• il y a 7 mois
Avec Micheline Pelletier : reporter et photographe

Découvrez plusieurs dates-clefs de la vie des plus grands artistes, auteurs et personnalités aux côtés de Jacques Pessis.
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-05-13##
Transcription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Les clés d'une vie, celles de mon invité.
00:05 Vous avez pris des milliers de photos sur le monde qui nous entoure,
00:08 mais aucune d'entre elles ne peut être considérée comme un cliché.
00:12 Il vous a suffi d'un petit appareil pour immortaliser les plus grandes de ce monde.
00:16 Bonjour Micheline Pelletier.
00:17 Bonjour Jacques Pessis.
00:19 Alors, on va évoquer votre parcours assez étant de photographe.
00:22 Et à l'occasion de la sortie d'un livre, "Les Azores, un jardin sur l'Atlantique",
00:26 au Cherche Midi, un livre assez étonnant de photos, de textes sur une île lointaine qui nous fait rêver.
00:33 Et on s'en sentira déjà un petit peu en vacances.
00:35 Alors, les clés d'une vie, vous savez, ce sont des dates clés.
00:38 Et la première que j'ai trouvée, c'est le 1er février 79.
00:42 Vous êtes liée à cette date car c'est le retour de Khomeini en Iran.
00:46 Et vous étiez pas loin.
00:47 Hélas.
00:48 Et vous étiez pas loin.
00:49 Absolument, hélas.
00:50 Hélas, oui.
00:51 En fait, il vient d'arriver ce jour-là, et le 11 février,
00:54 il se programme chef de la Révolution, et vous êtes avec votre appareil photo,
00:58 puisque vous êtes photographe.
00:59 Alors, très exactement, je suis là le jour du Nouvel An musulman.
01:05 Et je suis à Rome, la capitale sainte.
01:09 Et Khomeini sort comme un coucou, toutes les heures, sur le toit.
01:13 Il y a quelques tireurs avec des bitraillettes un peu autour.
01:17 Et moi, je monte sur le toit, en face, pour faire quelques photos de lui,
01:21 qui ressemblait étrangement à Hitler, en levant le bras.
01:24 Et il faut dire que les femmes étaient dans la ruelle,
01:27 et les hommes, sur la grand-place.
01:29 Oui, elle n'avait pas le droit de le voir, sauf de très loin.
01:32 De très loin, et surtout, de ne pas le toucher.
01:35 Et surtout, à ce moment-là, vous êtes agressée, il n'y a pas d'autre mot,
01:39 par les gardiens de la Révolution, Micheline Pelletier.
01:41 Oui, absolument.
01:42 Ils commencent à pointer leur fusil sur moi, donc je descends rapidement.
01:47 Mais ensuite, je réussis à rentrer chez Khomeini,
01:49 en expliquant que si nous, on l'a reçu en France, à Naufle, le château,
01:53 il n'y a pas de raison qu'il ne me reçoive pas chez lui, à Rome.
01:56 Et vous allez avoir un problème technique avec votre appareil photo,
01:59 avec des photos voilées.
02:01 Ah, absolument.
02:02 Alors, j'étais non pas émue par la rencontre avec lui,
02:05 mais émue de voir ces femmes, qui levaient les bras.
02:10 On avait l'impression que c'était Dieu vivant.
02:13 Et donc, je fais les photos de ces femmes.
02:15 Et à l'époque, on a des appareils mécaniques.
02:19 Donc, j'ouvre le couvercle et je vois l'une des photos.
02:24 Et j'ai la surprise, en fin 79,
02:27 il y a un éditeur qui fait un livre sur l'agence Gama, donc Gama 79.
02:32 Et tous les photographes me font la tête.
02:35 Alors, je me demande pourquoi.
02:37 Et François Caron, qui était mon éditeur, me dit,
02:40 "Ah bah dis donc, t'as fait la couverture de Gama 79."
02:43 Et c'est cela grâce à quelqu'un dont on va entendre la voix.
02:46 J'ai découpé des lettres dans l'écho de Paris.
02:48 Je me souviens, quand j'étais gosse...
02:50 Henri Cartier-Bresson, que vous avez rencontré sans le reconnaître, M. Pelletier.
02:55 Absolument.
02:56 Alors, Henri était l'époux de Martine Franck.
02:59 Et Martine, quand je rentre d'Iran, où elle est allée elle aussi,
03:02 me dit, "Viens, on va regarder nos contacts, nos clichés, etc."
03:06 Donc je sonne sur H-C-B-M-F, rue de Rivoli.
03:13 J'ignorais absolument qu'il était marié avec Martine Franck.
03:16 Et donc, je monte l'escalier.
03:19 Et je me retrouve face à un monsieur qui m'ouvre fort courtoisement.
03:23 On parle un petit peu.
03:25 Il me dit, "Ah, vous êtes photographe."
03:26 Je lui dis, "Oui, et vous, que faites-vous ?"
03:28 Et il me dit, "Moi, je suis dessinateur."
03:31 Ah, je lui dis, "Bah écoutez, enchantée."
03:33 Je m'installe pendant deux heures avec Martine.
03:36 On regarde tout ça.
03:37 Il revient et il me dit, "Vous permettez ?"
03:40 Il regarde les contacts à l'envers.
03:43 Et il dit, "Il y a quatre grandes photos."
03:45 Alors, je me dis, "Bon, il est gentil."
03:47 C'était déjà très aimable de toute façon, de sa part.
03:50 Mais je me dis, dans un sens, je me disais, "Mais de quoi se mêle-t-il, quoi ?"
03:55 Et il me dit, "Vous allez bien rester dîner avec nous."
03:57 Et alors là, ne sachant pas qui il était, il me fait raconter ma vie.
04:01 Ma vie chez les pygmées, ma vie, enfin, tintin, quoi.
04:05 Et le lendemain, à l'agence, je dis, "Tiens, j'ai dîné chez Martine Franck."
04:09 Et quelqu'un dit, "Ah bah, t'as vu Henri Cartier-Bresson."
04:12 Et là, évidemment, je me liquéfie.
04:16 Parce que je n'aurais jamais parlé de la façon dont je lui ai parlé.
04:19 - Oui, c'est un des plus grands photographe du monde et qui a fondé l'agence Magnum.
04:23 Et il a commencé avec un appareil photo chez les scouts à l'âge de 12 ans.
04:26 - Absolument. Je vois que vous avez lu Pierre Assouline et la grande biographie qu'il a faite sur Cartier-Bresson.
04:32 Rien ne vous destinait au départ à la photographie.
04:35 Vous avez un père industriel et des études classiques au lycée Molière.
04:39 Lycée Molière où il y a un buste de Molière.
04:41 Et peut-être, à ce moment-là, avez-vous songé à faire du théâtre, Micheline Pelletier ?
04:44 - Oh, mais vous savez tout !
04:47 Absolument, je faisais partie de la petite troupe théâtrale.
04:50 On jouait le Petit Prince et je devais jouer l'astronome, je crois.
04:55 Mais j'étais passionnée de théâtre et malheureusement, après mes études de lettres supérieures,
05:01 j'ai eu quelques petits problèmes de santé.
05:04 Et on m'a gentiment demandé d'arrêter mes études pendant un an et de faire ce que j'avais envie de faire.
05:10 C'était le théâtre et la photographie.
05:13 - Oui, car d'adolescente, vous nourrissiez d'encyclopédies sur le monde entier, sur les îles lointaines.
05:18 - Alors j'étais surtout passionnée des zones blanches.
05:21 Parce qu'à l'époque, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, à part une toute petite, je crois,
05:26 il n'y a plus de zone blanche.
05:27 C'est-à-dire que sur une carte, les cartes d'état-major, vous aviez des zones blanches,
05:31 c'est-à-dire des zones inexplorées.
05:34 Et évidemment, c'était là où je voulais aller et où j'ai été.
05:38 - Et vous avez commencé au bas de l'échelle, vous avez été assistante au laboratoire de photographie
05:43 du studio du magazine Paris Match.
05:45 Comment vous êtes arrivée là-dedans ?
05:46 - Alors, j'avais un beau-père qui était journaliste à RTL.
05:51 Et il m'avait recommandée auprès du chef des informations, qui s'appelait André Benesra,
05:57 et qui m'a trouvé une place au laboratoire, où j'étais la seule femme à la couleur.
06:02 Et de l'autre côté, il y avait Michel de Rouville, autre photographe, au noir et blanc.
06:07 Donc vous imaginez deux femmes dans tout cet aéropage.
06:10 C'était assez marrant.
06:11 - Oui, en même temps, on apprenait son métier, parce qu'à l'époque, la technique était différente d'aujourd'hui.
06:16 - En tant que femme, je voulais surtout jamais entendre, si je faisais ce métier,
06:21 que je n'avais pas la technique, ou j'entende la phrase "évidemment, c'est une femme".
06:25 Et donc, j'ai mis longtemps d'ailleurs à accepter des commandes, après avoir été l'assistante de Sacha,
06:31 avoir été assistante en studio à l'époque de Prouvo, de Paris Match, et de Franck Horvat,
06:38 surtout avec lequel j'ai vraiment appris mon métier, en faisant de la mode.
06:43 - Et c'était la grande époque de Paris Match, où on arrivait vers midi au bureau, où les frais étaient illimités.
06:49 - Oui, sur la note de frais, on lisait quelques fois, de nos chers amis et confrères photographes,
06:55 "on n'est pas de bois, point de suspension". Je vous laisse imaginer la suite.
07:01 - Et l'une des stars du journal, c'était un journaliste qui s'appelait Beno Graziani,
07:05 qui connaissait le monde entier, d'ailleurs qui avait sauvé le chat d'Iran en 1954,
07:09 parce qu'il lui avait annoncé un attentat, et surtout, je crois que Fellini s'est inspiré de lui,
07:15 pour faire la Dolce Vita.
07:17 - Ah, je ne savais pas du tout ! Je suis ravie de venir dans votre émission, parce que j'apprends des choses !
07:22 - Et vous débutez comme reportère, je crois, à Marie Claire.
07:25 - Alors, je débute chez F magazine, parce que j'ai l'âme féministe, d'où mon voyage évidemment en Iran ensuite.
07:31 Donc, j'ai travaillé pendant plus d'un an chez F magazine, pour faire les grands portraits,
07:38 et puis Paris Match m'a demandé de faire les portraits de Philippe Bouvard, donc la page.
07:43 Et ensuite, je me suis dit "bon, j'aimerais bien faire un peu d'international, parce que j'ai l'impression de tourner en rond".
07:49 Je suis partie en Iran, je suis partie au Cambodge, etc.
07:53 Voilà, et je suis rentrée chez Gama, avec ces photos d'Iran dont vous parlez,
07:58 arrivant à l'aéroport, puisque à l'époque, on donnait nos films aux commandants de bord,
08:04 puisqu'on n'avait pas d'autre moyen de les faire rentrer en Europe.
08:08 Et j'arrive, je sais pas, un mois après, et je vais directement de l'aéroport à l'agence Gama,
08:14 et là, j'ai la surprise extraordinaire de voir mes tirages partout sur les tables,
08:20 qui partaient dans 27 pays à l'époque.
08:23 Donc, ça a été sûrement un des plus grands moments d'émotion de ma vie.
08:27 Je suis née ce jour-là.
08:29 - En fait, vous êtes née aussi le jour où vous avez reçu une carte de presse.
08:32 - Ah, 44-175, je crois me souvenir.
08:36 Ah oui, c'est évidemment un moment assez étonnant,
08:40 et puis ensuite, la naissance des enfants, évidemment.
08:43 - Alors, l'agence Gama, il faut savoir qu'elle avait été fondée, entre autres,
08:46 par Raymond Depardon et Hubert Enroth.
08:48 C'était une agence de presse où il n'y avait pas de femmes au départ.
08:51 - Alors, il y avait seulement Marie-Laure de Tecker, de temps en temps,
08:55 pour ses liens, je dois le dire, avec Giscard d'Estaing.
08:58 Et ensuite, quand j'y suis rentrée, j'étais la seule femme au staff, absolument.
09:04 Il y avait Catherine Leroy de temps en temps aussi,
09:07 mais plus au moment du Vietnam.
09:09 - Mais c'était les réunions avec tous ces hommes et une femme,
09:12 ça devait pas être simple à gérer, Micheline Pelletier.
09:14 - Alors, je vais vous faire une confidence.
09:16 On trouvait sur la porte des toilettes,
09:18 "Veuillez laisser Micheline dans l'état où vous l'avez trouvée en entrant."
09:22 Vous voyez un peu le genre, Me Too n'était pas encore passé par là.
09:26 - Et comment on se débrouille dans ces cas-là ?
09:28 - Très bien. J'allais pratiquement pas aux conférences de rédaction,
09:32 parce que, de toute façon, les couteaux étaient tirés,
09:34 puisque nous étions coproducteurs.
09:37 Donc, nous engagions nos frais, mais nous choisissions nos sujets.
09:40 Évidemment, chacun voulait les sujets qui lui rapportaient le plus d'argent.
09:45 Mais j'allais voir directement Jean Monteux, qui en était le directeur,
09:51 et je lui disais, "Voilà, moi j'ai envie de faire ça et ça."
09:53 Et il me disait, "Bon, allez-y, c'est bon."
09:55 Donc, j'ai évité, en fait, je m'en servais plus comme un instrument
09:59 que comme un lieu de travail.
10:01 - Mais vous aviez l'instinct de la photographie,
10:03 parce que vous avez appris à développer les photos,
10:05 mais l'instinct était là, déjà.
10:07 - Mais disons que Roger Theron, que j'admire toujours autant,
10:11 qui était le grand patron de la photo à match,
10:13 avait conseillé à tous ses photographes,
10:17 "Passez votre temps dans les musées, vous apprendrez beaucoup par la peinture."
10:21 Et c'est tout à fait vrai, parce qu'on apprend la lumière,
10:24 les angles de vue, les cadrages à partir de la fin du 19e siècle,
10:28 où les peintres s'inspirent de la photographie.
10:31 Il suffit d'aller à Orsay aujourd'hui pour voir l'exposition
10:34 sur les impressionnistes, le début de l'impressionnisme,
10:38 et on voit très bien chez Degas, chez Manet, etc.,
10:41 les angles qui n'existaient pas.
10:43 - Voilà, et vous n'êtes pas devenu cadre, justement.
10:46 Vous avez fait d'autres choses, et il y a une date importante dans votre vie,
10:49 c'est le 12 décembre 2001.
10:51 On en parle dans quelques instants sur Sud Radio avec Micheline Pelletier.
10:54 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessy.
10:57 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Micheline Pelletier.
11:00 Nous parlerons tout à l'heure de ce livre "Un jardin sur l'Atlantique",
11:04 sur les Açores, un livre de photos et de récits des îles des Açores,
11:09 au Cherche-Midi. Et là, on revient sur votre parcours de photographe,
11:12 on a évoqué vos débuts, et je parle du 12 décembre 2001,
11:15 qui a réu une exposition sur les grilles de l'Assemblée nationale
11:19 de vos portraits des prix Nobel. C'est quand même un événement.
11:23 - Bravo. Oui, alors 2001, c'est le centenaire du prix Nobel,
11:28 puisqu'il a été remis pour la première fois en 1901,
11:32 et c'est le prix de la Norvège, et non pas comme les autres prix Nobel,
11:37 celui de la Suède, puisqu'il y a eu un partage au moment où ils se sont séparés.
11:42 Alors oui, c'est un grand moment, mais pour moi, le plus grand moment,
11:46 c'est quand je suis revenue à Oslo, autour de la table du conseil,
11:51 si je puis dire, des Nobel, et que j'ai montré les photos
11:55 que j'avais faites depuis trois ans. Et là, il y a eu une stupeur totale,
11:59 parce que je leur avais demandé de m'aider, de me donner des adresses courriels,
12:05 ou des téléphones, ou des adresses postales, pour pouvoir joindre
12:09 tous les Nobel vivants. Et niet, ils ne m'avaient rien donné.
12:14 Et je reviens, et j'étale les photos. Et là, ils sont stupéfaits.
12:19 Ils tapent sur la table, et ils disent "mais là voilà notre exposition
12:23 pour le centenaire". Et en fait, ils étaient bluffés,
12:29 qu'on ait pu faire ça sans qu'ils nous aient aidés.
12:32 - Et comment est venue l'idée de photographier les prix Nobel ?
12:34 Je crois que vous en avez photographié 36 en tout.
12:36 - Oui. Alors, pourquoi les prix Nobel de la paix ?
12:39 Tout simplement parce qu'on arrivait à la fin du XXe siècle,
12:42 et que les journaux avec lesquels nous collaborions d'habitude
12:46 dans une quarantaine de pays, à ce moment-là, avaient demandé
12:50 à tous les photographes d'agence de leur faire un projet
12:53 pour la fin du XXe siècle, et qui inaugure donc le XXIe.
12:58 Et moi, j'avais pas mal réfléchi, c'était trois ans avant,
13:01 et je m'étais dit "au fond, qu'est-ce qui m'intéresse ?
13:04 Comme tout le monde, et surtout aujourd'hui, la paix.
13:07 Donc, qui représente la paix ? C'était pas très compliqué,
13:11 même si pour certains, ils l'ont représenté un certain jour,
13:15 et puis plus dans d'autres circonstances.
13:18 Je me suis dit "ben voilà, c'est simple".
13:20 Mais je ne me rendais pas compte que pour une petite photographe française,
13:24 même d'une très prestigieuse agence mondiale,
13:27 c'était l'Himalaya à grimper.
13:30 - Il a fallu les joindre tous, ils ont tous été d'accord ?
13:33 - Alors, je vais encore vous faire des confidences.
13:36 Le Dalaï-Lama, je devais aller plusieurs fois à Dharamsala,
13:40 une fois il y avait une angine, une autre fois il y avait des inondations.
13:44 Donc, qu'est-ce que je fais ? J'ai tout un réseau, évidemment,
13:47 de femmes très extraordinaires auxquelles je dois beaucoup,
13:51 en particulier mon amie italienne Emma Bonino.
13:55 Emma, qui a été ministre des Affaires étrangères, commissaire européen,
13:58 était à cette époque-là commissaire européen des droits de l'homme.
14:02 Et donc, j'appelle Emma, je lui dis "écoute, je suis embêtée,
14:05 ça fait un an que ça dure".
14:08 Elle me dit "c'est pas grave, t'inquiète, j'appelle, je leur dis que je coupe les vivres".
14:11 Et le lendemain, le secrétaire du Dalaï-Lama m'appelle,
14:16 me dit "Madame, bien entendu, vous aurez rendez-vous,
14:19 puisque l'Europe a bondé beaucoup au fond de soutien au Dalaï-Lama à Dharamsala".
14:23 - Je crois qu'il y a eu aussi un problème, Micheline Pelletier, avec l'Eche Valaisa.
14:27 - Ah, l'Eche Valaisa, mon Dieu !
14:30 Alors, l'Eche Valaisa, ça commence en 78, si je ne me trompe.
14:35 Je suis pour Marie-Claire, cette fois-ci avec Cathy Brine.
14:38 Nous partons pour Gdansk.
14:40 Et le but était évidemment de rencontrer l'Eche Valaisa,
14:43 mais aussi de faire un reportage dans toutes les usines
14:46 qui employaient les femmes à ce moment-là,
14:49 que ce soit à Bratislava, à Varsovie, etc.
14:51 Et pas à Bratislava.
14:53 Si, à Bratislava. Mais pas à Varsovie.
14:55 Si, à Varsovie.
14:56 Bon, j'étais à Gdansk.
14:58 Dansich.
15:00 Et donc, là, d'abord tous les matins, dès qu'on arrivait dans une usine,
15:05 on nous servait un cognac.
15:07 Parce qu'on était des autres étrangers,
15:10 donc ce n'était pas la vodka, c'était le cognac.
15:12 Et on se regardait toujours avec Cathy, parce qu'il fallait le boire, ce cognac.
15:15 On ne pouvait pas être mal élevé.
15:17 Ça faisait partie de notre boulot.
15:19 Donc, cognac.
15:20 Et puis on arrive chez l'Eche Valaisa,
15:22 et là, ça a été passionnant.
15:24 Parce qu'on s'est aperçu qu'en fait,
15:27 il répondait à chaque question,
15:29 d'abord par l'intermédiaire d'une dame qui était son interprète,
15:32 pour le français, une grande dame rousse.
15:34 Et puis que le curé,
15:36 qui l'accompagnait partout,
15:38 s'approchait de son oreille et lui donnait la réponse.
15:41 Et en fait, tout ça, évidemment, est relié à Jean-Paul II.
15:44 Pour moi, Jean-Paul II est un de ceux qui a fait tomber le mur,
15:48 grâce à ce qui s'est passé avant,
15:51 entre autres avec l'Eche Valaisa.
15:53 Mais ensuite, je reviens,
15:55 il a été pris Nobel de la paix, je reviens à Gdansk,
15:58 et devant le chantier, le fameux chantier naval,
16:01 il y a trois immenses croix.
16:03 Et je me suis dit, c'est là que je veux le faire, c'est évident.
16:06 Et le type ne veut pas sortir de son bureau.
16:09 Donc je rentre dans son bureau,
16:11 là je vois que sur son bureau
16:13 sont étalés uniquement des journaux de teuf.
16:17 C'est-à-dire qu'il s'intéressait aux courses de chevaux.
16:20 Mais il n'y avait rien d'autre.
16:21 Au mur, il y avait deux, trois croûtes,
16:23 et puis une croix.
16:24 Donc je commence à retirer les croûtes qui sont sur le mur,
16:27 à déblayer un peu le bureau,
16:29 parce que bon, c'était pas...
16:31 Enfin, voilà, je voulais quand même
16:33 qu'il soit dans une bonne position.
16:35 Je commence à faire mes photos,
16:37 il râle, il se met debout derrière son bureau,
16:40 j'arrive et je lui tire l'oreille.
16:43 Et alors là, il me regarde, mais...
16:45 Ah ! Absolument halluciné.
16:48 Et il me dit, mais même Danuta
16:50 n'aurait jamais osé me tirer l'oreille.
16:53 Voilà.
16:54 - Et vous avez fait la photo.
16:55 - Et j'ai fait la photo, oui.
16:57 - Il y a eu aussi des moments très dangereux.
16:58 Vous avez été sur le terrain au Liberia,
17:00 vous avez été au milieu des réfugiés.
17:02 C'est pas simple, ce genre de choses.
17:04 - Non, alors d'un côté, on est privilégiés,
17:07 parce qu'on est une femme,
17:08 et qu'on vous prend pas au sérieux.
17:10 Donc on pense pas qu'une semaine après,
17:13 ça sera dans Newsweek ou Time
17:15 ou je ne sais quel journal.
17:17 Donc ça aide.
17:18 Et d'autre part, oui, c'est dangereux.
17:20 D'ailleurs, merci à Georges Ouéa,
17:23 qui est devenu après le président du Liberia
17:26 et qui m'a sauvée d'un incendie
17:29 en me prenant sur ses genoux
17:30 et en m'embarquant avec, malheureusement,
17:32 à l'arrière, un jeune étudiant qui était mort
17:35 et dont il voulait que je fasse les photos
17:37 pour prouver au monde que, malheureusement,
17:39 la nouvelle prix Nobel de la paix
17:42 n'était pas ce qu'on espérait.
17:44 - Voilà.
17:45 Alors, il se trouve qu'il y a eu ces endroits dangereux.
17:48 Et puis il y a eu les moments les plus simples
17:50 sur les plateaux de cinéma.
17:51 Car vous avez été admise sur les plateaux de cinéma
17:54 avec beaucoup de sympathie des acteurs,
17:56 ce qui n'est pas toujours évident.
17:57 - C'est vrai que beaucoup sont devenus mes amis.
17:59 Alors, évidemment, je garde un lien
18:02 très particulier avec Philippe Noiré.
18:04 - Vous avez fumé le cigare avec lui.
18:06 - Ah oui, je fumais beaucoup le cigare.
18:08 J'adorais fumer le cigare.
18:10 Et donc j'emportais toujours des cigares.
18:12 Et Philippe, le soir, me disait
18:14 "Bon, on va aller dîner dans ma suite."
18:16 Et en fait, on fumait un cigare absolument tranquille.
18:20 Et on a lié une grande amitié.
18:22 Et il me manque.
18:24 - Et vous avez aussi, je crois, reçu un prix à Cannes
18:26 pour "Poulet au vinaigre".
18:28 - Oui, j'ai reçu le Rolé d'or,
18:30 ce qui était la première distinction remise
18:33 aux photographes à l'époque.
18:35 Et au cours du Festival de Cannes.
18:37 Donc c'était absolument formidable
18:39 avec un jury prestigieux.
18:41 Et c'est là aussi, pour la photographie
18:44 que j'avais faite sur un tournage de Claude Chabrol.
18:47 Mais là, j'étais très proche aussi de Michel Bouquet.
18:51 Le plus grand, pour moi, homme de théâtre.
18:54 Et voilà, encore quelqu'un auquel je pense très souvent.
18:58 Ainsi qu'à sa femme Juliette.
19:00 Mais voilà, ils m'ont beaucoup appris.
19:02 - Oui, et puis vous êtes allé partout
19:04 sauf un jour en Libye, parce qu'on vous l'a déconseillé.
19:07 - Jamais on n'avait vu tant de monde à Londres.
19:10 C'était le 2 juin 19...
19:12 - Alain Decaux, votre mari,
19:14 que vous avez connu d'ailleurs en allant le photographier,
19:17 je crois, Micheline Pelletier.
19:19 - Oui, je suis allée le photographier
19:21 pour l'Académie française.
19:23 Parce que quand il m'a fallu présenter un book
19:26 pour commencer à travailler pour les journaux,
19:29 je voulais une série de portraits.
19:31 Et je me suis dit, là encore, il y a une tribu,
19:34 qui est la tribu de l'Académie française.
19:36 Donc c'était simple, ils étaient 40 ou un peu moins.
19:39 Et puis j'avais déjà un grand reportage sur les pygmées,
19:42 autre tribu.
19:44 Et le troisième, c'était les paysages
19:46 que j'ai appelés "No man's land",
19:48 qui étaient les grands parcs américains.
19:50 Et donc ça m'a valu d'être engagée tout de suite
19:53 et dès le lendemain d'aller photographier Françoise Giroux,
19:56 autre de mes idoles.
19:58 Et ensuite de rester auprès d'elle
20:01 pendant une trentaine d'années.
20:03 Et j'ai rencontré Alain Decaux
20:06 parce qu'après ses photos de l'Académie française,
20:09 Jean Misler, qui était le perpétuel avant Maurice Drion,
20:13 m'a demandé de photographier tous les nouveaux académiciens.
20:17 À l'époque, je voyageais presque tout le temps,
20:20 donc j'étais trois semaines par an à Paris.
20:23 Et là on me dit Alain Decaux.
20:26 Je dis oui Alain Decaux, alors je lis un bouquin.
20:29 J'avais vaguement vu Alain Decaux raconte,
20:32 mais ça n'allait pas au-delà.
20:34 Et j'arrive chez lui et il avait oublié.
20:38 Il ouvre la porte, il me dit mais...
20:41 Alors je lui dis ben je suis là pour l'Académie et pour l'agence Gama.
20:45 Il me regarde et il me dit ah mais j'attendais un photographe.
20:49 Je lui dis ben ça sera une photographe.
20:52 Résultat, deux enfants.
20:54 Résultat, deux enfants,
20:56 37 ans de vie extraordinaire à ses côtés.
21:01 Il était l'homme de la Tour d'Ivoire
21:04 puisqu'il travaillait autant que vous mon cher Jacques,
21:09 si ce n'est plus, jusqu'à 90 ans je vous rassure.
21:13 Oui, ça laisse encore du temps.
21:15 Et c'est vrai qu'il a été impuné de la télévision.
21:17 Quand Stélo Lorenzi a proposé à Alain Decaux et André Castelot
21:20 de faire de la télévision au départ, ils ne le voulaient pas.
21:23 On leur a dit mais vous allez vendre des livres grâce à ça.
21:26 Mais ils n'imaginaient pas leur parcours à la télévision.
21:29 Mais c'était tout le début, je crois qu'on est en 56
21:32 quand ils commencent la caméra Explorer le Temps.
21:34 Qui avait un poste de télévision ?
21:36 Pratiquement personne.
21:38 Moi j'ai vu la télévision chez mes grands-parents,
21:41 ça devait être en 65.
21:44 Mais avant il n'y avait pas de télévision.
21:46 Donc ils disaient mais pourquoi ?
21:48 C'était un travail énorme.
21:50 Pour quel public ? On est très bien à la radio.
21:52 Voilà, je vous confirme qu'on est très bien à la radio et avec vous.
21:55 Et on va se retrouver dans quelques instants avec une autre date.
21:58 Le 12 octobre 1992.
22:00 A tout de suite sur Sud Radio avec Micheline Pelletier.
22:03 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
22:06 Sud Radio, les clés d'une vie.
22:08 Mon invité Micheline Pelletier.
22:10 L'actualité, un livre, les assorts, un jardin sur l'Atlantique,
22:13 aux cherches midi dont on va parler dans quelques instants.
22:16 Et puis une date importante et je crois que vous savez à quoi je pense.
22:20 Le 12 octobre 1992.
22:22 Un coup de fil de Bernard-Henri Lévy.
22:25 Ah bien sûr !
22:28 Alors, un coup de fil de Bernard-Henri Lévy,
22:31 que j'avais rencontré grâce à Françoise Giroux et donc on se voyait régulièrement.
22:36 Il me dit Micheline, est-ce que vous pouvez partir demain avec moi pour trois jours ?
22:40 Alors je lui dis mais où ?
22:42 Il me dit ça je ne peux pas vous le dire.
22:44 Mais vous verrez. Est-ce que vous êtes libre ?
22:47 Alors je lui dis oui, bien sûr.
22:50 Et il me dit rendez-vous au Bourget demain matin à 10h.
22:55 Dans l'avion, il me dit nous partons pour Helsinki.
22:59 Alors là, mystère, il n'y a pas de guerre à Helsinki.
23:02 Qu'est-ce qui peut bien se passer ?
23:04 Est-ce qu'un volcan a explosé en Finlande ?
23:08 Et dans l'avion il me dit mais voilà,
23:10 Salman Rushdie est sorti d'Angleterre pour la première fois
23:14 et il est parti en Finlande et je vais faire l'interview de Salman Rushdie.
23:18 Alors là je suis suffoquée parce qu'évidemment comme tout le monde,
23:22 nous avions suivi le blasphème et la fatwa posée par l'Ayatollah Romeni.
23:33 On savait qu'il risquait sa vie.
23:35 Et donc on arrive dans un hôtel à l'écart complètement de la capitale
23:41 et on reste enfermés en effet pendant deux jours avec lui.
23:45 Et moi je me dis mais je ne vais pas faire des photos dans l'hôtel
23:48 qui était genre un nouveau hôtel etc.
23:51 Enfin voilà, anonyme.
23:53 Et à un moment je lui dis écoutez, est-ce qu'on pourrait sortir ?
23:56 Il y a un rocher là-bas et ça me fait penser à l'exil de Victor Hugo à Guernesey.
24:00 Il y a cette magnifique photo faite par son fils.
24:04 Et donc il me dit oui allons-y.
24:06 Et puis on revient et je me dis mais au fond,
24:09 ça serait bien qu'il soit derrière la fenêtre
24:11 parce qu'il y a toujours cet enfermement.
24:14 Et je lui fais une autre photo derrière la fenêtre.
24:17 Et puis au moment de partir, je lui dis bon Salmane,
24:20 à l'année prochaine à Paris, sous la tour Eiffel.
24:23 Et il me regarde et il fait ouais je serai là.
24:27 Et un an plus tard, Jacques Lang l'invite à Paris.
24:34 Et j'étais en lien évidemment avec Article 19,
24:38 les femmes qui s'occupaient de lui à Londres
24:41 et qui m'appellent et qui me disent il n'a pas oublié.
24:44 Donc j'appelle Paris Match et je dis écoutez,
24:46 je vais faire une photo exclusive la semaine prochaine.
24:49 Est-ce que vous pouvez garder, parce qu'il y a toujours les délais de bouclage,
24:52 quatre pages. Bon mais tu veux pas ? Non.
24:57 Vous verrez. Et là on se retrouve en effet sous la tour Eiffel.
25:01 Il y a tous les gardes du corps. Il y avait une quinzaine de gardes du corps.
25:04 Donc je fais mes photos et puis après on part ensemble.
25:08 Il dit Salmane, est-ce que vous avez un rêve ?
25:11 Et par hasard, on déjeune derrière le musée d'Orsay.
25:15 Et il me dit voir les impressionnistes.
25:18 Et on était le jour de fermeture, le mardi,
25:21 ni une ni deux, j'appelle Françoise Cachin qui dirigeait.
25:25 Et je lui dis écoutez Françoise, pardon de vous déranger,
25:28 je suis Micheline Decaux, ta ta ta.
25:31 Écoutez, je suis avec Salmane Ruggli et son rêve,
25:34 c'est juste dans la rue en face, c'est de visiter le musée.
25:38 Elle fait quelques manières, ce dont je suis très étonnée,
25:41 parce que je me dis le type est enfermé quand même depuis un certain temps.
25:45 Et finalement elle me dit bon mais il n'y a pas beaucoup d'appariteurs.
25:48 Je lui dis ne vous inquiétez pas, il a beaucoup de gardes du corps.
25:50 Je ne pense pas qu'il y aura un problème.
25:53 Et donc on a traversé la rue et il était comme un enfant.
25:57 Ses regards devant ces toiles, c'était magnifique.
26:02 C'était un grand moment.
26:04 - Vous l'avez revu depuis ?
26:05 - Oui bien sûr, je l'ai vu plusieurs fois depuis.
26:07 On s'est revus dans plusieurs pays.
26:09 Alors bon, depuis qu'il a été sauvagement agressé, je ne l'ai pas revu.
26:14 Mais on a gardé le contact assez longtemps.
26:17 - Et puis une autre personnalité que vous avez vue,
26:19 mais dans des conditions particulières, dans le désert, Micheline Pelletier,
26:22 c'est l'abbé Pierre.
26:23 - Ah l'abbé Pierre.
26:25 Je vais un jour chez notre grand ami Robert Rossen qui montait les bafous.
26:30 Et c'était une répétition et j'aperçois l'abbé Pierre avec le père Jacques
26:35 qui l'accompagnait partout.
26:37 Et je me dis "mais mon Dieu, ça c'est un sujet, ça fait tellement longtemps".
26:42 Et donc après la répétition, on parle un peu et tout.
26:46 Et je lui dis "est-ce que je pourrais venir vous voir ?"
26:48 Il me dit "non, non, je pars dans le désert, en Algérie".
26:52 C'était l'époque où il y avait quand même la guerre.
26:54 En Algérie c'était assez compliqué.
26:56 Et parce qu'on m'a offert ça, pour mes 80 ans, j'ai demandé d'aller en Algérie.
27:00 Et là c'est absolument extraordinaire, puisqu'il pensait qu'il allait
27:06 là où il avait fait son service militaire, c'est-à-dire en plein désert.
27:10 "Plat", j'essaie de me souvenir, si je dis "Bel Abbes", je crois que c'est juste.
27:15 - C'est ça, oui.
27:16 - Et en fait il n'allait pas du tout pour prier.
27:18 Et évidemment tout le monde a pensé qu'il voulait aller dans l'ermitage du père de Foucault.
27:23 - Dans le désert du Hogarth, je crois.
27:25 - Tout préparé pour qu'il aille dans le désert du Hogarth.
27:28 Et alors j'arrive après lui, déjà les femmes sont interdites sur le plateau,
27:33 elles peuvent aller juste dans l'église.
27:35 Or lui avait une cellule en pierre sèche sur le plateau, donc évidemment j'y vais.
27:41 Et là il me dit "mais vous n'allez pas redescendre, c'est épuisant, vous allez bien dormir là".
27:46 Alors je le regarde, je me dis quand même il est gonflé.
27:50 Alors il me dit "vous pouvez dormir dans la chapelle, vous inquiétez pas, à côté".
27:53 C'était un truc, il y avait juste un grabat.
27:56 Et alors ce qui m'a le plus amusé, c'était les boîtes de conserve de choucroute,
28:01 de cassoulet qu'il avait emmené.
28:03 Mais bon, donc il me dit "vous allez dormir là".
28:06 Alors je dis "oui".
28:07 Je lui dis "mais qu'est-ce que vous faites là ?"
28:09 Et je le vois monter deux trépieds avec des appareils polaroïd.
28:13 Il me dit "non, rien compris, je venais pas là pour prier,
28:17 je venais là pour photographier le ciel".
28:20 Et toute la nuit, il photographiait avec son polaroïd
28:23 et il avait inventé un petit mécanisme pour mettre ce polaroïd en pause.
28:29 Donc il faisait des pauses de 20 minutes sur des polaroïds noirs et blancs
28:33 où vous aviez la trace des satellites et les étoiles fixes.
28:37 Et c'était magique.
28:38 Une fois rentré, je fais pour une fois, j'écris, je fais un grand papier pour le figmag,
28:43 on raconte tout ça et le président de Polaroïd lui envoie 100 boîtes de polaroïd
28:49 pour la pub qu'il lui avait fait.
28:51 C'était un type merveilleux que j'ai suivi jusqu'à la fin.
28:54 On est allé en Uruguay, on est allé un peu partout.
28:57 Ce sont d'autres histoires que je vous raconterai un autre jour, mais assez savoureuses.
29:01 - Oui, et d'ailleurs aujourd'hui, ce sont les graffeurs qui l'admirent.
29:04 Il y a un maximum de villes de France où, à cause de son béret,
29:07 ou grâce à son béret, sa barbe et ses lunettes, on fait des graffes.
29:10 C'est le titre de la vie fière.
29:12 - Et tout le monde le reconnaît, c'est une silhouette.
29:14 - Une autre silhouette que tout le monde reconnaît et dont on connaît la voix.
29:18 Je vous signale tout de suite, mesdames et messieurs,
29:20 que je vais parler pour ne rien dire.
29:22 - Vous avez été la photographe exclusive de Raymond De Vos, aussi.
29:26 Là aussi, dès qu'il y avait une photo à prendre dans un spectacle,
29:28 il vous appelait, Michel Pelletier.
29:30 - Ça a été compliqué, ça a mis 4 ans avant que je puisse l'approcher.
29:33 Je l'admirais énormément, mais comme il avait un certain, je veux dire, volume,
29:38 il n'aimait pas être photographié du tout.
29:41 Et finalement, François Zemmour, qui était sa productrice,
29:44 son attaché de presse et sa compagne, un jour me dit
29:47 "Vous pouvez venir à Bruxelles, mais vous restez au fond de la salle,
29:50 surtout qu'ils ne vous voient pas, etc."
29:53 Je lui dis "Oui, mais de toute façon, le premier jour, je ne ferai pas de photo,
29:55 je reviendrai le lendemain."
29:57 Donc, je fais mon travail extrêmement discrètement.
30:01 Et elle me dit "Venez nous voir, apportez-moi les photos."
30:04 Et là, ce qui est tellement étonnant, c'est qu'il y avait toutes les photos de lui sur scène,
30:10 dont certaines quand même assez intéressantes,
30:12 et il s'arrête sur une photo, il me regarde, il me dit
30:15 "Oh, mais ça c'est formidable !"
30:18 Et qu'est-ce que c'était ?
30:20 Dix costumes gris avec le nœud papillon suspendu,
30:24 parce qu'il fallait qu'ils se changent régulièrement entre deux sketchs.
30:29 J'avais mis le programme dans la poche, donc on voyait sa tête,
30:33 et j'avais mis un nez rouge en place de pochette.
30:37 Et il regarde ça et il dit "Mais c'est moi, sans être moi, mais c'est moi !"
30:42 Et à partir de là, on a, je dis toujours, communié en surréalisme.
30:47 Je l'ai fait en studio, je l'ai fait partout, on est allé à New York ensemble,
30:50 on a fait plein de choses.
30:52 Et voilà, c'est un de mes nounours, comme Philippe Noiré, comme Gérard Raymond dit.
30:57 Et vous avez consacré neuf ans au bénévolement,
30:59 Sept ans.
31:00 Sept ans à la réalisation de la maison de Raymond De Vos, à Saint-Rémy-les-Chevreuses,
31:04 qui existe grâce à vous, il faut le signaler.
31:07 Non, je me suis beaucoup battue pour Raymond,
31:09 mais je pense que sa mémoire le mérite pour les enfants d'aujourd'hui,
31:12 et pas seulement pour les enfants, parce que la francophonie,
31:15 comme vous le savez, par Alain Decaux, me tient beaucoup à cœur.
31:19 Et donc, je trouve que c'est la plus belle des langues,
31:22 et qu'il faudra encore apprendre un peu de grammaire,
31:24 comme lui l'a fait jusqu'à la fin de sa vie.
31:26 Je pense que c'est important.
31:27 Et puis une femme aussi qui était étonnante,
31:29 et c'est la première femme à l'Académie française, Marguerite Ursenard,
31:33 et là aussi, vous l'avez photographiée avant son entrée à l'Académie française,
31:37 Micheline Pelletier.
31:38 C'est surprenant.
31:39 C'est le point qui m'appelle, qui me demande,
31:42 "On va faire la couverture sur Marguerite Ursenard, etc.
31:45 Est-ce que vous pouvez partir la rejoindre dans le Maine ?
31:47 Voilà son numéro de téléphone, etc."
31:49 Donc j'appelle Marguerite Ursenard avec les pieds en dedans,
31:53 très intimidée, et je lui dis,
31:56 "Voilà, Madame Tata, est-ce que vous accepteriez...
31:58 Ah mais ma chère, me dit-elle, ma chère, vous savez,
32:02 non, je ne serai pas là, vous savez, je ne prends pas la vision.
32:05 Alors je vais descendre jusqu'à Miami,
32:08 donc du nord au sud des États-Unis, en voiture,
32:12 et là, je vais embarquer sur le Mermoz.
32:14 Donc à la date prévue, je serai sur le Mermoz.
32:18 Donc je serai tranquille."
32:20 Alors je fais quelques circonvolutions, et puis je lui dis,
32:23 "Mais Madame, est-ce que vous m'autorisez à vous retrouver sur le Mermoz ?"
32:27 Et elle me dit, "Écoutez, si ça peut vous faire plaisir..."
32:31 Je me dis, "Mon Dieu, mais c'est génial ! Quel scoop !"
32:34 Et en effet, je l'ai retrouvée sur le Mermoz,
32:37 et j'ai fait les photos de la première femme
32:41 qui a été élue à l'Académie française.
32:44 D'ailleurs, Alain est rentré à l'Académie ce jour-là pour voter pour elle.
32:47 Mais elle n'a jamais remis les pieds à l'Académie.
32:50 - Jamais ? - Excepté une fois, pour venir voter,
32:53 je suppose, pour un de ses amis pour le prix du roman.
32:56 Et un jour, elle demande Charles Roux, à Marseille,
32:59 lui dit, "Mais ma chère Marguerite, pourquoi boudez-vous l'Académie ?"
33:03 Et elle dit, c'est pas très gentil ce que je vais dire,
33:07 sa mémoire me pardonnera,
33:10 "Mais lire en même temps que Michel Droit,
33:13 vous trouvez ça normal ?"
33:16 Et en fait, elle était très vexée,
33:19 parce qu'il y avait eu une double élection,
33:22 et qu'elle se sentait beaucoup plus importante, ce qui est vrai,
33:25 dans les lettres françaises qu'un grand journaliste,
33:28 qui était Michel Droit.
33:31 - Et elle avait une particularité, quand on écrivait un article sur elle,
33:34 elle vous répondait à l'encre verte,
33:38 en corrigeant les fautes de votre article.
33:41 - Et moi, elle m'a écrit une lettre absolument adorable,
33:44 et sur le mermose, j'étais un peu coincée,
33:47 à part en lui expliquant que, aux académiciens,
33:50 on présente les armes, donc j'avais demandé
33:53 à l'équipage en blanc de se mettre à l'arrière, drapeau tricolore flottant,
33:56 et elle au milieu, ce qu'elle a accepté de faire.
33:59 Et puis, j'avais dans sa cabine disposé
34:02 38-39 photos d'académiciens derrière elle,
34:05 que j'avais apportées.
34:08 Et là, elle me regarde et me dit "Mais vous avez même réussi
34:11 à leur rendre l'air intelligent".
34:14 - C'est une belle phrase. Une photo aussi marquante, c'est Dominique Strauss-Kahn au piano.
34:17 - Ah, Dominique, oui.
34:20 Alors, je suis très amie avec Anne,
34:23 - Les Saint-Gler.
34:26 - Nous adorions Yvan Levaille et les enfants.
34:29 Et puis un beau jour, Anne est tombée passionnément amoureuse
34:32 de Dominique Strauss-Kahn.
34:35 Donc, voilà, c'était un peu compliqué
34:38 pour nous, mais nous avons continué
34:41 nos relations extrêmement amicales, que ce soit avec Yvan
34:44 ou avec Dominique.
34:47 Et cette photo-là, en fait,
34:50 ce qui était fou, c'est que Dominique m'avait dit "Écoute, il faut que je fasse des photos
34:53 et tout parce que j'entends dire
34:56 que peut-être Anne aurait une histoire, etc."
34:59 Bon, je connaissais Dominique,
35:02 donc je n'avais pas besoin de dessin.
35:05 Et j'arrive à la maison
35:08 et il joue du piano, Dominique.
35:11 Donc je lui dis "Écoute, tu vas te mettre au piano
35:14 et puis on va faire une photo.
35:17 Tiens, mets ton chapeau. Anne, prends donc un verre."
35:20 Donc, c'était une époque
35:23 où on pouvait photographier les politiques
35:26 sans que derrière, la tachette presse arrive dans l'instant.
35:29 Donc on faisait tout ça.
35:32 Donc ça sort d'en match, évidemment, en double page.
35:35 Et là-dessus,
35:38 Dominique me dit, quelques années après,
35:41 "Mais tu sais, c'est à partir de cette photo-là que j'ai une réputation
35:44 de dilettante." Et c'est fou.
35:47 - C'est fou, hein ? - Eh oui.
35:50 - C'est la vie. En tout cas, il y a eu d'autres photos et puis il y a des photos
35:53 qui n'ont rien à voir avec ce sujet qu'on va évoquer à travers la date
35:56 du 18 avril 2024. A tout de suite sur Sud Radio avec Micheline Pelletier.
35:59 - Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessy.
36:02 - Sud Radio, les clés d'une vie. Mon invité Micheline Pelletier.
36:05 On a parlé de toutes vos photos dans le monde entier
36:08 avec les prix Nobel, les personnalités, les scoops.
36:11 Et puis, le 18 avril 2024
36:14 est sorti un livre d'un autre genre, "Les Açores,
36:17 un jardin sur l'Atlantique", un livre de photos et de textes
36:20 où vous vous êtes promenée sur des îles
36:23 qui font rêver pendant des semaines et des semaines. Pourquoi ce livre d'abord ?
36:26 - Alors, pourquoi "Les Açores" ?
36:29 Parce que l'île de Pâques. Est-ce que ça vous dit quelque chose ?
36:32 - Les statues de l'île de Pâques, qui ont été
36:35 immortalisées pour la première fois à la télévision par Christian Zuber
36:38 dans les années 70. - Ah oui, absolument. - Avec caméra au point.
36:41 - Tout à fait. Et donc, l'île de Pâques
36:44 où j'ai, pendant 7 ans, été régulièrement, deux fois par an
36:47 au milieu du Pacifique parce que
36:50 quand j'étais petite, j'avais vu la couverture
36:53 d'un journal qui s'appelait "Archaeologia"
36:56 et c'était ces fameuses statues.
36:59 Donc, je n'avais eu de cesse que d'y retourner,
37:02 d'y aller et grâce à L'Oréal, parce que j'étais la photographe
37:05 des femmes de science à travers le monde
37:08 dans les 5 continents des grandes scientifiques
37:11 de "For Women in Science", des femmes pour la science,
37:14 il y en avait une au Chili et qui avait
37:17 fait un travail sur le "Toro Miro"
37:20 c'est-à-dire pour réimplanter l'arbre sacré
37:23 sur l'île de Pâques. Et donc, en 2012
37:26 j'ai sorti un livre sur l'île de Pâques
37:29 chez La Martinière et la première fois que je me retrouve
37:32 aux Azores à l'instigation de ma fille
37:35 en vacances, j'arrive une semaine avant elle
37:38 et j'ai un choc physique
37:41 c'est-à-dire que je ressens l'oxygène
37:44 dans mon corps, comme quand on arrive en Afrique
37:47 où il y a une odeur, une chaleur, une humidité différente
37:50 là, tout d'un coup, on reçoit comme une gifle
37:53 c'est incroyable. Et je me dis
37:56 mais c'est tellement beau, il y a des millions d'hortensias
37:59 et plus on vieillit, plus on aime jardiner
38:02 et pour moi, c'est vraiment un jardin
38:05 à 2000 kilomètres
38:08 d'aucune zone habitée, vraiment
38:11 en Europe, le bout de l'Europe
38:14 et puis comme l'île de Pâques, donc au milieu de nulle part
38:17 l'île de Pâques c'était 4000 kilomètres, mais comment est-ce que ces gens vivent
38:20 comment ils sont arrivés à s'adapter
38:23 depuis le 14e siècle, 15e siècle pardon
38:26 depuis 1427
38:29 et puis on a eu Henri le Navigateur
38:32 qui était le premier promoteur de la mondialisation
38:35 puisque c'est le début en fait de la conquête des continents
38:38 puisque les Açores vont devenir ensuite
38:41 le chemin pour le Nouveau Monde
38:44 et surtout pour le retour du Nouveau Monde
38:47 et l'arrêt de tous les navigateurs, d'où la préface d'Isabelle Autissier
38:50 - Voilà, alors il se trouve que les Açores
38:53 on va à l'île Maurice, on va n'importe où
38:56 mais les Açores aujourd'hui, on ne le sait pas
38:59 c'est une destination touristique de plus en plus courue, Missine Pelletier
39:02 - Eh bien oui, les gens qui aiment randonner, qui aiment marcher
39:05 et aujourd'hui vous le savez le tourisme vert est à la mode
39:08 pour eux c'est le paradis, c'est moins loin
39:11 que la Réunion pour les Européens
39:14 et c'est une destination
39:17 où on a l'impression, il y a 9 îles
39:20 en arc de cercle sur 600 kilomètres
39:23 l'impression de faire le tour du monde
39:26 c'est à dire que tout d'un coup vous entrez dans un paysage
39:29 où on cultive du thé comme dans les rizières
39:32 en escalier, comme si vous étiez assez lent
39:35 ensuite vous descendez sur une plage
39:38 vous êtes aux îles Stromboli avec un sable noir
39:41 répandu par terre, ensuite vous montez
39:44 en haut du Pico, le plus haut sommet du Portugal
39:47 puisque les Açores appartiennent au Portugal
39:50 à 2600 mètres d'altitude où il y a de la neige l'hiver
39:53 et puis vous redescendez à Santa Maria
39:56 dans un désert rouge, vous avez l'impression
39:59 d'être dans les parcs nationaux américains
40:02 c'est incroyable, vous faites le tour du monde
40:05 - Et vous avez écrit un livre avec des textes et des photos
40:08 vous avez passé des semaines là-bas, des années
40:11 à randonner, à prendre des photos et surtout en même temps
40:14 à apprendre l'histoire pour la raconter
40:17 - Voilà, parce que faire des photos c'est bien
40:20 le choc des photos, mais le poids des mots
40:23 quand on a envie de partager
40:26 quand on est curieux, c'est important de connaître
40:29 l'histoire des lieux et surtout sur chaque île
40:32 j'ai interviewé un personnage qui y habite
40:35 pour montrer la modernité aujourd'hui de ces îles
40:38 aussi la difficulté de vivre
40:41 dans un pays qui est sur trois
40:44 plaques tectoniques à leur jointure
40:47 et donc où il y a régulièrement des tremblements de terre
40:50 qui ont été meurtriers le dernier en 2000
40:53 d'où l'émigration massive
40:56 et le retour maintenant
40:59 pour les grandes fêtes religieuses parce que j'ai trouvé
41:02 sur ces 9 îles évidemment des ressemblances et des dissemblances
41:05 et ce qui les rassemble c'est vraiment
41:08 la foi, c'est quelque chose d'incroyable les fêtes religieuses
41:11 aux Açores, elles n'ont plus lieu ailleurs
41:14 ils ont leur chemin de Saint-Jacques. - Et ce qui est étonnant aux Açores
41:17 c'est la contradiction entre les petits villages où il n'y a pratiquement rien
41:20 et puis une station spatiale européenne
41:23 sur les Açores. - Alors je dis Santa Maria
41:26 pourquoi pas le Cap Canaveral de demain
41:29 pour la population de Santa Maria je n'espère pas
41:32 mais il y a une base européenne de suivi
41:35 des satellites que l'on envoie depuis
41:38 Kourou, depuis la Nouvelle-Zélande parce que c'est l'endroit
41:41 où on change d'orbite donc c'est très important
41:44 qu'ils aient ce suivi pour
41:47 dire aux lanceurs attention il faut
41:50 peut-être décaler un tout petit peu
41:53 vos instruments pour être bien dans l'orbite fixée
41:56 et Monsieur Musk malheureusement s'y intéresse
41:59 il souhaiterait pour Starlink
42:02 y établir une base puisque maintenant
42:05 il y a des satellites qui reviennent
42:08 sur Terre c'est le futur heureusement parce que vous ne rendez pas
42:11 compte comme notre espace est encombré
42:14 depuis que l'abbé Pierre photographiait les satellites
42:17 parce qu'il mettait en pause 20 minutes
42:20 aujourd'hui c'est l'encombrement total
42:23 c'est Paris de Madame Hidalgo
42:26 - Oui ça ne peut pas être pire en tout cas
42:29 il y a aussi des villages que vous découvrez notamment
42:32 à Lujos où Christophe Colomb est arrivé
42:35 en 1493 - Alors il y a 3 grands hommes
42:38 il y a Christophe Colomb qui vient qu'on prend pour un pirate
42:41 parce qu'à l'époque on se protège des pirates
42:44 il revient de la découverte croit-il des Indes mais qui sont
42:47 les Amériques comme on le sait et qui arrive
42:50 sur la Nina puisque la Santa Maria
42:53 la caravel a coulé et on le prend
42:56 pour un pirate donc on va commencer dit la légende
42:59 par l'enfermer avec son équipage avant de les relâcher
43:02 et de les laisser repartir vers l'Espagne
43:05 puisque malheureusement c'est Isabelle la catholique
43:08 qui l'avait envoyé là-bas les portugais ayant refusé
43:11 deuxième homme, Château-Briand, magnifique
43:14 dans les mémoires d'Outre-Tombe, quand il arrive
43:17 il pointe le manque d'eau sur une île
43:20 qui s'appelle Graciosa et déjà à l'époque
43:23 en 1793
43:26 c'est-à-dire
43:29 4-3 siècles après Christophe Colomb
43:32 il pointe qu'il y a un manque d'eau et en 1846
43:35 50 ans après il n'y a plus d'eau à Graciosa
43:38 et aujourd'hui c'est le problème parce que
43:41 l'eau monte comme tout le monde le sait
43:44 et le sel touche les nappes phréatiques
43:47 donc aujourd'hui quelqu'un qui aux assorts gagne
43:50 le SMIC disons 800 euros par mois
43:53 doit déjà dépenser entre 60 et 80 euros
43:56 d'eau potable pour se laver les dents
43:59 pour boire etc. plus l'eau qui lui est fournie
44:02 par la ville mais qui est salée
44:05 vous ne pouvez pas laver le linge, on retourne au lavoir
44:08 et le troisième homme dont je veux parler
44:11 qui est extrêmement important mais relisez les mémoires d'Outre-Tombe
44:14 parce que c'est tellement beau
44:17 c'est Albert Ier de Monaco et extraordinaire scientifique
44:20 je voyais partout "Avenue Albert Ier de Monaco"
44:23 j'arrive à Fayal qui est l'île des voileux
44:26 et là je vois "Observatoire Albert Ier de Monaco"
44:29 je connaissais certaines choses de sa vie
44:32 mais très peu et je me rends compte
44:35 que c'est un immense scientifique
44:38 que c'est le premier des océanographes
44:41 imaginez qu'il a découvert la fosse hirondelle
44:44 qui est à 3000 mètres dans le plancher océanique
44:47 imaginez qu'il a ramené de 3000 mètres
44:50 avec des nasses, des animaux absolument inconnus
44:53 parce que la grande histoire de l'époque
44:56 je me replace à la fin du 19e siècle
44:59 c'est le débat "peut-il y avoir la vie sans photosynthèse ?"
45:02 autrement dit, peut-il y avoir une vie
45:05 en dessous de 50 mètres sous l'eau ?
45:08 et il a démontré, ça l'avait été un petit peu auparavant
45:11 par les anglais, mais il a démontré
45:14 que oui, il y avait de la vie sans lumière
45:17 et à côté de cela, il a quand même bâti la constitution de Monaco
45:20 parce qu'il avait encore un peu de temps de libre
45:23 et Châteaubriant j'y reviens
45:26 parce qu'il y a une chanson qui est liée à Châteaubriant
45:41 "Les moulins de mon cœur" parce qu'il y a des moulins
45:44 comme à Montmartre, sur les Açores
45:47 - Oui, pourquoi les flamands ?
45:50 Les flamands arrivent dans la foulée d'Henri le Navigateur
45:53 et alors là, il m'a fallu une longue recherche
45:56 parce que je demandais à tous les açoreens, mystère
45:59 et il y a toujours les lieux, la toponomie nous enseigne
46:02 qu'en effet, il y a eu énormément de flamands et il y en a toujours
46:05 alors la sœur d'Henri le Navigateur
46:08 le fameux navigateur qui n'a jamais navigué d'ailleurs
46:11 mais qui s'est entouré de grands scientifiques
46:14 sa sœur Isabelle avait épousé le Duc de Bourgogne
46:17 à l'époque, Duc de Bourgogne et Duc de Flandre
46:20 et donc elle était chargée
46:23 puisque à l'époque quand même, le Portugal
46:26 vu ses proportions, n'avait pas un grand nombre d'habitants
46:29 donc il fallait peupler les Açores
46:32 et donc il demanda à sa sœur de lui envoyer de Bruges
46:35 quelques navigateurs et surtout
46:38 quelques capitaines donataires, autrement dit
46:41 quelques administrateurs et c'est comme ça
46:44 que les Açores ont été peuplés par des Portugais
46:47 venus principalement d'Algavre et
46:50 par des flamands. Voilà, le mystère est résolu
46:53 le frère, la sœur. - Un mystère qui n'est pas résolu
46:56 c'est l'Atlantide parce qu'on dit que l'Atlantide serait du côté des Açores
46:59 Micheline Pelletier. - Alors, aujourd'hui
47:02 les derniers relevés, si toutefois l'Atlantide
47:05 d'Homère a existé, ça se situerait
47:08 plutôt en Grèce. Mais on a toujours dit
47:11 qu'au-delà des colonnes d'Hercule, c'est-à-dire
47:14 au-delà de Gibraltar, il y avait un continent
47:17 englouti. Alors ça nous fait rêver, moi ça me fait
47:20 toujours rêver, mais je ne plonge pas assez
47:23 profondément sous l'eau pour en découvrir
47:26 quelques vestiges. - Il y a Platon qui en a parlé
47:29 mais il y a aussi Thomas More, un écrivain anglais
47:32 qui a écrit sur le modèle de l'Atlantide "Utopie"
47:35 où il imagine une île où le bonheur des habitants est garantie
47:38 par la justice sociale. - Magnifique. - Et puis alors
47:41 une chose étonnante, il y a un bon vin aux Açores.
47:44 - Ah là là, mais vous savez que c'est le patrimoine
47:47 c'est nommé patrimoine de l'humanité, l'île de Pico
47:50 ou en tout cas toutes les vignes. Alors ce sont
47:53 des parcelles entourées de murs
47:56 de basalte, de façon à éviter le vent
47:59 et le sel, parce que c'est évidemment très
48:02 venté, et là on cultive
48:05 la vigne, malgré le phylloxéra
48:08 on en a replanté au début
48:11 du XXe siècle, et il y a un vin
48:14 qui s'appelle le Tzar. Là aussi c'était un mystère que
48:17 venait fiche le Tzar à Pico, franchement.
48:20 Et on apprend qu'au XIXe siècle
48:23 le Tzar ayant reçu probablement
48:26 le roi du Portugal, lui demande
48:29 en présent, ou tout du moins le roi du Portugal
48:32 apporte quelques bouteilles de vin, et on
48:35 retrouve dans les caves de l'ermitage quelques
48:38 bouteilles issues du
48:41 vin, du cépage
48:44 de Pico. Et aujourd'hui donc il y a trois
48:47 endroits qui sont patrimoine de l'humanité, pour
48:50 l'UNESCO, qui sont en grâce d'Heroismo qui est la capitale
48:53 de l'île de Tercera.
48:56 Il y a les vignes
48:59 de Pico, et il y en a un troisième
49:02 qui m'échappe pour l'instant, qui doivent être
49:05 probablement les grands lacs de San Miguel
49:08 et il y a surtout des parcs
49:11 extraordinaires qui sont préservés pour la biodiversité
49:14 par l'UNESCO aussi. - Oui, et d'ailleurs
49:17 on peut prendre des bains de minuit aussi à 38°C.
49:20 - Ah, quel bonheur, alors au jardin de Terranostra,
49:23 évidemment, le plus beau jardin exotique.
49:26 Je parle pas des Kew Gardens, évidemment, mais sur une île
49:29 éloignée de tout, il faut savoir que les navigateurs
49:32 qui rentraient d'Afrique du Sud, d'Indonésie,
49:35 des Amériques, et surtout au
49:38 19e siècle, ramenaient des plans pour voir ce que
49:41 ça pouvait donner, ils s'arrêtaient tous aux Açores. Et là,
49:44 on essayait, il y avait de grands botanistes,
49:47 il y en a un qui a ramené, qui était consul de Boston,
49:50 un plan d'Araucaria. Et en fait, si vous
49:53 trouvez dans tout le Portugal et dans chaque village
49:56 des Açores, un immense Araucaria, ça fait
49:59 20 mètres, ça domine le paysage,
50:02 c'est grâce au consul d'Abney
50:05 et ces Anglais et ces Américains qui sont
50:08 venus ont commencé à constituer ce
50:11 magnifique parc qui s'appelle le parc de
50:14 Terranostra. Et si on habite à l'hôtel, on peut
50:17 circuler la nuit dans ce parc et se baigner
50:20 dans un petit lac à 38 degrés
50:23 qui fait beaucoup de bien pour les rhumatismes et
50:26 autres petits soucis qu'on peut avoir. - Ce qui fait
50:29 beaucoup de bien et ce qui fera rêver, justement, c'est ce livre
50:32 "Les Açores, un jardin sur l'Atlantique" que vous signez
50:35 avec des photos magnifiques au Cherchemidi. Et non seulement
50:38 vous nous faites rêver, mais vous racontez l'histoire tellement bien
50:41 que je pense qu'Alain Decaux serait très fier de vous, Micheline Faitelier.
50:44 - Ça me touche beaucoup. J'ai été à bonne école.
50:47 - Je crois. Merci. "Les Clés d'une vie" c'est terminé pour aujourd'hui. On se retrouve
50:50 bientôt. Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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