pas à vendre ?
02:28Il a tenté de l'acheter, Donald Trump, en 2019. Ça n'a pas fonctionné.
02:33Il revient en 47e président avec une sorte d'OPA, d'acquisition agressive.
02:40On a un mélange des genres entre le monde des affaires et un monde des affaires qui est gagé par du militaire.
02:45Ce n'est pas absolument absurde parce que les Etats-Unis ont dévu sur le Groenland depuis le XIXe siècle.
02:49Trump avait voulu récupérer le Groenland.
02:51On se moque de Trump, mais ce n'est pas le premier président à aller lorgner du côté du Groenland.
02:54Ce qui se passe, c'est que l'intérêt est annoncé de façon totalement débridée et on passe d'une stratégie d'influence, de transaction.
03:02On a souvent dit que Donald Trump était transactionnel, à une logique aujourd'hui de prédation.
03:06C'était ça qui était en train de se faire.
03:08J'avais fait un article de Prospective il y a 10 ans qui disait que ça allait se produire.
03:11Trump l'a fait.
03:12C'est de la provocation ou c'est un programme, Patrick ?
03:14Les premières fois qu'on l'a entendu, on a pensé à la boutade.
03:18D'ailleurs, Justin Trudeau, en ce qui concerne le Canada, on y viendra, pensait aussi à la boutade.
03:21Mais il n'a pas déclaré la guerre aux Danois.
03:24Le problème, c'est qu'on est obligé de le croire.
03:27Les menaces sont encore plus précises.
03:29On va en parler sur le canal du Panama.
03:31Mais là, on a l'impression que finalement, tous les textes...
03:35Le problème, c'est qu'il y a déjà un précédent Poutine.
03:37C'est que tous les textes sont en train de déchirer les uns après les autres.
03:41Et le fait qu'un pays membre de l'OTAN déclare la guerre ou veuille annexer un autre pays de l'OTAN,
03:48Canada ou le Danemark, c'est possible.
03:51Ce qui a donné cette phrase incroyable dans le contexte de la mort de Jean-Rémi Le Pen,
03:55c'est la première ministre danoise qui dit « Le Groenland au Groenlandais ».
03:59Un peu comme la France aux Français.
04:01Mais au même moment, le fils de Donald Trump atterrissait au Groenland.
04:04Il y va pour faire du tourisme ?
04:06C'est un message fort.
04:07Il était en courte finale et il montre qu'il atterrisse sur le Groenland.
04:11Il montre de la glace.
04:12Mais ce qui est à l'opposé de l'intérêt que fait le Groenland,
04:17c'est qu'en été, il n'y a plus du tout de glace.
04:19Et comme on le disait, ça devient exploitable.
04:21C'est ça tout l'intérêt.
04:22Il y a une curiosité géographique sur le Groenland.
04:24Parce que ça paraît gigantesque, le Groenland.
04:26Lorsqu'on étale la carte, le Groenland paraît gigantesque.
04:29Sauf que c'est pas très très grand.
04:31C'est quatre fois la France, le Groenland.
04:32Et ça paraît davantage.
04:33Ça paraît davantage parce que, Jérôme le dit,
04:35il y a pour l'instant de la glace qui est en train de fondre.
04:38Et donc, les avantages de cette île,
04:41parce que l'Australie est considérée comme un continent,
04:43c'est double.
04:44C'est à la fois ce qu'il y a dessus et ce qu'il y a autour.
04:47Nous, on a notre façon très française de voir la carte du monde
04:50avec grosso modo l'Europe au milieu, l'Afrique.
04:52Mais si vous retournez un petit peu le globe,
04:54il va vraiment falloir le faire.
04:55Les Russes le font déjà depuis quelques années.
04:57Ils voient la route nord.
04:58Eh bien, vous pourrez voir qu'on va pouvoir passer très vite par au-dessus.
05:02Et surtout, on est passé d'une dizaine de licences de forage
05:06ou d'exploitation du Groenland il y a une dizaine d'années
05:09à une centaine aujourd'hui du nickel, du cobalt, du cuivre, des terres rares.
05:13Tout ce qu'on peut notamment trouver en Chine.
05:16Et ça, évidemment, Trump le sait.
05:17Voilà ce qu'il dit également sur le Canada.
05:21Utiliserez-vous la force militaire contre le Canada ?
05:26Non. La force économique.
05:28Le Canada et les États-Unis, ce serait vraiment quelque chose.
05:31Vous vous débarrassez de cette ligne artificiellement tracée
05:35et vous regardez à quoi ça ressemble.
05:37Et ce serait aussi beaucoup mieux pour la sécurité nationale.
05:41Il publie une carte associant le Canada au territoire américain.
05:47La pression économique pour que le Canada devienne le 51e État.
05:51Mais c'est inconcevable.
05:53Les Canadiens ont très vite réuni leur gouvernement.
05:56Oui, c'est inconcevable.
05:57J'ai déjà, en fait, United States,
05:59et encore, il n'a pas écrit le golfe d'Amérique à la place du golfe du Mexique,
06:03puisqu'il veut renommer ça aussi.
06:06Le problème pour les Américains, c'est qu'ils ont presque autant besoin du Canada
06:11que l'inverse.
06:12Et puis, il y a une donnée tout à fait démographique.
06:14Le Canada, c'est immense, c'est l'un des plus grands pays du monde,
06:16mais c'est 34 millions d'habitants.
06:18Ils sont tous le long de la frontière.
06:20On peut parier que ce sont 34 millions d'habitants
06:22qui voteraient immanquablement démocrate.
06:25Avec, du coup, une population qui est quasiment celle de la Californie,
06:28ça fait une cinquantaine de grands électeurs pour les démocrates.
06:31Et on sait que Donald Trump sait compter
06:33et il sait donc que ça n'est pas possible
06:35et surtout, ça met en péril non plus les Républicains,
06:39mais les Make America Great Again.
06:41Je voudrais qu'on évoque aussi le canal de Panama,
06:43construit par les États-Unis et inauguré en 1914.
06:46Trump dit, voilà, nos bateaux américains,
06:49ils payent trop cher et s'il le faut,
06:51on est prêt à l'annexer par la force.
06:54Eh bien, ça relève du même principe, en fait,
06:56qui est de bafouer le droit international et sa loi d'airain,
06:59qui est la souveraineté des États et l'intégrité territoriale.
07:02Donc, on entre évidemment dans la même logique
07:04qui se pose, j'allais dire, avec moins d'acuité
07:06parce qu'il ne s'agit pas, comme le disait Patrick,
07:09de membres de l'OTAN.
07:10Quand il s'agit de membres de l'OTAN,
07:12le Canada, le Danemark, là, j'allais dire
07:14que ça pose un problème encore plus important
07:17parce qu'effectivement, quelle serait la réaction
07:19des Européens si, effectivement,
07:21pour le Groenland et pour le Danemark,
07:23et il ne l'a pas exclu, il agissait militairement ?
07:26Que pourraient faire les Européens ? Rien.
07:27Mais je n'arrive pas à y croire, Jérôme.
07:29Eh oui, mais il faut envisager.
07:30Ça devient des hypothèses de travail.
07:32Les Européens sont sur la liste.
07:34Donald Trump, dans la foulée, a annoncé
07:36son exigence de 5 % d'efforts militaires
07:39pour tous les pays membres de l'OTAN
07:41s'il souhaite que l'OTAN assure toujours leur sécurité.
07:43On risque d'aller au-devant
07:45d'une division très forte de l'Europe
07:46entre ceux qui feront allégeance
07:47et ceux, on demande lesquels,
07:49feront éventuellement résistance.
07:50Au fond, est-ce qu'il n'y a pas
07:51juste un message général qui est
07:53« l'Amérique retrouve sa grandeur » ?
07:55Oui, mais quelle grandeur ?
07:57C'est quoi, la grandeur de l'Amérique ?
07:58C'est celle qui aide les Européens
08:00à vaincre le nazisme, par exemple,
08:02et qui, ensuite, les Européens,
08:04ou celle qui, justement,
08:06va peut-être refaire le monde.
08:08Je rappelle, le Panama, pour Donald Trump,
08:10c'est assez facile.
08:11Dans la Constitution du Panama,
08:12il est bien inscrit que le Panama n'a pas d'armée.
08:15Mais aussi, là où il connaît très mal son économie,
08:18Donald Trump, malgré ce qu'il peut dire,
08:20parce que les tarifs pour passer le canal du Panama
08:22sont beaucoup moins élevés que ceux
08:24pour passer le canal de Suez.
08:26On revient à une logique du banquet.
08:29Platon.
08:30On ne peut en vouloir aux pays,
08:32enfin, en l'occurrence, aux pays les plus forts,
08:34d'exiger plus que sa part.
08:35En réalité, ce qui se dessine,
08:37c'est qu'une puissance hostile
08:39va pouvoir faire valoir ses droits
08:41par la force.
08:42Et personne ne pourra l'en empêcher.
08:44C'est ce que fait la Russie.
08:45Exactement.
08:46Et c'est ce que pourrait faire la Chine avec Taïwan.
08:48Exactement.
08:49Et donc, ça devient des hypothèses de travail
08:51que l'on ne peut écarter.
08:52Et j'ajoute, pour terminer,
08:54qu'il s'est aussi attaqué aux éoliennes en mer
08:56qui rendent les baleines folles,
08:57ou encore au chauffage électrique.
09:00Selon Donald Trump,
09:01la chaleur du chauffage au gaz est bien meilleure
09:04et ne provoque pas de démangeaisons.
09:07Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
09:09Je ne suis pas expert en chauffage, malheureusement.
09:11Est-ce que c'est un impact chez les Américains,
09:14ce qu'il dit ?
09:15Il n'est même pas encore investi.
09:16Bien sûr, puisqu'ils ont voté pour lui
09:18et ce n'est pas du tout nouveau.
09:20Ils ont voté pour ça ?
09:21C'est un deuxième mandat.
09:22Les gens ont voté en connaissance de cause.
09:25Ils n'ont pas senti encore les conséquences immenses
09:27parce que Trump a beau répéter
09:29que l'Amérique va retrouver sa grandeur,
09:31c'est un monde multipolaire
09:32avec des grandes puissances,
09:33notamment la Chine,
09:34qui partent en guerre commerciale,
09:36voire en guerre tout court,
09:37bientôt dans l'Indo-Pacifique.
09:39Mais les Américains ont choisi Donald Trump
09:42et assez largement.
09:43Merci à tous les deux d'avoir été avec nous ce matin
09:45dans ce 7 Minutes pour Comprendre.