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Samedi 21 décembre 2024, SMART WOMEN reçoit Ericka Cogne (directrice générale, association Telemaque) , Marie-Anne Barbat-Layani (présidente, AMF) et Audrey Regnier (Directrice Générale, Bohin France)

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00:00Bonjour, bienvenue dans Smart Women, l'émission qui donne le pouvoir aux femmes.
00:08Tous les mois, j'ai le plaisir de recevoir trois invités, trois personnalités qui partagent
00:13la conviction que les femmes doivent prendre leur juste place dans toutes les sphères
00:18de pouvoir économique, politique, médiatique, ce qui signifie qu'elles doivent pouvoir
00:22diriger des entreprises quelqu'un sur la taille, qu'elles doivent intervenir en
00:26tant qu'expertes ou dirigeantes dans les médias, qu'elles doivent occuper des postes
00:31politiques de premier plan, sans oublier le domaine scientifique, la tech et notamment
00:36l'enjeu essentiel de l'intelligence artificielle, bref, nous avons besoin de plus de femmes
00:42en responsabilité pour plus d'équilibre social et plus de performance économique.
00:47Alors aujourd'hui pour en parler, je vais avoir le plaisir de recevoir tout d'abord
00:51Erika Cogne, qui est la directrice générale de l'association Telemac, qui oeuvre dans
00:57l'égalité des chances par l'accompagnement scolaire pour des élèves issus de milieux
01:03moins favorisés, j'aurai ensuite comme grand témoin Marianne Barbaliani, qui est haut
01:08fonctionnaire, qui est la présidente de l'autorité des marchés financiers et qui
01:12est une femme engagée également dans l'égalité hommes-femmes, et j'aurai enfin Audrey Reynier
01:19dont je ferai le portrait, Audrey Reynier est la directrice générale depuis 5 ans
01:25de la manufacture Boin, Boin étant une PME industrielle plus que centenaire installée
01:32dans l'Orne à Saint-Sulpice sur Isle, et qui est le seul fabricant français d'aiguilles
01:37à coudre et de tout autre outil de confection.
01:41Voilà pour le programme, et donc je commence tout de suite avec Erika Cogne.
01:50Bonjour Erika Cogne.
01:51Bonjour Marie-Claire.
01:52Bienvenue dans Smart Women, donc Erika vous êtes la directrice générale de l'association
01:57Télémac, et vous êtes d'ailleurs engagée depuis longtemps dans tout ce qui est égalité
02:02des chances inclusion, puisque auparavant, ça fait 8 ans que vous êtes dans le Télémac,
02:06mais auparavant vous avez également dirigé la fondation Accenture.
02:10Bon, alors tout d'abord parlez-nous en quelques mots de Télémac, que fait Télémac, c'est
02:14une association qui va avoir 20 ans l'an prochain, donc que fait-elle ?
02:18Oui, Télémac nous existons depuis 20 ans en 2025, 20 ans pour promouvoir l'ascenseur
02:25social pour des jeunes issus du milieu modeste, garçons ou filles, on reviendra plus spécifiquement
02:31sur les filles, qui sont identifiés par des professeurs dès la cinquième, comme ayant
02:36un potentiel, mais effectivement scolarisé dans des collèges d'éducation prioritaire,
02:41dans des territoires fragiles, et nous allons les accompagner jusqu'au baccalauréat et
02:46même au-delà, dans leurs études supérieures, on y reviendra, et dans leur insertion, et
02:51également en voie professionnelle, où il y a des pépites, ce sont nos jeunes Télémac,
02:57et nous les accompagnons à travers un double mentorat, une aide financière en plus de
03:01la Bourse d'Etat, et plein d'activités pédagogiques, des visites d'entreprise, une formation à
03:06confiance en soi, des visites culturelles.
03:08Très bien, donc vous vous adressez aux garçons et aux filles, vous l'avez dit, vous les
03:13prenez sur qualité de dossier en cinquième, alors les filles dans cet environnement, est-ce
03:20que c'est spécifique, est-ce qu'il y a des comportements particuliers, quelle est la
03:22proportion d'ailleurs de filles dans vos promotions, dans votre accompagnement ?
03:26Alors quand nous sélectionnons les jeunes, de façon assez étonnante, nous avons plus
03:32de jeunes filles, et d'ailleurs si nous ne régulions pas le point, nous aurions plus
03:38de 70% de jeunes filles, pourquoi ? Parce qu'en fait, en cinquième, les jeunes filles
03:42ont une attitude plus positive face au travail, elles sont plus sérieuses, et elles sont plus
03:47motivées à réussir, trois de nos critères, en plus du critère de milieu social.
03:54Mais effectivement, on rejoint malheureusement un certain nombre d'études, notamment ceux
03:59de l'ADEP, qui attestent qu'au fur et à mesure, et ce malgré l'accompagnement de
04:04Télémac, l'autocensure est plus présente chez les jeunes filles, et donc de facto,
04:11à la fin de notre accompagnement, déjà avec un premier temps, donc au baccalauréat,
04:15nous avons moins de jeunes filles qui ont des mentions, et puis au final, un faible
04:20pourcentage des jeunes filles qui font des études scientifiques, et ça c'est vraiment
04:26regrettable, donc on n'a que 18% de nos jeunes filles qui, à la fin, vont dans des
04:31études d'ingénieurs, alors qu'on a 30% de jeunes filles.
04:35Donc vous partez au départ, vous disiez que c'était étonnant, mais moi à la limite
04:39ça ne m'étonne pas, parce qu'effectivement les filles sont travailleuses, on ne va pas
04:42aller dans les stéréotypes, mais néanmoins c'est un petit peu ça, et donc au fil du
04:45temps, ce chiffre se réduit de façon très excessive, puisque d'arriver à la sortie.
04:51Alors finalement, vous parlez d'autocensure, mais c'est sans doute plus large, c'est l'environnement,
04:56qu'est-ce qui se passe exactement, et qu'est-ce que vous avez mis en place en réponse à cela,
05:00puisque votre but c'est quand même d'arriver à avoir autant de filles que de garçons
05:03sans doute.
05:04Oui, alors l'autocensure, et c'est approuvé par le CNSCO, donc avec une équipe de 22
05:12chercheurs, c'est à la fois l'autocensure de la jeune, de son environnement familial,
05:18de ses professeurs, et de l'ensemble de son quartier.
05:22Donc en fait, finalement pour les jeunes filles, c'est double peine, parce que cette autocensure
05:28est encore plus présente pour elles, dans sa famille, dans son quartier, et même dans
05:34son école.
05:35Donc ce sont vraiment des barrières mentales qu'il est nécessaire de dépasser, alors
05:40pour dépasser ces barrières, on a mis en place plusieurs programmes innovants.
05:45Tout d'abord avec la région Île-de-France, qui a soutenu plus de 300 jeunes filles, qui
05:51vont vers des études scientifiques, donc avec du mentorat, avec plein d'activités, vous
05:56avez d'intelligence artificielle, donc effectivement de la sensibilisation à l'intelligence artificielle,
06:03le forum de la science, des visites d'entreprises, comme Schneider, comme Vinci, et donc au fur
06:10et à mesure, on arrive vraiment à travailler cette ouverture socioculturelle au milieu
06:16scientifique.
06:17Deuxième programme très innovant, avec Colette Lewiner, qui est normalienne, et sa famille,
06:25nous avons cette fois-ci pour les jeunes en première et terminale et dans les études
06:29supérieures, les jeunes filles qui veulent faire des études d'ingénieur ou de médecine,
06:33fait un programme vraiment sur mesure où chaque jeune fille est accompagnée par un
06:38mentor ingénieur en data science, en cybertechnologie, en biotechnologie ou en médecine, notamment
06:45en partenariat avec la Fondation Académie de Médecine.
06:48Et dernier point, et ça j'y tiens, on a monté aussi des partenariats avec des écoles
06:53prestigieuses, donc Paris Tech, Ix, Ginette, et là on a des mentors alumnis qui accompagnent
07:01notamment nos jeunes filles pour lutter contre cette autocensure, et c'est vraiment très
07:06précieux.
07:07Et donc on a très peu de temps, mais les perspectives, très rapidement, les succès
07:11des perspectives, on a une minute.
07:13Oui, alors les perspectives, aujourd'hui nous avons un programme en région Île-de-France,
07:18or nous sommes dans 11 régions, donc nous sommes à l'écoute des autres régions, nous
07:22souhaitons avoir plus d'entreprises qui nous rejoignent, industrielles au-delà des
07:26classiques, EDF, Vinci, et toutes les tailles d'entreprises et de mentors peuvent nous rejoindre,
07:33donc telemac.org, et enfin, je rêve d'une grande campagne qui valorise les profils scientifiques
07:41pour donner envie aux jeunes avec des rôles modèles, et c'est important d'avoir des
07:46rôles modèles, je pense à Amira, malgré le fait que nous existions depuis 20 ans,
07:50qui est notre première jeune fille à intégrer Centrale Paris, qui a été mentorée par
07:55Annie, vice-présidente Schneider, et des jeunes filles comme Amira, on peut en accompagner
08:00des milliers.
08:01Bon, écoutez, avec ce témoignage très très convaincant, bravo, merci, par anticipation
08:06de très bon anniversaire à Télémac pour l'année prochaine, continuez, et d'ailleurs,
08:10vous avez parlé des partenariats, très volontiers, vous avez parlé des partenariats, et je vais
08:14justement recevoir, juste après vous, Marianne Barbalayani, donc l'AMF, et elle est également
08:19mon partenaire, donc on va reparler d'engagement à ce titre.
08:22Merci beaucoup, Erika.
08:23Merci Marie-Claire.
08:24Merci.
08:25Bonjour Marianne Barbalayani, un grand merci d'avoir accepté mon invitation.
08:34Alors, Marianne, je le disais en introduction, vous êtes une femme de pouvoir, dans la mesure
08:39où vous avez occupé plusieurs postes de haut niveau, alors je ne cite pas tout, mais notamment
08:44vous avez été directrice générale de la Fédération des banques françaises, la FBF,
08:49vous avez été secrétaire générale du ministère de l'économie et des finances, et depuis
08:53fin 2022, vous avez été nommée à la présidence de l'autorité des marchés financiers, l'AMF,
08:59donc un poste très prestigieux.
09:01Alors, compte tenu de tout ce que vous avez fait déjà, une première question qui porte
09:07sur votre expérience personnelle, finalement, vous, comment avez-vous vécu et vu votre
09:14position au sein des différents instances où vous avez été, est-ce qu'il y a des
09:18choses notables à dire à cet égard, par rapport à l'idée des femmes, bien sûr ?
09:23Je dirais qu'au grand âge qui est le mien maintenant, chère Marie-Claire Capobianco,
09:29j'ai été très frappée quand même par la progression phénoménale des femmes dans
09:34les postes à responsabilité.
09:36Pour moi, je dirais que de ce que j'ai vu dans le monde de l'administration ou de l'entreprise
09:41d'ailleurs, c'est vraiment la deuxième révolution avec le digital au cours des 30
09:46dernières années.
09:47C'est ce qui a finalement le plus bougé.
09:48Après, ce qui est sûr, c'est qu'il y a un peu de désillusion pour les personnes
09:58qui sortent de leurs études et qui se disent que toutes ces histoires de discrimination,
10:03d'inégalité professionnelle, etc., c'est complètement derrière nous.
10:06En fait, plus on rentre dans le monde professionnel, je parle aussi d'une époque déjà un peu
10:13ancienne et plus on y évolue, plus on se rend compte que ce n'est pas si évident
10:17que ça.
10:18Après, moi, je n'ai pas à me plaindre, j'ai eu des responsabilités très importantes
10:24à la fois en cabinet ministériel, dans l'administration, dans l'entreprise et
10:29maintenant, je suis la première femme qui dirige l'autorité des marchés financiers.
10:33Donc, je dirais que je ne peux pas dire qu'il y a des barrières infranchissables.
10:38Oui, mais souvent, quand on s'adresse à des femmes qui, telles que vous, sont dans
10:42des fonctions comme vous les avez, c'est aussi parce qu'il y a un mix entre opportunité
10:47mais aussi conviction personnelle, énergie personnelle, détermination et le fait d'oser.
10:52Alors justement, pour revenir à la phrase que j'utilise qui est de dire qu'il faut
10:56que les femmes prennent, pas qu'on leur donne, mais qu'elles prennent leur juste
11:00place dans les sphères de pouvoir, est-ce que finalement, vous vous reconnaissez dans
11:04cette phrase ? Est-ce qu'elle vous la trouvez adaptée ou pas ? Et si on prend un peu de
11:09recul, vous avez déjà dit qu'il y avait des progrès, mais qu'est-ce qu'on peut
11:13dire de cette évolution ? Qu'est-ce qu'elles doivent faire pour arriver justement à prendre
11:19cette juste place ?
11:20Alors d'abord, oui, j'aime bien cette phrase parce qu'il se trouve que quand j'étais
11:25secrétaire générale du ministère, je m'occupais notamment des RH, des ressources humaines,
11:30et j'ai eu une action extrêmement volontariste pour imposer l'application de la loi, qui
11:38consistait à nommer dans les postes à responsabilité 40% de femmes.
11:44Et pourquoi je retrouve cette phrase-là ? Parce que c'est vrai que ça n'est pas facile.
11:49Souvent, les femmes ne sont pas candidates, j'exagère un peu, et spontanément, elles
11:55ne sont candidates à rien.
11:56Moi, quand j'ai décidé de façon très autoritaire, d'une certaine manière, d'appliquer la loi,
12:04et c'est quand même une des choses dont je suis le plus fière, quand je suis arrivée
12:07à Bercy, on était loin du compte, quand j'en suis partie, on respectait la loi et
12:11on ne payait plus d'amende.
12:12J'ai bloqué les nominations, donc c'était quand même assez brutal, et évidemment, au
12:18bout d'un moment, les gens se sont tournés vers moi et m'ont dit « bah oui, mais t'es
12:21bien gentille, mais trouves-nous des femmes parce que nous, on n'en trouve pas », parce
12:24qu'il n'y avait pas de volonté de ne pas nommer des femmes, évidemment.
12:27Et donc là, j'ai effectivement été confrontée au fait que les femmes ne sont souvent pas
12:31candidates parce que « ah bah non, mais c'est trop difficile, j'ai pas d'expérience dans
12:36tel ou tel domaine », etc.
12:38Or, comme je m'occupe de RH, je m'occupais aussi des hommes, et j'ai aussi distribué
12:44des bonus dans une vie antérieure, les hommes, eux, n'ont jamais la moindre hésitation.
12:49C'est-à-dire que même quand ils sont très loin du compte, ils ont toujours toutes les
12:53compétences nécessaires pour occuper un poste, mais tant mieux pour eux, je ne critique
12:57pas, je dis juste que…
12:58– Il faut que les femmes y arrivent à ça aussi.
13:00– Et donc il faut que les femmes, presque, soient conscientes du fait que leur première
13:06réaction n'est pas la bonne, et que oui, elles ont tout autant de compétences que d'autres
13:11pour exercer le poste, et qu'elles le feront très bien, et puis voilà, ça se passera
13:16normalement et sans difficulté.
13:18– Non mais alors ça rejoint ce que je voulais vous faire dire également à la suite, c'est-à-dire
13:22qu'au-delà d'être une femme de pouvoir et d'être donc un modèle en cela, vous
13:27êtes aussi une femme très engagée, c'est-à-dire que vous avez, vous l'avez dit, mené des
13:30actions, alors vous parliez de Percy, mais je sais que vous continuez de façon très
13:33affirmée, je l'ai reçu juste avant, Éric Acogne, l'association Télémac dont vous
13:38êtes partenaire, je sais que vous avez également signé la charte Jamais Sans Elles, à la
13:43fois au ministère et à la fois à l'AMF, d'ailleurs j'avais reçu Tatiana également
13:47ici et Natacha pour en parler, donc parlez-nous un peu des actions concrètes que vous menez
13:51pour promouvoir justement cette égalité homme-femme si souhaitable.
13:56– Je pense que ces associations, que ce soit Télémac, on l'a vu, ils sont extrêmement
14:01professionnels et performants, Jamais Sans Elles c'est la même chose, moi je m'appuie
14:05sur des associations parce qu'elles ont un savoir-faire et elles peuvent effectivement
14:11nous faire avancer beaucoup plus vite, et donc ça c'est très important, Jamais Sans
14:18Elles, c'est une manière pour une entité publique, bon il y a des entreprises qui ont
14:22signé avec eux aussi, mais c'est une manière pour nous, AMF, notre parole est recherchée
14:28parce que ce que pense l'autorité des marchés financiers sur tel ou tel sujet, c'est recherché,
14:32donc quand nous allons intervenir à l'extérieur, nous vérifions qu'il n'y a pas que des
14:39hommes sur le plateau ou que des femmes d'ailleurs, ça joue dans les deux sens, et d'ailleurs
14:43quand j'étais à Bercy, ça m'est arrivé une fois d'être confrontée à une situation
14:46où il n'y avait que des femmes, et donc de faire ce que prescrit la charte, c'est-à-dire
14:50de dire que je regrettais qu'il n'y ait pas suffisamment de mixité dans la représentation.
14:54Ça peut paraître anecdotique, voire un gadget, mais en fait ça met le sujet en avant, c'est-à-dire
15:02que tout d'un coup, les gens se disent, mais c'est vrai, est-ce que c'est normal qu'il
15:07y ait, parce que c'est une situation très classique, que moi j'ai connue des milliers
15:10de fois dans ma vie, que des messieurs qui expliquent les choses, et puis une assistante
15:15où il y a des messieurs et des dames qui écoutent.
15:17Non, ce n'est pas normal.
15:18Mais là aussi, il faut que les femmes se manifestent en tant qu'experts, en tant que spécialistes
15:25de tel ou tel sujet, et il y en a plein.
15:27Mais oui, effectivement, il y a une petite pente à remonter.
15:32Merci pour ce témoignage, merci pour l'action engagée.
15:36On a vraiment besoin de tous les rôles modèles, de toutes les énergies pour faire accélérer
15:41le mouvement, parce que le mouvement est engagé, on le voit bien, il y a des progrès significatifs.
15:45Mais néanmoins, il y a encore du chemin, et donc il faut poursuivre ce chemin, on va
15:48le faire ensemble, on va continuer.
15:50Merci beaucoup, Marianne.
15:52Merci, merci beaucoup.
15:58Bonjour, Audrey Régnier.
15:59Écoutez, ravi de vous recevoir enfin dans Smart Women.
16:02Je dis enfin pour la petite histoire, c'est parce que vous deviez venir il y a quelques
16:05mois, et ça tombait absolument le même jour que votre rachat des parts que vous ne déteniez
16:10pas encore dans l'entreprise.
16:12Donc aujourd'hui, grâce à cela, j'ai le plaisir de m'adresser à la directrice générale
16:16et propriétaire, avec votre mari bien sûr, de la manufacture Boin.
16:21Voilà, donc c'est une anecdote qui demandait à être racontée.
16:23Alors, on va parler de Boin, bien évidemment, mais on va aussi parler de vous, donc c'est
16:28un portrait, donc on va redémarrer un petit peu du début.
16:30Donc au tout début de l'histoire, et on va faire très court, mais néanmoins au début
16:33de l'histoire, vous avez voulu arrêter vos études après un bac scientifique parce que
16:37vous aviez l'idée de créer un lieu dans lequel il y aurait différentes activités
16:41qui seraient associées.
16:43En fait, vous étiez en train de créer et d'inventer le concept de tiers-lieu, mot
16:46que vous n'aimez pas, mais néanmoins, c'était un petit peu ça.
16:49Bon, alors racontez-nous très très brièvement l'avant Boin, parce qu'après c'est du Boin,
16:54pur sucre tout le temps.
16:55Alors j'ai un très fort caractère, j'ai toujours eu, et à 18 ans, je décide d'arrêter
17:00mes études.
17:01J'ai fait un bac S à la demande de mes parents et non pas à la demande de mon cœur.
17:04J'ai mon bac, je suis plutôt bonne élève, et donc je dis à mes parents, j'arrête
17:09tout, j'ai un super projet, j'ai le lieu.
17:11Je sais ce que je vais en faire, ça va être super, j'ai des plans, j'ai tout préparé.
17:14Et mes parents m'écoutent et à la fin me disent, hors de question, tu vas continuer
17:18tes études.
17:19Donc en fait, j'ai continué mes études, je suis partie en gestion administration
17:24et d'entreprise, et puis après je continue en événementiel.
17:26Et au final, je me suis retrouvée avec un bac plus 5, ce qui m'a quand même bien aidée
17:29pour la suite de ma carrière.
17:30Bien sûr.
17:31Vos parents avaient bien raison.
17:32Entre temps, vous avez rencontré votre mari, ce qui était également très bien, parce
17:34que ça vous permettait d'envisager l'avenir ensemble dans de bonnes conditions.
17:37Exactement.
17:38Et toujours dans les années 2011, si je me souviens bien, votre père, qui n'avait pas
17:42oublié votre rêve malgré tout, vous invite à aller prendre connaissance d'une offre
17:47d'emploi qui parlait visite touristique, industrielle, visite d'usine.
17:51Donc ça a été le choc.
17:52Donc racontez-nous cette entrée dans le monde bohain.
17:54En fait, dans le réseau de mon père, qui était chef d'entreprise dans l'Orne, j'entends
17:59parler de ce fameux musée d'une entreprise, et ça ne m'intéresse pas du tout, parce
18:04que moi qui ai vécu en fait dans l'Orne adolescente, en rébellion contre mes idées
18:08d'adolescente, je ne voulais pas vivre dans l'Orne.
18:10Alors qu'aujourd'hui j'y suis, j'y suis très heureuse, mais en tout cas à l'époque
18:13je m'étais dit, moi jamais dans l'Orne, je ne travaille pas du tout dans un musée,
18:16je veux travailler à l'international, dans le marketing, la communication, etc.
18:19Et puis en fait, j'ai des jours en trop, et là je me dis, bon allez, j'y vais, je vais
18:24aller voir, je suis curieuse, et mon père m'avait dit, toi qui voulais être styliste
18:29et dans petite, ils fabriquent des aiguilles à coudre, et en plus ils ont une roue hydraulique.
18:33Alors je ne sais pas pourquoi, mais ça m'a charmée, cette roue hydraulique m'a charmée,
18:38donc je suis en fait allée voir cette entreprise, et je me souviens, c'était un matin d'hiver,
18:43donc c'est très bleu, grand soleil, même dans l'Orne, et je suis tombée amoureuse
18:49en fait des bâtiments, en me disant que c'était une pépite, dans une vallée verte, méconnue,
18:54et en fait, de fil en aiguille, c'est le cas de le dire, je suis tombée amoureuse
19:00des machines, des personnes qui avaient ce savoir-faire, et puis surtout je me suis rendue
19:03compte que ce n'était pas du tout un musée, c'était une visite d'entreprise, et en fait
19:07finalement, à 25 ans, on me faisait confiance pour me laisser la gestion du projet,
19:11presque de B à Z, parce qu'on m'était ficelée bien sûr en amont, mais en fait j'avais une grande liberté
19:18pour pouvoir mener à bien un projet d'entreprise.
19:20Donc c'est l'entrée chez BO1, par ce côté-là, bon alors, tout ça, ça a duré 6-7 ans,
19:26et c'est en 2018 que vous rentrez dans le dur en quelque sorte, puisque c'est là que vous faites
19:30un rachat partiel de l'entreprise, alors l'entreprise qui est plus que son tonnerre,
19:34mais qui avait entre-temps été en liquidation judiciaire, qui avait été reprise,
19:37donc qui avait déjà connu des aventures, et vous donc en 2018, avec votre mari,
19:41vous faites un rachat partiel de l'entreprise, et vous êtes pleine d'énergie,
19:44bon, et là, ce n'est pas tout à fait facile pour vous, donc...
19:47Non, alors on avait mon ancien PDG, donc départ en retraite, et on se positionne en fait
19:53pour racheter l'entreprise, alors Fabien, mon mari, était dans la banque,
19:56et j'avais besoin absolument d'un bras droit de confiance sur la partie financière,
20:00donc c'est pour ça que je l'ai débauchée, donc on a racheté ensemble, et on avait un associé,
20:04associé, donc qui est parti depuis juin, et c'est le moment loupé, ensemble,
20:08et en fait, on rachète l'entreprise, et honnêtement, c'est le début des catastrophes,
20:11on perd en fait la moitié du chiffre d'affaires, en tout cas sur le papier,
20:15le premier mois, avec le départ de clients, avec des difficultés de clients,
20:19avec aussi des sorties de fournisseurs, on a aussi notre dernier, qui a 7 mois,
20:24qui fait une défaillance générale, qui est entre la vie et la mort,
20:27au CHU de Caen, à 1h35 de chez nous, et on a les deux grands qui ont 4 ans et 1 an à gérer,
20:33et puis on a malheureusement le départ d'un collaborateur qui ne revient pas à la suite d'un salon,
20:43et qui est pour nous en fait une perte immense, qui met à mal en fait notre mental, notre cœur,
20:49mais aussi qui met à mal beaucoup l'entreprise, parce que c'était lui qui gérait toute la relation commerciale.
20:54Donc vraiment une année...
20:55Donc vous avez passé une année, c'est ça, c'est l'année 2018 ?
20:59Et puis 2019 aussi, il y a eu d'autres choses aussi en 2019, mais voilà, et jusqu'à...
21:05Alors attendez, attendez, on va y arriver, mais c'est intéressant de commenter cette partie compliquée de votre parcours,
21:11parce que finalement vous aurez très bien pu arrêter à ce moment-là, vous avez été sur le point de dire on va y arriver,
21:16pour autant vous avez la foi de l'entrepreneur, donc chevillé au corps, et donc vous avez poursuivi,
21:20et c'est ça qui est important.
21:22Après tout ça, il y a beaucoup de personnes qui m'ont dit mais t'as jamais pensé à arrêter,
21:26et je ne me suis jamais posé la question, parce qu'en fait, d'une, concrètement, vous avez des emprunts bancaires,
21:32et puis de deux, vous ne pouvez pas laisser des personnes sur le carreau comme ça,
21:34donc en fait vous n'avez pas le choix de relancer les ventes.
21:37Mais c'est l'entrepreneur, vous décrivez la mentalité de l'entrepreneur.
21:40C'est ça.
21:41Très bien, alors le Covid arrive, pour vous c'est...
21:43C'est la meilleure période de ma vie.
21:46Le Covid m'a sauvée je pense, parce qu'honnêtement après ces deux années chaotiques, catastrophiques,
21:52on était encore de nouveau dans une galère à ce moment-là,
21:55et quand le Covid est arrivé, je me suis dit bon bah écoute Audrey,
21:57chacun rentre chez soi en bonne santé.
22:00C'était vraiment ce qui m'inquiétait en premier lieu.
22:03On perd à ce moment-là 40% du chiffre d'affaires,
22:05parce que nous notre visibilité elle est de 48 heures dans la mercerie.
22:08On ne fait que simplement du réapprovisionnement de nos clients.
22:11Donc le jour où le confinement est annoncé, je perds tout mon chiffre d'affaires en une heure.
22:16Et là je me dis bon de toute façon, on en a vu d'autres, on en verra d'autres,
22:19et puis on se débrouillera, on trouvera des solutions,
22:22mais au moins chacun est chez soi.
22:23Moi j'ai pu rester chez moi pendant cinq semaines avec mes enfants qui étaient encore petits,
22:27que je ne voyais pas, parce qu'en fait je passais mon temps à l'entreprise
22:30pour sauver tout le monde et sauver l'entreprise.
22:33En plus il faisait beau en Normandie, j'avais un jardin,
22:37donc clairement ça a été la belle vie.
22:38Et puis à la fin de ces cinq semaines, la mercerie a été placée en bien de première nécessité.
22:43Voilà, donc là tous les clients ont commencé à appeler parce qu'ils voulaient réouvrir les magasins,
22:47pour que les gens puissent faire leurs propres masques,
22:50parce qu'il n'y avait pas assez de masques en France à l'époque.
22:52Et donc là on a commencé à faire revenir l'activité,
22:55et bon an, mal an, à la fin de l'année, donc à la fin décembre,
22:58on était à plus 3% de chiffre d'affaires, donc on est passé de moins 40% à plus 3%,
23:02et on a eu une grosse croissance pour répondre aux besoins et à la demande, notamment française.
23:07Alors parlez-nous maintenant de BO1, de ce qu'est BO1 désormais,
23:11donc un peu la carte d'identité de l'entreprise,
23:13les défis auxquels vous êtes désormais confrontés, mais des défis positifs.
23:17Oui, alors maintenant BO1 c'est une entreprise qui est vraiment,
23:20qui est reconnue dans notre domaine d'activité, dans notre secteur,
23:24comme audacieuse, comme fun, et pour autant très traditionnelle en fait sur la qualité de ses produits.
23:30On est très authentique, on a 191 ans, donc on connaît bien notre métier.
23:34Dans les enjeux en fait aujourd'hui...
23:36Vous êtes le seul fabricant français.
23:38Oui.
23:38Et vous m'avez dit que vous étiez dans le monde, il y avait 4-5 fabricants au total.
23:41On n'est que 5 fabricants et consortium au monde à fabriquer des aiguilles à coudre.
23:45Et je rappelle juste quelque chose, c'est que sans aiguilles, nous serons tous tout nus.
23:48Oui, absolument.
23:49C'est hyper important de fabriquer des aiguilles en France.
23:52Alors justement, donnez-nous quand même quelques détails,
23:54c'est des aiguilles, mais c'est pas que des aiguilles, c'est la pelote, c'est tous les outils de convection.
23:58Et par rapport à ça, il y a ce que vous fabriquez vous-même,
24:01et il y a ce que vous achetez.
24:03En fait BO1, il y a 3 casquettes.
24:05La première, fabrication ancestrale, traditionnelle, aiguilles à coudre,
24:09bracelets pelote, épargne de la tête de verre, etc.
24:12Ça c'est 15 à 20% du chiffre d'affaires.
24:13La deuxième casquette, qui est la plus grosse casquette, c'est le négoce international.
24:17Donc là, on va travailler avec des fabricants qui travaillent le bois, la craie, le plastique, etc.
24:21que nous, on ne travaille pas.
24:22Et qui vont fabriquer des produits du même niveau de qualité que notre propre production.
24:26Et on va mettre notre logo dessus, parce que c'est un label de qualité.
24:29Donc ça, c'est la partie négoce.
24:30Et puis, on a 3% du chiffre d'affaires qui est représenté par le tourisme industriel.
24:35Puisque notre prise se visite.
24:36Vous avez continué à faire ça, effectivement.
24:37On a continué, on a 10 000 visiteurs par an qui viennent au contact des salariés
24:41pour découvrir la production et le savoir-faire.
24:42Et vos clients, vous faites du B2B2B2C, en bon français.
24:48Donc, vos clients, c'est qui ?
24:50Et puis, il y a un petit site e-commerce qui commence également.
24:52On a créé un site e-commerce pour les personnes qui sont vraiment les aficionados de la marque.
24:56Qui ne veulent que du borin, acheter du borin et avoir tout le catalogue.
24:59Parce que quand on vend nos produits à nos clients, ils ne prennent qu'une sélection.
25:01Donc là, au moins, on a tout.
25:03Donc nos clients, en fait, ce sont le premier bit.
25:06Ce sont soit des magasins de tissus spécialisés, soit des grossistes,
25:10soit des ateliers de confection ou des touristes qui revendent les ateliers aussi.
25:14Et puis après, les grossistes vont revendre à des merceries.
25:16Et les merceries vont revendre au grand public.
25:18Donc c'est là, l'escalade est un petit peu lourde.
25:21Mais voilà.
25:22Et vous m'avez dit que, après vous me parliez des défis aussi,
25:24mais vous m'avez dit que vous aviez notamment une partie de clients à l'export et aux Etats-Unis.
25:29Et vous m'avez dit que les Etats-Unis, c'était le patchwork.
25:31Exactement, voilà.
25:32En France, en fait, on est sur toutes les disciplines.
25:34Aux Etats-Unis, on est presque exclusivement sur le patchwork.
25:38Aux Etats-Unis, c'est culturel.
25:39Tout le monde fait du patchwork.
25:42C'est dans leur tradition, c'est dans leur histoire.
25:44Et surtout, quand on fait du patchwork,
25:46on a besoin d'outils de grande précision et de très grande qualité.
25:49Parce qu'un patchwork, ça peut durer des années et des années à faire.
25:52Donc, on n'a pas envie d'avoir de mauvais outils quand on y met autant de temps et autant d'amour.
25:56Bien sûr, bien sûr.
25:57Alors aujourd'hui, donc, parce que je rappelle que vous êtes une belle PME.
26:00Enfin, une belle PME, assénée dans son territoire.
26:03Je le dis parce que les chiffres sont importants, rentables.
26:07Donc, vous avez réussi à redresser également la marge, ce qui est très bien.
26:10Alors, les défis essentiels aujourd'hui, c'est quoi ?
26:13Défi, c'est de passer à la moitié du chiffre d'affaires à l'export.
26:15Aujourd'hui, on fait 30% à l'export.
26:17On voudrait passer la barre des 50% à l'export,
26:20avec notamment la cible des Etats-Unis en priorité.
26:23Deuxième enjeu, c'est vraiment de pouvoir aussi investir dans la logistique chez nous.
26:26Aujourd'hui, on fait tout à la main.
26:28Donc, ça marche très bien, mais c'est beaucoup d'inconfort aussi pour les équipes.
26:32Donc, aujourd'hui, il existe quand même des méthodes
26:35pour pouvoir travailler la logistique de façon plus confortable.
26:37Donc, ça, c'est le deuxième enjeu.
26:39Et puis, le troisième enjeu, c'est de pouvoir se déployer encore plus sur le marché français,
26:43puisque comme, en fait, on ne vend pas ou très, très peu en direct,
26:47on ne maîtrise pas, en fait, notre implantation sur le territoire.
26:50Donc, on a un gros enjeu aussi de communication et de marketing auprès de l'image d'entreprise
26:55et de l'attractivité de la marque auprès du grand public.
26:58Donc, voilà, des enjeux.
26:59Et ça, c'est qu'une partie parce qu'on a toujours plein d'idées.
27:01Il faut que je vous réinvite dans quelques temps pour que vous en parliez.
27:03Bon, malheureusement, le temps, on ne l'a plus.
27:06Donc, on ne peut pas parler de vos engagements.
27:07Mais par ailleurs, vous êtes engagée aussi dans l'accompagnement de l'entrepreneuriat
27:11sur le territoire, Femmes et Challenges, etc.
27:13On aura une prochaine occasion d'en parler.
27:16En tout cas, merci pour ce témoignage.
27:17J'espère que beaucoup d'entrepreneurs, notamment des femmes, mais pas que, vont l'entendre,
27:21parce que ça montre bien que si on a vraiment la volonté, on y arrive.
27:25Ça peut être difficile, mais on peut y arriver.
27:26C'est un bel exemple de résilience.
27:29Voilà, merci pour tout ça.
27:31Donc, écoutez, cette émission est terminée.
27:33C'était la dernière de 2024.
27:35Je vous souhaite d'excellentes fêtes et je vous donne rendez-vous en 2025.
27:39Merci.