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Samedi 9 décembre 2023, SMART WOMEN reçoit Tatiana Jama (Co-fondatrice, Collectif Sista) , Martine Liautaud (Présidente fondatrice, Women Initiative) et Delphine Hanton (Directrice générale, Groupe Thuasne)

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Transcription
00:00 (Générique)
00:03 -Bonjour. Bienvenue dans "Smart Women",
00:05 l'émission qui donne le pouvoir aux femmes.
00:07 Chaque mois, des personnalités, des hommes, des femmes,
00:11 viennent y témoigner de leur conviction
00:13 que les femmes doivent prendre leur juste place
00:16 dans l'ensemble des sphères de pouvoir,
00:18 économique, politique, médiatique.
00:20 Et ce n'est pas une question simplement de justice sociale.
00:25 C'est au moins autant, voire surtout,
00:27 une question de performance, c'est-à-dire de croissance économique,
00:31 de création de valeur, sans oublier aussi, sans doute,
00:34 le fait d'écrire un avenir plus équilibré,
00:38 parce que, n'oublions pas que l'intelligence artificielle
00:42 joue et jouera de plus en plus de rôles
00:44 dans, justement, cette écriture du futur de nos sociétés,
00:47 et que si cette écriture se fait
00:49 avec des représentants de la moitié de l'humanité,
00:52 qui pourrait penser que c'est une bonne chose ?
00:56 -Voilà. Donc, aujourd'hui, pour illustrer tout cela,
00:59 je vais avoir le plaisir de recevoir tout d'abord Tatiana Jama.
01:03 Tatiana Jama est la cofondatrice du collectif Sista,
01:08 fondatrice d'un fonds d'investissement Sistafone.
01:11 Tatiana Jama était venue en juin 2022
01:14 nous parler du collectif Sista.
01:16 Nous ferons un point d'étape sur ce qui s'est passé depuis lors.
01:20 Viendra ensuite Martine Le Tau,
01:22 Martine Le Tau, qui est une ex-banquière d'affaires,
01:25 une grande dame engagée dans la philanthropie
01:28 en faveur du développement, du leadership des femmes.
01:33 Elle est à ce titre présidente d'une fondation qu'elle a créée,
01:37 la Women Initiative Foundation.
01:40 Martine Le Tau sera notre grand témoin.
01:42 Ensuite, je ferai le portrait de Delphine Anton,
01:45 qui est la directrice générale du groupe Thuan,
01:48 la sixième génération du groupe Thuan,
01:51 un groupe Thuan qui est une de nos belles ETIs,
01:53 très innovante, spécialisée dans tout ce qui est
01:57 dispositifs médicaux, textiles.
02:00 Voilà.
02:01 Tout de suite, je commence avec Tatiana Jama.
02:04 Bonjour, Tatiana Jama.
02:10 -Bonjour, merci.
02:12 -Ravie de vous retrouver sur ce plateau.
02:14 Et encore merci d'avoir pris le temps de venir
02:17 alors que vous êtes en plein travail de lever de fond.
02:20 Je vous ai dit en introduction,
02:22 je rappelle que vous êtes cofondatrice
02:25 du collectif Sista et que vous êtes également
02:27 présidente, fondatrice, dirigeante de Sista Fun,
02:32 dont vous allez nous parler ensuite.
02:34 Vous avez fait partie, Tatiana, de mes trois premiers invités.
02:38 C'était le 4 juin 2022, donc vous voyez, 18 mois déjà,
02:42 et c'était la première émission de Smart Women.
02:44 J'avais souhaité, dès le départ, mettre l'accent
02:47 sur ce qui est une "anomalie importante",
02:50 le fait que les femmes soient uniquement des signatrices,
02:54 finalement, de 2 à 3 % du montant des capitaux
02:57 levés en ventures, notamment.
02:59 Voilà. Donc, bon, ce point-là,
03:01 vous étiez venue en parler lors de cette émission.
03:04 C'est intéressant, 18 mois après,
03:06 de faire un constat sur un point d'étape.
03:08 C'est toujours bon, au-delà de ce qu'on a dit,
03:11 de voir comment les choses se passent réellement.
03:14 Après, vous nous parlerez du fond.
03:16 Première question, où sommes-nous, aujourd'hui,
03:19 sur ce funding gap ?
03:20 Que s'est-il passé ?
03:21 -Effectivement, on a commencé,
03:23 on a lancé l'association en 2018,
03:27 je pense, sur un coup de gueule assez sincère,
03:31 quand on a découvert que seuls 2 % des financements du venture,
03:35 donc de l'argent qui finance l'innovation,
03:37 allait à des équipes 100 % féminines.
03:39 Je pense qu'il y a eu un vrai avant et un après, ce chiffre,
03:43 parce qu'on n'avait pas de data suffisante
03:45 pour essayer de comprendre le problème.
03:48 Quand on n'a pas de data, le problème,
03:50 c'est que chacun donne son interprétation,
03:52 ce qui n'a pas de sens sur un sujet aussi important.
03:55 Et donc, ce qui s'est passé,
03:57 c'est qu'on a structuré cette initiative,
04:00 Sista, à travers une association, l'OI 1901.
04:03 Aujourd'hui, on a 3 grands pôles,
04:05 un pôle entrepreneur où on aide les femmes à lever des fonds,
04:08 on a levé 200 millions avec elles,
04:10 c'est un chiffre important, on en est très fiers.
04:13 L'idée, c'est qu'on a des cohortes
04:15 qui sont sponsorisées par un certain nombre d'entreprises,
04:18 BNP en a sponsorisé, la Française des Jeux, AXA,
04:21 et je pense que c'est un problème extrêmement efficace
04:24 parce qu'on ne fait que ça, on les aide à lever des fonds.
04:27 On a une communauté d'investisseuses
04:29 qu'on aide aussi à monter en termes de carrière
04:32 et créer un échange entre pairs,
04:34 puisqu'il y a peu, finalement, de network,
04:36 alors qu'on sait que le réseau est fondamental
04:39 et que les femmes en manquent.
04:41 Donc, on a une communauté d'investisseuses
04:44 et on travaille beaucoup autour de la data,
04:46 puisque c'est notre angle, se dire qu'il faut mesurer les femmes,
04:49 compter les femmes pour que les femmes comptent.
04:52 -On parlera un peu du baromètre
04:55 en termes, justement, de data.
04:57 Je rappelle simplement que vous aviez fait...
04:59 Le collectif a fait signer une charte.
05:02 Cette charte était assez fondatrice,
05:04 puisque les 300 fonds d'investissement
05:06 ont signé la charte en question,
05:08 à la fois pour la mixité des équipes
05:10 et la mixité des entreprises accompagnées.
05:13 -Tout à fait.
05:14 Ca a été assez structurant dans notre histoire,
05:16 puisque l'idée était de se dire
05:18 comment on fait pour, collectivement,
05:20 arriver en 2025 à faire en sorte
05:22 que les fonds d'investissement aient dans leur portefeuille
05:25 au moins 25 % d'entreprises
05:27 avec au moins une femme cofondatrice.
05:29 Ca, c'est l'objectif.
05:30 On commence à arriver très près de 2025.
05:32 -On est de bon y a 25. Justement, dites-nous.
05:35 -Donc, les chiffres, je pense, vont sortir bientôt.
05:39 Et forcément, il y a du bon et du mauvais,
05:42 mais je pense qu'on n'est pas du tout
05:44 là où on espérait être, malheureusement.
05:46 Ce qu'on remarque, c'est que les équipes féminines
05:49 sont toujours aussi peu financées.
05:51 Par contre, il y a un petit plus
05:53 sur ce qu'on appelle les équipes mixtes,
05:55 ou "gender balance",
05:56 où il y a au moins une femme cofondatrice.
05:58 C'est des équipes hommes-femmes,
06:00 sachant que c'est la catégorie qui nous intéresse,
06:03 puisque la diversité est facteur de performance.
06:06 -C'est l'équilibre qui est important.
06:08 -Tout à fait. Donc, on avance avec les fonds d'investissement,
06:11 à travers ce qu'on appelle les "inclusive hours",
06:14 où ils vont ouvrir les portes de leurs fonds à des femmes
06:18 pour essayer de faire comprendre ce monde
06:22 qu'est le venture capital,
06:24 et faire en sorte qu'il y ait plus de femmes qui lèvent des fonds.
06:27 On a pas mal d'initiatives dans ce sens-là,
06:30 et on espère que les chiffres seront un peu meilleurs.
06:33 -On sent que vous dites que le chemin est long.
06:35 -Le chemin est long.
06:37 -Il est assez abrupt, mais il faut le faire,
06:39 et donc on va y arriver.
06:41 -Le baromètre que vous faites tous les ans,
06:43 puisque votre mantra, c'est "il faut compter les femmes
06:46 "pour que les femmes comptent",
06:48 vous faites un baromètre annuel avec le BCG.
06:50 Que donne, comme enseignement, la version de cette année ?
06:54 -Bah, on va... La version...
06:55 Oui, c'est vrai que c'est cette année.
06:58 La version qu'on a sortie il y a quelques mois
07:00 montre qu'effectivement, si on compte les équipes femmes
07:03 et les équipes mixtes, on est plutôt autour de 20 %,
07:06 et donc c'est là où on voit une nette amélioration.
07:09 C'est finalement assez positif,
07:11 car les entrepreneurs femmes et hommes ont envie de...
07:14 -De travailler ensemble. -De travailler ensemble.
07:17 Ce qui nous arrange, puisqu'on veut accélérer l'égalité
07:20 hommes-femmes à travers l'accès du financement
07:23 et le fait d'avoir plus de diversité dans les équipes.
07:26 -Vous avez depuis lancé, et vous avez continué,
07:28 le fonds Sista Fund.
07:30 En quelques mots, où en est-il ? Quels sont les objectifs ?
07:33 -Alors, l'objectif a toujours été d'atteindre
07:36 une taille critique de 100 millions d'euros.
07:38 L'idée, c'est de lever un véhicule de 100 millions d'euros
07:41 pour financer des équipes féminines,
07:44 mais aussi des équipes gender balance,
07:46 puisque la mission du fonds, comme la mission de Sista,
07:49 est d'accélérer l'égalité hommes-femmes
07:51 à travers l'accès au financement
07:53 et le renforcement du pouvoir économique de ces femmes.
07:56 Aujourd'hui, on est une équipe, chez Sista Fund,
07:59 de 7 personnes.
08:00 J'ai une managing partner qui nous a rejoints
08:03 il n'y a pas longtemps, Isabelle Gallo,
08:05 qui est une jeune femme extrêmement expérimentée,
08:08 donc dans le venture,
08:09 et on a investi dans 6 incroyables sociétés.
08:12 Je pourrais vous en parler des heures,
08:14 mais on n'a pas des heures.
08:16 Mais juste pour...
08:17 D'un côté, on a fait un premier closing
08:19 avec la FDJ, la BNP, L'Oréal,
08:21 comme Corpora a été beaucoup d'entrepreneurs engagés.
08:24 On fait un deuxième closing qui arrive bientôt
08:27 avec beaucoup d'acteurs institutionnels.
08:29 Et en tout cas, tout se passe très bien,
08:32 parce qu'on a un fonds, une équipe,
08:35 des entreprises incroyables,
08:37 et puis surtout, on remarque,
08:39 contrairement à ce qu'on nous disait,
08:41 on a un deal flow exceptionnel.
08:43 -C'est intéressant, c'était l'un des sujets.
08:45 -On manque de viviers,
08:47 alors que le vivier n'est pas du tout un sujet.
08:50 -C'est très bien.
08:51 On va se donner rendez-vous dans encore 12 ou 18 mois
08:54 pour faire le point, donc vous allez continuer.
08:57 Mais bon, c'est vrai qu'on voit bien
08:59 qu'il y a beaucoup de volonté,
09:01 beaucoup de détermination,
09:02 mais c'est pas gagné, donc il faut continuer.
09:05 -Tout à fait. -On va vous laisser
09:07 continuer à travailler. -Merci.
09:09 -Merci beaucoup, Tatiana. -Beaucoup de mains reçues.
09:12 -Bonjour, Martine Le Tau. -Bonjour.
09:18 -J'ai eu vraiment grand plaisir à vous recevoir sur ce plateau.
09:23 Vous qui menez une action discrète en termes de communication,
09:27 mais ô combien résolue et efficace dans les faits,
09:31 justement, l'accompagnement philanthropique
09:34 du développement du leadership des femmes.
09:36 Donc, je l'ai dit dans mon introduction,
09:39 vous avez derrière vous
09:41 une carrière très réussie de banquière d'affaires,
09:45 donc vous avez gravi des échelons nombreux,
09:49 vous allez nous en parler un peu,
09:51 mais il y a une dizaine d'années,
09:53 vous avez décidé, selon le terme élégant,
09:56 de rendre à la société, entre guillemets,
09:58 d'avoir une action philanthropique
10:00 sur le thème qui vous intéressait,
10:02 l'accompagnement de la promotion des femmes
10:05 dans le monde économique,
10:06 au niveau entrepreneurial ou des salariés
10:09 de groupes plus importants.
10:11 C'est là que vous avez créé votre fondation,
10:13 Women Initiative Foundation,
10:15 dont vous êtes toujours la dirigeante
10:18 et qui a depuis grandi, vous allez nous en parler.
10:21 Je voulais commencer par la première question,
10:24 parce que comme vous êtes notre grand témoin,
10:27 je vais bien sûr vous demander,
10:29 puisque vous avez fait un parcours de très haut niveau
10:32 et que vous étiez encore,
10:34 mais qu'il était surtout énormément,
10:36 au départ, très masculin,
10:38 comment ça s'est passé pour vous ?
10:40 Qu'avez-vous pu nous dire
10:41 sur les évolutions que vous avez pu constater
10:44 sur le comportement global en face de femmes
10:47 dans le monde financier ?
10:49 -C'est de la banque d'affaires dont j'étais...
10:51 -Encore pire, si on peut dire.
10:53 -C'est peut-être celle qui a le moins évolué.
10:56 Je suis rentrée grande stagiaire à la banque de Suez,
10:59 qui était la première femme grande stagiaire.
11:02 Il y en avait 20 par an dans tout le groupe Suez.
11:05 Et donc, ça a été à la fois une chance,
11:07 parce que comme j'étais évidemment seule,
11:10 on attendait peu de choses de moins, a priori,
11:14 mais enfin, j'étais visible.
11:16 Voilà. Et donc...
11:18 Et donc, en fait, ça a très bien évolué,
11:21 puisque je suis devenue assez rapidement directeure de banque,
11:25 après associée de la partie banque d'affaires du groupe Suez,
11:30 et j'ai démissionné, en fait, au moment où j'allais passer
11:34 présidente de la banque d'affaires du groupe Suez.
11:37 Alors, pourquoi ?
11:38 Parce que je voulais créer ma propre institution.
11:41 -Entrepreneur. -Voilà.
11:43 J'étais entrepreneur dans l'âme, et donc, je voulais avoir
11:46 une société qui, en fait, ressemblait aussi à mes valeurs,
11:50 mais qui était aussi les valeurs de la banque indo-suez,
11:53 puisqu'elle était devenue indo-suez.
11:56 C'était une banque qui était très intéressante,
11:59 parce que c'était une des deux banques d'affaires
12:01 à l'époque de Paris, puisqu'il y avait la banque Paris-Bas,
12:05 et puis le Challenger, la banque indo-suez,
12:07 une banque très dynamique.
12:09 Le fait d'avoir été, je dirais, seule longtemps,
12:12 m'a donné le goût de la diversité,
12:14 parce que... Alors, j'en ai pas tellement souffert
12:17 dans la mesure où j'avais trois frères, moi.
12:20 -C'est une moyenne entre le plan familial et le plan...
12:23 -J'étais entourée d'hommes, mais je dirais que,
12:26 comme c'était des grands groupes, on ne m'a pas fait de cadeaux,
12:29 et je n'ai pas eu de relations données,
12:31 et donc je les ai ouvertes.
12:33 Je dirais que c'est une question d'attitude, en fait.
12:36 Puisque... Voilà.
12:38 -Bon. Donc, détermination...
12:39 -Détermination, résilience, et puis positivité.
12:42 -Confiance en soi, positivité.
12:44 -Et puis le fait de penser être un actif
12:46 et essayer de toujours servir l'institution
12:51 et les équipes. Les équipes, c'est important.
12:54 -Bel exemple de réussite.
12:55 Donc, venons-en à la fondation.
12:57 Expliquez-nous ce qu'est votre fondation,
13:00 quels objectifs elle poursuit, où elle en est.
13:02 On n'a pas beaucoup de temps, mais pour situer
13:05 cette action formidable. -Je vais essayer d'aller vite.
13:08 Je l'ai créée en 2009, en gros, cette activité philanthropique.
13:12 2009, c'était l'époque des quotas,
13:14 et je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas beaucoup de femmes
13:17 dans les conseils d'administration,
13:19 et pas beaucoup de femmes entrepreneurs,
13:22 moins de 10 %, et pas beaucoup de femmes
13:24 qui arrivaient quand même à des niveaux importants
13:27 dans les sociétés industrielles et de services.
13:30 Et donc, j'ai décidé, en fait, de faire une action
13:33 avec des anciens, à l'époque, des anciens de Stanford,
13:36 hommes et femmes, c'est important pour moi,
13:38 pour développer, en fait, pour essayer de multiplier
13:42 les viviers, à la fois d'entrepreneurs,
13:44 mais pas des débutants, après 3 ans au minimum,
13:47 et puis des femmes dans les affaires
13:49 et dans les entreprises.
13:50 Et ça a été donc le début de...
13:53 Très axé sur deux types de programmes,
13:56 en plus des recherches et du networking,
13:58 les programmes de mentoring, auxquels je crois beaucoup,
14:01 suivre des femmes, les aider à réussir comme entrepreneurs
14:05 en leur apportant un regard de mentor, homme ou femme,
14:09 et qui peut les aider à trouver, à comprendre mieux les entreprises,
14:13 à trouver les passes de succès, enfin, les chemins de succès,
14:17 puis se connaître mieux et savoir où on veut aller.
14:20 Et puis, ça, je les ai développés un peu partout dans le monde,
14:23 puisqu'en Asie, aux Etats-Unis, en Europe,
14:26 on a ce type de programme.
14:28 Et puis les programmes de leadership,
14:30 parce qu'en fond, souvent, les femmes ont...
14:33 Il faut absolument, pour avoir ce vivier,
14:37 leur apprendre des bases importantes de leadership,
14:41 et je les ai développées dans le monde entier,
14:43 avec les meilleures universités du monde,
14:46 Stanford, Berkeley, McGill,
14:48 National University of Singapore, Paris-Saclay,
14:50 Central Supélec, donc on a 13 programmes mondiaux.
14:54 -13 programmes, c'est remarquable. -500 femmes dans nos programmes.
14:58 -500 femmes. -Par an.
14:59 -Par an, ce qui veut dire que vous avez déjà atteint
15:02 un nombre assez important de femmes touchées.
15:05 Donc, non, c'est absolument remarquable.
15:08 Alors, justement, comme vous développez tous ces programmes
15:11 avec le monde universitaire, le monde des grandes écoles,
15:15 que vous connaissez de façon intime, en quelque sorte,
15:18 il y a aussi un sujet, on le sait bien,
15:20 qui est, en France, notamment, l'insuffisance de filles
15:23 dans les filières scientifiques, justement.
15:25 Alors, de votre connaissance et de ce que vous voyez,
15:28 comment peut-on faire pour renverser ce déséquilibre
15:31 qui est aujourd'hui constaté, connu,
15:33 mais qui n'a pas encore basculé dans le bon sens ?
15:37 -D'autant qu'il n'a pas basculé dans le sens général non plus.
15:40 Vous avez vu que le classement PISA nous met 26e
15:44 dans les mathématiques, et moi, qui suis
15:46 dans le comité d'orientation stratégique
15:48 de la plus grande université mathématique,
15:51 Paris-Saclay, ça me touche profondément.
15:53 Donc, déjà, il y a un problème global,
15:56 et notre ministre est en train d'y répondre bien.
15:59 -Il a bien pris conscience. -Et d'y répondre assez bien.
16:02 -Il a été assez positif. -Après ce heurt,
16:04 vient s'ajouter le problème des femmes,
16:06 et en effet, il n'y en a pas assez,
16:08 je crois quand même que rendre plus concrètes
16:11 les mathématiques va aider quand même.
16:14 Il y a deux choses qui peuvent aider, pour moi.
16:17 Il y a le fait d'avoir des rôles modèles
16:19 de femmes scientifiques et de les montrer
16:22 et d'expliquer simplement le type de carrière.
16:25 Et ça, j'ai écouté notre dernière médaille Field,
16:29 Hugo Duménil-Copin,
16:32 et il disait qu'en fait, une de ses nièces,
16:37 qui était très bonne en mathématiques,
16:39 avait passé un week-end de mathématiques
16:42 et elle s'était rendue compte que dans le quart,
16:44 il y avait que des jeunes de 15 ans qui étaient des hommes.
16:48 Elle ne voulait plus faire de mathématiques,
16:50 pas parce que le week-end s'était mal passé,
16:53 mais parce qu'elle ne se voyait pas.
16:55 Donc ça, je crois qu'il a raison, le rôle modèle, c'est important,
16:59 mais il y a aussi, je crois, qu'il faut accompagner.
17:02 Il faut accompagner plus fort encore les femmes
17:04 à partir du niveau, je dirais, du collège.
17:07 Evidemment, je suis intéressée par ce qu'il dit sur les CEP et CEA.
17:11 -Le primaire, oui. -Oui, le primaire, vous aussi.
17:13 -Je suis grand-mère, mais je pense que c'est très important
17:18 de les accompagner et je dirais que les élèves
17:21 des grandes écoles scientifiques peuvent devenir des mentors
17:25 des jeunes femmes dans les lycées et ça, on en aura plus si on fait ça.
17:30 -Voilà. On voit bien, avec l'intervention de Tatiana Jama,
17:33 on a vu à quel point il fallait continuer sur le sujet
17:36 des femmes dans la tech et du financement qu'elle pouvait trouver
17:40 et avec vous, Martine, on voit à quel point il faut continuer
17:44 des actions. Nous sommes là pour ça et cette émission est faite
17:47 pour les montrer, pour les valoriser. Merci.
17:50 Merci de votre action. Merci, Martine.
17:52 Bonjour, Delphine Anton. -Bonjour.
17:59 -Merci d'avoir accepté mon invitation.
18:01 Delphine, vous êtes la directrice générale
18:04 aux côtés de votre mère, Elisabeth Ducote,
18:07 qui en est toujours PDG du groupe Thuan,
18:09 qui est un pionnier des dispositifs médicaux textiles innovants.
18:13 D'ailleurs, si on veut employer le terme anglais,
18:16 je crois qu'on peut qualifier de "medware tech".
18:18 Ca fait très technique, mais c'est bien ce que vous faites
18:21 avec beaucoup de brio. Si j'ai souhaité vous interviewer,
18:25 c'est que je trouvais passionnant de montrer à quel point
18:28 une transmission familiale pouvait aboutir à créer
18:31 ces fameuses belles ETI, entreprises à intermédiaire,
18:34 dont notre pays a besoin et dont nous manquons,
18:37 puisque vous êtes, vous, la 6e génération en commande.
18:40 Le groupe a été créé en 1847,
18:44 donc un go-by.
18:46 Et j'ajoute que j'ai trouvé plaisant, en plus,
18:49 de vous donner à voir et à entendre
18:52 une transmission mère-fille,
18:55 sachant qu'il y avait eu la même chose auparavant,
18:58 parce qu'on est dans ce processus de transmission.
19:01 C'est plaisant, parce qu'en général,
19:03 c'est une transmission père-fils,
19:05 et vous avez un frère, et pourtant,
19:07 aujourd'hui, c'est vous qui êtes là.
19:09 Je voulais commencer par bien comprendre
19:12 le début de l'histoire. Vous n'avez pas démarré
19:14 dans le groupe Tuann. Dites-nous en quelques mots
19:17 ce que vous avez fait avant de rejoindre le groupe
19:20 et comment vous l'avez rejoint, quels ont été les déclics ?
19:24 -Je dirais que c'est une succession de choix.
19:27 Le premier choix, c'est ce que vous décriviez,
19:29 c'est-à-dire le choix de ne pas être dans le groupe
19:32 dans l'idée que j'avais, en tout cas,
19:35 à coeur d'être en présence d'un environnement professionnel
19:39 qui n'était pas celui de l'entreprise familiale
19:42 pour pouvoir évaluer, je dirais, mon propre parcours
19:45 sans être dans un contexte particulier,
19:47 celui d'une entreprise familiale.
19:49 Ensuite, le deuxième choix, c'était de rentrer
19:52 dans ce groupe familial, mais surtout de rentrer
19:55 dans un endroit qui était à ma place,
19:57 puisque je suis rentrée en tant que RAF...
20:00 -En 2007. -En 2007, exactement.
20:02 Suite à six ans d'audit, donc, dans un des big-fourts.
20:05 -Bien formée. -Effectivement,
20:07 une école exceptionnelle.
20:09 Donc, rentrer à ma place, c'est-à-dire en toute légitimité,
20:12 était un moment important pour moi,
20:14 et c'est ce qui a conduit, d'ailleurs,
20:17 c'est le fil rouge de mon parcours,
20:19 c'est de me dire que dans tous les choix
20:21 et dans toutes les étapes qui ont suivi,
20:24 d'être en présence par rapport à quelque chose qui est légitime.
20:27 -Vous avez raison, parce que vous avez été nommée
20:30 directrice générale en 2020, si je ne me trompe pas,
20:33 mais vous avez occupé plusieurs fonctions auparavant,
20:36 et c'est la meilleure façon d'apprendre le groupe
20:39 et d'obtenir cette légitimité dont on a besoin.
20:42 Présentez-nous le groupe Thuan,
20:44 j'en ai dit juste un mot très rapide,
20:46 mais parlez-nous du groupe aujourd'hui,
20:48 il n'a plus rien à voir avec ce qu'il était.
20:51 -Comme vous le disiez, c'est une belle étayée,
20:53 c'est-à-dire un groupe qui a des racines très fortes en France,
20:57 on a une très forte présence, je dirais,
21:01 à travers quatre usines en France,
21:03 et puis tout un centre logistique,
21:05 notre R&D, nos achats,
21:06 un pôle à Saint-Etienne qui est extrêmement puissant et fort,
21:10 mais avec la vocation d'être un groupe mondial,
21:13 et c'est ce qui s'est d'ailleurs dessiné,
21:15 puisqu'on a passé le cap d'une activité de chiffre d'affaires
21:18 supérieure à l'international que celle qui est réalisée en France,
21:22 avec une présence européenne d'abord,
21:24 des filiales en Europe,
21:26 on a quatre filiales aux Etats-Unis maintenant,
21:29 qui sont le fruit de plusieurs acquisitions,
21:31 et puis aussi une distribution à travers des distributeurs,
21:34 donc une centaine de pays qu'on adresse.
21:37 C'est au final 2600 personnes qui travaillent avec nous,
21:41 15 usines dans le monde,
21:43 et puis, effectivement,
21:45 une volonté de continuer à, je dirais, poser des drapeaux,
21:49 que ce soit en Asie, en Afrique, dans le Moyen-Orient,
21:52 parce que c'est notre vocation,
21:54 c'est de pouvoir adresser de plus en plus de patients.
21:58 -Le groupe Thuan,
21:59 parce que tout le monde connaît,
22:01 pas tout le monde connaît le nom, mais les produits,
22:04 parce que s'en sert...
22:05 Citez-nous quelques produits emblématiques.
22:08 -On va se placer dans ce qu'on a.
22:10 Nous, on adresse les pathologies,
22:12 c'est-à-dire nos quatre pathologies majeures.
22:15 On va parler du dos,
22:17 de tout ce qui est pathologie autour du dos.
22:19 On va parler de tout ce qui est troubles musculo-squelettiques,
22:23 donc appareiller des patients avec des genouillères,
22:26 des chevillères,
22:27 des outils pour l'épaule, etc.
22:31 Et puis, deux pathologies importantes pour nous,
22:34 qui sont toutes les pathologies autour du véneux,
22:37 avec des bâtes de contention, et enfin, la lymphologie,
22:40 qui est une pathologie mal connue, mais très répandue,
22:43 et qui vient, je dirais,
22:44 sur lequel on vient accompagner des solutions de compression.
22:48 -J'ai entendu,
22:49 parce que c'est toujours amusant de citer un chiffre,
22:52 je vais confirmer s'il est exact,
22:54 j'ai entendu que, par an,
22:55 vous produisiez 5 700 km,
22:59 c'est bien ça, de textiles ?
23:01 -Exactement. -C'est impressionnant.
23:03 C'est bon de savoir que tout ce que vous venez de décrire,
23:06 5 700 km, je l'ai trouvé impressionnant.
23:09 -Si on parle de chiffres, plutôt de produits,
23:11 on vient appareiller 5 millions de patients par an.
23:15 Donc, on est effectivement
23:16 auprès des patients, qui est une belle présence,
23:19 et qu'on veut continuer, bien sûr.
23:21 -Vous avez beaucoup d'innovation,
23:23 puisque les dispositifs, par an,
23:25 vous en sortez également un certain nombre.
23:27 -Entre 30 et 40 nouveaux produits par an.
23:30 On a une exigence d'innovation très forte.
23:32 On investit jusqu'à 4 % de notre chiffre d'affaires
23:35 dans les équipes R&D,
23:38 dans des ressources R&D,
23:40 pour, bien sûr, rester toujours à la pointe
23:42 et arriver à ce que le patient vive ces pathologies
23:45 de la meilleure façon possible.
23:47 -Très bien.
23:48 Alors, les défis, aujourd'hui ?
23:50 -Ils sont nombreux, mais c'est ce qui fait...
23:53 -Vous êtes d'abord là. -Exactement.
23:55 Les défis, on va être sur plusieurs transformations
23:58 qui sont nécessaires et sur lesquelles on investit
24:01 et on s'investit tous les jours.
24:03 C'est la transformation autour du digital,
24:06 puisque la santé digitale est encore à écrire.
24:09 Il y a beaucoup d'épisodes à écrire,
24:11 et on est, bien sûr, le plus en présence
24:13 de cette santé-là.
24:14 On va, bien sûr, relever les défis du RSE,
24:17 qui est un énorme défi,
24:19 un énorme défi global, bien sûr,
24:21 sur lequel on peut se dire,
24:23 quand on vient parler du textile,
24:25 on sait qu'on a des défis très importants
24:27 et qui sont encore plus conséquents
24:29 quand on est industriel du textile.
24:31 Et après, on va, bien évidemment,
24:34 être sur des défis qui sont plus dans nos activités,
24:37 autour de comment on accompagne
24:38 les évolutions des systèmes de santé.
24:41 On sait que les systèmes de santé sont à réinventer.
24:44 Et en quoi, nous, apporteurs de solutions...
24:46 -Vous avez des contributions aux évolutions.
24:49 -Aux évolutions et comment, nous, solutions,
24:52 font, sont acteurs dans le fait d'être en prévention
24:55 sur les pathologies, aussi bien qu'en traitement.
24:58 Et quand on fait de la prévention,
25:00 on vient éviter qu'un patient tombe malade,
25:02 ce qui, en soi, est une solution sur les équations économiques
25:06 des systèmes de santé.
25:07 C'est un élément de réponse qu'on apporte, nous.
25:10 -Absolument. Ca, ce sont les trois grandes thématiques
25:13 que vous avez en termes de défis,
25:15 sachant qu'on l'évoquait ensemble
25:17 quand nous avons préparé cette émission.
25:20 Vous avez, comme tout le monde, les défis de ressources humaines
25:23 qui sont toujours là. -Bien sûr.
25:25 -Pour revenir, je sais que le sujet vous intéresse,
25:28 d'ailleurs, c'est ce qui vous a donné envie de rejoindre le groupe,
25:32 parce que vous êtes passionnés par la santé,
25:34 c'est ce que j'ai compris.
25:36 C'était intéressant, quand vous dites
25:38 que, dans le domaine de la RSE, qui est un vaste sujet,
25:42 vous êtes sur les deux domaines,
25:44 deux des domaines les plus sensibles,
25:46 puisque vous êtes sur le textile et l'industrie du textile,
25:49 il y a beaucoup de choses à en dire,
25:51 d'ailleurs, de bien, dans les progrès qu'elle peut connaître
25:55 par rapport à l'image qu'on en a parfois,
25:57 avec des mauvais côtés, mais qui sont ailleurs, éventuellement,
26:01 et puis, après, l'industrie de la santé,
26:03 et que les deux sujets étaient,
26:05 deux sujets éminemment "chauds".
26:08 -Challenging. -Voilà.
26:09 Comment...
26:10 Vous m'avez citée,
26:12 vous m'avez dit que vous ne pouviez pas utiliser un dispositif,
26:15 vous ne pouviez pas le réutiliser, donc, par exemple...
26:18 -Exactement. C'est vrai que la santé,
26:21 et on peut le comprendre, est frileuse,
26:23 dans le fait de pouvoir réutiliser
26:25 une solution, un dispositif qui aura déjà été utilisé.
26:29 Il faut savoir que nous, on a travaillé sur ce sujet-là,
26:32 on a des solutions qui permettent de réutiliser
26:35 avec un cycle qui permet justement de laver
26:37 et de s'assurer avec des cycles qui permettent
26:40 de faire en sorte que le patient puisse réutiliser son produit
26:43 et justement d'être dans un cycle vertueux.
26:46 Mais il faut être accompagné, avoir des zones
26:49 où on peut tester en milieu hospitalier,
26:51 et c'est là où, parfois, on est confronté à des challenges.
26:54 On continue à pousser,
26:56 puisqu'on est en test avec un hôpital à Lyon
26:58 qui nous accompagne et qui va tester
27:01 le fait de réutiliser nos solutions.
27:03 On a monté un partenariat pour pouvoir prouver
27:06 que c'est possible et donc apporter ces solutions-là
27:09 aux autorités de santé et justement faire avancer les sujets du RSE.
27:12 -C'est très important et je trouve très intéressant
27:15 la façon dont vous en parlez, parce qu'au départ,
27:18 on ne pense pas nécessairement à ce point
27:20 de la réutilisation de dispositifs,
27:23 et pourtant, ça fait partie des sujets à regarder.
27:25 Je vous remercie. C'était un peu court
27:28 par rapport à tout ce que vous pourriez nous raconter
27:31 sur le groupe Tuan et ce que vous voulez y faire,
27:33 mais c'était très intéressant.
27:35 Notre émission est terminée, donc à nouveau,
27:38 j'espère que vous aurez plaisir à l'écouter
27:41 et je vous donne rendez-vous à notre prochaine session.
27:44 Merci.