Vendredi 22 novembre 2024, ART & MARCHÉ reçoit Victor Bonnivard (Décorateur) , Samuel Drylewicz (Fondateur, Galerie Drylewicz) , Eric Turquin (Expert en tableaux, Cabinet Turquin) et Caroline Thieffry (Fondatrice, Artwins Paris)
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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, votre rendez-vous hebdomadaire
00:11consacré au marché de l'art édition week-end et c'est une émission spéciale consacrée
00:16au XIXe siècle et le regain d'intérêt consacré à certains mouvements de ce siècle.
00:21En première partie, nous sommes rendus à Fab Paris, salon issu de l'alliance de Fine
00:25Arts Paris et de la Biennale des Antiquaires qui s'installe au Grand Palais.
00:29Au sein de la sélection Jeunes Talents de la Foire, on trouvera des antiquaires particulièrement
00:34attirés par le XIXe siècle.
00:36Et puis pour l'interview du week-end, nous aurons le plaisir de recevoir Eric Turquin,
00:40expert en tableaux de maîtres anciens et fondateur du cabinet turquin.
00:44Ses expertises s'ouvrent désormais aux artistes du XIXe siècle, nous lui demanderons pourquoi.
00:49Merci à toutes et tous qui nous rejoignez tout de suite, c'est Art et Marché, édition
00:52week-end.
00:53Pour la deuxième année consécutive, la foire Fab Paris, fusion de Fine Arts Paris
01:02et la Biennale des Antiquaires, propose un secteur Jeunes Talents aux influences particulièrement
01:07du XIXe siècle.
01:09Nous sommes allées à la rencontre des marchands qui remettent cette époque au goût du jour.
01:13C'est vrai que je remarque quand même que le symbolisme dans le marché de l'art,
01:27en ce qui concerne le marché de l'art, c'est vraiment quelque chose qui explose en ce
01:29moment, qui est très recherché et qu'on l'a vu il y a deux semaines à la vente,
01:35ça se vise même pas deux semaines d'ailleurs, des tableaux de Georges Defeur qui ont été
01:38redécouverts et qui ont fait des fris absolument faramineux, très bien pour la cote de l'artiste,
01:46mais c'est là qu'on voit qu'il y a un véritable engouement en ce moment pour cette
01:51fin de siècle.
01:52C'est plutôt des jeunes collectionneurs qui se lancent là-dedans et qui commencent.
01:56C'est un peu ce que je propose dans ma galerie, toute gamme de prix, ça peut commencer autour
02:01de 300 euros jusqu'à plusieurs milliers d'euros, et c'est ce qui permet justement
02:06à ces gens-là de s'intéresser aussi, de s'inclure dans le marché et de se positionner,
02:11de se permettre de s'offrir aussi une première oeuvre d'art qui sera d'abord une petite
02:16œuvre sur papier, d'un nom un peu moins connu que d'autres.
02:20Je pense qu'on arrive au bout d'un cycle, on a eu les années 2000 qui étaient terribles,
02:24enfin pour moi qui étaient terribles, c'est-à-dire c'était le vide, c'était John Pawson,
02:28tout était blanc, tout était minimal, et en fait on a eu un maximalisme un peu 50,
02:3360, 70, 80, et c'est un mouvement, c'est comme une horloge, ça tourne, et là je pense
02:39qu'on revient à un goût qui n'avait plus vraiment eu cours depuis les années 80, à
02:44l'époque du coste des années 90, et donc on revient à un goût un peu opulent, un
02:48peu Napoléon III, et les gens se disent « pourquoi pas en fait ? ».
02:51Aujourd'hui on a la chance d'avoir un marché du meuble et de l'antiquité qui est très
02:54très bas par rapport à ce que ça a valu, un guéridon qui… moi j'ai des factures
02:58de vente de meubles que j'ai qui en 2005 valaient 13 000, aujourd'hui il vaut 1 500
03:03en vente.
03:04Donc c'est une super opportunité, je travaille beaucoup avec des gens qui ont 32, 40 ans,
03:09et qui veulent acheter un château, qui veulent… donc voilà, j'ai une clientèle qui est
03:13plutôt jeune, mais je fais aussi des appartements, donc là on a plusieurs appartements aussi
03:17à Paris, un à Bordeaux qui vient d'être terminé, et donc en fait je leur conseille
03:21déjà de me dire quel est leur style qu'ils aiment, de commencer à regarder pour acquérir
03:24certaines pièces et après de dessiner l'appartement, donc on fait les salles de bain, on fait la
03:29plomberie, on fait tout ça, mais on va aussi en même temps acheter pour voir quel meuble
03:33va aller dans quelle pièce.
03:34Il reste énormément d'artistes et d'œuvres à redécouvrir, paradoxalement peut-être.
03:41Il y a plein d'autres mouvements qui ont gravité et qui ont découlé de l'impressionnisme,
03:49il y a les symbolistes, toutes les écoles post-impressionnistes, les divisionnistes,
03:57les pointillistes, les nabis, les fauves, un petit peu plus tard aussi, c'est vraiment
04:05l'époque où, comme je le disais, toutes les modernités sont nées.
04:12J'ai toujours été avec une clientèle vraiment d'amateurs, plutôt érudit, ayant une culture
04:21historique, artistique et de l'image qui ont pu me suivre jusqu'à maintenant.
04:26Les fourchettes de prix sur mon stand, c'est entre 4000 et 35 000 euros, des achats à
04:31coup de cœur, plaisir, et d'artistes intéressants qui ont gravité auprès des plus grands
04:39parfois et dans tous les cercles des avant-gardes de l'époque.
04:43Quand on achète une œuvre de cette époque, et notamment parmi celles que je présente,
04:48c'est aussi une part de l'histoire de l'art qu'on acquiert.
04:52Et c'était notre reportage à Fab Paris, tout de suite c'est l'interview du week-end.
05:01Pour cette émission dédiée au XIXe siècle, j'ai le plaisir de recevoir Eric Turquin,
05:06expert en tableau de maîtres anciens et fondateur du cabinet turcuin, merci beaucoup
05:09d'être avec nous.
05:10Et donc votre expertise s'ouvre au tableau du XIXe siècle, vous l'avez annoncé il y
05:16a quelques mois.
05:17Quand on parle du XIXe siècle, de quel XIXe siècle parlez-vous ? C'est vrai que c'est
05:22un siècle où il y a énormément de mouvements artistiques.
05:25Alors en fait, nous avons toujours experticé les tableaux du XIXe siècle et assisté des
05:30commissaires présidents dans les ventes de tableaux du XIXe.
05:32Disons que pour nous, le XIXe s'arrêtait aux années 1830-1840.
05:36Et puis nous nous sommes rendus compte que de plus en plus de clients venaient nous voir
05:41naturellement avec des Corot, des Courbet, des Delacroix, qui sont après 1840, et nous
05:46savions pas leur répondre.
05:48Donc en fait, j'ai décidé de prendre le taureau par les cornes et de faire venir
05:53avec nous Pascal Pavageau, qui était pendant 20 ans l'expert en tableau XIXe de Sotheby's,
05:59avec qui j'ai toujours eu d'excellents rapports, que j'admirais beaucoup.
06:02Bon, mais elle a été intouchable et j'ai réussi à la convaincre de venir nous rejoindre
06:06quand elle a quitté Sotheby's.
06:07Et donc ça nous a permis de nous ouvrir au XIXe académique.
06:11Quand j'entends par XIXe académique, en fait, la vraie rupture pour moi, ce sont les peintures
06:15en tube.
06:16Les impressionnistes sont allés acheter des peintures industrielles qui trouvaient en
06:20tube tout le fait qu'il leur permettait de travailler dehors beaucoup plus facilement,
06:23mais avec quelque part une destruction du métier de peintre.
06:26Et nous nous intéressons aux peintres qui ont un métier, des peintres qui broient leurs
06:30couleurs eux-mêmes ou en tout cas qui sont passés, je veux dire, de façon progressive
06:35de l'artisanat à l'art.
06:38L'impressionnisme a vraiment été une rupture et je ne touche pas à l'impressionnisme.
06:42D'abord parce que les tableaux impressionnistes valent trop cher.
06:45Moi, je m'intéresse à la peinture qui ne vaut pas très cher, qu'on peut valoriser,
06:48qu'on peut découvrir.
06:49Il n'y a pas grand découverte à faire chez les impressionnistes.
06:53Ça fait 150 ans que tous mes confrères cherchent du tableau impressionniste.
06:57Le terrain est complètement miné, ruiné.
07:00Alors que dans le XIXe, on trouve encore des courbets, des lacroix inconnus.
07:05On nous en a encore apporté un ce matin.
07:07Donc c'est vraiment passionnant.
07:08C'est un siècle de découverte.
07:10Et nous, nous sommes des gens de découverte.
07:11Oui, vous découvrez et ça veut dire aussi qu'il y a un marché qui se développe, qui
07:15se structure.
07:16Vous trouvez qu'il y a de plus en plus de personnes qui viennent vers vous pour vous
07:20présenter ces œuvres-là, plus qu'avant peut-être ?
07:22Le XIXe, il nous touche de deux façons.
07:25Il nous touche d'abord parce que c'est un grand siècle pour la France.
07:29La France a énormément produit au XIXe.
07:31On peut dire même que la France est probablement le pays qui, au XIXe, a produit le plus de
07:36grands artistes.
07:37Ce n'est pas en nombre de tableaux, comme ont pu le faire les Anglais, mais des lacroix,
07:43des manets, des courbets, des coraux, puis après des Renoirs, des Seurats.
07:47Tous les pays du monde n'ont pas su produire ça.
07:50Donc le XIXe, c'est le siècle de la peinture en France.
07:52Donc c'est un siècle qui est passionnant.
07:54Mais nous nous intéressons, comme je vous le disais, qu'à la partie académique, c'est-à-dire
07:58à cette partie du XIXe qui nous passionne, en laissant les très gros chiffres à mes
08:04confrères.
08:05Et quand on parle de votre cabinet qui s'ouvre au XIXe, qu'est-ce que ça veut dire en termes
08:08d'organisation interne ? Vous avez fait ce nouveau recrutement, mais aussi ça veut dire
08:13que vous développez aussi votre riche bibliothèque.
08:16Comment ça se passe en interne ?
08:17Alors en fait, j'ai toujours eu un oeil sur le XIXe et j'ai toujours prévu de faire ça.
08:21D'accord.
08:22J'ai annoncé à mes confrères il y a dix ans que j'allais m'ouvrir au XIXe.
08:25Mais nous sommes des gens très lents, vous savez, on se déplace très, très, très
08:29lourdement.
08:30Et il m'a fallu dix ans, en fait, pour dresser une stratégie et maintenant elle est prête
08:33et on y va.
08:34Mais depuis que j'ai fondé ce bureau, j'ai acheté de la documentation sur le XIXe.
08:40Elle est archivée.
08:41Elle n'est pas classée, mais elle est là.
08:42Et en ce moment, il y a huit stagiaires qui découpent, qui classent, qui rangent, qui
08:45numérisent.
08:46Mais quand vous dites pour dix ans, pour créer une stratégie, ça veut dire quoi ?
08:50Une stratégie, c'est ça.
08:52En fait, pour nous, la documentation, c'est l'âme du métier.
08:55C'est mon illustre confrère du XIXe siècle, la première moitié du XXe, Bernard Berenson
09:02disait à la fin, c'est celui qui a le plus de photos qui gagne.
09:05Eh bien, j'ai cherché à en avoir plus que les autres.
09:06Est-ce qu'il y a justement, vous dites que c'est un siècle de découverte, en tout cas
09:11une période de découverte.
09:12Est-ce qu'il y a des noms d'artistes, des œuvres en particulier peut-être qui, pour
09:18vous, ont été découvertes, qui ne sont pas encore très connues du marché et vraiment
09:22où vous pensez qu'il y a encore beaucoup de choses qui seraient représentatives, en
09:26tout cas, de cette période que vous voulez mettre en avant ?
09:28Oui, il y a beaucoup de tableaux du début du XIXe, par exemple, de tous les élèves
09:31de David qui étaient innombrables, qui sont un peu tombés dans l'oubli, c'est vrai, qu'on
09:36peut retrouver.
09:37Puis, vous avez toute une partie du XIXe siècle qui n'est plus du tout à la mode.
09:40Les grands artistes du XIXe, au XIXe, c'était Meissonnier.
09:43Aujourd'hui, on achète un Meissonnier pour dix mille euros et Meissonnier, dans ses
09:47petites esquisses sur bois, ses petits paysages, ses natures mortes, il fait des merveilles,
09:52des choses d'une délicatesse extrême qu'on achète pour rien du tout.
09:55Le XIXe, ce n'est pas cher.
09:57C'est vraiment le siècle où, avec deux, trois, quatre mille euros, on peut acheter
10:01un tableau de musée.
10:02Vous ne pouvez pas faire ça dans tous les domaines.
10:04Au XVe, ce n'est pas possible.
10:05Et comment est-ce que vous conseillerez les personnes qui nous écoutent, qui justement
10:08seraient intéressées pour découvrir ces artistes, comment avoir un œil pour trouver
10:15ces artistes du XIXe qui sont encore un peu sous-estimés peut-être et les retrouver ?
10:21Bien sûr, déjà, aller dans les musées.
10:24Nous avons la chance à Paris d'avoir les plus beaux musées du monde pour le XIXe siècle.
10:29Entre le musée d'Orsay, la galerie du jeu de paume, on a des choses incroyables à Paris
10:34et il faut en profiter.
10:36Le musée Gustave Moreau, qui à lui seul est une expérience humaine absolument extraordinaire.
10:40Le musée Hébert, j'en oublie.
10:42Ça, c'est la première démarche.
10:44Mais la démarche la plus importante n'est pas là.
10:46La démarche la plus importante, c'est d'aller au marché opus, de se heurter aux
10:50oeuvres, aux vraies oeuvres, de les prendre entre eux.
10:52Si vous allez sur le marché opus, avec 1000 euros dans la poche, vous ressortez avec un
10:56original du XIXe, un dessin, une aquarelle, une gouache, une peinture, une peinture, une
11:02esquisse de paysage d'un des grands artistes du XIXe, d'un paysagiste.
11:06Vous trouvez ça pour 1000 ou 1500 euros, c'est extraordinaire.
11:11Sans bon sens, il faut en profiter.
11:12Est-ce que dernièrement, il y a une vente, une expertise que vous avez réalisée, dont
11:17vous pourriez nous partager votre expérience ?
11:19Dans les cinq dernières années, un de nos plus beaux coups de marteau, c'est celui
11:24du commissaire Presseur, c'est celui du maître Rueland à Havannes, qui a trouvé dans un
11:30garage, dans une sous-pente, un garage sous un petit pavillon, il a trouvé un tableau
11:34d'un artiste appelé Raden Salé, qui est un artiste que très peu de gens connaissaient
11:39en France.
11:40C'est un Indonésien, un prince indonésien, donc qui était issu vraiment de l'aristocratie
11:47indonésienne, qui était protégé par l'aîné irlandais, qui était la puissance colonisatrice
11:52à l'époque, qui a été aidé par l'aîné irlandais, ils ont financé ses études, ils
11:56l'ont fait venir en Hollande, il a étudié en Hollande, puis il est parti en Angleterre,
12:00puis en France, il était un élève d'Horace Vernet, et il est reparti dans son pays.
12:03Donc il a eu une formation académique tout à fait formidable, c'était aussi un gros
12:08malin, il a profité du fait qu'il était prince de Java, qu'il était plutôt beau
12:13gosse, etc.
12:14Il a fait une carrière mondaine, comme le peuvent le faire encore aujourd'hui beaucoup
12:18d'artistes contemporains, et il a eu pas mal de succès, puis ensuite il a complètement
12:23disparu, il est reparti dans son Java, dans sa forêt, mais là-bas il a peint des tableaux,
12:29essentiellement le tableau que nous avons retrouvé, il avait été peint en fait pour
12:32un français, un breton, qui avait un comptoir en Indonésie, et qui avait ramené ce tableau
12:39quand il est revenu sur le continent, quand il est revenu en France, et ce tableau avait
12:44complètement perdu sa valeur, personne ne savait ce que ça valait, il était pourtant
12:47signé ! Et bon, nous l'avons vendu je crois 8 millions et demi, voilà, tout de même
12:53un petit prix.
12:54Ça fait du bruit à Vannes, ça a réveillé la Bretagne profonde, et en fait ça c'est
13:00passionnant, et ça nous montre, si vous voulez, que le XIXe, qui est si proche de
13:03nous, si proche, parce que ce tableau il a été peint il y a 150 ans, c'est pas très
13:07vieux, il était complètement passé à la trappe, complètement oublié, donc le XIXe,
13:13c'est plein de ressources.
13:14Avec des états de conservation qui peuvent être très bons du coup.
13:16Le tableau était sur sa toile d'origine, il n'avait jamais été touché, en fait,
13:19le tableau est rentré, les héritiers du monsieur avaient probablement gardé un très
13:23mauvais souvenir de ses frasques en Indonésie, il s'est peut-être ruiné là-bas, je ne
13:27sais pas.
13:28Ils ont mis le tableau dans le garage.
13:30C'est une histoire archi-classique.
13:33Ça fait une belle redécouverte pour le cabinet turcain.
13:36Merci beaucoup Eric Ducquin, je rappelle que vous êtes expert en tableau et fondateur
13:41du cabinet turcain.
13:42Et quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro d'Arrêt
13:45marché, édition week-end.