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Henri Guaino, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, était l’invité de #LaGrandeInterview de Thomas Bonnet dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.

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Transcription
00:00Bonjour Henri Guaino. Bonjour.
00:02Merci d'être en direct pour la grande interview sur CNews et sur Europe 1.
00:06François Bayrou a dévoilé lundi son gouvernement.
00:10Quel regard vous portez sur cette équipe ?
00:12Est-ce que vous êtes de ceux qui disent enfin des poids lourds dans ce gouvernement
00:16ou plutôt c'est les revenants comme certains l'estiment ?
00:20D'abord un mot sur la façon dont ça s'est passé
00:23parce que je pense que ça va peser sur l'image du gouvernement.
00:27On a assisté pendant plusieurs jours à une espèce de grand marchandage
00:32entre les partis, chacun comptant le nombre de ministres qu'il allait caser dans le gouvernement.
00:38Je pense que ce spectacle dans les circonstances actuelles
00:41n'a pas amélioré la relation des Français à la politique
00:45et à la classe politique en général, de droite, de gauche, du centre.
00:50Deuxièmement, on aurait peut-être pu éviter de former un nouveau gouvernement
00:54un jour de deuil national.
00:56Est-ce une erreur d'avoir nommé ce gouvernement le jour du deuil national ?
00:59Je pense que c'est une faute.
01:01C'est une faute qui n'a pas l'air de troubler le microcosme politique
01:06ni l'actualité en continu.
01:09Mais quand même, c'est très rare le deuil national.
01:13Le président de la République prend sur lui de décréter un deuil national.
01:18Il y a des dizaines, on ne sait pas encore très bien combien de victimes,
01:23de blessés à Mayotte.
01:26Je pense que la moindre des choses était de sanctuariser cette journée.
01:33Alors qu'on a passé la journée à attendre le gouvernement
01:35et non pas à penser aux Mahorais.
01:38Je pense qu'on n'a pas fait le geste et on n'a pas mis sur ce geste
01:42ces paroles qu'il fallait pour manifester ça depuis le début, d'ailleurs,
01:47de la crise à Mayotte.
01:49On a manifesté notre solidarité, notre compassion à nos compatriotes Mahorais
01:55dont je rappelle, contrairement aux mots du président de la République,
01:58ils sont en France, ils sont de la France.
02:01On ne peut pas leur dire heureusement que la France vous aide.
02:05Vous n'iriez pas dire ça aux habitants des Alpes-Maritimes.
02:07Votre référence au déplacement du président de la République sur place
02:09qui avait dit qu'ils étaient plus aidés que le reste des pays dans l'océan Indien.
02:14Ce n'est pas un pays, ce n'est pas une colonie, c'est un département français.
02:19Je pense qu'il aurait eu besoin d'un peu plus de respect et de considération.
02:22C'était l'occasion de le faire.
02:24Bon, ça n'a pas été fait.
02:26Si on en revient au gouvernement, l'une des nominations les plus commentées,
02:28c'est celle de Gérald Darmanin.
02:29Il a effectué ses premiers pas en tant que ministre de la Justice hier,
02:32déplacement à Amiens puis dans l'Oise.
02:34Il va former avec Bruno Retailleau un tandem poli-justice
02:38que l'on n'a pas vu depuis longtemps.
02:40Au moins, les violons seront accordés entre les deux hommes qui se connaissent.
02:44Est-ce que vous estimez qu'ils sont en mesure de faire bouger les lignes
02:47sur des sujets qui sont très importants pour les Français,
02:50les sujets de sécurité, d'immigration, de réponse pénale ?
02:52D'abord le tandem.
02:54Tous les deux sont des hommes politiques expérimentés.
02:58Gérald Darmanin a une longue expérience ministérielle
03:01depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée.
03:05Je ne suis pas certain que c'était le meilleur endroit où le nommer.
03:12Il pouvait occuper beaucoup de postes dans le gouvernement.
03:15Ce n'était pas le meilleur endroit. Pourquoi ?
03:17Parce qu'il y a quand même un problème symbolique, je trouve,
03:20à nommer l'ancien ministre de l'Intérieur,
03:22avec toutes les tensions que celui-ci a pu avoir avec la justice,
03:29avec à la fois le garde des Sceaux, les magistrats, etc.
03:33On se souvient des manifestations qu'il participait,
03:37de la police contre la justice.
03:39Il faisait son travail de ministre de l'Intérieur.
03:41Défendre les policiers était son rôle.
03:43Mais le nommer au ministère de la Justice,
03:48ce n'est pas forcément un message de conciliation et d'apaisement
03:53envoyé aux magistrats.
03:55Or, je suis un de ceux qui pense que la réforme de la justice est nécessaire,
04:01que devant le caractère assez erratique,
04:06parfois difficilement compréhensible des jurisprudences,
04:09quel que soit le domaine,
04:11vis-à-vis des politiques, vis-à-vis des voyous.
04:13Il y a des réformes à faire, des décisions à prendre dans ce domaine.
04:20Mais la meilleure façon d'y arriver,
04:24c'est plus dans la réflexion apaisée que dans la provocation.
04:28C'est un peu une provocation.
04:30– Vous pensez que c'est une provocation, la nomination de Gérald Darmanin ?
04:33– Je pense que ça sera ressenti par une partie de la magistrature
04:37comme une forme de provocation.
04:39– Est-ce qu'il faut céder à une forme de chantage partie de la magistrature ?
04:41– Non mais le problème c'est que Gérald Darmanin ne dirige pas la magistrature.
04:43On a vu ce qu'ils ont fait à Dupont-Moretti,
04:47avec l'accusation qu'ils ont portée contre lui,
04:56et qui a été jugé, j'allais dire heureusement,
05:00par la Cour de justice de la République,
05:04et non par un tribunal correctionnel.
05:06Mais il ne suffit pas d'avoir un garde des Sceaux
05:11qui dit qu'il se déplace, qui fait des déclarations,
05:14pour que la justice change.
05:17C'est un problème de réforme en profondeur.
05:19Et puis c'est aussi un problème de réforme,
05:21ça ça vaut pour les deux, de notre système juridique,
05:25de la hiérarchie des normes juridiques.
05:27Savoir si la loi française doit l'emporter,
05:30au moins quand elle est postérieure aux traités et aux conventions internationales,
05:35sur les conventions internationales, les directives européennes,
05:39les jurisprudences de la Cour de justice ou pas.
05:41Or, ça n'est pas le cas, et ça, ça ne va pas changer là.
05:43– Justement, c'est très intéressant ce que vous dites.
05:45Est-ce qu'on a encore les moyens d'agir sur un certain nombre de sujets ?
05:48Vous avez parlé des instructions de l'Union européenne,
05:52des juridictions extra-nationales,
05:55en tout cas qui dépendent de l'Union européenne.
05:57Est-ce qu'on a encore la possibilité d'agir sur des questions de sécurité
06:00et de fermeté de réponse pénale ?
06:02– Deux exemples pour faire réfléchir tout le monde,
06:04que je répète sans arrêt.
06:06Le premier, c'est la promesse de rétablir le délit de maintien irrégulier sur le territoire.
06:14Ça n'est pas possible, ça n'est pas la peine de le promettre.
06:17Ça n'est pas possible sans changer la hiérarchie des normes
06:19parce que c'est une jurisprudence de la Cour européenne de justice
06:23que nos juridictions appliquent.
06:25Et d'ailleurs, ce délit a été supprimé du droit français
06:28parce qu'il n'était plus ni appliqué ni applicable par nos juridictions.
06:31Voilà, donc on ne va pas le rétablir avec une simple loi.
06:34Deuxièmement, le refoulement aux frontières,
06:37c'est un principe qui a été exclu par l'Union européenne.
06:43D'ailleurs, Madame Mélanie s'y est heurtée aussi
06:46quand elle a voulu envoyer en Albanie des milliers de réfugiés.
06:51Et donc, ça n'est pas la peine non plus de promettre ça par une simple loi,
06:56par des textes législatifs, encore moins par des circulaires.
06:58Donc, il faut changer notre constitution
07:02si nous voulons sortir de ce qui est, à mes yeux,
07:06une des causes de la crise profonde de la démocratie que nous traversons.
07:09– Parce qu'on est empêchés par des décisions
07:11qui ne sont pas du ressort de nos dirigeants, c'est ça qu'il faut expliquer.
07:14– Ils ne sont pas du ressort de nos dirigeants
07:15parce que personne ne veut changer les choses.
07:17C'est-à-dire, par exemple, nous n'avons jamais ratifié un traité
07:23dans lequel il était écrit que la loi française était inférieure,
07:27dans tous les cas, aux conventions internationales et aux textes européens.
07:35Mais c'est une jurisprudence de la Cour de justice.
07:38Pendant des décennies, jusqu'en 1975 pour la Cour de cassation
07:41et jusqu'en 1989 pour le Conseil d'État,
07:44la loi française l'emportait dans leur jurisprudence
07:48quand elle était postérieure au traité.
07:50Alors après, ils sont revenus à une autre lecture de la constitution.
07:53L'article 55 dit que les traités sont supérieurs à la loi.
07:57Cet article a été écrit dans un contexte radicalement différent.
07:59Le droit international n'avait pas du tout la même prégnance sur le droit interne.
08:03Mais maintenant, il faut changer.
08:05Et ça, c'est une question de volonté politique,
08:08à condition d'en avoir débattu avec les Français, d'avoir un mandat
08:12et il faudra certainement passer par un référendum.
08:16Donc là, vous voyez le courage politique qu'il faut.
08:19Il faut pouvoir aller à la télévision, s'adresser aux Français et leur dire
08:23voilà, je vais utiliser l'article 11, procédure utilisée pour changer la constitution en 62
08:29par le général de Gaulle et même en 69 pour le référendum de 69.
08:35C'est vous qui allez trancher.
08:37Parce que les juristes, le conseil constitutionnel ont l'air de considérer
08:41qu'on ne change pas la constitution de cette façon mais par l'article 89
08:45qui oblige à avoir l'accord des deux chambres en même temps
08:49puis après de passer devant le congrès ou d'aller ensuite au référendum.
08:53Mais ça, c'est de la politique.
08:55Nous ne pouvons pas.
08:57La souveraineté...
08:58– Il faut le décider.
08:59– Il faut le décider.
09:00– Il faudrait que le président de la République assume ce choix.
09:02– Assume ça et que le peuple se tranche.
09:05Avec tous les enjeux en matière de construction européenne que cela représente.
09:09Mais si vous ne faites pas ça, il n'y a plus de responsabilité politique.
09:12Il n'y a que des gens qui vous disent la veille des élections je vais changer
09:16ou qui se promènent partout en disant vous allez voir ce que vous allez voir
09:19et qui ensuite vous disent j'y peux rien.
09:21– C'est heureux, même problème.
09:22– Donc plus de responsabilité politique d'abord
09:24et deuxièmement les élections ne servent plus à rien, plus à grand chose.
09:27Il faut que ça s'arrête.
09:29Il faut que ça s'arrête mais il faut le faire dans un climat apaisé
09:33en respectant un certain nombre de règles et demander au peuple de trancher.
09:37La souveraineté c'est le droit imprescriptible pour un peuple de dire non.
09:41C'est quelque chose qui ne s'abandonne pas mais auquel on peut renoncer à l'exercer.
09:46C'est ce que nous avons fait.
09:47Est-ce que nous continuerons à renoncer à l'exercer ?
09:50C'est-à-dire être maître de notre destin par la voie de la démocratie.
09:53– J'aimerais qu'on revienne sur les conditions
09:55dans lesquelles François Bayrou a été nommé à Matignon.
09:58Il a beaucoup raconté le bras de fer qu'il a opposé au Président de la République.
10:01Certains décrivent aujourd'hui le chef de l'État comme isolé,
10:04comme ayant un peu perdu la main sur son deuxième mandat.
10:08Si vous deviez le conseiller, le Président de la République,
10:12qu'est-ce que vous lui diriez aujourd'hui
10:13pour justement tenter peut-être de reprendre un peu la main sur ce quinquennat ?
10:17– Alors d'abord je me garderais bien d'être le conseiller d'Emmanuel Macron.
10:20Je pense que ces conseillers ont beaucoup de difficultés à le conseiller
10:23parce que c'est quelqu'un qui décide par lui-même, en fonction,
10:27sans le voir gouverner, de ses propres intuitions.
10:30Donc je crois qu'il ne reprendra pas la main.
10:34Voilà, je pense qu'il ne reprendra pas la main.
10:37Tout ce qu'il peut faire, c'est le mieux possible,
10:39exercer les prérogatives qui sont les siennes dans la situation actuelle.
10:44Et vous savez, par exemple, on paye aujourd'hui le fait
10:47que le Nouveau Front Populaire étant arrivé en tête en nombre de sièges,
10:52il n'est pas nommé tout de suite après les élections.
10:55Un candidat venu de la rang qui aurait fait un gouvernement
11:02renversé par l'Assemblée sans doute très très vite,
11:04mais qui aurait levé cette hypothèque.
11:06Pour ne pas l'avoir fait maintenant,
11:08on est toujours en face de cette critique d'illégitimité.
11:14L'illégitimité d'ailleurs qui se pose pour tous les gouvernements qui se succèdent
11:17puisqu'ils n'ont pas la légitimité des urnes, ils n'ont pas de mandat,
11:20ils ne peuvent pas continuer de se comporter comme des gouvernements comme les autres.
11:25La légitimité, il faut la construire avec l'opinion.
11:29C'est difficile et c'est plus long, plus compliqué que la légitimité du vote,
11:36même celle-ci ne dure pas très longtemps face aux épreuves
11:42que les gouvernements rencontrent dans la situation actuelle de notre société et du monde.
11:48Je crois qu'aujourd'hui il faut qu'ils laissent le gouvernement gouverner,
11:53que la question est entre les mains du gouvernement, de l'Assemblée,
11:57d'un président qui ne doit pas gêner l'action gouvernementale en rien,
12:04même pas par ses déclarations.
12:06– Et quand certains estiment qu'il doit partir, qu'il doit quitter l'Elysée,
12:10qu'est-ce que vous en pensez ?
12:12– D'abord je pense qu'il ne partira que sous la pression
12:14et que s'il partait sous la pression,
12:16ça en serait fini de la fonction présidentielle dans la Vème République.
12:23En fait, tout bout à bout et ça en couronnement,
12:27ce serait la fin de la Vème République,
12:29ce serait exactement ce qui s'est passé au début de la IIIème République,
12:32les lois constitutionnelles de la IIIème République
12:34donnaient des pouvoirs considérables au président de la République,
12:36y compris le pouvoir de dissoudre.
12:38Et puis il y a eu le 16 mai 1877,
12:40qui arrive au terme d'une crise institutionnelle,
12:45parce qu'il y a un président de la République de droite,
12:48le maréchal de MacMahon,
12:50et puis une chambre qui est élue très à gauche.
12:53Et on connaît le mot de Gambetta,
12:56le président doit se soumettre ou se démettre
12:58et ça finit par la défaite du président.
13:00Et après il n'y a plus eu de président de la République
13:03qui puisse faire autre chose qu'inaugurer les chrysanthèmes
13:06pendant toute la IIIème République.
13:08Il ne faudrait pas que ça arrive.
13:12Maintenant la pression peut devenir très très forte.
13:14Si le toboggan ministériel s'engage,
13:17comme il s'est engagé sous la IVème,
13:19on est au même...
13:20Est-ce que François Bayrou peut être le dernier Premier ministre d'Emmanuel Macron ?
13:23Est-ce que la chute éventuelle de François Bayrou peut entraîner le président ?
13:25Tout est possible, tout est possible,
13:27mais honnêtement je ne souhaite pas,
13:29ça n'est pas une solution.
13:31Je sais bien que beaucoup de gens veulent mettre les institutions
13:33de la Vème République par terre,
13:34mais pour quoi faire ?
13:35Pour revenir à la IVème, à la IIIème,
13:37pour revenir à toutes les républiques qui ont fini
13:39dans le désastre et dans le drame.
13:42Dans la situation actuelle,
13:44il faut préserver ces institutions,
13:46mais cela peut arriver,
13:48la pression peut devenir très forte,
13:49parce qu'il n'est pas exclu que ce gouvernement
13:52et puis même d'autres qui suivraient
13:54soient engagés sur ce toboggan.
13:56On est déjà en deux ans
13:58à une moyenne qui est celle de la IVème République.
14:00La IVème République c'est des gouvernements
14:02en moyenne de six mois quand on fait le compte.
14:04Et là, on en est au quatrième gouvernement en deux ans.
14:06Merci beaucoup Henri Guaino d'avoir répondu
14:08à mes questions ce matin,
14:09c'était votre grande interview en direct
14:11sur CNews et sur Europe.

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