• le mois dernier
Jacques Pessis reçoit Alain Bauer. Criminologue de formation, il signe un Dictionnaire illustré du crime. Cela en serait un de ne pas le lire.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-11-21##

Category

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie. Celle de mon invité.
00:06Vous avez dédié votre vie au crime,
00:08ce qui vous a condamné à de très longues journées de travaux
00:11que vous n'avez jamais considérées comme forcées.
00:13Vous n'avez pas adopté comme devise
00:15« le crime ne paie pas », bien au contraire.
00:17Bonjour Alain Boer.
00:19Bonjour.
00:20Alors, vous publiez le dictionnaire amoureux illustré du crime
00:23chez Plon et Ground, donc on va en parler tout à l'heure.
00:26Mais le principe des clés d'une vie est assez particulier.
00:28C'est-à-dire qu'on parle de votre parcours à travers des dates clés.
00:31Et j'en ai trouvé certaines qui permettent de mieux vous cerner,
00:34car il y a plein de choses à raconter sur vous.
00:36La première, elle est récente, c'est le 8 mai 2022.
00:40Manuel Valls vous offre pour 60 ans un livre sur Richelieu.
00:44Et c'est important parce que Paco Rabanne a assuré un jour
00:48que vous aviez été dans une vie antérieure le cardinal de Richelieu.
00:51Ah non, le père Joseph.
00:53Les deux, il a dit les deux.
00:54Il a hésité.
00:55Oui, nous étions à l'ambassade d'Espagne pour un docteur Norris Cosa
01:00que j'ai organisé à la Sorbonne.
01:03Manuel Valls y était invité aussi.
01:05Et Paco Rabanne était là à table.
01:08Et donc, on ne savait pas très bien de quoi parler.
01:11Et il dit, mais vous savez, je vois vos vies antérieures.
01:13Bien sûr, pourquoi pas.
01:15Et donc, on ne s'était jamais vus.
01:16Mais jamais.
01:17Il dit, alors vous, vous étiez le père Joseph.
01:20Il me rappelait à peu près le positionnement du père Joseph.
01:24Ça me convenait assez, d'ailleurs, à part l'appartenance confessionnelle.
01:29Je suis un vrai laïc, moi.
01:31Mais après, il s'est dit, peut-être Richelieu, en fin de compte.
01:35Il s'est interrogé.
01:36D'ailleurs, on vous a souvent surnommé Richelieu depuis, à l'OVR.
01:39Pas assez peu, non, en fait.
01:41Ce n'est pas mon surnom.
01:43Mon surnom est Yoda.
01:44Ah oui, c'est autre chose.
01:46En tout cas, Paco Rabanne croyait tellement à la réincarnation
01:49qu'il affirmait avoir eu plusieurs vies.
01:51Il aurait été une maîtresse de Louis XV.
01:53Il aurait vu Dieu trois fois, côtoyé Jésus,
01:56tué le Pharaon tout en camo et reçu d'un visite extraterrestre.
01:59Je ne suis pas sûr que Louis XV ait aimé ses dernières créations en termes de robes.
02:03Mais ça cliquetait peut-être un peu trop et on pouvait se blesser en cas d'urgence.
02:07Mais Paco Rabanne était absolument fascinant.
02:10Il racontait ses histoires.
02:12Par contre, pour les dates de fin du monde, il n'était pas très, très, très à jour.
02:16Oui, c'était le cas aussi de Nostradamus.
02:18De peu près tout le monde, d'ailleurs.
02:19Mais dans Nostradamus, il s'était moins précis.
02:22Paco Rabanne vous donnait des dates plus détaillées.
02:25On pouvait les retrouver sur le calendrier.
02:27Alors, vos ancêtres à Naboer sont très éloignés de ce drichelier.
02:30Je crois que vos grands-parents ont fui les pogroms de l'Est.
02:33Oui, mais mes grands-parents sont austro-hongrois.
02:37Et donc, ils ont fui par anti-nazisme d'abord et par anti-communisme ensuite.
02:42Donc, ils ont fait deux fois tout faux.
02:44Mais ils sont arrivés en France d'abord en passant par l'Est,
02:49par le Lyonnais, où ils ont été protégés et sauvés par des paysans français, catholiques,
02:55à qui il faut rendre hommage parce que l'esprit de résistance,
02:59c'était à Londres, mais c'était aussi dans la France de l'intérieur,
03:04celle qui justement sait accueillir et s'est protégée.
03:07Et vos parents, qui sont Georges et Monique Boer,
03:11ont travaillé dans le monde du textile à Paris.
03:14Alors, ça a commencé d'une manière assez bizarre.
03:16En fait, ce n'était pas du tout leur destinée.
03:18Mon père a commencé par être rédacteur à Colbleu, la revue de la Marine.
03:21Et puis ensuite, ils ont dû trouver de quoi vivre.
03:23Donc, ils ont surtout travaillé dans tout ce qui était les accessoires.
03:27Parce que si vous avez des boutons, des fermetures éclairs, des doublures,
03:33il y a beaucoup de boutons, d'ailleurs.
03:35Et donc, ils ont commencé comme ça.
03:37– Et vous leur devez, je crois, votre conscience sociale
03:40et votre engagement envers la justice.
03:42– Non, ce n'est pas une histoire de mes parents.
03:45Mes parents étaient très sociaux.
03:48Mais ils n'étaient peu engagés, même pas du tout,
03:50ni politiquement, ni syndicalement.
03:53Ils étaient dans une logique d'intégration très intégrée.
03:56On ne se voyait pas, on se fondait dans la masse.
03:58Eux, ils étaient dans une logique assimilatrice très forte.
04:01Français de haut en bas et sur les côtés.
04:05Et non, la partie sociale est venue vraiment de lecture,
04:13d'un engagement plus personnel que familial.
04:15En fait, je suis le premier à avoir fait des études supérieures
04:20et à avoir eu un engagement militant qui ne l'aura pas plus du tout.
04:24D'ailleurs, puisque j'ai commencé quand j'avais 15 ans au PS à l'époque,
04:29auprès de Jean-Pierre Cheminement, d'abord Michel Rocard ensuite,
04:32par anti-mitterrandisme primaire, secondaire et terminale.
04:36En termes de positionnement, je ne connaissais pas suffisamment
04:41François Mitterrand pour être aussi désagréable avec lui.
04:44Mais mon père était justement très, il ne faut pas faire de politique,
04:48tout ça n'est pas bien. Mais il m'a laissé faire quand même.
04:52Il y a eu le bac d'abord et je crois que déjà les sciences sociales et criminelles
04:55vous intéressaient.
04:57Ce qui m'intéressait, c'est le droit. Le droit à tout cours.
05:00Vraiment, dans la cour de récréation, on m'appelait le juge
05:03parce que j'étais le casque bleu des bagarres du collège puis du lycée.
05:09C'est un métier que j'ai commencé très tôt, sans les bases professionnelles.
05:14Mais je voulais faire du droit, ça m'a toujours attiré, fasciné.
05:18Mon vrai engagement était le droit.
05:21La justice est venue plus tard et le crime est venu in fine, un peu par hasard.
05:27Et ça, c'est à cause de Michel Rocard.
05:29Au départ, ce n'était pas du tout ma vocation.
05:32Mais j'ai été, au moment où il arrive à Matignon,
05:36ma vocation était de m'occuper des affaires universitaires et étudiantes.
05:41Puisque j'étais vice-président de la Sorbonne, il y avait une sorte de logique.
05:43Mais vous savez, à l'époque, quand on faisait de la politique,
05:45tu parles anglais, corvé de patate.
05:47On faisait essentiellement ce qu'on ne savait pas faire.
05:50Et donc j'ai commencé par la crise en Nouvelle-Calédonie,
05:53qui n'était pas vraiment un sujet d'actualité.
05:56Puisque Michel Rocard a commencé son arrivée à Matignon après Ouvéa.
06:01Ensuite, Michel Rocard a des amis de 30 ans,
06:05qui poussent à peu près comme les champignons après la pluie.
06:08Et donc un de mes collègues de Paris 1, dans le monde de l'université,
06:11a été nommé conseiller éducation.
06:13Ce qui ne me dérangeait pas, parce que le primaire, le secondaire et les maternelles
06:16n'étaient pas vraiment ma préoccupation de tous les instants.
06:18Mais il a aussi récupéré l'enseignement supérieur.
06:20Et donc vous avez à peu près ce sentiment de...
06:23Le sol s'ouvre devant vous au moment où vous pensez arriver enfin au sommet.
06:27Et j'ai été envoyé voir Rémi Potrin,
06:29qui s'occupait des affaires de sécurité intérieure.
06:32Et c'est auprès de lui que j'ai fait mes armes.
06:34Alors avec un bijoutage assez brutal,
06:37puisque j'ai eu l'attentat du décédiste d'Ouvéa,
06:39la chute du mur de Berlin et la gare du Golfe.
06:41Une fois qu'on a fait ça, on peut tout faire.
06:43Je crois. Vous étiez surprenant quand même à la fac,
06:47puisque vous étiez pratiquement le seul à porter un costume et une cravate.
06:50Et à l'Oden.
06:52À l'Oden, c'est Manuel. Manuel avait un Oden vert, moi pas.
06:56Mais le costume cravate, oui absolument.
06:59Ça tranchait à ce moment-là.
07:01Surtout à Tolbiac, vous imaginez.
07:03Ce n'était pas vraiment la tenue officielle.
07:05Mais du coup, j'avais ma propre identité.
07:07Tout le monde savait qui j'étais sans même savoir qui j'étais.
07:10Et vous aviez déjà la moustache.
07:12Alors la moustache est arrivée tardivement,
07:14mais j'avais déjà une capillarité rase.
07:17C'est-à-dire que les cheveux sont tombés très vite.
07:19C'est une tradition familiale d'ailleurs.
07:21Et la moustache est arrivée parce que j'étais à la fois vieux dedans
07:25et je me suis vieilli dehors pour exercer un peu mieux
07:28des fonctions qui étaient atypiques.
07:30Parce que j'étais vice-président chargé des finances à Tolbiac.
07:34Enfin Paris 1 Panthéon-Sorbonne à partir de 1981.
07:40Vous aviez souvent dit que vous étiez vieux quand vous étiez jeune.
07:43Ce que disait aussi Thierry Le Luron, qui lui malheureusement n'a pas été vieux.
07:46Oui, exactement.
07:47Il était toujours en costume.
07:48Et moi je me rajeunis depuis que je deviens vieux.
07:50Donc tout va bien.
07:51Vous savez, on est dans un pays démocratique théoriquement.
07:54Donc si les cheveux veulent s'en aller, qu'ils s'en aillent.
07:56Oui, moi je suis pour la liberté capillaire.
07:58Mais d'ailleurs je ne m'en fais pas à repousser ni repiquer.
08:01Je vis très bien avec ça.
08:03Je pense d'ailleurs que si malencontreusement on mettait une moumoute,
08:07je perdrais beaucoup de ma popularité.
08:09Alors il se trouve aussi que vous avez une particularité,
08:11c'est le permis de conduire que vous ne vouliez pas passer à cette époque-là.
08:14Alors je l'ai passé.
08:15J'ai passé le code, mais je n'ai pas voulu passer la conduite.
08:18Pourquoi ?
08:19Parce que je suis un danger public.
08:21Et que donc il aurait été extraordinairement inquiétant
08:24de me laisser conduire un véhicule en ville ou sur une autoroute.
08:28Puisque j'ai une vision assez faible.
08:31Et qu'il aurait fallu beaucoup d'éléments correctifs.
08:34Et puis qu'on a inventé des trucs formidables.
08:36Le taxi, le transport en commun, l'avion, le train.
08:40Et ça suffit parfaitement à mon bonheur.
08:42Voilà. Thierry Ardisson est dans le même cas que vous.
08:44C'est que Jean-Luc Pélenchon qui n'a pas le permis de conduire.
08:47Et Nico Sayagas qui n'a pas le permis de conduire.
08:49Mais qui a quand même animé un stand Mercedes au salon de l'auto.
08:52Bah écoutez comme quoi.
08:53Vous voyez, je suis en bonne compagnie.
08:55Alors il y a quand même un événement qui a marqué ces années-là.
08:57Et auquel vous avez été associé.
08:59Mais lundi, les étudiants ont bien l'intention de réoccuper les amphithéâtres.
09:02On tient bon, on continue.
09:04La manifestation contre la loi de la quai en 86.
09:07Les manifestations.
09:08Les manifestations.
09:09Ça a été important pour vous Alain Bauer ?
09:11C'était important.
09:12J'étais vice-président de la Sorbonne.
09:14Et donc j'avais l'ordre public.
09:17Parce que les vice-présidents à Paris 1 comme à Paris 4.
09:20On a une responsabilité tournante avec le recteur de l'époque.
09:24Et donc c'était très compliqué.
09:26Parce que c'était très violent d'abord.
09:28Et ensuite parce qu'il fallait traiter des questions à la fois de sécurité des étudiants.
09:32D'occupation ou de désoccupation des amphithéâtres.
09:35En plus c'était assez alternant.
09:37On n'occupait pas toujours la même chose au même moment.
09:39Il y a des amphis qui un matin étaient Paris 1 et l'après-midi Paris 4.
09:42Vous voyez c'est pas simple la Sorbonne.
09:44C'est un peu byzantin comme dispositif.
09:46Et donc il fallait gérer tout ça.
09:49Et puis surtout j'étais vice-président de l'UNEF aussi.
09:51Et donc j'ai dû gérer une confrontation majeure à l'angle de la rue Asnopeltri.
09:57Là où il y a eu des dizaines de blessés.
10:00Et donc j'ai découvert la violence du terrain.
10:05Et pas seulement la confrontation des idées.
10:08Oui et en même temps vous vous êtes fait des relations avec la police.
10:11C'était le point de départ de vos connaissances.
10:14Oui parce que dans l'organisation des manifestations vous avez un référent.
10:18Et donc la police avait défini un référent qui était le commissaire divisionnaire Berlioz.
10:24Et le préfet de police avait mis en place un outil de dialogue
10:28qui était très intelligent et très bien fait.
10:30Et donc nous avons créé les conditions d'un dialogue
10:33pour que les manifestations se passent bien plutôt qu'elles ne se passent mal.
10:37Mais c'est aussi une période de découverte de police.
10:39Une police républicaine et une plus manipulatrice et plus provocatrice.
10:43Disons que ça ouvrait des perspectives diverses sur la réalité de la police.
10:47Et il y a eu une commission d'enquête qui m'a affublé du titre ronflant de colonel Boer
10:53décerné par les gendarmes qui considéraient que dans la gestion de la crise
10:59ça avait été le meilleur moyen de garantir la liberté de manifester et la limite de la casse.
11:05Un colonel qui a gagné ses galons, d'ailleurs ses premiers galons.
11:08Il y en a eu d'autres.
11:09Et on va continuer à évoquer votre parcours à travers la date du 6 mars 1997.
11:14A tout de suite sur Sud Radio avec Alain Boer.
11:17Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:20Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité Alain Boer.
11:23Nous parlerons tout à l'heure de ce dictionnaire amoureux illustré du crime
11:27que vous publiez chez Gound et Plon.
11:30Mais on en revient à votre parcours.
11:32On a évoqué vos années d'étudiant.
11:34J'ai trouvé une date le 6 mars 1997.
11:40D'après les archives de l'INA, c'est votre premier journal télévisé.
11:43Vous vous êtes interviewé par Laurence Piquet.
11:45Vous vous êtes présenté comme un expert en sécurité urbaine
11:48et évoqué la vidéo-surveillance dans les lieux publics.
11:51Vous en souvenez ?
11:53Je ne me souviens pas de la date, je ne me souviens pas de l'expérience non plus.
11:56C'est un peu comme les enfants de la télé.
11:58Je suis sûr qu'on peut toujours retrouver une archive un peu brutale.
12:02Elle n'est pas brutale, c'est un journal télévisé.
12:04Oui, de 13 heures.
12:06Ça je me souviens.
12:08C'était un moment assez intéressant parce que je suis arrivé
12:10et ni moi ni la personne qui m'accueillait ne savaient exactement de quoi nous allions parler.
12:15Donc au maquillage, nous avons traité de la question
12:18« Quelle question voulez-vous que je vous pose ? »
12:20Je lui ai dit « Celle que vous voulez, moi je prends la liberté de la presse. »
12:22Elle me dit « Ah bon, c'est rare, d'habitude les gens préfèrent répondre aux questions qu'ils ont eux-mêmes préparées. »
12:27Et donc ça a été une vraie interview, comme vous.
12:30On ne s'est pas parlé avant, mais c'était assez bien.
12:33D'autant que je suis arrivé en moto, parce que j'avais très exactement 7 minutes
12:38pour arriver entre la réunion précédente de Place Beauvau et l'entretien à Antenne 2.
12:45Et vous évoquez notamment la vidéosurveillance qui est alors totalement novatrice.
12:50Elle n'est pas novatrice, mais c'est la première fois qu'on la réglemente de manière intelligente.
12:54C'est la loi de 1995 qui a prévu une réglementation.
12:58C'est une loi qui a d'ailleurs été censurée en partie par le Conseil Constituel,
13:01ce qui l'a rendue parfaitement instable et très compliquée.
13:04Et donc l'État me demande de trouver un moyen d'équilibrer l'intrusion de l'image sur la voie publique et son contrôle.
13:12Et donc nous mettons en place un outil qui va s'appeler la Commission Nationale de Vidéosurveillance.
13:17Madame Aliot-Marie détestera ce nom et l'appellera Vidéoprotection, ce qui est plus chic.
13:22Il y en a qui appellent Vidéotranquilité.
13:24Tout le monde a son petit nom, mais en fait c'était vraiment ça.
13:27Et oui, je viens en parler pour expliquer ce qu'est la nouvelle réglementation et la manière dont elle va se mettre en place.
13:32Et le premier système de vidéosurveillance, en fait, il a été installé par Siemens en 1942 en Allemagne
13:38pour observer le lancement des fusées V2.
13:40Et en 68, dans l'État de New York, il y a eu la première vidéosurveillance aux États-Unis.
13:46Oui, c'est un système. Et en France, il y avait des systèmes dès les années 70, mais non réglementés,
13:51plus ou moins amateurs, c'est-à-dire à la française.
13:54On le fait d'abord, on discute ensuite.
13:56Et donc là, la loi avait imposé ce dispositif.
13:59C'était une très grosse loi, la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité de Charles Pasqua.
14:03Mais c'était une loi très intrusive, corrigée par le conseil conséquentiel, et devenue très compliquée à mettre en place.
14:09Et c'est à cette époque-là que vous vous intéressez aux problèmes de sécurité,
14:13ce qui est également novateur, parce que la sécurité, on en parle beaucoup aujourd'hui à l'Aboer,
14:17mais à l'époque, ce n'était pas un sujet aussi fréquent.
14:19Alors non, je m'en suis occupé à partir de 88, quand je suis à Matignon,
14:22puisque le sujet devient après les attentats, la guerre, la chute du mur, etc.
14:29Le problème, c'est aussi de préparer les élections, notamment les municipales, puis les présidentielles.
14:33Michel Rocard est très intéressé aux questions de contrôle du renseignement.
14:36C'est le premier Premier ministre qui se rend à plusieurs reprises dans les services d'enseignement
14:39et qui demande qu'on sorte de la clandestinité, les fichiers du renseignement, en 91.
14:44Et moi, je commence à m'occuper de ces questions, parce que les élus locaux sont face à un problème.
14:49C'est que la France est un pays très étrange.
14:51Sur n'importe quel problème émergent, elle commence par un triptyque qui s'appelle négation, minoration, éjection.
14:57En France, c'est courant.
14:58Un, ce n'est pas vrai.
14:59Ce n'est pas vrai.
15:00Deux, ce n'est pas grave.
15:01C'est beaucoup moins important que ce que vous pensez.
15:03Et trois, c'est vrai, c'est grave, mais je n'y peux rien.
15:05Ce qui fait que la population locale, le citoyen lambda, quand il n'a pas d'interlocuteur,
15:10il va en chercher un autre, si possible, bien à l'extrême, qui lui a une réponse et une solution à tout.
15:15Et donc, le moment où il a fallu traiter de ces questions de sécurité,
15:18notamment pour les élections municipales, pour des maires de gauche qui, pendant des années,
15:22avaient nié la réalité sécuritaire et qui ne voulaient pas perdre les élections ou éventuellement les gagner,
15:27ça a été de prendre en considération les questions de sécurité.
15:30Alors, je ne dis pas qu'à l'époque, j'étais le meilleur, mais comme j'étais le seul,
15:34je me suis effectivement fait une spécialité des problèmes de sécurité, autant local que national.
15:39Et c'est comme ça que j'ai effectivement commencé à travailler, écrire, publier, enseigner
15:44à l'Institut d'études politiques de Paris, puis à Paris 5, Paris 2, Paris 1, enfin un peu partout,
15:50parce que c'était effectivement un non-sujet.
15:53Mais pas un non-sujet parce qu'il n'existait pas, mais un non-sujet parce qu'on ne voulait pas le voir.
15:57Et en même temps, on n'imaginait pas encore le développement des nouvelles technologies
16:01comme on les a aujourd'hui, Alain Bauer.
16:03On n'imaginait pas grand-chose à l'époque, mais on savait qu'il allait se passer des évolutions et des révolutions.
16:10Mais pas aussi vite. Je dirais que ce n'est pas qu'on ne voyait pas, c'est qu'on ne voyait pas si vite.
16:15C'est-à-dire qu'on n'imaginait pas qu'aujourd'hui, on aurait tant de choses à gérer dans tous les sens dans ce domaine-là ?
16:21C'est pas sûr. En fait, les gens sont très lucides, mais ils espèrent que ça n'arrivera pas.
16:25Donc, ils font comme si ça n'allait pas arriver, tout en se disant que ça va arriver.
16:29Vous savez, l'humain est plein de contradictions.
16:31Alors, c'est à cette époque-là que vous commencez à publier vos premiers livres.
16:34Alors, il y a les nouvelles phases de la criminalité.
16:37Le premier, c'est un que sais-je. Violence et insécurité urbaine.
16:41Et ça, ça a commencé. Vous avez commencé à écrire des livres, ce qui n'était pas au départ votre chose favorite.
16:49Quand j'ai commencé à enseigner, il a fallu écrire des cours.
16:52Quand j'ai écrit des cours, il a fallu trouver des références et des sujets.
16:55J'ai découvert l'immense inanité, l'absence totale de réflexion sur ces questions.
17:00Pas plus philosophique que technologique, que juridique.
17:05Enfin, c'est très étrange.
17:07Le refus de l'obstacle amenait à ce qu'on n'écrive même pas ce qu'on ne voulait pas discuter.
17:12Et donc, moi, quand quelque chose me manque, j'écris.
17:15J'écris pour compenser ce que je n'ai pas trouvé.
17:18Et donc, le premier livre, c'était Violence et insécurité urbaine.
17:21Et d'ailleurs, mon premier éditeur, qui n'était pas les prêts universitaires de France, mais les éditions du Monitor,
17:25je suis rencontré sur un éditeur formidable qui m'a expliqué que le rôle essentiel de l'éditeur était de ne pas publier.
17:31Ah bon ?
17:32Voilà. Donc il m'a dit, faites plutôt des articles dans la revue du Monitor.
17:36Vous verrez, ça sera bien mieux.
17:38Et le patron des prêts universitaires de France à l'époque, hélas décédé depuis, m'a dit, ça va être un livre formidable.
17:43Et d'ailleurs, c'était un livre formidable parce qu'il en a vendu près de 50 000 exemplaires.
17:47Oui. Et insécurité urbaine, on n'en parlait pas encore beaucoup.
17:50Non, non. On a inventé le... Je ne dirais pas qu'on a inventé le concept.
17:53Disons qu'on l'a rendu publiquement visible et que ça a intéressé beaucoup les gens de comprendre
17:59ce que c'était que ce concept étrange dont l'inventeuse est une femme, commissaire de l'enseignement général, Mme Buitruong,
18:06qui avait inventé l'échelle des violences urbaines.
18:08Voilà. Et puis il y a quand même un film qui avait évoqué l'insécurité urbaine, c'est celui-ci.
18:17Orange Mécanique.
18:18Orange Mécanique, film célèbre, qui est l'un des deux seuls films classés R, Restricted,
18:24avec Macadam Cowboy, aux États-Unis, parmi ceux qui ont été nommés à l'escargot du meilleur film.
18:30C'est un film qui a révolutionné.
18:31C'est le titre de mon premier grand papier pour le colloque de Villepin, dans Le Monde,
18:35qui s'appelle, non pas Orange Mécanique, mais une pléthore d'oranges mécaniques.
18:39Moi, je voulais que ça s'appelle Orange Mécanique.
18:41Et c'est une des rares fois où le journal Le Monde est sorti de...
18:45On ne va pas en parler, il y a quand même un problème, ce qui est plutôt à sa gloire.
18:49Ce film, vous avez marqué ?
18:51Ah oui, oui, c'était très, très, très violent et très étrange comme film,
18:55à cause, justement, de la partie musicale, de la folie, de la gestion de la folie aussi,
19:00pour l'auteur principal, ce qui est Malcolm McDowell, je crois,
19:04qui est traité dans un hôpital psychiatrique,
19:07avec cette espèce d'incapacité de la société à comprendre la violence dite gratuite,
19:13qui ne l'est jamais, la violence pure.
19:15Et Kubrick n'était pas moins fou, d'ailleurs, il était très particulier aussi.
19:18Oui, mais enfin, bon, lui, c'est un artiste.
19:20Alors, à l'époque, effectivement, on n'imaginait pas que la violence urbaine,
19:24aujourd'hui, ce serait ça, l'imbauère.
19:26Bah, en fait, on avait oublié, parce que les zappages, ça date de 100 ans avant.
19:30Oui, mais ce n'était pas aussi violent.
19:32Ah, c'était extrêmement violent. Nous, on a oublié, on a zappé cette période, mais...
19:35Vous en parlez dans votre livre.
19:37Oui, oui, lisez les textes de l'époque, Le Ventre de Paris, etc.
19:42Vous regardez le film avec Simone Signoret, Casque d'Or,
19:46qui est un docu-fiction, en fait, ce n'est pas un film de fiction,
19:48c'est un documentaire sur les zappages.
19:50Vous vous rendez compte que le surinage, l'arme blanche,
19:52ce n'est pas né de la semaine dernière, dans les banlieues dont on parle,
19:55mais c'est très ancien. En fait, il y a eu beaucoup de violence.
19:58L'histoire de la violence en France, c'est qu'on est passé en homicide pur,
20:02c'est à peu près le seul indicateur qu'on ait de manière fiable,
20:04tout le reste est très évolutif,
20:06de 150 homicides pour 100 000 habitants à 1.
20:09Le problème, c'est le retournement de la violence physique depuis 15 ans,
20:12même très exactement depuis 2012.
20:16Avant, on était très violent.
20:18Quand on rentrait à la maison et qu'on n'avait été ni violé, ni tué,
20:21on était content.
20:23Vous avez à l'époque un modèle qui érodit du génie le maire de New York.
20:27Ce n'est pas tout à fait mon modèle, mais le modèle, c'est New York.
20:31La politique du zéro tolérance, de la vitre brisée,
20:34c'est-à-dire une double politique,
20:36la politique du « on ne tolère pas la réitérance et la récidive »
20:40et la politique du « on traite les problèmes dès le début,
20:43on n'attend pas qu'ils deviennent impossibles à traiter ».
20:45C'est le cumul de ces deux, une vision par un procureur,
20:49puisqu'il est à l'époque procureur républicain de la ville de New York,
20:52et la vision de deux universitaires,
20:55qui permet justement de faire une sainte alliance
20:57entre ce que va devenir mon métier et son application,
21:00puisque la criminologie, c'est un acte pratique,
21:02en fait, c'est une science clinique.
21:04On établit un diagnostic, il doit être partagé,
21:06on imagine un pronostic, il doit être discuté,
21:09et on propose des thérapeutiques qui doivent être disputées.
21:12La France est le pays où on a les spécialistes des thérapeutiques sans diagnostic,
21:15donc c'est compliqué.
21:16Donc oui, j'aimais bien l'idée qu'on reconnaisse le problème,
21:19qu'on lui donne un nom et qu'on ait des options de traitement.
21:22Alors ça, ce sont quelques-unes de vos activités,
21:24il y en a d'autres,
21:25et il y en a une que j'ai relevée à travers une autre date,
21:27le 21 octobre 2011.
21:29A tout de suite sur Sud Radio avec Alain Bauer.
21:32Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:35Sur Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Alain Bauer.
21:38Nous parlerons tout à l'heure de ce dictionnaire amoureux,
21:40illustré du crime, que vous publiez chez Grund et Plon.
21:43Et on revient à votre parcours, on a évoqué vos débuts,
21:46et puis il y a une chose étonnante, c'est le 21 octobre 2011,
21:49France 2 diffuse un téléfilm réalisé par Olivier Guignard
21:53qui s'appelle Rituel Meurtrier,
21:55et c'est vous qui êtes à l'origine de ce téléfilm.
21:58Alors je suis le... l'idée originale.
22:00Voilà.
22:01J'ai un peu participé au scénario, oui, c'est une commande
22:04qui m'a été faite par Jacques Kirchner, le producteur,
22:07et qui voulait qu'on fasse un thriller maçonnique.
22:12Voilà.
22:13Et donc j'ai écrit un thriller maçonnique.
22:15C'était assez drôle.
22:16J'avais écrit des romans policiers déjà à l'époque,
22:19sur le même sujet, avec Roger Daché,
22:22le président de l'Institut maçonnique de France.
22:24Donc ça nous avait...
22:25Chez Jean-Claude Lattès, ça nous avait beaucoup amusé.
22:27On en avait écrit deux.
22:28Et donc on s'est lancé dans cette aventure étrange
22:32de passer sur le petit écran
22:35et pas seulement sur les pages qu'on tourne d'un livre.
22:38L'histoire, c'était une série de crimes
22:40commises à proximité de tentes maçonniques
22:42et selon un rite ancien de la franc-maçonnerie, c'est ça ?
22:45Oui, contre des maçons utilisant un rite
22:47pour masquer la réalité des vrais auteurs de ces crimes.
22:52Alors, ce qui est étonnant,
22:53c'est que la franc-maçonnerie est quelque chose de discret
22:55et là, il y avait une fiction évoquant la franc-maçonnerie à la Boer.
22:58Ce n'était pas la première fois.
22:59Il y a eu plusieurs fictions évoquant la franc-maçonnerie.
23:01Parfois des fictions anti-maçonniques,
23:04d'autres qui racontaient simplement un moment de la maçonnerie.
23:08Mais là, on a assumé le fait qu'il n'y avait rien de secret,
23:11que les rituels étaient en vente libre depuis 1749, je crois.
23:18Donc, il n'y a pas de secret.
23:20Le secret de l'initiation, c'est un secret intime.
23:22C'est ce qu'on vit personnellement.
23:25Mais le reste, c'est un décor, des modèles.
23:30Et d'ailleurs, la maçonnerie des origines,
23:32il n'y a pas d'initiation et il n'y a pas de rituel.
23:34C'est la maçonnerie des bistrots et des tavernes.
23:36Tout le reste est venu après pour donner un peu de décorum et de chic au processus.
23:42Mais le processus initiatique, il ne peut être que vécu.
23:45Il ne peut même pas être raconté.
23:47On peut le voir, on ne peut pas le vivre.
23:49Il se trouve aussi que la franc-maçonnerie, vous êtes arrivé très jeune
23:52et vous avez atteint les plus hauts grades
23:54et que ça a été aussi une vraie passion et quelque chose d'important pour vous à la Boer.
23:57Alors oui, ça, c'est né de mon désappointement politique.
24:00C'est-à-dire que dans la section du Parti CIS où j'étais,
24:04la question n'est pas de savoir si ce que je disais avait un intérêt ou pas,
24:07si c'était intelligent ou idiot,
24:09mais c'était uniquement en fonction de qui le disait.
24:11Donc dans une section mitterrandiste, quoi que se dise en rocardien, c'était nul.
24:14Dans une section rocardienne, c'était moins pire,
24:17mais quand même, il y avait des petites pulsions irrésistibles.
24:20Et j'ai trouvé ça extraordinairement insupportable et désagréable.
24:25Et puis j'ai appris en maçonnerie un moment formidable
24:29qui est « on ne t'interrompt pas quand tu parles ».
24:31Ce n'est pas un concours de décibels
24:33où le seul gagnant est l'animateur qui a réussi
24:36à ce que personne ne finisse une phrase dans un brouhaha général
24:39et content qu'on ait dépassé le niveau sonore le plus insupportable.
24:45Donc ça, c'est vraiment un apprentissage formidable
24:50de l'obligation de l'écoute, donc de l'apprentissage de la patience.
24:53Et je ne suis pas un garçon patient, naturellement en tout cas,
24:55je l'ai appris avec l'âge.
24:57Et voilà, c'était un vrai engagement.
25:01Je ne regrette rien de mes années maçonniques,
25:06je suis toujours adhérent de base, je ne suis pas parti,
25:09j'ai abandonné l'intégralité des fonctions possibles et imaginables,
25:13mais ce fut vraiment une pédagogie du respect,
25:18du silence et de l'attention qui est absolument formidable.
25:21Et c'est le principe que nous adoptons dans l'activité d'une vie,
25:24c'est-à-dire qu'on vous laisse parler ce qui n'est pas courant, je crois,
25:26dans les autres émissions de radio.
25:28Oh, ça dépend, ça dépend avec qui vous êtes.
25:30Regardez, je pensais dans l'air, par exemple,
25:32qui pour moi est un modèle de l'entretien.
25:34On vous explique avant même d'entrer sur le plateau
25:36que si vous interrompez quelqu'un avant qu'il ait fini sa phrase,
25:38vous n'êtes pas réinvité, donc c'est pédagogique.
25:41Exactement. Alors, il se trouve dans ce film,
25:43il y avait Éric Elmosnino, qui à l'époque était encore dans le théâtre public
25:48et qui avec le film de Gainsbourg a totalement évolué
25:51et est devenu un grand acteur qu'on a reçu dans l'activité d'une vie.
25:53Et c'est un grand acteur dans le film aussi.
25:55Exactement, on l'a remarqué.
25:57Alors, ce film a une particularité,
25:59c'est qu'il a été vendu sous forme de DVD avec L'Express quelques mois plus tard,
26:03ce qui était tout à fait nouveau à la BR.
26:05Alors, c'est L'Express qui le voulait,
26:06parce que L'Express avait à l'intérieur de son équipe rédactionnelle
26:10un journaliste qui était le premier à avoir fait une rubrique
26:13où il s'était spécialisé, une rubrique et un blog
26:17sur la franc-maçonnerie.
26:19Et c'était un clin d'œil en fait.
26:21Ils ont trouvé que c'était drôle d'acheter,
26:23je crois qu'ils en ont acheté 30 000.
26:25Je me souviens bien,
26:27c'est comme je dis souvent, j'écris les livres, je ne les vends pas,
26:31je fais les scénarios, je ne vends pas les films.
26:33Mais ils avaient été vraiment très intéressés à l'idée de faire ce clin d'œil,
26:37d'avoir à la fois le regard critique du journaliste
26:40et le DVD pour faire une vente.
26:44Et d'ailleurs, je crois que le numéro s'est épuisé assez vite.
26:48Ce qui est fascinant avec vous Alain Bauer,
26:50c'est le nombre de tâches que vous effectuez chaque jour.
26:52Parce qu'il y a les livres, il y a vos actions politiques,
26:55il y a tout ce que vous faites.
26:56Mes actions politiques sont très réduites.
26:58Oui, oui, mais il y a eu.
27:00Moi, j'ai un peu vérifié vos emplois du temps.
27:03Vous avez aussi bien enseigné à Paris qu'à New York, à Pékin, en Israël.
27:07Il faut quand même le faire.
27:08Et à Shanghai, et à Abu Dhabi, et à Moscou du temps où ça se faisait.
27:12Et pourquoi ?
27:13Pourquoi pas ?
27:14Oui, mais en même temps, il faut le faire.
27:16Sur les questions de terrorisme et de protection des personnes,
27:20des biens et des États contre des activités
27:23qui ne sont pas de la résistance, mais de la destruction et du malheur,
27:27la plupart des pays ont des intérêts communs.
27:29Et mon avantage, c'est que dans mon métier,
27:31je peux dire la même chose à tout le monde.
27:32Je ne suis pas obligé d'adapter mon discours.
27:34Je ne suis ni diplomate, ni président de la République.
27:36Donc, je peux être à peu près cohérent avec moi-même.
27:40Et sur ces manières d'anticiper, de prévoir, de dissuader,
27:46d'identifier les individus et même de les interpeller, puis de les juger,
27:53on peut raconter la même chose à tout le monde.
27:56C'est parfois désagréable.
27:58Mes amis israéliens ont des souvenirs un peu cuisants
28:01de choses que j'aurais dites de manière très brutale.
28:04Parce que, comme disent les Chinois, les vrais amis se disent la vérité.
28:07Donc, il m'arrive d'être très désagréable.
28:09Mais dans l'intérêt de ceux à qui je parle.
28:12Parce que leur intérêt, ce n'est pas d'arrêter les auteurs d'un attentat.
28:15C'est déjà trop tard, il y a des victimes.
28:17C'est d'éviter qu'il y ait un attentat.
28:18Pour éviter qu'il y ait un attentat, il faut écouter, il faut entendre,
28:20il faut admettre des préjugés, des biais cognitifs.
28:23Et donc, tout ça, ça prend.
28:25Et donc, pour apprendre, il faut accepter qu'on puisse faire des erreurs.
28:28Et en même temps, à chaque fois, on vous appelle dans ces pays-là.
28:31Votre réputation est internationale.
28:33Moi, je me souviens de mes premières interviews journalistiques.
28:35C'était Jacques Léauté, premier criminologue de l'histoire.
28:39Alors, ce n'est pas le premier.
28:41C'était le patron de l'Institut de Criminologie de Paris,
28:44qui était à l'époque un vrai institut de criminologie.
28:46Mais les plus anciens sont plus anciens que lui.
28:48Et Montlocard, par exemple, a été le plus ancien.
28:51C'est un Lyonnais, donc j'en profite.
28:53Et c'est vrai qu'on écoute Sud Radio à Lyon aujourd'hui.
28:56Et Émile Durcaille, qui est le fondateur du concept même de criminologie
29:00et qu'il a expliqué dans Méthodes des sciences sociales en 1895.
29:03Mais Jacques Léauté a été le tenant vraiment remarquable
29:06de la portion de la criminologie avant qu'elle disparaisse après lui.
29:09Elle a été éliminée du champ académique
29:12avant qu'on recrée une chaire au Conservatoire des arts et métiers
29:16dans une des dates que vous avez peut-être ou pas, mais qui sera 2009.
29:20Voilà, exactement. Et j'allais vous en parler parce que vous avez créé à Limboer
29:23la première chaire de criminologie appliquée en France
29:26au Conservatoire des arts et métiers.
29:28Ça, c'était tout à fait nouveau.
29:29Alors, c'est nouveau depuis Léauté.
29:31Léauté était professeur des universités,
29:33mais la chaire a été créée au CNAM.
29:35Le CNAM, c'est le conservatoire qui a été inventé par l'abbé Grégoire
29:38durant la Révolution pour faire tout ce que l'université ne voulait pas faire.
29:41L'université s'était fait une spécialité.
29:43En résumé, je suis un peu méchant en disant ça,
29:45mais de la médecine non-détrusive et du droit canon,
29:47puisqu'elle n'est pas très loin.
29:49Puis du droit des parlements.
29:51Mais elle ne voulait pas traiter du reste
29:53parce que c'était soit du journalisme, soit ce n'est pas son problème.
29:55Donc, au moment où on veut parler des langues étrangères,
29:58François Ier crée l'Institut des langues orientales
30:00parce que l'université ne veut pas parler des langues étrangères.
30:02Au moment où on veut faire de l'archéologie et de la paléographie,
30:05il faut créer l'école des chars,
30:07parce que l'université ne veut pas le faire.
30:09Au moment où on commence à étudier la chimie,
30:12la physique, etc.,
30:14il faut le créer au conservatoire
30:16parce qu'ils ne veulent pas le faire.
30:18Au moment où il faut créer la gestion,
30:19il faut le créer au conservatoire.
30:21Au moment où on veut étudier la science politique,
30:23Émile Boutmy, qui est un spécialiste des colonnes ioniennes et d'orique,
30:26ce qui n'est pas terrible,
30:27est obligé de créer l'Institut d'études politiques.
30:29Et le conservatoire accueille tout ce que l'université,
30:31dans un premier temps, ne veut pas faire.
30:33Dans un deuxième temps, il se dit
30:34« Ah, quand même, il faudrait que je le fasse. »
30:35Et dans un troisième temps, il explique qu'il faudrait
30:37qu'on arrête de le faire puisqu'elle le fait.
30:39Donc, j'ai de la chance.
30:41La criminologie est arrivée là-dedans,
30:43comme l'a été le journalisme
30:45qui ne s'enseignait pas à l'université.
30:47Les droits pénals que l'université n'aimait pas.
30:52L'environnement, enfin, vous voyez ce que je veux dire.
30:54Et donc, le CNAM crée,
30:56sur l'impulsion de Nicolas Sarkozy,
30:58qu'il faut remercier,
30:59une chaire de criminologie.
31:01Et mes collègues m'élisent à la chaire de criminologie.
31:04Et donc, je suis effectivement le seul,
31:06et toujours unique,
31:08titulaire, parce qu'en fonction des jours qui passent,
31:10je ne sais pas si je suis une espèce en voie d'apparition
31:12ou de disparition,
31:13mais une espèce protégée.
31:15Le crime aussi, pour l'électeur de France Soir,
31:18c'était « Le crime ne paie pas »
31:20dans les années 50-60, dans Le Quotidien,
31:22la dernière page,
31:23faite par Paul Gordeau sur des véritables crimes.
31:25Et ce qu'on ne sait pas,
31:26c'est que c'est la première bande dessinée
31:28verticale de l'histoire,
31:29alors que tous les autres étaient horizontales.
31:31Oui, mais vous avez d'ailleurs,
31:33la grande presse,
31:34c'est celle qui a montré le crime,
31:35le petit journal avec l'affaire Trotman,
31:37premier feuilleton criminel de l'histoire,
31:39et Gallimard,
31:40avec la création du journal Détective.
31:42Gallimard, la grande maison d'édition,
31:44fait un journal dédié au crime,
31:46Détective, dans les années 30.
31:48Oui, où les plus grands écrivains
31:50viennent raconter des histoires très noires.
31:54Il se trouve aussi que pour tenir ce rythme
31:56et faire autant de choses,
31:57vous avez une vie très réglée.
31:59C'est-à-dire que vous vous couchez tôt.
32:01Et je me lève tôt.
32:02Et à 3h du matin, vous êtes debout.
32:04Oui, 3h30, 4h,
32:05c'est ce qu'il m'arrive de faire la grasse mat.
32:07Mais je ne suis jamais, je ne sors pas,
32:09je ne dîne pas, je ne dîne pas en ville.
32:11Et en général, à 20h30,
32:13alors je me couche vers 22h quand même,
32:15je ne vais pas exagérer,
32:16mais à 20h30, je suis chez moi,
32:17aux grands dames de mon attaché de presse
32:19qui essayent régulièrement
32:20de me faire sortir le soir à des heures indues.
32:22Et ce que je refuse régulièrement,
32:24sauf une ou deux fois par an,
32:26c'est de me faire sortir par une sorte de regret
32:29ou de remords,
32:30parce que de temps en temps,
32:31il faut faire un effort.
32:32Et puis, vous avez une autre passion,
32:33c'est la gastronomie.
32:34Vous avez aussi officié dans ce domaine
32:36à travers des livres qui ont marqué les libraires.
32:39Oui, d'abord, j'ai écrit
32:41« Des confessions gastronomiques »,
32:42qui a été un livre avec 60 grands chefs
32:44qui racontaient leur parcours.
32:45Là, je suis en train d'écrire la suite,
32:47qui est des jeunes chefs
32:49qu'on ne connaît pas encore,
32:50l'avenir de la gastronomie,
32:51parce que c'est un vrai sujet,
32:52que je mange deux fois par jour,
32:54pas trois fois, maintenant j'ai arrêté.
32:55Mais que j'essaye de manger bien et bon
32:58et dans des endroits intéressants et sympathiques.
33:01J'ai écrit deux « Que sais-je » aussi,
33:02« Les 100 lieux et les 100 mots de la gastronomie »,
33:04ce qui était très intéressant.
33:06Et puis, j'ai été inspecteur et chroniqueur
33:08pour des grilles gastronomiques.
33:10Et donc, c'était un parcours particulier.
33:13Mais ce n'est pas plus difficile que faire autre chose.
33:16De toute façon, on mange.
33:17Oui, mais il faut arriver à faire tout ça.
33:19On mange toujours.
33:20Je ne sais pas, vous prenez un petit déjeuner,
33:21un déjeuner,
33:22et vous arrivez de dîner.
33:24En même temps, là aussi,
33:27il y a eu une évolution de la gastronomie.
33:29Les chefs n'étaient pas des stars dans les années 70.
33:31Non, c'est vrai, vous avez raison.
33:33Les premiers, c'est évidemment Paul Bocuse, Raymond Olivers.
33:37Quand la télévision se saisit des chefs
33:39pour les mettre en avant,
33:41le chef sort de sa cuisine,
33:43se montre en cuisine,
33:46commence à avoir des contrats,
33:48c'est-à-dire à plusieurs restaurants.
33:50Il n'est pas obligé d'être dans le même restaurant tout le temps.
33:52Il peut être exécutif chef, il peut être consultant.
33:55Et donc, le plus grand héros de la gastronomie moderne
33:58est Alain Ducasse,
33:59sans commune mesure,
34:01avec Paul Bocuse.
34:03C'était vraiment le duo incroyable de la gastronomie
34:07qui a révolutionné, modernisé, développé.
34:10Alors l'un, malheureusement, nous a quittés,
34:12l'autre est toujours là et bien vivant.
34:14Et ça a été vraiment une révolution.
34:17L'un, par la diversité absolue de ce qu'il faisait,
34:22et Ducasse, qui peut vous faire du sandwich à 10 euros,
34:26parce qu'il ne faut pas exagérer,
34:28il dit souvent 1 euro, mais on n'y croit pas,
34:30au gastro à 400.
34:33Mais le fait que ça soit bon dans tous les cas de figure
34:36est quand même tout à fait remarquable.
34:38Et puis des générations nouvelles,
34:39et surtout une féminisation
34:41qui a dépassé les mères de Lyon,
34:43M-E-R-E-S,
34:45pour vraiment ouvrir aujourd'hui
34:47une génération incroyable de jeunes chefs,
34:50talentueuses, pleines d'inventivité,
34:55qui sont tout à fait incroyables,
34:57et donc c'est plutôt rassurant pour l'avenir.
35:00Voilà, maintenant on va continuer à boire vos paroles,
35:02si j'ose dire,
35:03à travers la date de la sortie de votre dernier livre,
35:05le 17 octobre 2024.
35:08A tout de suite sur Sud Radio avec Alain Boer.
35:11Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
35:13Sud Radio, les clés d'une vie,
35:15celle de mon invité Alain Boer.
35:17On a évoqué tout votre parcours,
35:19il continue avec le 17 octobre 2024,
35:22la sortie de ce dictionnaire amoureux
35:25illustré du crime.
35:26Il y a quand même un paradoxe
35:28dans ce dictionnaire amoureux
35:30publié chez Plon & Groon,
35:31c'est que amoureux et crime,
35:33au départ ça n'irait pas ensemble, théoriquement.
35:35C'est exactement ce qu'ils m'ont dit
35:37la première fois où on m'a commandé
35:39un dictionnaire amoureux,
35:40et pourtant, non seulement ils l'ont commandé,
35:42ils l'ont publié dans la version papier initiale,
35:45ancienne,
35:46et qu'il a connu un grand succès.
35:48Pourquoi ?
35:49Imaginez un monde où il n'y aurait
35:51ni opéra, ni théâtre,
35:53ni cinéma, ni télévision,
35:55ni émission de radio,
35:57ni émission de télévision,
35:58ni journaux,
35:59ni discussion du café du matin,
36:01sans crime,
36:02il ne va pas vous rester grand-chose.
36:03Or le crime, il y a un côté fascinant,
36:05d'abord parce que le crime, c'est la mort,
36:06mais c'est aussi la vie.
36:07C'est le fait divers,
36:09c'est un événement incroyable
36:11de l'aventure humaine
36:12où on voit le mal et le bien,
36:14la protection,
36:16le shérif autant que le hors-la-loi,
36:18le beau criminel comme l'horrible
36:22qui nous fait peur,
36:24mais qui nous fascine tout autant,
36:26l'enquête fascine autant qu'eux.
36:28Mon émission du samedi avec Marie-Hédricker,
36:30au bout de l'enquête,
36:32elle fait aujourd'hui entre 16 et 18%
36:35de l'audience de France Télévisions
36:37à cause de son côté pédagogique,
36:38pas de sa mise en scène.
36:40Et donc la pédagogie du crime,
36:42c'est montrer ce qu'il est dans sa réalité,
36:44expliquer ce qu'il est,
36:46et ça c'est un acte vraiment informatif et formatif,
36:50et puis aussi montrer des clins d'œil.
36:53D'abord le crime dans la fiction,
36:55c'est comme Hannibal Lecter,
36:57dont Donald Trump pense qu'il est vraiment vivant,
37:00et à qui il fait référence dans ses meetings,
37:03ce qui me laisse toujours de manière très impressionnée,
37:06je me demande à quel moment Hannibal Lecter
37:08va entrer en scène,
37:09avec Elon Musk,
37:10bras dessus, bras dessous.
37:12Donc il y a des moments comme ça
37:13qui montrent que le mal, le bien,
37:18la lutte contre le mal,
37:19la promotion du bien, la justice,
37:21les héros et les victimes
37:24sont des éléments qui construisent la vie dans la réalité,
37:27et donc un dictionnaire illustré du crime,
37:29c'est très bien,
37:30et amoureux,
37:31parce que, évidemment,
37:32j'ai la même fascination que les autres,
37:34mais moi j'ai une fascination pédagogique,
37:36herméneutique, justement,
37:38pour montrer ce qu'il y a derrière le décor,
37:41et pas seulement ce qui est spectaculaire.
37:44Alors il se trouve que vous remontez très très loin,
37:46vous remontez à Lucrèce Borgia,
37:48vous remontez à Charlotte Cordée,
37:49car c'est...
37:50Oui, Carin, Abel,
37:51tout ce que vous voulez,
37:52tout le monde y passe.
37:53Et c'est vrai que c'est important
37:54de remonter aussi loin
37:55pour raconter l'histoire complètement.
37:56Bien sûr,
37:57parce qu'elle a façonné notre histoire.
37:58En fait,
37:59quand vous regardez un livre d'histoire,
38:02vous avez quoi ?
38:03Les batailles,
38:04les couronnements et les assassinats.
38:07Oui, donc on y est.
38:08Alors il se trouve aussi que vous évoquez
38:10ceux qui ont marqué l'histoire du crime
38:12d'une façon très particulière,
38:14comme par exemple Alphonse Bertillon.
38:16Oui, alors qu'un vrai faux inventeur,
38:19parce que d'abord,
38:20le système Bertillon a été un échec total,
38:23trop compliqué,
38:24trop difficile,
38:25trop long.
38:26C'était des fiches de police ?
38:27Ah non, non,
38:28c'était un calcul anthropométrique
38:30qui permettait de calculer
38:31du bout du doigt jusqu'au bout de l'épaule,
38:33la circonférence, la hauteur, machin,
38:36c'était un truc formidable,
38:37mais avec les moyens de l'époque,
38:38c'était pas une fiche qu'il fallait,
38:39c'était un fichier par personne,
38:41ça ne marchait pas.
38:42Par contre, il a eu le génie
38:43de récupérer des inventions anglaises
38:46sur les empreintes digitales,
38:48et chinoises d'ailleurs,
38:50des inventions américaines sur la photographie,
38:53des éléments venus d'ailleurs,
38:55et il a créé une synthèse
38:57de tout ce qui existait
38:58de manière éparse un peu partout,
39:00pour créer un deuxième système Bertillon
39:02dont il n'est pas l'inventeur,
39:04mais dont il a fait la synthèse
39:06des inventions des autres.
39:07Et ça, c'est vraiment tout à fait remarquable,
39:09un préposé à la préfecture de police de Paris,
39:11qui a, le premier, créé
39:13le système anthropométrique moderne,
39:15qui a permis de sortir des fichiers anciens,
39:19le sommier notamment,
39:20ces espèces de presse-papiers qu'on avait,
39:22ou surtout, de la marque au fer rouge,
39:24qui était la manière d'identifier les criminels,
39:26comme dans un bon Alexandre Dumas.
39:28Oui, il avait commencé comme commis, je crois,
39:30au bas de l'échelle,
39:31il était monté très haut.
39:32Et puis, il y a d'autres criminels
39:34que vous évoquez,
39:35et que Joe Dassin a chanté.
39:44Il a fait les Dalton aussi.
39:45Il a fait les Dalton aussi, oui.
39:47La bande à bonos, ça aussi, ça a marqué l'histoire.
39:49Oui, parce que c'est des anarcho-criminels,
39:51c'est le crime politique.
39:53En tout cas, le crime enrobé
39:56de politique, d'anarchisme,
39:58de revendications,
39:59le crime compliqué,
40:01le crime hybride,
40:02là où on n'est pas tout à fait dans...
40:04Il y a les méchants criminels,
40:06et puis, il y a les revendications politiques.
40:09Alors, on criminalisait beaucoup les syndicalistes
40:11et les responsables politiques,
40:13ce qui fait que, d'ailleurs,
40:14il y avait une sorte d'incertitude
40:15sur ce qui était à criminaliser ou pas.
40:17Les lois, c'est les rates,
40:18date de cette époque-là,
40:20du 19e siècle, fin du 19e,
40:21mais il y a un sujet spécifique
40:23à bande à bonos.
40:24D'abord, c'est spectaculaire.
40:25Ensuite, il devient le premier ennemi public
40:28numéro un de l'histoire,
40:29on va dire,
40:30moderne, en tout cas.
40:31Il y en a eu quelques-uns avant lui,
40:33mais là, c'est vraiment un sujet moderne.
40:35Et puis, il va marquer les esprits
40:37parce qu'il est justement à la marge
40:39entre deux mondes,
40:40le monde de l'engagement politique,
40:42anarcho-syndicaliste,
40:44et puis, le monde du crime
40:46et des assassinats,
40:48y compris contre le petit personnel
40:50et pas seulement les acteurs politiques.
40:53On n'est pas simplement
40:54dans un tentative d'assassinat,
40:55la bombe au Parlement,
40:57ou l'assassinat du conseiller
40:58à la Cour de cassation
40:59ou du responsable politique.
41:01On est vraiment
41:02dans un univers bizarre chez Bono.
41:04Ça a donné d'ailleurs
41:05Clémenceau et les Brigades du Tigre,
41:07un feuilleton de télévision
41:08qui est le plus long feuilleton
41:09de la télévision.
41:10Il y a 58 épisodes
41:11de 35 minutes.
41:12Remarquable.
41:13Remarquable.
41:14Où il y a,
41:15comme dans des rôles très secondaires,
41:16Claude Bolling qui apparaît
41:17et une jeune comédienne
41:18qui est Diane Curie
41:19qui n'avait pas encore fait de film
41:20qui est dedans.
41:21La télévision aussi,
41:23c'est Les Incorruptibles
41:24avec cette série
41:26découverte par hasard
41:27quand il n'y avait rien
41:28à lancer sur la seconde chaîne.
41:29Et Les Incorruptibles,
41:30c'est Al Capone
41:31dont vous parlez dans ce livre.
41:32Et en noir et blanc.
41:33Et en noir et blanc.
41:34Ce qui était intéressant
41:35dans Les Incorruptibles,
41:36c'est que tout le monde pense
41:37que c'est la police
41:38qui a fait tomber Al Capone.
41:39En fait, c'est les agents du fisc.
41:40Et ça, c'était très intéressant
41:41de voir à quel point
41:42la comptabilité,
41:43comme ce sera le cas
41:44pour Pablo Escobar bien plus tard,
41:45est un instrument
41:46qui va devenir
41:47un instrument de police
41:48et de lutte
41:49contre le crime organisé,
41:50notamment les trafics
41:51d'alcool à l'époque
41:52et de stupéfiants ensuite.
41:53C'est à peu près
41:54la même logique de développement.
41:55Et donc,
41:56c'est extrêmement intéressant
41:57de voir.
41:58Et puis, Al Capone,
41:59c'est le plus grand
42:00bandit moderne
42:01bien au-delà de Pablo Escobar.
42:02Mais avec la même logique.
42:03Il se fait voir.
42:04Il se montre.
42:05Il ne se cache pas.
42:06Il fait étalage
42:07de sa fortune,
42:08de sa puissance
42:09puisque c'est un homme
42:10extrêmement intelligent
42:11entouré des meilleurs experts,
42:12notamment financiers,
42:13puisqu'il va passer,
42:14même si ça ne se sait pas beaucoup,
42:15de l'argent par la prohibition
42:16à deux phénomènes nouveaux.
42:17L'achat de blanchisserie
42:18pour blanchir l'argent
42:19de la prohibition
42:20et de l'argent
42:21par la prohibition.
42:22C'est un phénomène
42:23qui est très intéressant
42:24de voir.
42:25D'abord,
42:26pour blanchir l'argent
42:27de la prohibition.
42:28Et de là,
42:29viendra le blanchiment
42:30qui sera d'abord du blanchis
42:31sement.
42:32Et puis,
42:33deuxièmement,
42:34il va se réorienter
42:35après la fin de la prohibition
42:36et donc du trafic d'alcool
42:37vers...
42:38L'automobile,
42:39le téléphone.
42:40Non.
42:41La gestion de la distribution
42:42de bouteilles de lait.
42:43Et notamment,
42:44c'est à lui
42:45qu'on doit la date
42:46de péremption
42:47sur les bouteilles.
42:48Ce qui permettait à la fois
42:49de garantir la qualité
42:50du produit,
42:51mais surtout,
42:52le renouvellement régulier
42:53du distribution.
42:54Et donc,
42:55le passage du whisky
42:56aux produits lactés
42:57est quand même
42:58un des éléments
42:59les plus inattendus
43:00de la vie d'Al Capone.
43:01C'est son consigliéré
43:02qui lui a proposé ça
43:03et il s'est réorienté
43:05de manière très intelligente
43:06dans la diversification
43:08de la production.
43:09Il y a toujours du bouteille,
43:10il y a toujours du liquide,
43:11mais ce n'est pas le même.
43:12Et si j'ose dire,
43:13on boit du petit lait avec vous
43:14en vous écoutant.
43:15Et puis,
43:16il y a des criminels
43:17dont on parle peu aujourd'hui
43:18comme Carbone et Spirito
43:19que vous évoquez dans ce livre.
43:20Qui sont les fondateurs
43:21du quiste criminel marseillais.
43:22Marseille est victime
43:23d'un quiste,
43:24elle a été prise en otage.
43:25Alors, pour ceux qui vont voir
43:26ce que c'était Carbone et Spirito,
43:27ils vont voir Borsalino
43:28qui est un docu-fiction
43:30comme je l'expliquais tout à l'heure
43:31pour les Apaches.
43:32C'est-à-dire un film
43:34qui vous raconte
43:35comment deux individus,
43:37des petits criminels
43:38revenus du Liban et d'Egypte
43:41ont pris le contrôle
43:42d'une ville complète,
43:43politiquement, criminellement,
43:46et se sont maintenus
43:47pendant des dizaines d'années
43:48en corrompant totalement la ville
43:50et en faisant en sorte
43:51qu'aujourd'hui encore,
43:52elle reste le cœur du système
43:55du crime organisé français.
43:56Il se trouve que Carbone
43:58avait une femme
43:59qui est devenue manouche,
44:00un personnage parisien
44:01découvert par Roger Perfil
44:02qui est devenu une reine
44:04du tout Paris dans les années 70
44:05et qui disait
44:06j'ai commencé comme mannequin
44:07chez Patou,
44:08je suis devenu maintenant
44:09mannequin chez Olida.
44:10Car elle avait beaucoup d'humour.
44:12Oui, oui.
44:13Il y a aussi Landru
44:14que vous évoquez.
44:15Ah, formidable.
44:16Un acteur,
44:17un criminel horrible,
44:18mais un acteur
44:20lors de son procès
44:21qui est quand même
44:22absolument incroyable
44:23puisqu'il va réussir
44:24à tenir son procès
44:25bien plus que le président
44:26de la cour d'assises.
44:27Et donc un cas incroyable
44:30de manipulation
44:32et de prise de contrôle
44:35alors même qu'il n'y a aucun doute
44:36sur la fin.
44:37Mais il va réussir
44:39à créer des rebondissements
44:41permanents au cours des audiences.
44:44C'est un phénomène de foi.
44:47Alors raconté plus qu'enregistré
44:49parce qu'il n'y a pas de film,
44:51mais la lecture des PV d'audience
44:53est un phénomène incroyable.
44:55Il habitait Gambay
44:56dans une maison.
44:57Il se trouve que je suis un jour
44:58allé dans cette maison
44:59avec celui qui avait racheté...
45:00Vous n'avez pas amené vos valises ?
45:01Non, non.
45:02Est-ce que c'est comme ça
45:03qu'on a compris
45:04combien il avait tué de femmes ?
45:05Bien sûr, oui.
45:06Parce qu'il avait gardé
45:07les valises,
45:08des dizaines de valises.
45:09Car en fait,
45:10le nombre de meurtres
45:11supposés de Gambay,
45:12c'est 30, 40, 50.
45:14En fait, personne n'en sait rien.
45:16En même temps,
45:17il se trouve que
45:18ce qui est extraordinaire,
45:19c'est qu'à la place de la cheminée,
45:20il y a un barbecue.
45:21Un clin d'œil.
45:22Un clin d'œil.
45:23Mais c'est tout à fait le hasard.
45:24Alors, il y a aussi
45:26Marie Bénard
45:27qui a été acquittée après,
45:28qui est aussi un personnage
45:29que vous évoquez dans ce livre,
45:30Alain Boer.
45:31Oui, Marie Bénard.
45:32Alors d'abord,
45:33c'est pas bien.
45:34C'est la veuve noire.
45:35Et puis c'est surtout
45:36un téléfilm
45:37qui n'est pas un film de cinéma,
45:38avec Alice Sapritch,
45:41qui va être un événement
45:42de la réhabilitation posthume,
45:45enfin lointaine,
45:47de Marie Bénard, l'empoisonneuse,
45:49avec ce débat sur les experts,
45:51qui est le premier débat sur
45:53est-ce qu'il y a de l'arsenic naturel ?
45:55Est-ce que c'est de l'arsenic
45:57qui est venu après, pendant ?
45:59Et une première mise en cause
46:01du rôle et de la place
46:02des experts dans le procès pénal
46:04qui n'ont pas la vérité absolue.
46:05Pas plus que l'ADN
46:06n'est une vérité absolue
46:07et que la construction de la preuve
46:09ne peut pas se limiter
46:10à un seul élément de la preuve.
46:13Et puis le doute.
46:15L'arrivée du doute
46:17dans l'opinion publique.
46:19La manière dont l'opinion publique
46:20soudain se saisit,
46:21comme Voltaire l'avait fait
46:22dans l'affaire Calas,
46:23la première fois où il prend
46:24à témoin l'opinion publique
46:26contre la mise en cause
46:29d'un jeune homme qui avait eu
46:31le malheur de ne pas être catholique
46:34et qui était protestant,
46:35vérité, etc.
46:37Il y a là un événement
46:38dans l'affaire Bénard, c'est ça.
46:40L'opinion publique prend une place
46:42dans le procès moderne
46:44qu'on n'avait pas vu jusque-là.
46:45Il se trouve que Charles Trainet
46:46a été l'un des premiers
46:48à prendre sa défense
46:49pour une raison très simple,
46:50c'est que Marie Bénard
46:51était le sosie de sa cuisinière, Maria.
46:53Et heureusement,
46:54ce n'était pas l'inverse.
46:55Il se trouve aussi que vous évoquez
46:57un mystère qui n'est jamais
46:58vraiment résolu,
46:59c'est le meurtre
47:00de John Kennedy.
47:01On ne sait pas s'il n'a pas été résolu.
47:03Disons que personne n'est tombé
47:05d'accord sur...
47:06Mais il y a une hypothèse
47:08qui est la plus vraisemblable,
47:09c'est un complot criminel
47:11organisé avec une partie
47:15de l'appareil d'État américain
47:17et notamment du FBI,
47:19avec des opérateurs
47:20dont certains sont venus
47:21du crime organisé canadien.
47:23Disons qu'aujourd'hui,
47:24on dispose d'à peu près 80 ou 90%
47:28de ce qui pourrait être la vérité,
47:30de ce qui ressemble à la vérité.
47:31Mais quand on n'a pas de preuves,
47:33ça ne reste que des hypothèses.
47:34Et puis il y a les crimes aussi
47:36qui ne sont pas liés à la violence
47:38comme la contrefaçon, l'escroquerie,
47:40ça aussi, ça fait partie du...
47:42Ça fait des victimes.
47:43Ça fait des victimes dans l'emploi,
47:44ça fait des victimes dans les finances,
47:46ça fait des victimes dans les créateurs,
47:48les auteurs.
47:49C'est quand même important
47:50de souligner que tout n'est pas sanglant,
47:53mais tout est crime.
47:54Et vous évoquiez aussi les juges,
47:55en particulier le juge Falcone.
47:57Oui, bien sûr.
47:58On a des juges qui donnent leur vie.
48:00Il y a des juges français aussi,
48:02des juges italiens.
48:03Ceux-là sont très spectaculaires
48:04parce que ce n'est pas
48:05comme le juge Renaud assassiné
48:08sur les marches du palais
48:09à coup de pistolet ou de fusil mitrailleur.
48:13Là, c'est des explosions
48:15avec des effets tout à fait impressionnants
48:18dans la société italienne.
48:20Une révolte de la société italienne
48:21contre la mafia qui répondra d'ailleurs
48:23elle-même en créant des attentats.
48:25C'est la première fois que la mafia
48:27passe au terrorisme pour desserrer
48:30l'étreinte que l'État italien
48:32soudain fait peser sur elle.
48:34Des révoltes de policiers
48:36qui, parce que leurs collègues
48:37sont morts aussi, jeunes collègues,
48:39considèrent que l'État est mou,
48:41l'État est lâche et qu'il doit agir
48:43contre les organisations mafieuses
48:45et particulièrement la mafia sicilienne.
48:48Oui, ce sont des héros de la lutte
48:51contre le crime,
48:53comme le général della Chiesa
48:55et quelques autres.
48:56En tout cas, moi, je pense que ce serait
48:57un crime de ne pas lire
48:59ce dictionnaire amoureux
49:00illustré du crime que vous avez publié
49:02chez Plon & Grundt.
49:04C'est un livre parmi d'autres
49:05parce que vous allez continuer
49:05comme ça à Limboer.
49:07Ah oui, j'en ai écrit quelques-uns.
49:09Là, il va y avoir,
49:10au bout de l'enquête,
49:11tome 3 bientôt.
49:13Et puis, nous avons quelques
49:15beaux projets, plus dans la fiction.
49:16Je viendrai vous en parler
49:17une autre fois.
49:18Avec joie.
49:19Avec vous, il y a toujours quelque chose
49:20à dire dans les Clés d'une vie.
49:21Merci à Limboer.
49:23Et puis, continuez comme ça.
49:24Vous êtes un exemple à suivre.
49:25Merci à vous.
49:26Les Clés d'une vie, c'est terminé
49:27pour aujourd'hui.
49:28On se retrouve bientôt.
49:29Restez fidèles à l'écoute
49:30de Sud Radio.

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