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Mercredi 18 décembre 2024, ART & MARCHÉ reçoit Clémence Dollier (Responsable département second marché, Jocelyn Wolff) , Hélène de Montalembert (Chargée de programmation et de production, Thanks for Nothing) et Georges-Philippe Vallois (Fondateur, Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois)

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Transcription
00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché,
00:10votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13En début d'émission, nous avons suivi une classe d'enfants
00:15qui se confrontent à une galerie d'art contemporain,
00:18la galerie Jocelyn Wolf à Romainville en Seine-Saint-Denis,
00:21et aux questions du marché de l'art.
00:22Une sortie de classe organisée par l'association Thanks for Nothing.
00:26Et puis, nous recevrons Georges-Philippe Valois,
00:28fondateur de la galerie Georges-Philippe et Nathalie Valois,
00:31ancien président du Comité professionnel des galeries d'art,
00:34qui a organisé le projet de livre
00:36Une histoire des galeries d'art en France du milieu du XIXe siècle,
00:40à nos jours, publié il y a quelques semaines.
00:42Nous allons essayer de comprendre avec lui les racines des galeries d'art actuelles.
00:46Merci à toutes et tous qui nous rejoignez.
00:48Tout de suite, c'est Art et Marché.
00:50Générique
00:54Ils étaient une vingtaine à se confronter à l'art contemporain
00:56et au surréalisme au sein de la galerie Jocelyn Wolf à Romainville.
01:00En Seine-Saint-Denis, nous avons suivi une classe face à certaines interrogations.
01:06Bonjour.
01:07Waouh, oui, c'est bon.
01:10Bonjour, bienvenue.
01:11Est-ce que vous avez des questions sur ce que vous voyez autour de vous ?
01:14J'ai travaillé sur cette exposition qui est autour du surréalisme.
01:18Je pense que c'est très intéressant de travailler avec des enfants.
01:21Travailler, j'entends, leur faire découvrir des choses,
01:24parce que c'est sans filtre, c'est assez brut.
01:28Et du coup, ça nous permet, nous, en tant que galeristes,
01:30de savoir où se placer dans nos éléments de communication,
01:35de pédagogie, de ce genre de choses.
01:37S'en dehors de ce genre de réalité, de savoir quelle est la valeur d'une œuvre d'art,
01:40de savoir comment on la monétise, on la fait circuler.
01:43Mais c'est ça qui est très intéressant,
01:45c'est que nous, par exemple, cette exposition n'a pas pour premier but d'être commerciale.
01:50Ce que je disais, c'est que c'est une exposition qui est plutôt historique et pédagogique.
01:54Donc, une fois par an, à peu près, la galerie fait une exposition comme ça.
01:57Le reste du temps, on représente nos artistes habituels.
02:00Et là, ça nous permet de dépasser un petit peu nos limites
02:04et d'ouvrir à plein d'autres artistes, à plein d'autres courants.
02:08Et c'est chouette.
02:09Et justement, je pense que c'est vraiment en dehors du marché.
02:12Cette exposition rassemble des artistes qui sont second marché.
02:16On a des œuvres d'André Masson, de Miro, d'artistes comme ça.
02:20Et du premier marché, avec les artistes de la galerie,
02:23avec des artistes comme Valentin Rangé, qui sort de l'École des Beaux-Arts.
02:27Bruno Botella, enfin, on a tout un tas d'artistes qui sont contemporains,
02:30que la galerie ne représente pas, mais qui sont contemporains.
02:37Thanks for Nothing, c'est une association qui a été créée en 2017 par un collectif de femmes
02:41et qui a pour mission de créer des passerelles
02:44entre la création contemporaine et l'engagement social.
02:47On travaille la médiation avec les galeristes.
02:50Donc, c'est vraiment un travail de collaboration entre les équipes de Thanks
02:54et les différentes galeries partenaires avec lesquelles on travaille.
02:57Et donc, on va commencer par expliquer ce que c'est qu'une galerie,
03:00parce que pour plein de gens, en fait, ce n'est pas forcément très clair
03:03ce qui se passe dans une galerie, même le concept de vente d'une œuvre.
03:07Et donc, on va expliquer un peu tout l'écosystème.
03:09On a fait des visites qui étaient en amont d'Arbazel.
03:11Donc, le terme de foire est expliqué, de premier marché, second marché.
03:16Le but, c'est aussi d'interagir avec les questions qu'on nous pose
03:18et l'intérêt, en fait, qui est porté sur ces métiers-là.
03:23Donc, aucune visite ne se ressemble.
03:25Et en même temps, on essaye le mieux possible, disons, de rendre accessible cet univers-là.
03:32C'était notre reportage avec l'association Thanks for Nothing.
03:35Tout de suite, on passe à l'interview de la semaine.
03:42Je suis ravie de recevoir en plateau Georges-Philippe Valois
03:45de la galerie Georges-Philippe et Nathalie Valois,
03:47ancien président du Comité professionnel des galeries d'art,
03:50qui a organisé le projet de livre Une histoire des galeries d'art en France
03:54du milieu du XIXe siècle à nos jours.
03:56Merci beaucoup d'être avec nous.
03:58Merci à vous de me recevoir.
03:59Alors, vous m'expliquez que ce livre était un projet de longue haleine.
04:03Est-ce que vous pouvez nous dire tout d'abord pourquoi
04:05est-ce que vous avez voulu organiser l'édition de ce livre ?
04:10D'abord, parce que l'histoire des galeries n'existait pas,
04:12et c'est assez paradoxal pour une profession qui existe depuis plus de 150 ans,
04:17que par ailleurs, cette histoire se devait d'être écrite,
04:21non pas par les galeries, mais sous l'autorité des galeries,
04:24qu'elle était de surcroît en train d'être accaparée par les maisons de vente,
04:27qui, disons, à chaque vacation, invitaient des scientifiques
04:33pour parler de l'histoire des galeries et ainsi valoriser leur lot,
04:35mais que finalement, nous étions perçus dans la plupart des cas
04:38comme des acteurs du commerce, mais en aucun cas comme des acteurs de l'histoire de l'art,
04:42ce que nous sommes.
04:43En plus d'être des acteurs commerciaux, on fait vivre des artistes,
04:45mais on a aussi permis à la liberté artistique de s'exprimer,
04:48et cela au tournant du XIXe siècle.
04:50Ce que j'ai trouvé assez frappant, en tout cas, dans le livre,
04:53c'est qu'on voit un peu tous les rouages commerciaux des galeries et des galeristes
04:57qui remontent au XIXe siècle.
05:00Et en fait, on parle souvent des croisements entre marketing, galerie, etc.
05:08Et en fait, tous ces rouages-là, ça remonte à super longtemps.
05:12Et on voit qu'ils existaient déjà au XIXe siècle.
05:14Oui, c'est vraiment fascinant parce que dès le XIXe, les méga-galeries arrivent.
05:19Il y a une différence entre des galeries artisanales
05:21et des galeries qui se veulent beaucoup plus commerciales,
05:23avec des espaces très imposants.
05:25En fait, tous les codes qui existent aujourd'hui se mettent en place à cette époque-là.
05:30Et je regardais un peu avant de venir, je relisais un petit peu,
05:34et il y a des galeries, par exemple la galerie Goupil,
05:38qui très tôt s'installent à Amsterdam, à Londres, à Berlin,
05:43ouvrent une surcursale aux États-Unis.
05:45On est dans les années 1850-1860.
05:48C'est ça.
05:49Ces gens ont vraiment une ambition et une stratégie commerciale
05:54qui ne seraient pas désavouées par nos méga-galeries d'aujourd'hui, entre guillemets.
05:57Parallèlement, et comme c'est le cas aujourd'hui,
05:59il existe des plus petites galeries artisanales
06:01qui, comme aujourd'hui, ont du mal à garder les artistes qui ont du succès,
06:04mais tout cela se met en place dans la deuxième partie du XXe siècle.
06:07Par ailleurs, il y a également, vous ne le citez pas,
06:10mais je pense que vous l'avez lu aussi,
06:11il n'y a pas de foire, mais il y a des salons.
06:14Les salons sont des salons officiels.
06:17Et d'ailleurs, l'apport principal des galeries
06:18est d'avoir permis aux artistes non sélectionnés d'exister.
06:21Donc une liberté artistique qui a été promue par les galeries.
06:24Ces salons, en revanche, étaient aussi des lieux dans lesquels les galeries travaillaient.
06:29C'est-à-dire que même si le salon n'était pas supposé être commercial,
06:33les galeries, grâce à leur entrejambe,
06:35plaçaient leur poulain dans tel et tel espace important,
06:39faisaient en sorte que les artistes aient les prises,
06:41ce qui donnait une plus-value commerciale à leurs artistes.
06:43Drouot est apparu au même moment, ce qui fait qu'il existait déjà à l'époque.
06:47Des liens entre les galeries et les ventes publiques.
06:49En fait, tout cela se met en place d'une façon extraordinaire.
06:51Et en fait, on découvre qu'on n'a pas vraiment inventé quoi que ce soit,
06:56mais qu'on a prolongé, affiné, amélioré,
06:59et que finalement, on est dépendant aujourd'hui d'outils qui s'améliorent,
07:02mais pas vraiment de stratégies radicalement différentes.
07:05Et le terme que vous utilisez, c'est le moment où ça se professionnalise.
07:08Est-ce que justement, on saurait dater ou dire
07:11ce qui a permis aux galeristes de se professionnaliser ?
07:14Disons qu'avant 1850, à quelques rares exceptions près,
07:18peut-être Goupil a commencé un peu avant.
07:20Durant Ruel, je crois que c'est 1857,
07:22il y a Georges Petit aussi, qui professionnalise beaucoup son activité.
07:26Avant ça, les galeries sont, comme le dit une des auteurs du livre,
07:30des « briques à braque », c'est-à-dire que les premiers galeristes...
07:33Le père Durand-Ruel, le père des grands Durand-Ruel,
07:36avait un lieu qui vendait des outils...
07:40Comment dirais-je ?
07:42Des outils pour les peintres, des toiles, de la peinture, etc.
07:45Et souvent, et c'était le cas de beaucoup d'autres,
07:48il échangeait ça, comme les artistes n'avaient pas les moyens de payer,
07:50il échangeait ça contre des toiles.
07:52Et ils ont commencé à faire du commerce de toiles,
07:54tout en vendant les différents ustensiles utiles, les outils des peintres.
07:58Et puis, petit à petit, les outils des peintres se sont effacés
08:04pour les galeries, pour ceux qui ont su devenir galeristes,
08:06et c'est ainsi que sont venus les galeries.
08:08Les premières vraiment professionnelles, je crois que c'est à partir de 1851.
08:11Et qu'est-ce qui change quand même aujourd'hui ?
08:16Parce que même si on y a des racines qui sont très claires,
08:19est-ce que le galeriste a une casquette différente,
08:25des missions différentes aujourd'hui ?
08:26Alors, ce qui change déjà énormément,
08:28c'est que la France est restée très longtemps le centre du monde commercial et artistique.
08:34Tout le monde venait en France,
08:35et d'ailleurs l'attractivité de notre pays était très importante
08:37puisque nos musées sont pleins d'artistes étrangers
08:40qui sont venus attirés par l'impact qu'avait la France sur le reste du monde.
08:46Donc, ça donnait aux galeries françaises une capacité,
08:48puisque le matériau, entre guillemets, de vente était à leur disposition,
08:52de devenir des galeries extrêmement importantes.
08:55Aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile pour une galerie française
08:57de devenir une des plus grandes galeries du monde.
08:58À l'époque, je ne dirais pas que ça allait de soi,
09:01mais c'était une chose qui était dans l'air du temps.
09:04Les premières galeries étaient là, aussi à Londres, mais surtout à Paris,
09:07et se sont exportées.
09:08Puis le marché américain est arrivé.
09:10Il absorbait d'abord les artistes français,
09:12puis l'art américain, après 1946, a commencé à évoluer
09:17jusqu'à ce qu'en 1965, Rauschenberg ait le prix de la Biennale,
09:20ce qui à l'époque a été une tempête dans le microcosme artistique,
09:24et a marqué l'avènement qui était déjà en cours des Etats-Unis.
09:28Pour revenir à votre question,
09:30pour les galeries françaises, ce n'est plus du tout la même histoire aujourd'hui.
09:33On est devenu le quatrième marché mondial,
09:35mais avec 5 à 7% du marché.
09:38Donc on est très très loin des Etats-Unis,
09:40maintenant très très loin de la Chine,
09:42et derrière l'Angleterre.
09:44Ça s'est mondialisé.
09:47À l'époque, il y avait deux continents, peu ou prou.
09:49Aujourd'hui, la Chine est présente.
09:52Effectivement, les pays de l'Est, c'est un peu effacé pour le moment,
09:54mais l'Amérique du Sud arrive, les artistes viennent du monde entier,
09:57ce qui veut dire qu'une nation n'est plus en passe de s'imposer.
10:01Et de fait, les galeries doivent réussir,
10:04et ce qui a beaucoup changé, par exemple, ce sont les foies,
10:07à s'imposer dans différents territoires, afin d'exister.
10:11Alors, une galerie, entre guillemets, artisanale,
10:14telle qu'on les appelait dans les années 1850,
10:16évidemment, aura plus de mal à exporter ses artistes,
10:20et ce qui fait que les foires créées par les galeristes,
10:23au début des années 70, sont devenues des outils indispensables,
10:26puisqu'elles n'ont pas les moyens d'ouvrir des galeries à l'étranger,
10:29elles font donc des salons dans différents lieux.
10:31Et par ailleurs, les galeries internationales,
10:34les très grosses galeries,
10:36elles ouvrent des succursales maintenant un petit peu partout dans le monde,
10:39afin d'imposer leurs artistes et leurs stratégies.
10:41Et en fait, cette expansion, cette capacité à créer des réseaux
10:44de plus en plus importants,
10:45évidemment, l'apport des outils technologiques dont on bénéficie aujourd'hui,
10:50le fait qu'on puisse dématérialiser une vente,
10:52tout cela joue un rôle énorme et participe
10:55de la stratégie des meilleures galeries aujourd'hui.
10:57Une situation qui s'est complexifiée et mondialisée.
11:01Oui, et mondialisée, la concurrence est beaucoup plus forte.
11:03Et aussi, ce qui est intéressant, c'est de voir,
11:06moi, je reviens à Paris,
11:07ce qui est intéressant, c'est de voir les quartiers qui évoluent.
11:10C'est ce qu'aujourd'hui on parle,
11:11en plus, il y a eu quand même beaucoup de galeries
11:13qui sont revenues dans le huitième arrondissement.
11:15C'est aussi tout ce jeu de cartes,
11:18de cartographie qui est important pour les galeries.
11:20Oui, c'est un jeu de cartographie,
11:21mais disons que Paris est relativement conservateur
11:25par rapport à une ville comme New York.
11:27J'ai vécu New York à Sceaux.
11:30C'était le quartier mondial des galeries américaines,
11:33enfin, où tout le monde allait pour les grandes galeries américaines.
11:35Puis, ils se sont déplacés à Chelsea.
11:37Bon, nous, en France,
11:39vous le soulignez, les gens vont et viennent.
11:41Matignon a toujours existé, mais était un peu délaissé.
11:44Le Marais s'est créé un peu comme Sceaux,
11:46s'est créé dans les années 70-80.
11:48Saint-Germain est resté relativement stable
11:50depuis plus ou moins un peu plus d'un siècle.
11:53Et aujourd'hui, ce qui fait que les gens retournent à Matignon,
11:55c'est peut-être, en tout cas, c'est mon interprétation,
11:57mais je ne suis pas le seul à la partager,
11:59que c'est devenu tellement difficile de circuler
12:01dans des quartiers périphériques que beaucoup de galeries
12:03ont préféré se rapprocher des lieux
12:05où se trouvent les grands collectionneurs étrangers.
12:07Et à mon avis, le succès de l'avenue Matignon
12:08est en grande partie là.
12:10Il sera forcément limité parce que le problème de Paris
12:12par rapport à d'autres grandes capitales
12:14comme Berlin et New York,
12:17c'est la limite des espaces dans les différents quartiers.
12:22La rue Louis-Swaïs a existé à un moment,
12:23mais il y avait 7 ou 8 galeries et pas plus.
12:27Avenue Matignon, ça représente,
12:28tout le monde en parle, à juste titre,
12:30mais ça représente 7 ou 8 galeries,
12:329 peut-être supplémentaires.
12:34Sceaux et Chelsea, c'est un déplacement de plus de 150 galeries.
12:38Et ça change les choses parce que ça permet une réorientation
12:41du courant et du commerce.
12:43Aujourd'hui, on a aussi Romainville,
12:45mais là encore, 5, 6, 7 galeries.
12:47Pas davantage et c'est un petit peu la limite parisienne,
12:49mais qui, en même temps, permet aux visiteurs étrangers
12:53de se promener dans différents quartiers,
12:56d'apprécier la ville de Paris,
12:57qui a toujours été un apport incontestable pour nous,
13:00plutôt que de se diriger dans un quartier spécifiquement
13:02et uniquement pour une mission précise.
13:05Eh bien, merci beaucoup, Georges-Philippe Vallat.
13:07Je rappelle que vous êtes galeriste.
13:09Vous avez fondé la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois
13:12et vous êtes aussi l'ancien président
13:13du Comité professionnel des galeries d'art.
13:15Vous avez organisé le projet du livre
13:17« Une histoire des galeries d'art en France »
13:18du milieu du XIXe siècle à nos jours.
13:20Et quant à nous, je vous souhaite de très belles fêtes,
13:23de forts d'années et à bientôt
13:24pour une nouvelle émission d'Art et Marché.

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