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La vie troglodyte du Lot
Dans le sud de la France la vallée du Célé s'étire au fil de la rivière du Lot, qui fraye son chemin entre des falaises abruptes. Ce paysage cache des habitations qui se confondent avec cette paroi calcaire. Construites à même la roche, ces demeures troglodytes se développent au Moyen Âge, alors que la population du Lot cherche à se protéger des attaques extérieures à la fin du XIIe siècle. Malgré le passage du temps, elle ne les a jamais vraiment quittées.
Les bastides du Rouergue, à l'avant-garde du Moyen Âge
Aux confins de l'Aveyron, l'ancienne province du Rouergue abrite une mosaïque de paysages sauvages d'où surgissent de petites cités médiévales aux plans quadrillés, les bastides. Au XIIIe siècle, la région voit fleurir un peu partout ces villes nouvelles imaginées pour favoriser la paix et le commerce. Aujourd'hui encore, elles témoignent de la volonté de fer des hommes de l'époque qui ont cherché envers et contre tout à structurer et moderniser leur territoire.
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Transcription
00:00Générique
00:02...
00:19Chant d'oiseaux
00:21...
00:26C'est un immense trompe-l'œil.
00:29On croit d'abord à une simple falaise abrupte,
00:32mais en réalité, c'est tout un village
00:34qui se confond à cette paroi calcaire.
00:37...
00:44Un village invisible que les hommes, au XIIe siècle,
00:48ont accroché à la pierre pour berner l'ennemi
00:51et ainsi assurer leur survie.
00:54Ce qui est tout à fait remarquable, ici,
00:57c'est de voir combien les gens se sont adaptés
01:01à la morphologie de l'endroit.
01:03Il y a une intelligence du lieu qui est tout à fait remarquable.
01:07...
01:11Ces constructions dont regorgent les berges du Lot
01:15nous racontent le passé chaotique de cette vallée du Sud,
01:19tranchée par les rivières.
01:21...
01:26Au Moyen Âge, les guerres féodales marquent le début
01:29de l'aménagement de ces murs inhospitaliers.
01:32On y greffe Châteaufort et Modeste demeure.
01:36Puis vient la guerre de Cent Ans
01:39et son lot de bandits au service des Anglais.
01:42Les guerres de religion divisent ensuite la région.
01:45...
01:48Sur une berge de la rivière du Scellé,
01:50on est catholique.
01:52Sur l'autre, on se revendique protestant.
01:55...
02:03Ici, le vent passe au-dessus des falaises
02:05que les hommes n'ont jamais vraiment réussi à quitter,
02:08malgré la rudesse qu'entraîne cette existence perchée.
02:12...
02:17A l'époque paléolithique,
02:19la plus lointaine humanité marque pour la première fois
02:23la roche de son empreinte.
02:24...
02:29En descendant la rivière qui traverse la vallée,
02:33la grotte du Pêche-Merle est enfouie sous la forêt.
02:38Elle devient durant l'ère glaciaire,
02:40il y a près de 30 000 ans, un lieu sacré.
02:43...
02:54L'homme de la préhistoire n'y habite pas,
02:57il y dessine.
02:59...
03:04Voici la frise noire, une des grandes compositions de la grotte,
03:08qui se développe sur plus de 7 m de large
03:10et qui rassemble 25 dessins d'animaux.
03:12Toutes ces figures ont été réalisées par un seul dessinateur.
03:16On peut voir au centre, ici, le dessin d'un cheval.
03:19On a par-dessus le dessin d'un bison.
03:22On a les poitrailles, la patte avant, le ventre et la patte arrière.
03:26Le plus grand des mammouths se trouve en bas de paroi.
03:29La trompe descend très bas.
03:30C'est pas n'importe qui qui venait faire des dessins dans les grottes.
03:34Là, c'est quelqu'un qui a une très bonne maîtrise.
03:37...
03:41Ces dessins obéissent à des codes bien précis.
03:45Ils ont une signification symbolique,
03:48comme ce chef-d'oeuvre appelé les chevaux ponctués.
03:52Ces points, ces mains,
03:54sont autant de signes énigmatiques à décrypter.
04:00Ce qu'on sait, en tout cas, c'est que l'ensemble de cette peinture
04:03a été soufflé avec les doigts, les mains,
04:06qui vont servir pour le pochoir.
04:08Le contour des chevaux, on le voit assez bien sur les membres.
04:11C'est les mains qui sont placées de chaque côté.
04:14Et on souffle la peinture entre les mains.
04:19Dans les grottes,
04:21l'obscurité quasi totale rend les formes étranges.
04:25Immergés dans un monde parallèle,
04:28on y perd la notion du temps.
04:31L'acoustique, ses décors, les concrétions, les formations naturelles,
04:35on a l'impression d'être dans un monde surnaturel.
04:38Il est possible que ces peintures soient là
04:40pour faire un certain nombre de rituels,
04:43pourquoi pas liés à des croyances que pouvaient avoir les préhistoriques.
04:48Récits légendaires, rites religieux et croyances,
04:53ce sont les débuts d'une culture universelle
04:56cachée dans ces galeries de pierre.
04:59Les hommes habitent alors l'entrée des grottes
05:02et les cavités naturelles formées dans les falaises
05:05qui bordent le scellé.
05:13Mais petit à petit, ils creusent la pierre,
05:17accrochent de véritables forteresses à ces murs
05:20pour les rendre invincibles.
05:23Situé à 1 km de la grotte du Pêche-Merle,
05:28le château du diable prend corps dans la falaise.
05:31Les seigneurs de la région ont utilisé la géographie du site,
05:34qui est en bordure de la rivière, protégée par la falaise,
05:39pour aménager une fortification
05:41qui leur permettait de contrôler la vallée et la falaise.
05:50À cette époque médiévale,
05:52la région est morcelée d'une multitude de seigneuries
05:55qui guéroient entre elles au gré des alliances et des opportunités.
06:00En son fief, le seigneur se doit de repousser les attaques,
06:03de protéger les villageois,
06:06et il construit dans la pierre un arsenal défensif.
06:14Le château, c'était tout ça.
06:17Il faut compter 90, 100 m, je crois, de...
06:19Totalement.
06:21Ce qui est en pierre, la partie centrale,
06:22et évidemment les substructures qu'on peut trouver
06:26qui servent à aménager, à aplondir la falaise
06:28pour pouvoir construire après-dessus en charpente.
06:32La partie centrale en pierre
06:34était prolongée à droite et à gauche
06:36par deux bâtiments en bois suspendus au-dessus du vide.
06:41Pour les soutenir,
06:42de solides poutres étaient encastrées dans ces trous carrés
06:46creusés dans la falaise.
06:57Aujourd'hui, pour accéder aux ruines du château,
07:00il faut longer entre falaise et jardin,
07:03les maisons construites en contrebas,
07:06puis emprunter l'unique entrée de la forteresse.
07:15Ici, il n'y a pas de porte-levée avec des grandes défenses.
07:18Ici, tu vois, il y a cette grande montée et une chicane ici.
07:21Et les gens, pour défendre, ils se mettent à l'arbalète,
07:24ils peuvent tirer jusqu'à plus de 100 m,
07:25donc les gens, ils ne peuvent pas venir attaquer l'entrée.
07:31Les assaillants étaient attaqués de toutes parts
07:33depuis cette tour ronde surplombant l'entrée du château.
07:38La forteresse semble imprenable,
07:41impossible de la détruire par le bas ou de l'attaquer par le haut,
07:45car le château est plaqué contre la falaise
07:48grâce au savoir-faire des artisans de l'époque.
07:51Tout a été creusé dans le roc.
07:52Sous le surplomb de la falaise, il ne fallait pas que ça dépasse.
07:55Les maçons de l'époque, les charpentiers,
07:57on voit toute l'ingéniosité qu'ils ont mise à vraiment s'adapter
08:00aux reliefs pour pouvoir faire une fortification efficace.
08:12Pourtant, ce château sorti tout droit des contes et légendes du Piercy
08:18est vaincu en 1387 pendant la guerre de Cent Ans.
08:22Il tombe entre les mains du roi d'Angleterre
08:25et plus exactement entre celles d'un capitaine landais
08:28à la solde de l'ennemi,
08:31un de ces mercenaires volontiers brigands qui terrorisent la vallée.
08:38La forteresse devient alors le château du diable.
08:47Le capitaine qui va s'emparer du château de Cabouret,
08:50c'est Bertrand de Bessabac.
08:51Il va y vivre pendant 10 ans.
08:53Et pendant 10 ans, il va imposer sa volonté
08:56sur toute la région alentour.
08:58Il va prendre des gens, les capturer, les rançonner.
09:01Des paysans sont libérés contre rançon.
09:03Il va ruiner quelques vignes, quelques récoltes, bloquer des villes.
09:10Au XVe siècle, la forteresse est abandonnée
09:13au profit d'un château renaissance plus confortable.
09:17Musique douce
09:20...
09:25A Solliac-sur-Celée, il y avait aussi un château,
09:29mais il n'en reste rien.
09:31La falaise immuable a traversé le temps
09:35et le village autour semble aussi avoir résisté.
09:39On devine des maisons accrochées à mi-falaise.
09:43Une situation grâce à laquelle les habitants,
09:46surtout paysans et artisans,
09:48ont échappé au pillage et au massacre de l'histoire.
09:53Jean Héraille est né dans cette maison.
09:56Ses classes, il les a faites ici, à l'école communale.
10:02Avec lui, quatre élèves.
10:05Ses parents étaient agriculteurs.
10:07Ils travaillaient leur champ, situé en contrebas.
10:11Pour faire tourner une charrette dans ce chemin,
10:15c'était assez délicat.
10:17Cette disposition du village ne favorisait pas beaucoup
10:21les agriculteurs, puisque les champs étaient éparpillés au loin,
10:25qu'il n'y avait pas de place.
10:29Pourtant, au début du XIXe siècle,
10:33alors que les invasions ne sont plus à craindre,
10:36peu d'habitants partent,
10:37attachés à la maison de leurs aïeux,
10:40habitués au manque d'espace, à l'humidité
10:43et aux dénivelés raides.
10:50Mon père se souvenait d'une personne âgée
10:53qui s'appelait Marianou,
10:55qui descendait avec un récipient qu'elle portait sur la tête,
10:59qu'on appelait un flachier,
11:01et elle descendait en tricotant des bas.
11:03Elle avait au pied ce qu'on appelait des esclos,
11:06des gros sabots de bois,
11:08et donc elle descendait, elle remplissait son flachier,
11:11qui faisait quand même 12 ou 13 litres,
11:13et elle remontait sans cesser de tricoter son bas.
11:20Tous les jours, elle arpente un sentier
11:22qui, par endroits, est taillé à même la roche.
11:26A cette époque, plusieurs familles vivent dans une même maison.
11:30Les grottes naturelles deviennent des étables
11:33et la moindre parcelle, même escarpée, est exploitée.
11:41Ce chambre en petits escaliers conduisait à un jardin
11:45que j'ai vu travailler dans mon enfance.
11:51En 1863, la construction de la route en contrebas
11:56sonne le glas du village troglodyte.
12:00Les maisons se transforment en granges
12:02et les villageois quittent les falaises protectrices
12:05pour s'installer près de la route, dans le nouveau soliac.
12:13Aujourd'hui, dans le village, il n'y a pas 200 habitants.
12:18L'été, la vie y est fraîche et merveilleuse.
12:22Le reste de l'année, elle est pittoresque.
12:25Musique douce
12:28...
12:30Les agriculteurs ont déserté,
12:32mais des courageux ont investi les lieux.
12:35Au clapotis de la rivière et au chant des oiseaux
12:38se mêle à nouveau le bruit des scie sauteuse...
12:41...
12:47Le vieux soliac renaît.
12:50...
12:54Ca, c'est la pierre qui est bâtie,
12:56et à nouveau le rocher, et le bâti en pierre qui démarre.
12:59L'avantage, c'est la fraîcheur l'été.
13:02On a des chambres très agréables dans ces pièces-là.
13:06Et puis, ça restera dans le paysage,
13:08alors que ça serait peut-être un tas de pierres.
13:11Il y a une espèce de fierté
13:13d'avoir conservé cette ruine,
13:16rebâtie et essayé de la sauver.
13:19...
13:24A l'heure du réchauffement climatique,
13:27l'habitat troglodyte semble répondre aux exigences actuelles.
13:31Le danger ne vient plus des hordes de bandits
13:34ou de soldats désœuvrés, mais du climat.
13:39Ses propriétés thermiques naturelles
13:42et ses valeurs patrimoniales
13:44devraient renouveler le peuple des falaises.
13:47Musique douce
13:50...
13:52Musique intrigante
13:55...
14:00...
14:05Aux confins de l'Aveyron,
14:07le rouergue conjugue une mosaïque de paysages,
14:10d'où surgissent, ci et là, de petites villes minérales.
14:15Ici, au coeur du Moyen Âge,
14:17le rouergue va se retrouver à l'avant-garde
14:20d'un mouvement urbanistique.
14:22Des dizaines de villes nouvelles voient le jour,
14:26les Bastides.
14:27Des Bastides qui n'ont rien en commun
14:29avec les bâtisses bourgeoises,
14:31que l'on trouvera bien plus tard en Provence.
14:34Celles du rouergue sont bien des villes
14:37qui ont pour vocation, alors,
14:39d'encourager la paix et le commerce.
14:41Les Bastides témoignent du mouvement urbanistique
14:45le plus important qu'ait connu l'Europe médiévale.
14:48Elles témoignent de l'émergence de la démocratie.
14:51Elles participent à la construction du territoire français
14:54et même du sentiment européen.
14:56...
14:58Loin de l'image d'un Moyen Âge chaotique,
15:01ces cités nous racontent une époque structurée,
15:04codifiée selon la volonté des hommes.
15:06Les Bastides sont à l'origine
15:08un moyen efficace de contrôler la population
15:11toujours plus nombreuse et surtout,
15:14dans cette France du XIIIe siècle morcelée de duchés et de comtés,
15:18de conquérir de nouveaux territoires.
15:20Musique douce
15:22...
15:37En ces temps troublés du XIIIe siècle,
15:40les hommes, à la recherche de sécurité,
15:42ont pris l'habitude de se regrouper à l'abri d'un château
15:46ou dans des bourgs protégés par un monastère
15:48que l'on nomme alors Sauveté,
15:51comme à Villeneuve-d'Aveyron,
15:53où ils choisissent de se placer sous la protection de l'église.
15:57Bâtie sur un plateau calcaire et délimitée par quatre croix,
16:01elle joue son rôle d'asile de paix et de petite capitale locale.
16:06Le Midi est alors déstabilisé
16:08par la lutte contre les hérétiques cathares.
16:11A l'issue de ce conflit, le puissant Raymond VII,
16:14comte de Toulouse, perd nombre de ses terres
16:17et est forcé de prêter allégeance au roi de France.
16:20Il tente alors de reprendre pied dans le Rouergue,
16:23et notamment ici.
16:25...
16:30Raymond VII négocie avec le pape
16:32pour récupérer une partie de ses biens.
16:35Et il va racheter Villeneuve,
16:37parce que Villeneuve est au centre d'un bassin agricole,
16:41le Cosse, justement,
16:43qui est, pour l'époque, un bassin fertile et intéressant.
16:47...
16:52Et pour s'imposer, Raymond VII décide de créer une Bastide,
16:56une ville nouvelle greffée à l'ancien village.
16:59Aujourd'hui encore,
17:01les ruelles sinueuses de l'ancienne Sauveté
17:04sont accolées aux rues bien droites de la nouvelle cité.
17:08...
17:12Dès leur installation, les nouveaux habitants
17:15se voient offrir à égalité une même parcelle,
17:18permettant la construction d'une maison et d'une terre à cultiver.
17:22Artisans, paysans et commerçants des alentours accourent.
17:26En plus d'une garantie de vivre en paix,
17:29ils se voient dotés d'une fiscalité avantageuse.
17:32Le centre de la ville se déplace
17:34de la place de l'église vers celle du marché,
17:37temple du commerce, là où, le long des arcades,
17:40on érige peu à peu de belles demeures.
17:43Une bourgeoisie fait alors son apparition.
17:46...
17:50On est soucieux, à Villeneuve, de paix sociale.
17:53Pour cette paix sociale,
17:55il faut que le luxe des riches n'éclabousse pas
17:58donc il y a des règles pour limiter l'ostentation.
18:02Par exemple, les bourgeois ne pourront pas offrir à leur femme
18:06des bijoux trop chers
18:08et ces belles dames ne pourront pas mettre des vêtements trop luxueux.
18:13Ce qui nous reste aussi de cette histoire longue et belle,
18:17c'est l'amour de la paix, cette paix qui a été fondatrice.
18:21C'est l'amour aussi d'une vie tranquille et simple
18:25avec beaucoup de convivialité et une certaine indépendance.
18:30...
18:34C'est à 30 km plus au sud,
18:36du haut d'une arête rocheuse exceptionnelle,
18:39qu'un homme va venir bousculer ces paysages redevenus paisibles.
18:44Alphonse de Poitiers, frère du roi de France.
18:48Par son mariage avec la fille du comte de Toulouse,
18:52il arrive à mettre la main sur cette terre du sud tant convoitée.
18:57...
18:59Alphonse de Poitiers doit s'imposer face à des hommes du sud
19:03qui parlent l'occitan, qui sont deux cultures occitanes
19:07qui sont tournées vers la Provence et qui n'ont aucun rapport
19:11étroit et précis avec les Capétiens qui viennent d'Ile-de-France.
19:16...
19:19C'est donc très stratégiquement que cet homme du nord,
19:23Alphonse de Poitiers, décide de construire ici à Najac
19:27une forteresse réputée imprenable.
19:30...
19:33Le choix de construire une telle forteresse
19:36dominée par un donjon qui est une reproduction du donjon du Louvre,
19:40c'est un geste politique, c'est un geste symbolique,
19:43c'est un château destiné à affirmer le pouvoir capétien
19:47et à dénoncer l'aristocratie locale.
19:50...
19:54L'étendard capétien est enfin planté.
19:57Il ne reste plus qu'à conquérir les têtes et les cœurs.
20:01...
20:03Il y a un projet politique qui est de contenir la population,
20:07d'éradiquer l'aristocratie locale qui lui est hostile
20:10en aménageant l'espace, en aménageant le territoire,
20:13donc en construisant des châteaux, des ponts, certainement des routes,
20:17en bâtissant des villes, des Bastides.
20:20...
20:25C'est à une vingtaine de kilomètres plus au nord
20:28qu'Alphonse de Poitiers débute son plus grand projet,
20:31la création de Villefranche-de-Rouergue.
20:34Son plan à damier régulier en fait la plus archétypale des Bastides.
20:38Quatre ans à peine après sa fondation, c'est un succès.
20:42La ville construite sur une pente douce des bords de l'Aveyron
20:46attire toujours plus d'habitants.
20:49...
20:55Ces gens sont très intéressés par les libertés qu'on leur octroie,
20:59le droit de se marier, de se déplacer, d'hériter, de transmettre,
21:03et également par des dispositions fiscales,
21:06notamment celle de ne pas payer de l'eude,
21:09de taxes sur les marchandises qu'ils produiront,
21:12qu'ils vendront sur le marché ou sur les foires.
21:15...
21:17Grande nouveauté, les droits et les devoirs des habitants
21:21sont consignés par écrit.
21:23Quel que soit son statut social,
21:25chaque habitant est censé disposer d'un traitement
21:28et d'une justice équitables.
21:30...
21:33C'est une ville entreprise, c'est une ville de pionniers.
21:36Les gens qui arrivent deviennent propriétaires,
21:39deviennent entrepreneurs également.
21:41On est dans une optique de libre entreprise.
21:44La place, c'est le coeur des institutions,
21:46c'est le lieu de marché, c'est un lieu très vivant.
21:49Le pouvoir laïc, religieux et économique s'y mêlent, s'y rencontrent.
21:53...
21:57Autre nouveauté, les habitants élisent chaque année
22:00des consuls choisis parmi la population.
22:03...
22:05Chargés de gérer et d'administrer la ville,
22:08ce sont eux qui décident de la construction de ponts,
22:11de fontaines et même de lieux de culte.
22:14...
22:19Ces consuls préfigurent une forme de démocratie.
22:22Il y a déjà un tout petit peu de participatifs.
22:25Et puis, ce sont des gens que l'on désigne.
22:28Une fois seulement, il n'y a pas de renouvellement de mandat.
22:31Ils s'engagent également sur leurs fortunes personnelles
22:34à représenter les habitants
22:36et à pratiquer des dépenses et des investissements.
22:39...
22:46Aux portes de la ville, le long de l'Aveyron,
22:49l'héritage des Bastides semble encore bien vivant.
22:52Comme à l'époque médiévale,
22:54lorsque les habitants recevaient une terre
22:57dans une optique d'autosuffisance,
22:59sur ces parcelles, on continue à cultiver des fruits et des légumes.
23:03...
23:15Ce sont des jardins qui sont pour partie conservés
23:18et qui constituent un patrimoine vivant de grand intérêt
23:21qui permet également de créer de l'associabilité
23:24puisque les jardiniers se rendent compte, discutent, échangent.
23:28C'est une grande richesse.
23:30...
23:43Je crois qu'on est en train de comprendre à nouveau
23:46tout l'intérêt que présente le jardin dans l'espace urbain.
23:50Se réapproprier une ville, reconstruire du sens
23:53entre les habitants, reconstruire une qualité de vie
23:56passera forcément par la végétalisation de la ville.
23:59...
24:0410 km plus à l'est, sur la route de la ville de Rodez,
24:08sur un plateau granitique et boisé, se dresse la Bastide de l'Evêque.
24:13Ici, l'arrivée bruyante d'Alphonse de Poitiers,
24:16le Capétien dans la région,
24:18pousse un homme du Sud, l'évêque de Rodez, à réagir.
24:22...
24:24Il faut savoir que les évêques de Rodez,
24:27c'est des grands seigneurs aux mœurs plutôt guerrières.
24:30Dans cette partie de Rouergue, l'évêque veut marquer une limite.
24:34Une limite d'un territoire qui redépendra de sa juridiction.
24:38...
24:47Pour contenir l'avancée de l'homme du Nord,
24:50l'évêque excommunie tous ceux qui s'installent à Villefranche
24:54et contre-attaque en créant à son tour une Bastide,
24:57la Bastide de l'Evêque.
24:59Mais, sous-dimensionnée,
25:01elle n'arrive pas à concurrencer sa voisine.
25:04Malgré tout, l'esprit des Bastides y est toujours vivant.
25:08...
25:12Dans la vallée voisine,
25:14le long du lézard résonne un son provenant du fond du Moyen Âge.
25:19...
25:31Dans ces martinets, on fondait le cuivre et on ébauchait les chaudrons.
25:36Le fondement de la richesse de la Bastide de l'Evêque.
25:40C'est sans doute pourquoi les habitants
25:43ont voulu redonner vie à l'un d'entre eux.
25:46...
25:51Ca a été reconstruit spontanément par des gens tous bénévoles.
25:56Le chantier a duré cinq ans.
25:59C'est un exemple de la solidarité des Bastides,
26:03qui a forcé les gens à décider collectivement
26:06et à mettre en oeuvre collectivement.
26:09C'était ouvertement pour entendre à nouveau le son du marteau,
26:14pour entendre une voix qui s'était éteinte.
26:19Une espèce de battement de coeur.
26:21...
26:25Quand en 1271 meurt Alphonse de Poitiers,
26:28le Midi de la France est définitivement rattaché
26:31à la couronne des Capétiens.
26:33Le résultat d'une politique de paix et de justice
26:37dont les Bastides du Rouergue ont été un creuset.
26:41...

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