Tous les matins et pendant tout l'été, les invités de #HDProsEte débattent des grands thèmes de l'actualité
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00:00Oui, ça veut dire quelque chose dont je n'ai pas envie de parler, voilà.
00:04Je comprends qu'on puisse admirer Raymond Barre, c'était un grand économiste reconnu dans le monde entier maintenant.
00:13Est-ce qu'on peut lui reprocher d'admirer Raymond Barre ? Je ne crois pas, je ne sais pas.
00:19Mélanger la politique et le cinéma, ce n'est pas toujours facile pour nous.
00:25Restez avec nous, Jean-Pierre, si vous pouvez. J'aimerais vous faire écouter un extrait d'Alain Delon qui évoque sa fille,
00:35qui est sans doute l'amour de sa vie, évidemment.
00:40Elle a dit des choses très charmantes, votre fille. Elle a dit que les garçons dans la famille Delon, ce n'est pas forcément simple qu'ils s'harmonisent.
00:49Ce n'est pas facile, oui, mais elle, c'est vraiment la femme de ma vie. Beaucoup d'amis disent que c'est fabuleux pour un père d'avoir une fille.
00:56Ce n'est pas tout seul, quand même, d'avoir une fille comme père. Mais d'avoir une fille, c'est fabuleux.
01:02Et j'en profite pour vous signer que l'intégralité de cette interview tournée en 2019 sera rediffusée à partir de 14 heures sur l'antenne de CNews.
01:11Jean-Pierre Castaldi, petite réaction sur Delon et sa fille.
01:18Je comprends, j'ai une fille. C'est vrai que pour un homme, avoir une fille, c'est formidable.
01:23Mais il l'a dit lui-même, il s'est fait à travers les femmes. On n'a pas, on ne cite pas Nathalie Delon, qui est quand même aussi la seule femme avec laquelle il s'est marié.
01:32J'ai eu le plaisir de les côtoyer chez Simone Signoret dans leur maison de campagne. C'était un couple magnifique.
01:42Moi, je comprends son amour pour sa fille. Oui, c'est Dalin Delon, c'est un mec normal aussi. Enfin, c'est un homme, quoi.
01:49Donc, il avait trois garçons et tout d'un coup, il a une fille. Assez tard, d'ailleurs.
01:54C'était sûrement pour lui un beau cadeau de la vie, quoi. En tout cas, celui-là.
02:02Je le disais, sa vie serait un bon scénario pour un biopic, tant la vie d'Alain Delon a été riche du début jusqu'à la fin, entre toutes les péripéties,
02:15le début de sa carrière, les rencontres qu'il a pu effectuer, le monde des affaires. Il a fréquenté aussi un peu le milieu, on s'en souvient aussi.
02:25C'était un homme 360, Alain Delon.
02:30Oui, moi, quand j'ai tourné dans la race des seigneurs, je n'avais pas osé dire que je n'avais pas un costume pour le rôle.
02:35J'avais été l'acheter, je l'avais porté avant le tournage. Et le premier jour de tournage, il me dit la production était très généreuse.
02:42T'as offert un beau costume. Et le soir, en rentrant dans ma caravane que je partage avec Claude Riche, le directeur de production est venu me dire
02:50Alain m'a demandé à ce qu'on te rembourse ton costume. Il avait compris que je m'en étais acheté.
02:55Merci en tous les cas, Jean-Pierre Castaldi, d'avoir accepté de témoigner.
02:59Et c'est également toujours un plaisir de vous avoir.
03:02Et on mesure là aussi votre peine, comme comme tous les Français aujourd'hui.
03:07Et le monde, le monde du cinéma, pleure une étoile.
03:11Merci. Merci beaucoup, Jean-Pierre Castaldi.
03:14On va faire un tour d'horizon des nouvelles réactions politiques qui se succèdent avec Adrien Spiteri.
03:21Oui, Thierry, les réactions continuent d'arriver, notamment sur le réseau social X.
03:25Marine Le Pen, la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, a déclaré la légende est partie.
03:31Alain Delon nous laisse orphelin de l'âge d'or du cinéma français qui l'incarnait si bien.
03:36C'est une petite partie de la France que l'on aime, qui part avec lui.
03:39Aurore Bergé, également la ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, a réagi.
03:45Alain Delon, sa beauté, son regard, sa voix, son élégance, son style, sa liberté.
03:50Ce qu'il a su faire vivre à l'écran, cette vie et ce lègue immense.
03:55Les géants sont éternels et notre émotion nationale immense.
03:59Et puis, on termine aussi avec une réaction de Sylvie Tellier, l'ex-directrice du comité Amis France, qui a bien connu l'acteur Alain Delon.
04:06Un géant nous quitte.
04:07Il a façonné le cinéma français, influençant la mode et laissant une empreinte profonde sur notre culture.
04:13Amis France, il imposait son charisme avec une autorité naturelle.
04:17Il restera l'éternel rebelle, inébranlable et indomptable.
04:21Merci beaucoup, Adrien Spiteri.
04:24Et vous revenez dès que vous le pouvez, dès que vous le souhaitez, évidemment, avec de nouvelles réactions.
04:29Peut-être une réaction, Maxime ?
04:32Oui, tout à l'heure, on écoutait un témoignage d'Alain Delon qui disait qu'il y avait Belmondo et qu'il courait toujours le 100 mètres.
04:38Et là, je suis en train de me dire qu'il reste un dernier 100 mètres à courir.
04:41Ça va être l'hommage national, parce qu'on se souvient du magnifique hommage à Belmondo aux Invalides.
04:46Et je n'imagine pas qu'on puisse avoir un hommage qui soit en deçà de celui de Belmondo.
04:52Et je pense qu'on aura tous à l'esprit de se dire, il reste un petit instant de concurrence entre ces deux grands hommes.
04:58Et voilà, maintenant, il rejoint les grands, il rejoint Nino Ventura, il rejoint Jean Gabin, il rejoint Belmondo.
05:08Et Saint-Pierre, quand il va le voir arriver, va dire, où est Alain Delon ?
05:11Et puis, il ne pourra pas lui répondre autrement qu'il est là.
05:14Il est là, évidemment, Pierre-Marie.
05:15C'est ça qui est incroyable avec les très grands acteurs, parce que les acteurs,
05:19ils passent leur vie à endosser des rôles, à jouer les rôles d'autres personnes.
05:23Mais les très grands acteurs, ça devient eux-mêmes des objets de fascination en eux-mêmes.
05:30C'est ça qu'on parlait des comédiens ou des acteurs d'âme et des acteurs, des comédiens.
05:36Et quand on passe dans une certaine dimension, Ventura, Belmondo, Alain Delon,
05:40on devient soi-même objet et on n'est plus celui.
05:44Alors, je dis on, mais évidemment pas moi.
05:45Mais ces acteurs-là deviennent bien plus que les rôles qu'ils ont.
05:48Ils sont eux-mêmes un rôle que d'autres, probablement, endosseront un jour.
05:53Je vous le dis, l'information est donc tombée ce matin, un peu avant 8 heures,
05:56par une simple dépêche AFP, suivie par un communiqué des enfants d'Alain Delon.
06:01Alain Delon s'en est allé, il avait 88 ans, retour sur la vie d'Alain Delon.
06:05Et on sera avec Jack Lang après ce témoignage.
06:35Lorsqu'il tourne en 2008, Astérix aux Jeux Olympiques, cela fait près de dix ans
06:46qu'Alain Delon est resté éloigné des plateaux de cinéma.
06:48L'auto-dérision dont il fait preuve dans son interprétation de Jules César
06:52sera saluée par le public.
06:54D'une certaine façon, la star tord le cou à cette image d'acteur mégalo,
06:58prétentieux et imbut de sa personne, qui lui colle à la peau.
07:01Il faut dire qu'Alain Delon a joué avec les plus grands réalisateurs
07:04et les plus grands interprètes du cinéma français et international.
07:07J'ai une grande nostalgie des acteurs disparus, parce que d'abord il y en a beaucoup,
07:10mais c'est tous ceux qui ont fait ma carrière,
07:12tous ceux qui m'ont, alors insus ou pas, m'ont apporté, m'ont donné quelque chose
07:16et m'ont fait sûrement ce que j'ai été les années qui ont suivi et ce que je suis encore aujourd'hui.
07:19Donc ces acteurs-là, je ne peux pas les oublier,
07:22comme ces metteurs en scène-là, je ne peux pas les oublier.
07:24Ça fait partie de ma vie.
07:26Doté d'une beauté renversante, d'un charisme quasi animal,
07:29le succès sera presque immédiat.
07:32J'aurai confiance.
07:34J'aurai plus peur.
07:36J'aurai vraiment confiance.
07:37Pourtant, Alain Delon est entré dans le cinéma par effraction.
07:40Il n'a jamais pris de cours.
07:42Son enfance se décline sur fond de parents divorcés,
07:44de familles d'accueil et d'institutions d'où il sera systématiquement renvoyé.
07:49Après un CAP de charcutier, il s'engage dans la marine au moment de la guerre d'Indochine.
07:54De retour à la vie civile, il enchaîne les petits boulots.
07:57Ses rencontres amoureuses vont changer son destin.
08:00Des femmes, mais aussi Jean-Claude Brialy qui l'emmène à Cannes.
08:03Yves Allégret sera le premier réalisateur à lui donner sa chance.
08:07Puis René Clément, dans plein soleil, lui offre son premier grand rôle.
08:11Avec Lucchino Visconti, il tourne Rocco et ses frères,
08:14puis Le Guépard, Palme d'Or à Cannes en 1963.
08:18Je n'ai jamais autant marché de ma vie.
08:20La marche de nuit vers Gibilros.
08:22Eh Bixio, vous l'avez connu Bixio.
08:25Une tête de mule.
08:27Alain Delon, à 28 ans, vont suivre Mélodie en sous-sol d'Henri Verneuil,
08:31qui marque sa rencontre avec Jean Gabin, son modèle dans le métier.
08:35Les films vont s'enchaîner.
08:36Le samouraï, la piscine, le clan des Siciliens, trois hommes à abattre,
08:40M. Klein, la veuve coudère, les granges brûlées.
08:42Paroles de flics pour ne citer que les plus célèbres.
08:45Qu'est-ce que ça vous fait quand vous tirez ?
08:49Ça fait boum dans les oreilles.
08:50Côté vie privée, l'acteur le reconnaît, il aime les femmes.
08:54J'aime les femmes.
08:56Assez grandes, belles de toute façon et si possible intelligentes.
09:01Les femmes de sa vie.
09:02Romy Schneider, avec qui il formera un couple mythique à l'écran, comme à la ville.
09:06Ou encore Mireille Dark, avec qui il restera 15 ans.
09:09Alain Delon était entré de son vivant dans la légende du cinéma français.
09:13Sa carrière et sa longévité lui confèrent à tout jamais une place à part au firmament des étoiles.
09:22Édition spéciale évidemment sur ces news consacrées à la mort d'Alain Delon.
09:27Priorité au témoignage et nous sommes avec Jack Lang.
09:30Bonjour Jack Lang.
09:31Merci d'avoir accepté notre invitation dans l'heure des pros.
09:36Vous connaissiez bien Alain Delon.
09:38C'est le dernier monstre sacré du cinéma qui a rejoint le monde des étoiles, Jack Lang.
09:45Je ne peux pas dire que ce soit le dernier monstre sacré.
09:49J'en connais d'autres.
09:51Nous en connaissons d'autres.
09:52Mais il était par sa personnalité.
09:57Pour nous, un personnage déterminé.
10:01Il a créé une nouvelle vie.
10:04On a un petit problème.
10:05Jack Lang, je pense qu'on va vous rappeler parce qu'on a un petit problème de connexion.
10:09Est-ce que vous m'entendez bien ?
10:12Je vous entends bien.
10:13C'est vous qui ne m'entendez pas.
10:14Oui, ça coupe un peu.
10:15Là, ça a l'air de mieux fonctionner.
10:18Pardonnez-moi encore une fois.
10:20C'est moi qui vous m'excuse parce que l'endroit où je suis n'est pas commode.
10:23Là, on vous entend bien.
10:24Quelle est votre réaction, Jack Lang ?
10:26Alain Delon est évidemment, comme ça a été très bien rappelé à l'instant, un immense acteur.
10:34Un personnage d'exception qui a crevé tous les écrans du monde, partout sur la planète.
10:42Il est l'incarnation de l'élégance, de la beauté, de la splendeur française.
10:48Où qu'on aille, au Japon ou aux Etats-Unis, Alain Delon est cette incarnation.
10:57Ah, petit problème à nouveau.
10:58Moi, je suis moi-même enroué, pardon.
11:01Je vous en prie, continuez, Jack Lang.
11:05Oui, je veux dire que la fête est très bien dite.
11:08Il a lui-même, comment dire, été l'homme des plus grands réalisateurs,
11:13l'acteur des plus grands réalisateurs, Godard ou Visconti ou d'autres.
11:18Et chaque fois, il a accompli un travail absolument remarquable
11:23qui reste dans l'anthologie du cinéma.
11:27Mais j'aurais envie aussi de parler, au-delà de Alain Delon, d'Alain.
11:33D'Alain qui apparaît parfois comme un personnage rugueux.
11:38Il l'était, mais aussi un homme fidèle.
11:45Il était un homme du mot.
11:50On a perdu Jack Lang ?
11:52Vous nous entendez ou pas, Jack Lang ?
11:55Je vais me mettre ailleurs pour que vous m'entendiez, écoutez.
11:58Ça ne va pas là.
11:59Allo ?
12:00Oui, écoutez, essayez de bouger si vous pouvez et on reste en lien
12:06parce que j'aimerais vraiment vous entendre.
12:09Emmanuel Macron a réagi.
12:11Est-ce qu'on va pouvoir découvrir la communication d'Emmanuel Macron à l'écran ?
12:16Oui, Emmanuel Macron, je vous lis la réaction d'Emmanuel Macron sur la Zoé X.
12:22« Monsieur Klein ou Rocco, le guépard ou le samouraï, Alain Delon a incarné des rôles légendaires
12:27et fait rêver le monde, prétend son visage inoubliable pour bouleverser nos vies.
12:32Mélancolique, populaire, secret.
12:33Il était plus qu'une star, un monument français. »
12:36Ainsi réagit Emmanuel Macron.
12:39Est-ce qu'on a retrouvé Jack Lang ?
12:42Est-ce que la communication est à nouveau établie ?
12:45Jack Lang, vous m'entendez ?
12:48Oui, non ?
12:50OK.
12:51On va essayer de retrouver Jack Lang dans quelques instants, évidemment.
12:58On va écouter un extrait.
13:00On va plutôt regarder à nouveau un extrait de l'émission de Pascal Praud
13:06où Alain Delon évoquait ses rapports avec Jean Gabin.
13:11Écoutons quelques notes de musique.
13:13Quelques ?
13:14Notes de musique.
13:16Quand j'étais gosse, haut comme trois pommes,
13:21je parlais bien fort pour être un homme.
13:25Je disais « je sais, je sais, je sais, je sais ».
13:35C'était le début, c'était le printemps.
13:38Mais quand j'ai eu mes 18 ans,
13:41j'ai dit « je sais, ça y est ».
13:46C'est un père, c'est un grand frère, c'est un ami.
13:51Maintenant, je sais que je sais.
13:53Et d'ailleurs, je pensais que cette chanson, pour tout vous dire,
13:55vous pourriez la reprendre.
13:56Si j'étais producteur, je dirais…
13:58Alors évidemment, vous diriez peut-être « Gabin l'a fait tellement extraordinairement ».
14:01Je ne peux pas.
14:02Sincèrement, je ne pourrais pas faire ça après Gabin.
14:04Ça lui appartient trop et la fin est tellement belle.
14:07Maintenant, je sais que je sais, qu'on ne sait jamais.
14:11Je ne peux pas prendre ça à Gabin.
14:13Il a été tout pour moi, il m'a tout appris.
14:15Il m'a tout donné.
14:16Il m'a appelé le Maume.
14:17À la fin, j'avais la chance de pouvoir l'appeler Jean.
14:20Je l'appelais patron pendant tous nos films,
14:22mais je l'appelais Jean et il me l'appelait le Maume.
14:25Il m'a fait une très belle photo avant de mourir.
14:28Il m'a dit « pour toi Alain, en souvenir du vieux ».
14:31C'est tout, sans signer.
14:33Pour toi Alain, une photo du clan des Siciliens où on est tous les deux.
14:37Pour toi Alain, en souvenir du vieux.
14:40Il m'a fait pleurer.
14:42Gabin était 1904.
14:441904 comme mon père.
14:46Il est mort en 1976.
14:48Il avait 72 ans.
14:50Je le sais.
14:51Ce qui est incroyablement jeune.
14:52Il jouait les « vieux » depuis 20 ans.
14:55Je le sais, je l'ai dit.
14:56Je lui ai dit d'ailleurs pourquoi, mais il m'a dit c'est comme ça.
14:59Il est né en quatre comme mon père.
15:02Figurez-vous que l'autre jour,
15:04et je n'étais pas le seul parce qu'on connaît par cœur le clan des Siciliens.
15:08Mais par cœur.
15:11J'en profite pour rappeler qu'on vous rediffusera cette interview à partir de 14 heures
15:16où Alain Delon avait gentiment accepté l'invitation de Pascal Praud dans l'heure des pros.
15:21Est-ce qu'on a retrouvé le contact avec Jack Lang ?
15:25Vous m'entendez Jack Lang ?
15:28Est-ce que vous m'entendez ?
15:30Je vous entends très bien.
15:31Merci.
15:32Merci d'être avec nous.
15:33On vient de diffuser un extrait de cette émission de Pascal Praud
15:37où Pascal recevait Alain Delon
15:39et Alain Delon évoquait ses rapports et son amitié très forte avec Gabin, Jack Lang.
15:46Oui, je l'ai entendu ce texte.
15:48Et il est séduit.
15:50C'est du Alain Delon tout craché, si j'ose dire.
15:52Cette manière qu'il avait de lier de façon affectueuse et forte
15:59un rapport avec quelqu'un qu'il aimait ou admirait.
16:05Les mots qu'il a employés à l'instant vis-à-vis de Gabin sont clairs et forts.
16:09C'est vrai qu'Alain Delon, c'est quelqu'un qui avait le culte de la fidélité et de l'amitié.
16:17En ce sens, il était un vrai prince.
16:22C'est-à-dire qu'il laissait passer les choses qui n'avaient pas d'importance à ses yeux.
16:29Et en revanche, il gardait pour ceux qu'il aimait une relation de fidélité extrême.
16:40Allô, vous m'entendez ?
16:41Oui, je vous entends parfaitement, Jack Lang.
16:43Je suis enroué, pardonnez-moi.
16:45Non, vous êtes tout pardonné, je vous en prie.
16:48Ce dont on a beaucoup parlé ce matin, Jack Lang, et je m'adresse aussi à l'ancien ministre de la Culture,
16:54c'est qu'il n'a pas été reconnu à sa juste valeur par le milieu du cinéma.
17:01Les honneurs sont venus relativement tard.
17:03Et on sait qu'il en souffrait, Jack Lang.
17:13Est-ce que vous…
17:14Assez bien depuis une vingtaine d'années, plus que ça même sans doute.
17:19Et en tant que ministre de la Culture, on a vraiment dû à ce qu'Alain Delon a apporté au cinéma.
17:31J'ai en mémoire en particulier une soirée que nous avions organisée pour lui à Cannes,
17:37qui a été une manière non pas de réhabilitation, mais de pleine et joyeuse et heureuse reconnaissance d'Alain Delon,
17:45qui parfois a été moqué ou méprisé ou écarté.
17:51Et c'était totalement inacceptable.
17:54Et à maintes reprises, il a pu ainsi reconquérir cette popularité qui est la sienne à travers le monde.
18:02Tout à l'heure, je vous le disais, au Japon, aux États-Unis, partout dans le monde.
18:07Mais le milieu cinématographique n'a pas toujours été tendre avec lui, c'est vrai.
18:12Et comment vous expliquez justement le fait que le milieu cinématographique n'ait pas été tendre avec lui
18:20en vertu de la carrière qui est la sienne et de l'immense acteur qu'il était ?
18:24Oui, vous savez, on l'appelle l'humanité, elle n'est pas toujours douce, elle n'est pas toujours aimable.
18:31La jalousie, pardon d'utiliser des mots aussi ordinaires, la jalousie n'est pas étrangère non plus à ce milieu
18:40qui par ailleurs a mille et une perles à son crédit.
18:45Bon, c'est humain, voilà.
18:47Et peut-être qu'Alain lui-même n'apportait pas non plus une manière de faire qui pouvait plaire à certains gens du cinéma.
18:58Il était en effet un homme à la fois tour à tour retenu, timide, rugueux, colérique, ou lointain, ou distant.
19:07Mais cette timidité et cette distance dissimulaient en vérité, je crois, une profonde tendresse.
19:14Et c'est cela que peut-être on n'a jamais su réellement mettre en évidence, sa tendresse.
19:19Alors je ne parle pas seulement de sa vie personnelle, et c'est vrai qu'elle est indissociable,
19:25notamment de Romy Schneider et de Mireille d'Arc.
19:30Mireille d'Arc que j'ai très bien connue grâce à lui pendant des années de sa vie.
19:35Et Mireille d'Arc au fond était une des faces visibles et claires de cette tendresse dont je vous parle.
19:43Elle était la beauté humaine, elle était la gentillesse même.
19:47Donc elle était Alain Delon aussi, et ils formaient un couple doux, beau, émouvant, tendre.
19:55Et c'était quelque chose qui peut être contrasté avec ce qu'on disait d'Alain.
20:03Puis l'autre chose qui, évidemment, peut vous paraître étrange, c'est que nous n'appartenions pas à la même philosophie politique.
20:12J'allais y venir justement, vous me devancez, parce que je voulais évoquer Alain Delon et la politique.
20:17Et il a toujours affirmé être quelqu'un de droite et admirant le général de Gaulle.
20:23Quel est le regard, justement, en vertu du bord politique que vous représentez, Jack Lang ?
20:30Il se fait que, pour des raisons, je dirais, liées à une estime réciproque, nous avons surmonté l'un et l'autre nos différences d'appartenance.
20:43Je lui ai à sa demande remis un jour une décoration qu'il méritait largement.
20:49J'ai organisé pour lui à Cannes une soirée de consécration à un moment où il était en effet secoué et maltraité.
20:58Et puis, un peu plus tard, j'ai vu à quel point, malgré, je répète, les différences idéologiques, il était très attaché à la personne même de François Mitterrand.
21:10J'avais établi entre eux des contacts.
21:14Et je me souviens que lorsque François Mitterrand nous a quittés, Alain m'a appelé pour lui dire qu'il aimerait lui rendre une dernière visite.
21:24Et il est venu rue Frédéric-le-Play.
21:27Il était très croyant, très croyant.
21:31Et il s'est agenouillé, a prié longuement dans la chambre où se trouvait François Mitterrand.
21:37Ça m'avait beaucoup étonné et touché en même temps.
21:41Un autre moment qui, pour moi, était important au moment de la disparition de ma fille Valérie, qui était comédienne.
21:51Et ma femme m'a rapporté que lors des funérailles, Alain s'est approché d'elle et lui a dit à l'oreille,
21:59« Ne vous inquiétez pas, Monique, je la retrouverai bientôt là-haut.
22:03Et quand on se retrouvera à nouveau, nous jouerons ensemble du théâtre. »
22:08Donc, c'était une conception de la vie qui est très particulière.
22:12Moi, je ne suis pas croyant, mais ça m'a beaucoup ému et ça m'a beaucoup touché.
22:19Et je savais qu'en lui, il y avait ce cœur qui palpitait en permanence,
22:25ce cœur qui le portait à aimer vraiment les êtres pour lesquels il avait une passion ou une amitié.
22:35La question que je pose à tous mes invités ce matin dans l'heure d'air pro,
22:40et je m'adresse également à l'ancien ministre de la Culture, à l'homme de culture que vous êtes,
22:44quels sont les films qui vous ont marqué dans la carrière d'Alain Delon ?
22:49Ce n'est pas facile tant le nombre de films est grand.
22:54Quels sont les films qui vous ont marqué ?
22:56Vous le dites très justement, sa filmographie, comme on dit, est immense.
23:01Je dirais peut-être un film qui a été plus ou moins bien reçu à ce moment-là,
23:08« Monsieur Klein », que j'ai revu plusieurs fois, qui est un chef-d'œuvre.
23:13Un chef-d'œuvre en partie par le jeu d'Alain Delon,
23:18film qu'il avait voulu, souhaité,
23:21et qui en même temps exprime une certaine philosophie de la vie et de la politique dans le sens le plus élevé.
23:29Bien sûr « Rocco et ses frères », ce qu'il a pu entreprendre avec Visconti,
23:34ce qu'il a réalisé avec Godard, et ce matin vous avez rappelé « René Clément ».
23:41Bref, toutes les facettes d'Alain apparaissent à travers une filmographie éblouissante,
23:47brillante, multiforme, qui font qu'aujourd'hui son art est propagé partout à travers le monde.
23:57Vous verrez que sa disparition suscitera une immense émotion,
24:01pas seulement à Paris ou en France, mais partout, du Japon aux États-Unis, du Nord au Sud.
24:07Restez avec nous si vous le pouvez, Jacques Lang, j'aimerais vous faire écouter quelques réactions,
24:13puisque Alain Delon est mort chez lui, comme il le souhaitait, dans sa maison de douchy.
24:17On a quelques réactions sur place et on continue notre échange, Jacques Lang.
24:24C'était un peu mon pilier à l'époque.
24:26J'avais un petit terreur aux semblances quand j'étais un peu plus jeune,
24:31et ça m'a donné un petit peu l'envie de garder ces acteurs dans mon esprit.
24:37C'est une grande sorte, c'est une grande personne.
24:39J'adore beaucoup, et c'est une grosse perte pour nous.
24:43Je l'ai connu, j'ai discuté avec lui, et puis au hasard de la chose, il y a une vingtaine d'années,
24:51on avait dit « Si un jour je ne suis pas là, je ne suis plus là, essaye, en rigolant bien sûr,
24:55essaye de venir me faire un petit coup d'accordéon, ça me fera plaisir.
24:59Et je tiens quand même ma promesse, c'est pour ça que je suis venu de bonne heure.
25:02Je me suis dit qu'il n'y a pratiquement personne, comme ça je suis tranquille. »
25:06Réaction sans surprise avec beaucoup d'émotion, Jacques Lang.
25:10Vous l'évoquiez très justement, on a perdu une star internationale et les réactions sont nombreuses.
25:19Oui, ce que ce monsieur vient de dire est très touchant et ne me surprend pas.
25:26Je pense à quel point Alain Dulon n'était pas seulement cette star inaccessible, lointaine,
25:33mais aussi un homme de la vie qui avait avec les gens des relations très aisées, faciles et chaleureuses.
25:46Je pense que le témoignage est très beau que vous avez fait entendre à l'instant.
25:49Jacques Lang, et ça c'est un fait marquant aussi, depuis ce matin et l'annonce de la disparition d'Alain Dulon,
25:56les réactions politiques se succèdent, effet marquant, elles viennent de tous bords politiques.
26:04On savait, on l'a évoqué tous les deux, que le cœur d'Alain Dulon battait plutôt à droite.
26:13C'est vrai, c'est vrai.
26:15Et en même temps, mais je ne peux pas en faire le récit à l'instant parce que ce serait trop long,
26:20son cœur battait à droite et les nuances n'étaient pas absentes de ses préférences.
26:27Et en même temps, il était profondément français, disons-le.
26:33Certes, il s'est engagé à différentes entreprises en faveur de l'un ou de l'autre,
26:40mais au-dessus de tout, ce n'est pas parce qu'il est mort que je le dis, je le dis souvent,
26:46au-dessus de tout, pour lui, il y avait la France.
26:49Il avait un sentiment de fierté, un sentiment d'appartenance à notre pays commun,
26:55et je vous ai tout à l'heure dit de quelle manière il avait établi avec François Mitterrand
27:00des relations de respect, de considération, d'amitié, de complicité,
27:05parce que, outre la personnalité de Mitterrand qui...
27:12– Vous êtes là, Jack Lang ?
27:15– Ça c'est l'idée de François Mitterrand.
27:17Il considérait que François Mitterrand c'était, à ce moment-là, la France.
27:22Et donc, on comprend très bien qu'aujourd'hui, puis disons que les régions de la politique
27:26ne sont pas à ce point sectaires, qu'ils oublient l'immense acteur,
27:32le monstre sacré éblouissant qu'est Alain Delon.
27:37Et donc, c'est tout à fait légitime et normal que vous ayez des réactions
27:41qui viennent de l'ensemble de l'arc-en-ciel politique.
27:44Je m'en réjouis.
27:46– Merci mille fois d'avoir accepté de témoigner, Jack Lang.
27:51– Merci beaucoup.
27:53– Merci d'avoir accepté notre invitation.
27:55Bel hommage, Nathan Devers, évidemment, de Jack Lang,
27:58en tant qu'ancien ministre de la Culture.
28:02– Oui, bel hommage, et émouvant hommage,
28:06notamment sur ce que Jack Lang vient de dire à la fin,
28:10à savoir que malgré toutes les différences politiques, de vision du monde,
28:16d'idées qu'il pouvait avoir avec Alain Delon,
28:19une forme de complicité souterraine, complexe s'était nouée entre eux,
28:26reposant sur une relation d'admiration.
28:31Moi, j'aimerais peut-être aussi dire une chose,
28:34c'est que dans cette opposition qu'il y a entre Belmondo et Delon,
28:39dans cette complicité, dualité, complémentarité,
28:43et en même temps opposition entre les deux,
28:46il est vrai que Belmondo incarnait la sympathie,
28:48l'individu avec qui on avait envie d'aller prendre une bière.
28:52Je connais plein de gens qui l'ont croisé dans la rue,
28:54qui l'étaient en terrasse, et Belmondo leur disait
28:58mais asseyez-vous, discutez…
29:00– C'est deux personnages différents.
29:02– Delon c'est l'inverse, Delon c'est plutôt la statue apollinienne,
29:06imposante, intimidante, un peu écrasante aussi,
29:10avec peut-être aussi cette forme de, non pas de froideur,
29:15mais en tout cas de distance qu'il incarnait.
29:18Et en effet, vraiment revenir là-dessus, ce qui est aussi le symbole,
29:25ce dont Delon est le symbole, c'est un cinéma typiquement français,
29:30parce que romanesque, où l'aventure est possible.
29:33Où l'aventure est possible au cinéma,
29:35l'aventure est possible à l'écran, Borsalino, etc.,
29:38mais où l'aventure est surtout possible en coulisses,
29:41dans le monde du cinéma, dans ce qui permet de construire une carrière.
29:44C'est quand même hallucinant et impensable de se dire,
29:47un biopic pourrait être fait sur Delon.
29:49Absolument, pour une raison très simple.
29:51D'abord, c'est qu'il n'y a pas de différence entre lui à l'écran et lui dans la vie,
29:54et deuxièmement, c'est que l'histoire de son passage à l'écran,
29:57et l'histoire de son entrée dans le monde du cinéma,
30:00est absolument incroyable, impensable.
30:02Quelqu'un qui arrive à Paris,
30:04qui n'a jamais eu le moindre lien avec le monde du cinéma,
30:08qui n'a pas fait d'école de théâtre,
30:10qui n'a aucun ami dans ce milieu,
30:12qui fréquente le Paris que décrit souvent Balzac,
30:14le Paris des baffons,
30:16le Paris des choses un peu sulfureuses,
30:19des choses qu'on ne dit pas à la télévision un dimanche à 11h du matin.
30:24Il fréquente ce Paris-là,
30:26et progressivement, juste avec une gueule,
30:28juste avec une intelligence,
30:30juste avec une sorte de désir de partir à l'aventure du monde social,
30:35et évidemment avec des histoires d'amour,
30:38progressivement, il rentre dans ce milieu,
30:40et il dépasse,
30:41il écrase tous ceux qui étaient dans une logique scolaire,
30:46dans un rapport scolaire au cinéma.
30:48Je pense que l'histoire de Delon est aussi une grande leçon
30:51sur ce que c'est que l'art.
30:53Que l'art n'est pas une vocation qui doit être séparée de l'existence.
30:57Ce n'est pas un métier.
30:59Vous avez des heures de travail,
31:01et puis après vous rentrez, vous avez votre congé,
31:03vos temps libres, et vous devenez quelqu'un d'autre.
31:05L'art, et je pense que Delon l'a montré,
31:07est quelque chose qui implique un être humain dans sa totalité,
31:09avec sa part de lumière, avec ses souffrances,
31:12avec sa part d'hubris, un peu, et sa part de modestie,
31:17ou en tout cas sa part même de doute,
31:20avec sa part de jour et sa part de nuit.
31:22Et je pense que vraiment Alain Delon
31:24est le nom de toute cette complémentarité,
31:26et qu'en cela, il est peut-être vraiment par excellence
31:29un des visages, et peut-être parmi les acteurs français importants,
31:33mythiques de sa génération,
31:35le visage par excellence de ce qu'est l'art.
31:37Peut-être plus encore que Belmondo,
31:39c'est une forme de rapport plus sympathique,
31:41moins tragique à la création ou à l'apparition artistique.
31:45– Merci beaucoup Nathan Devers pour cet hommage,
31:48merci Aminel Bailly, merci Pierre-Marie Sèvres,
31:50merci Maxime Thiebaud.
31:52On avait prévu d'évoquer une toute autre actualité,
31:54vous l'imaginez bien, mais Alain Delon s'en est allé,
31:57il était un peu, on l'a appris juste avant 8h,
32:00émission spéciale évidemment,
32:02une émission spéciale qui va se poursuivre
32:04avec Élodie Richard dans quelques instants,
32:06et je vous propose de retrouver un extrait de cette émission
32:08où Alain Delon était l'invité de Pascal Praud,
32:12où Alain Delon parle de ce fameux film, monsieur Klein.
32:16A tout à l'heure.
32:18– Et il y a notamment un film que vous aimez par-dessus tout,
32:20qui aurait pu être primé en 1976,
32:22c'est l'année de Taxi Driver,
32:24ce film c'est Monsieur Klein,
32:26alors Monsieur Klein qui est un film de Joseph Lozet,
32:29souvent vous dites que c'est un de vos films préférés.
32:31– C'est lui qui va être présenté le 18-19.
32:34– Et je vous trouve d'ailleurs assez sévère sur vous-même,
32:37parce que vous dites souvent je suis un acteur,
32:39et vous faites la différence entre un acteur et un comédien,
32:42précisément dans Monsieur Klein,
32:44on va voir un extrait dans quelques instants,
32:46je trouve que vous composez, vous êtes vraiment un comédien,
32:49vous n'êtes pas Alain Delon tel qu'on l'a vu dans de nombreux films.
32:53– Je ne serai jamais d'accord avec vous,
32:55c'est Alain Delon qui n'est pas Alain Delon mais c'est un acteur.