• il y a 8 mois
Jacques Pessis reçoit Philippe Perrin : l’un des dix spationautes français raconte dans « Apesanteur » comment il est devenu un bâtisseur de l’espace. Avec des étoiles qui brillent toujours dans ses yeux
(éditions Michel Lafon).

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-04-23##

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Transcription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06 Des étoiles brillent dans vos yeux quand vous racontez une vie
00:09 tout au long de laquelle vous n'avez jamais cessé de prendre de la hauteur.
00:13 Des souvenirs réunis dans un livre afin qu'il ne s'envole pas.
00:16 Bonjour Philippe Perrin.
00:17 Bonjour et merci d'avoir noté que le livre sert à ça.
00:21 Oui, alors ce livre c'est "En apesanteur" chez Michel Laffont
00:25 et vous racontez votre parcours, un parcours
00:29 exceptionnel puisque vous êtes l'un des dix français à avoir un jour été dans l'espace.
00:35 Et un des 500 premiers humains depuis le début de l'humanité
00:39 à voir la Terre de haut, ce qui est un privilège et ce privilège m'a obligé de
00:43 témoigner, de partager, c'est ce que le livre a l'intention de faire.
00:47 Alors moi j'ai l'intention de raconter ce livre, de vous raconter à travers quatre dates clés,
00:52 c'est le principe des clés d'une vie,
00:54 qui ont tout un rapport avec le livre et avec votre parcours de spationaute.
00:57 Et la première que j'ai trouvée, elle ne vous concerne pas directement,
01:00 mais elle est importante dans votre désir de prendre de la hauteur,
01:04 le 27 septembre 68, la sortie de ce film.
01:07 2001, "Odyssée de l'espace", je crois que ça vous a marqué Philippe Perrin.
01:18 En général, je suis très marqué par la capacité des artistes,
01:22 des auteurs de fiction à imaginer le futur
01:26 avec plus de vérité que tous les scientifiques ne peuvent le faire.
01:29 Et effectivement, ce film me marque et je sais que ça va être mon futur,
01:34 alors je ne sais pas à quel point,
01:35 mais finalement si on regarde l'idée,
01:39 toute l'action se passe autour des années 2000,
01:42 donc on est dans une actualité qui est celle de mon vol dans l'espace.
01:46 Et on dit d'ailleurs que le nom de l'original de l'ordinateur AL9000,
01:50 c'était la lettre décalée de IBM.
01:52 Alors ça n'a pas été confirmé, ça fait partie des hypothèses aujourd'hui ?
01:55 On aime à le croire.
01:57 Alors ce film, vous l'avez eu un jour par hasard au cinéma ou c'était voulu ?
02:02 Je ne m'en souviens pas, je l'ai vu plusieurs fois.
02:06 Et la première fois probablement par hasard,
02:09 et la dernière fois, je le revois alors que je suis à l'entraînement à Houston,
02:13 dans un sas dans lequel on fait le vide parfait pour utiliser et tester la combinaison.
02:18 C'est un peu long et on me dit "mais est-ce que tu as du temps ?
02:20 Est-ce que tu veux regarder un film ?"
02:22 Je dis "je veux bien regarder 2001".
02:24 Donc je suis en scaphandre et je vois mon héros en scaphandre.
02:27 C'est extraordinaire.
02:28 Alors au départ, vous êtes né au Maroc, à Meknes,
02:32 qu'on appelait d'ailleurs à une époque le Versailles du Maroc,
02:35 tellement c'était une ville pleine de beauté.
02:39 Oui, le Maroc c'est la base de beaucoup de choses.
02:44 D'abord il y a mes origines pieds noirs,
02:45 je crois, des gens qui avaient envie de faire quelque chose de leur vie.
02:50 C'est maman qui me pousse aussi avec cette tradition pieds noirs vers l'excellence.
02:56 Mais c'est aussi un pays d'une beauté incroyable.
02:59 D'ailleurs, j'ai fait voler le drapeau shérifien.
03:02 J'en ai jamais trop parlé, mais j'ai fait voler dans l'espace le drapeau shérifien.
03:06 Et en même temps, même au Maroc, vous avez la nostalgie de la France presque, Philippe Perrin.
03:10 Ça, je crois que c'est le propre des gens qui vivent à l'extérieur, des expatriés.
03:15 C'est que finalement, ils idéalisent une France qui ne leur appartient plus.
03:20 Et quand je reviens en France, je me dis, mais finalement, cette France a-t-elle jamais existé ?
03:26 Alors, les jeunes années, c'est pas toujours facile.
03:28 Je crois que vous avez survécu à des balles lors d'un attentat du Maroc.
03:33 Oui, j'aurais envie de reprendre la face de Napoléon.
03:36 Ma vie est un roman, mais elle commence très tôt.
03:39 Ce roman commence très tôt.
03:40 Effectivement, je suis sur la plage de Srirat, en face du palais royal.
03:44 Le jour de l'attentat contre Hassan II.
03:46 Et les balles viennent jusque dans les cabanons.
03:49 Et vous vous cachez, je crois.
03:50 Et on se cache, on se met sous les lits.
03:52 Et mon oncle Patrick me fait jouer aux cartes pour que je pense à autre chose.
03:57 J'ai une confidence, c'est que je ne veux plus, je ne sais plus jouer aux cartes.
04:00 C'est fou, ça vous a marqué à vie ?
04:02 Ça m'a marqué à vie.
04:03 Et en même temps, dans le livre, je dis, ça me donne l'impression finalement que rien ne peut me toucher,
04:09 que rien ne peut m'arriver.
04:10 Et je crois aussi, Philippe Perrin, que vous avez failli vous noyer enfant sur une plage.
04:14 À Srirat.
04:15 C'est une anecdote que je raconte pour parler peut-être du rapport à mon père
04:19 qui est essentiel dans l'homme que je suis devenu.
04:21 Et à un moment, je cherche des forces dans ma sortie extravéhiculaire qui ne viennent pas.
04:27 Et je pense à l'anecdote d'un jour où je vais pour me noyer et mon père vient me secourir.
04:32 Il me dit, je crois que j'ai battu le record du monde du 100 mètres.
04:35 Je crois que quand on a une motivation, on peut.
04:37 Vous auriez pu être plongeur d'ailleurs.
04:39 J'ai été plongeur et j'ai même hésité entre deux carrières,
04:41 celle de pilote de chasse et celle de plongeur sous-marin pour monsieur Deleuze à la COMEX à l'époque.
04:47 J'ai fait en fait toute une formation de plongeur, moniteur de plongée sous-marine.
04:53 Le haut ou le bas, c'était les deux extrêmes.
04:55 Et d'ailleurs, cette expérience de plongée m'a énormément servi en sortie extravéhiculaire.
05:00 C'est ce qui m'a permis, je pense, d'être sélectionné pour la mission STA-111.
05:04 Et il y a un autre film qui vous a marqué, je crois, Philippe Perrin,
05:07 c'est "Le monde de silence" de Louis Malle et du commandant Cousteau.
05:10 Oui. Alors il faut savoir que Cousteau est une des personnalités les plus connues aux États-Unis.
05:15 C'était un grand fan d'espace.
05:17 D'ailleurs, il était à chaque décollage.
05:18 Je l'ai rencontré, je crois que c'était au décollage de Jean-François Clairvoy.
05:22 Et il m'a inspiré vers l'environnement.
05:27 C'était le premier, finalement, à parler d'environnement.
05:29 Oui. Et d'ailleurs, ce film, "Le monde du silence", a obtenu la palme d'or à Cannes du documentaire.
05:36 Et c'est arrivé une seule fois depuis avec "Fahrenheit 911",
05:39 qui a eu le même prix, sinon personne ne l'a eu.
05:42 Oui. Et c'était là aussi un visionnaire.
05:45 Alors après, dans l'espace, je rêvais d'un monde du silence,
05:48 mais la sortie extra-fisculaire est tout sauf un monde du silence.
05:52 Il se trouve aussi que votre premier voyage en avion, c'était sur Air France,
05:56 et vous avez ramené un Pins, je crois, vous étiez tout petit.
05:59 Oui, ça c'est aussi ce qui m'a éveillé à l'aéronautique.
06:04 Ce sont ces voyages incessants entre le Maroc, où je suis né,
06:08 la France où j'ai fini par grandir.
06:11 Et je vole une nuit sur une caravele, j'ai accès au poste de pilotage.
06:16 Je suis reçu par l'équipage glorifié par la maîtrise de toutes les lumières du cockpit,
06:23 de tout ce monde qui me paraît magique.
06:26 Le commandant de bord, symboliquement, me donne le Pins d'Air France,
06:30 que je garde pendant des années.
06:31 C'est extraordinaire.
06:32 Vous rêvez aussi, lorsque vous faites du vélo, d'espace.
06:35 Alors qu'à l'époque, personne ne parle d'espace, Philippe Perrin.
06:38 Là, c'est très étonnant, parce que je vois ma vie se dérouler.
06:44 Je la vois sous la forme d'un rêve éveillé.
06:46 Donc, effectivement, j'ai peut-être 14 ans,
06:48 et je me vois rentrer dans l'atmosphère à bord d'une navette spatiale.
06:51 Alors, à l'époque, la navette américaine n'existe pas,
06:54 et il n'y a pas d'astronaute français.
06:56 J'ai la certitude que je vais un jour rentrer dans l'atmosphère en navette.
07:00 C'est extraordinaire. Alors, vos études, aussi, ça se passe en Provence.
07:03 Je crois qu'il y a l'École publique de Saint-Paul et de Quesson,
07:06 il y a le collège Georgesville de Pont, Saint-Esprit, le lycée Gérard Philippe,
07:10 qui est d'ailleurs aujourd'hui le lycée Albert Einstein, je ne sais pas si vous le savez.
07:12 Alors, ils ont hésité entre Philippe Perrin et Albert Einstein.
07:15 Je suis très content pour Albert.
07:18 Et vous intégrez l'École politique technique,
07:19 ce qui n'est pas évident, d'ailleurs, lorsqu'on est loin de Paris, Philippe Perrin.
07:22 Non, non, non.
07:24 Je vais vous raconter une anecdote.
07:27 Je suis en terminale et mon professeur de physique me dit
07:30 "Mais tu sais, tu devrais faire les grandes écoles à Paris."
07:32 Alors, je ne sais pas ce que sont les grandes écoles.
07:34 Et j'imagine un peu comme les grandes Espagne, vous savez, Louis de Funès.
07:37 J'imagine des écoles immenses à Paris.
07:40 Je me projette à aller à Paris faire une école immense.
07:43 Et Polytechnique, ça se passe tellement bien que vous avez défilé pour le 14 juillet.
07:48 Alors, on défile tous. C'est un moment d'une émotion unique.
07:53 Parce qu'on défile en premier, vous savez.
07:55 Et alors, la foule est immobile.
07:57 Et puis, d'un coup, on se met en marche.
07:59 Alors, comme les polytechniciens savent le faire, plus ou moins bien.
08:02 Mais la foule de Paris applaudit.
08:05 Et là, on sent une union nationale.
08:07 Moi, c'est ce qui m'a poussé.
08:08 J'ai toujours aimé la France.
08:09 Et je suis attentif au symbole aussi de cet amour.
08:13 Et ce jour-là, l'amour s'exprime.
08:15 - Et vous avez aussi ressenti d'autres rêves, ceux d'Henri de Montfreyde,
08:19 lorsque vous avez fait votre service militaire, je crois, dans l'océan Indien, Philippe Perrin.
08:23 - On est tous admiratifs du rêve.
08:25 On s'inspire du rêve des autres.
08:28 Et je pars effectivement faire un service militaire en océan Indien à Djibouti,
08:32 où il y a encore les mêmes boutres que ceux qu'avait connus Henri de Montfreyde.
08:36 Et c'est peut-être une première incitation au voyage, à la découverte.
08:42 Finalement, quand je vais partir dans l'espace,
08:44 je vais avoir le sentiment d'être un voyageur au long cours
08:48 qui ne sait pas vraiment où il va, ce qui était sûrement son sentiment à l'époque.
08:52 - Henri de Montfreyde, qui était un personnage incroyable,
08:54 à la fin de sa vie, il aimait courir les cocktails.
08:56 Et je me souviens de lui l'avoir croisé, il allait vers le buffet en disant
08:59 "Laissez-moi passer, je suis vieux, je vais bientôt mourir."
09:02 Et je passais en priorité, car il avait beaucoup d'humour.
09:05 Et c'est vrai que tout ça vous entraîne un jour à voir une annonce,
09:10 enfin un texte, un article de Patrick Baudry qui vous a marqué.
09:15 - Oui, je suis à la maison, j'ai une vingtaine d'années, je suis à l'école polytechnique.
09:19 Et le texte dit "Un astronaute se doit d'être à la fois ingénieur et pilote."
09:24 C'était l'époque un peu glorieuse des pilotes d'essai.
09:27 Donc Patrick, Jean-Loup, Michel, Jean-Pierre.
09:30 Et je me retourne vers mes parents avec beaucoup d'innocence
09:35 et je leur dis "Je sais ce que je vais faire de ma vie.
09:37 Je vais être astronaute, mais je vais commencer d'abord par être pilote de chasse."
09:40 - Donc à la maison, vous vous êtes un peu surpris ?
09:43 - Alors non, je vous rappelle une famille de pieds noirs.
09:45 Non, je ne déçois pas l'ambition familiale.
09:49 - Votre père est kinésie, je crois.
09:50 - Mon grand-père est kinésithérapeute.
09:53 Papa et maman ne connaissent pas l'armée, mais mes deux grands-pères ont fait la guerre.
09:58 Ce que j'explique, parce que là aussi c'est fondateur de ma motivation à aimer et à défendre la France.
10:05 Ils participent à la bataille de France tous les deux.
10:07 - Oui, et ça vous le savez.
10:09 Quoiqu'il n'en parlait pas beaucoup, après la guerre, on ne parlait pas de ce qu'on avait vécu.
10:13 C'est assez étonnant.
10:14 - Le grand-père qui avait peut-être le plus souffert, puisqu'il est à la tête d'une section de Zouave,
10:19 il sort pour prendre les ordres, il est fauché par un obus, finalement sauvé.
10:23 La section est ensevelie et elle disparaît.
10:27 Et il ne m'en parle jamais.
10:28 - C'est fou, hein ?
10:29 - C'est fou.
10:29 - Alors, il y a aussi deux personnes qui essayent de vous décourager d'aller vers cet univers.
10:33 C'est votre prof de psychologie moderne et Elisabeth Badinter, s'il vous plaît.
10:37 - Oui, alors Elisabeth Badinter, qui est quelqu'un pour qui j'ai un infini respect,
10:46 et son mari aussi,
10:47 était mon professeur de philosophie, de psychologie plus particulièrement,
10:53 à l'école polytechnique.
10:55 Elle m'a aidé.
10:56 Et puis un jour, à Saint-Germain, je la croise par hasard,
10:58 et je lui donne mon projet de vie,
10:59 qui est de rentrer dans l'armée de l'air,
11:01 sans trop lui expliquer que c'est pour être astronaute.
11:03 Et effectivement, elle ne comprend pas.
11:04 Et là, je me dis, mince, si cette dame ne comprend pas, c'est peut-être que je me suis trompé.
11:09 - Je crois que vous n'êtes pas trompé.
11:11 Et on va continuer à en parler à travers une autre date, le 2 août 1990.
11:15 A tout de suite sur Sud Radio avec Philippe Perrin.
11:17 - Sud Radio, les clés d'une vie.
11:20 Jacques Pessis.
11:21 - Sud Radio, les clés d'une vie.
11:22 Mon invité, Philippe Perrin, astronaute français.
11:25 Vous publiez en apesanteur, chez Michel Laffont,
11:28 un livre où vous racontez comment vous avez été dans l'espace.
11:31 On a commencé à en parler au début du parcours,
11:34 mais ce n'est pas arrivé tout seul.
11:35 Et il y a un événement important qui s'est passé aussi,
11:38 et qui a marqué le monde, le 2 août 1990.
11:40 - Il était en alerte,
11:42 mais il ignorait qu'il viendrait aussi vite participer à la guerre du Golfe.
11:45 - Donc, Damusel ordonne l'envahissement du Koweït.
11:48 Il pense qu'il va être seul.
11:50 Et puis, il y a une coalition qui se met en place.
11:52 C'est la guerre à Bagdad.
11:54 Et vous avez participé, je crois, à 26 combats pendant la guerre du Golfe, Philippe Perrin.
11:58 - Oui, 26 missions dites de combats.
11:59 Alors, ce sont des missions de reconnaissance, un peu comme à l'époque Saint-Exupéry.
12:04 Alors, comme toujours, les missions les plus dangereuses,
12:06 puisqu'on est envoyé alors qu'en face, l'armée irakienne est encore en état.
12:11 Et on va le long de la frontière avec des capteurs, prendre des positions adverses.
12:15 On est engagé une fois par les MiG-29 irakiens, je le raconte.
12:20 Et c'est une guerre, à l'époque, qui m'étonne,
12:24 parce que je la fais, parce que je suis un bon militaire.
12:26 Et je me demande en même temps pourquoi je la fais.
12:28 - Oui, parce que finalement, ce n'est pas votre guerre.
12:31 Vous défendez des pétroles saoudiens et des énergies fossiles qui tuent la planète.
12:37 - Oui, j'ai le sentiment aujourd'hui que la bonne guerre du pétrole,
12:41 sera finalement celle qui détruira tout le pétrole existant.
12:45 - Mais ce qui est étonnant, moi, je me souviens de cette guerre,
12:46 c'était la première guerre en vidéo, à la télé, on voyait la guerre en direct.
12:50 - C'était une guerre soi-disant propre.
12:53 Elle se termine par une guerre extrêmement sale,
12:55 puisque l'armée irakienne quitte le Koweït
12:59 et elle est absolument massacrée sur le chemin du retour.
13:03 Donc c'est tout sauf une guerre propre.
13:06 Et c'est mon premier sentiment, finalement, anti-guerre.
13:09 - Oui, en même temps, vous êtes un homme qui n'est pas fait pour les temps de paix, je crois.
13:13 - C'est gentil de me dire ça, parce que j'ai toujours de la considération
13:16 pour les hommes qui ne sont pas faits pour les temps de paix.
13:19 J'aime beaucoup la France qui s'est bâtie après la seconde guerre mondiale
13:21 sur les gens qui avaient fait la guerre.
13:24 Mais je dirais que comme tous les militaires,
13:26 je voudrais tout faire pour que les guerres n'arrivent pas.
13:28 Le but d'un militaire, ce n'est jamais de faire la guerre, c'est de la prévenir.
13:31 - Oui, et puis vous avez des armes et vous détestez les armes.
13:34 - Elles me font peur. - Pourquoi ?
13:35 - J'ai peur des fusils.
13:37 Je raconte l'anecdote, pour la guerre du Golfe, on nous équipe d'un pistolet,
13:40 parce que si on s'éjecte, il faut bien se défendre.
13:42 Et je ne sais pas me servir d'un pistolet, ça me fait peur, j'ai peur de blesser quelqu'un.
13:47 - Alors, il y a beaucoup de chansons qui sont citées dans votre livre.
13:50 Il y en a une qui ne l'est pas, elle est pourtant en rapport avec ce que nous venons d'évoquer.
13:53 [Musique]
14:00 La première chanson d'Antoine Laguerre, à l'époque du Vietnam, avant les élucubrations.
14:05 Je ne sais pas si vous la connaissez.
14:06 - Non, je ne la connaissais pas, je connais bien les élucubrations,
14:08 parce que ma sœur écoutait Antoine.
14:10 J'ai grandi avec Antoine.
14:12 - Comme beaucoup d'entre nous. - Oui.
14:14 - Et c'est vrai que cette chanson, c'était une chanson anti-militariste,
14:17 et c'est vrai que ça a marqué une époque.
14:19 Il y a beaucoup, beaucoup de chansons dans votre livre,
14:21 car vous êtes parti dans l'espace avec des chansons, Philippe Perrin.
14:24 - Oui, il faut comprendre que dans l'espace, le seul moyen de s'isoler,
14:27 puisque l'espace c'est bruyant, on est les uns sur les autres,
14:29 et la seule façon finalement d'avoir un espace et un moment à soi,
14:33 c'est d'écouter de la musique, de mettre son baladeur,
14:35 et puis d'écouter de la musique.
14:37 Donc j'avais amené principalement de la variété française.
14:40 - Et puis tout ça a commencé à l'école de l'air d'Aix-en-Provence,
14:43 où vous arrivez à 22 ans.
14:45 Vous êtes un gamin, et d'ailleurs,
14:46 vous n'avez pas l'air franchement d'un futur astronaute.
14:50 - Non, c'est marrant, je me prends très au sérieux,
14:52 mais je pense qu'à ce moment-là, je ne ressemble pas à grand-chose.
14:55 - Et Philippe, vous êtes arrivé quand même, vous aviez envie d'aller là-bas.
15:00 - J'avais l'idée que c'était mon destin,
15:04 je ne sais pas la difficulté du métier,
15:06 je suis très bien accueilli par le général commandant l'école,
15:11 et par tous ces élèves de l'école de l'air
15:14 qui avaient déjà une promo organisée, moi j'arrive en troisième année,
15:18 et qui m'accueillent comme des frères d'armes.
15:19 - Oui, car vraiment ce qui est important là-bas, c'est la bonté,
15:23 il n'y a pas de place pour la dissimulation.
15:25 - Non, c'est vrai des métiers d'aviateurs,
15:27 dans un avion, il y a un orage terrible,
15:30 vous ne pouvez pas dire "il n'y a pas d'orage, je continue tout droit".
15:33 On est des métiers où on est obligé à la vérité.
15:37 - Et en même temps, je crois que c'est l'escadron des coyotes que vous intégrez.
15:40 - Ils se dénomment comme ça, les coyotes,
15:43 et donc je découvre là le pilotage, la rigueur, les astuces,
15:49 surtout la fraternité.
15:50 - Et puis vous démarrez sur un fouga magistère,
15:53 pendant quelques heures, avant de vous lancer vous-même dans l'espace seul.
15:58 - Oui, le fouga magistère, on l'aura oublié aujourd'hui,
16:01 c'est un avion, quand on le regarde, qui semble sortir d'un film en noir et blanc,
16:06 mais c'est un avion qui a des performances de petit avion de chasse,
16:09 donc tout de suite on va comprendre ce que c'est que voler à la vitesse d'un aviateur de chasse.
16:14 - C'est-à-dire ?
16:15 - Alors, je n'ai plus les chiffres en tête,
16:17 mais un avion de chasse va voler à 800 km/h,
16:19 si vous voulez, près du sol, à 100 pieds sol,
16:23 c'est un nouveau monde qui s'ouvre.
16:24 - Puis vous êtes assis, vous le dites dans ce livre, Philippe Perrin, sur un baril de kérosène.
16:29 - Oui, on est assis sur un baril de kérosène,
16:33 là je ne suis pas encore assis sur un siège éjectable,
16:36 ça viendra plus tard, il n'y en a pas,
16:38 ce qui entraîne un accident malheureux d'ailleurs,
16:41 puisque je vais perdre le premier ami que je me suis fait en arrivant à l'école de l'air,
16:46 qui dans un exercice de voltige et de mise en vrille
16:50 ne pourra pas sortir du fait qu'il n'est pas vraiment aidé à pouvoir sortir.
16:54 - Et justement la vrille, c'est un exercice qu'on voit souvent dans les démonstrations aériennes,
16:58 qui est particulièrement délicat.
17:00 - La vrille, c'est une perte de contrôle contrôlée,
17:03 dont on sait plus ou moins sortir,
17:06 si ce n'est que le Fouga Magister est un avion dont on sort difficilement dans certains scénarios,
17:10 ce qui arrive à ce malheureux camarade.
17:13 J'ai tenu dans le roman à rendre hommage à tous les camarades que j'avais perdus
17:19 sur le chemin du vol dans l'espace,
17:20 et je dis, je fais le serment de les amener avec moi dans l'espace.
17:26 - Et il y a aussi un film que vous évoquez à plusieurs reprises dans ce livre, Philippe Perrin,
17:30 c'est "L'étoffe des héros".
17:33 - Oui, "L'étoffe des héros", c'est absolument tout,
17:38 parce qu'il y a le lien entre l'aviation et l'espace.
17:41 Et pour moi, l'espace est une continuité du monde de l'aviateur.
17:46 C'est la même fraternité, ce sont les mêmes métiers,
17:48 mais avec un peu plus de hauteur.
17:50 - Oui, parce qu'en plus, ce film raconte, je crois, la conquête de l'espace de 47 à 63.
17:55 Il a été nommé aux Oscars, il n'a pas été un grand succès au box-office,
17:58 mais il est devenu culte, car c'est une histoire.
18:01 - C'est l'histoire vraie.
18:03 C'est ce que j'ai essayé de faire dans le bouquin,
18:04 c'est de ne raconter que des choses absolument vraies et toute la vérité.
18:08 Ça ne sent jamais rien dissimulé.
18:10 - Et il y a aussi ensuite, justement, après ce passage à Aix-en-Provence,
18:13 c'est la base de Strasbourg, où vous êtes pilote de reconnaissance.
18:17 Et là, je crois que Saint-Exupéry, en plus, a été là-bas, Philippe Perrin.
18:21 - Oui, Saint-Exupéry a été pilote au groupe de 33 pendant la bataille de France,
18:26 quand il s'est fait cribler de balles en survolant Arras,
18:30 et puis malheureusement dans son dernier vol au départ de la Corse, le 31 juillet 44.
18:35 - Vous avez été très marqué par Saint-Exupéry.
18:37 Vous avez des tas de souvenirs et vous êtes parti dans l'espace avec le petit prince.
18:42 - Quand je discute autour de moi, je me rends compte que tout le monde est très marqué,
18:46 et je ne sais pas pourquoi.
18:47 J'essaie de le comprendre.
18:48 D'ailleurs, très gentiment, la fondation Saint-Exupéry m'a fait ambassadeur de la fondation.
18:54 Et on sent que Saint-Exupéry a encore beaucoup de choses à nous raconter,
18:58 beaucoup de choses à nous dire.
18:59 - Quand on pense que ce petit prince est né par hasard,
19:02 il est déjà dans un restaurant où il avait ses habitudes,
19:04 il fait quelques dessins, et le patron lui dit "pourquoi tu n'écrirais pas une histoire autour de ça ?"
19:08 Et le livre est sorti aux États-Unis avant de sortir en France.
19:11 - Oui, et il est très connu.
19:12 C'est-à-dire que les meilleurs ambassadeurs, encore une fois, de la France aux États-Unis
19:18 sont le commandant Cousteau et Antoine de Saint-Exupéry.
19:21 - Alors, le métier, vous l'apprenez, et on se rend compte, en lisant votre livre,
19:25 combien la chorégraphie est importante dans l'aviation lorsqu'on pilote, par exemple, un mirage.
19:32 - Oui, je passe ma vie à être une ballerine un peu sophistiquée,
19:36 alors en plongée sous-marine, en grotte, etc.,
19:40 où je mets la tête en bas et je découvre la troisième dimension,
19:42 dans le vol aérien, bien évidemment, et finalement dans l'espace.
19:46 Et donc c'est cette capacité à voir les choses en trois dimensions
19:50 qui vont m'accompagner tout au long de ma carrière.
19:52 - Une chose que j'ai apprise, c'est qu'on ne fait jamais le tour d'un mirage,
19:57 au sol, bien sûr, par la gauche.
19:59 - Je ne sais pas si c'est de la superstition, rien ne vous oblige,
20:03 enfin, le tour de l'avion est publié dans une note très sérieuse,
20:07 donc on fait ce qui est publié,
20:09 et puis surtout, quand on va à l'avion, on a un certain rituel
20:12 qui permet de ne rien oublier,
20:14 et qui est aussi, je pense, un mélange de professionnalisme et de superstition.
20:19 - Et en même temps, il y a un jour où ça a failli mal se terminer pour vous,
20:23 lorsque vous vous êtes retrouvé à bord d'un avion
20:25 et que vous vous êtes fait descendre avec votre propre obus, Philippe Perrin.
20:28 - Oui, c'est le comble du pilote de chasse,
20:30 je suis peut-être la première victime aérien
20:33 et le premier gagnant d'un combat aérien français depuis très longtemps.
20:38 L'anecdote, c'est que je tire sur un champ qui est rempli d'obus,
20:44 qui n'a pas été nettoyé, si vous voulez.
20:46 Donc un de mes obus vient frapper un obus au sol malheureux,
20:49 qui rebondit et qui a la mauvaise idée d'entrer dans mon réacteur,
20:53 ce qui va entraîner mon éjection.
20:54 - Et vous avez cru que votre carrière de pilote était terminée ce jour-là ?
20:58 - À chaque fois qu'on a des déconvenues,
21:02 il y a des tas de gens qui vont essayer de prouver
21:04 que vous êtes vraiment responsable de tout ce qui se passe.
21:07 Et alors, bien évidemment, certaines personnes essayent, d'autres me défendent.
21:12 Et on se rend compte que non seulement j'ai été victime d'un obus,
21:15 mais j'ai dévié la trajectoire de l'avion pour pas qu'il s'écrase sur un village.
21:20 Et donc je m'en sors avec 10 points positifs.
21:22 - C'est magnifique.
21:23 Une autre date qui ne vous concerne pas,
21:24 mais qui est importante dans votre parcours,
21:26 c'est le 22 février 1962.
21:29 À tout de suite sur Sud Radio pour en parler avec Philippe Perrin.
21:32 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:35 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Philippe Perrin.
21:39 Ce livre "En apesanteur" chez Michel Lafon raconte votre parcours.
21:42 On l'évoque à travers des dates clés.
21:44 Alors j'en ai trouvé une qui ne correspond pas du tout à votre parcours,
21:46 mais qui est importante, c'est le 22 février 1962.
21:51 - Les chevaliers du ciel sont heureux de leur sort.
21:57 - Si je vous ai dit que c'était une chanson de Jacques Delivray,
22:00 vous connaissez sans doute "Les chevaliers du ciel".
22:01 C'est parce que c'est ce jour-là qu'il publiait pour la première fois dans "Pilote"
22:04 une aventure de Tanguy à la verdure qui s'appelle "L'escadrille des cigognes".
22:08 - Oui, que j'ai lu bien sûr, qui m'a poursuivi.
22:12 "Les chevaliers du ciel" dans sa version la plus moderne,
22:18 c'est un ami qui a tourné toutes les images aériennes,
22:21 un grand monsieur de l'aéronautique qui s'appelle Éric Magnan,
22:23 et qui m'a aidé à construire aussi le film de mon vol dans l'espace.
22:27 Donc tout est lié.
22:28 - Et la première série des "Chevaliers du ciel",
22:30 Jean-Michel Charlier avait obtenu l'autorisation
22:33 de tourner les scènes sur la base de Dijon avec les vrais avions.
22:36 Je ne sais pas si vous le savez.
22:37 - Oui bien sûr.
22:38 - Il y a même une nuit, un avion noir qui a survolé Paris pour un épisode.
22:42 C'était une panique générale dans Paris parce que personne n'avait été prévenu.
22:46 - Oui, alors c'est l'époque des "Chevaliers du ciel".
22:48 On m'en racontait des tas d'anecdotes.
22:50 A l'époque, les bases n'étaient pas grillagées,
22:53 certains s'arrêtaient avec des biplatses,
22:55 faisaient monter leurs épouses pour des vols de nuit,
22:57 et puis allaient pour décoller.
22:58 C'était une époque révolue, je vous rassure.
23:01 - Alors si je parle de l'escadrille des cigognes de Michel Tanguy en BD,
23:04 c'est que vous-même vous avez dirigé,
23:06 vous avez été le chef des opérations d'une escadrille des cigognes.
23:09 - Tout à fait.
23:10 Très belle escadrille,
23:13 qui m'a valu d'ailleurs de retourner en Irak pour faire ce qu'on appelait la "no-fly zone".
23:18 C'est une défense, enfin une interdiction de vol des Irakiens sur leur territoire.
23:23 Et puis surtout à un grand moment,
23:25 qui est l'échange avec le premier escadron,
23:27 le premier échange avec la Pologne libérée du joug soviétique en 94.
23:31 - Vous êtes arrivé là-bas justement avec le but de refus de vendre des avions,
23:36 et il y a eu je crois un combat d'espace qui est un combat de KPDP.
23:41 - Où ça ?
23:42 - En Pologne, vous avez fait des combats dans l'espace.
23:44 - On fait des combats, on simule pour entraînement des combats,
23:47 et on a fait les premiers combats simulés entre des Mirage 2000 et des MiG-29.
23:52 - Ça consiste en quoi ça ?
23:53 - Alors on se croise et puis on regarde celui qui va pouvoir tirer l'autre si vous voulez,
23:57 et on s'aperçoit qu'en fait les Polonais ont été sous-entraînés par les Russes.
24:01 C'est-à-dire qu'on les gagne, mais coup sur coup, et eux ne comprennent pas.
24:05 En fait, vous parliez de balai tout à l'heure,
24:07 les Russes ont appris aux Polonais à faire des balais aériens,
24:11 et nous on va leur apprendre à faire la guerre.
24:13 - Et en même temps, il y a un côté Star Wars dans tout ça ?
24:17 - Oui, parce qu'à chaque fois on prend un peu de hauteur dans les manœuvres aériennes,
24:21 des fois on part à la verticale,
24:23 mais bon, on n'a pas la puissance nécessaire à y rester très longtemps.
24:27 Donc, je reprends la chanson du tronc,
24:31 toute ma vie j'ai rêvé de voir les choses d'en haut,
24:34 et petit à petit je monte, je gravis les échelles.
24:36 - Quand on pense que Star Wars, au début personne n'y croyait,
24:39 et que les producteurs ont laissé les droits dérivés à George Lucas en disant "ça marchera jamais",
24:44 ils sont légèrement trompés.
24:45 - Oui, et je pense que là aussi c'est une fiction qui nous apprend probablement ce que sera notre futur.
24:51 Alors, je reviens à l'escadrille des cigognes,
24:53 vous êtes chef des opérations,
24:55 comment vous êtes arrivé là-dedans et qu'est-ce que c'est que l'escadrille des cigognes ?
25:00 - Bon, c'est une des escadrilles les plus prestigieuses de l'armée de l'air historique,
25:05 les cigognes de Guinemère,
25:07 mais pour moi c'est une grande difficulté parce que j'ai été formé au combat air-sol,
25:11 je suis un pilote de reconnaissance.
25:13 Et là on m'envoie diriger les opérations d'une escadre de défense aérienne,
25:18 je ne suis pas si bon que ça en défense aérienne,
25:20 donc il va falloir que je dirige des gens qui sont meilleurs que moi,
25:23 et je pense à chacun d'entre eux,
25:25 ça a été pour moi une grande leçon d'humilité.
25:28 - Oui, en même temps c'est un travail précis, le matin vous arrivez avant tout le monde pour que tout soit calibré.
25:33 - Alors j'ai une obsession,
25:35 c'est que tous les avions reviennent le soir.
25:37 - Oui.
25:38 - Et donc voilà,
25:40 j'assène des briefings de sécurité, des protocoles, etc. dont personne ne veut,
25:46 mais ce sont un peu pour moi comme...
25:48 ce sont des frères et des fois comme des enfants,
25:52 et j'ai déjà une obsession qui va me poursuivre toute la vie,
25:55 qui est de protéger les autres.
25:56 - Alors vous voyez un jour par hasard, Philippe Perrin,
26:00 un appel à une candidature du Centre National d'Études Spatiales,
26:03 ils cherchent des pilotes d'essai pour développer le premier avion spatial européen, Hermès.
26:08 - Voilà, alors à l'époque, souvenez-vous, la France a beaucoup d'ambition, veut faire une navette spatiale,
26:13 Jean-Loup Chrétien, Jean-Pierre Aigneret sont en charge,
26:16 ils cherchent de jeunes pilotes d'essai,
26:17 donc on vient me chercher, on me forme donc au pilotage d'essai.
26:21 - Et alors là, vous vous dites, il y a quelque chose à faire, ça vous interpelle.
26:25 - Ah c'est merveilleux, parce que c'est la grande continuité des grands projets français,
26:31 le nucléaire, le TGV, et là on va avoir notre navette spatiale.
26:36 - Mais en même temps ça marche pas.
26:38 - Patatras, donc on a vu peut-être trop ambitieux les Allemands,
26:43 qui viennent de se réveiller avec la fin de l'Union soviétique,
26:48 se disent que peut-être c'est trop franco-français, et le truc ne se fera pas.
26:52 - Résultat quand même, ça repart avec les Russes.
26:55 - Alors ça repart, ça s'appelle Hermès-Ski, quelque temps,
26:58 il y a eu beaucoup de coopération, et j'ai fait moi dans ma vie,
27:00 beaucoup de coopération avec les Russes,
27:02 que ce soit au niveau des moteurs d'avion, des tas de choses,
27:05 on coopère bien avec ces gens-là, enfin on coopérait bien en tout cas,
27:09 et ça ne marche pas non plus.
27:11 Donc le programme s'arrête, et me voilà sans vol, sans avenir spatial.
27:15 Ma femme me console en me disant "c'est pas grave,
27:18 tu verras, on peut aussi vivre sans être astronaute".
27:22 - Voilà, en même temps vous allez vous retrouver à la Cité des Étoiles.
27:24 - Alors j'ai quand même un petit cadeau au passage,
27:30 qui est un stage de plusieurs mois à la Cité des Étoiles,
27:34 et ça va, alors j'ai 29 ans, je suis le plus jeune, je pense,
27:37 astronaute à s'être jamais entraîné dans ces conditions,
27:39 et à 29 ans je me retrouve à la Cité des Étoiles, par -40°,
27:43 sur tous les matériels russes.
27:45 Alors il faut imaginer ce que c'est, quelqu'un qui a connu la guerre froide,
27:48 qui a eu en face de lui un ennemi, il faut appeler les choses par leur nom,
27:55 et qui finit par aller dans la mecque du vol habité de cet ennemi.
28:00 Ça a énormément de sens, et j'ai toujours cherché du sens à ma vie,
28:04 et là ça a beaucoup de sens pour moi.
28:07 - En même temps c'est un monde à part la Cité des Étoiles.
28:10 - C'est un monde à part, surtout que tout ça se passe à la fin de l'Union soviétique,
28:14 à l'époque d'Elsine, et il faut comprendre en fait la misère de ce qu'a été
28:20 à ce moment-là la Russie.
28:22 Donc c'est un pays complètement désargenté,
28:24 c'est un pays en pleine déliquescence,
28:28 et donc je découvre à la fois le spatial, à la fois ce pays,
28:33 et à la fois l'amslav.
28:36 - Et en même temps vous découvrez la difficulté des épreuves,
28:39 car ça n'a pas été simple Philippe Perrin.
28:41 - Alors je vous rassure, dans ce métier, comme dans l'aviation de chasse,
28:44 rien n'est simple.
28:45 - Oui mais là il y a quand même des épreuves physiques terribles et douloureuses.
28:49 - Oui alors d'abord il y a la sélection médicale, c'est un grand classique,
28:52 avec tous les affronts possibles je vous laisse imaginer,
28:56 et puis il va y avoir la première expérience au zéro G,
29:01 l'avion c'est un Ilyushin qui fait ça en Russie,
29:04 donc on va me laisser finalement en chute libre,
29:07 à moi d'apprendre la chute libre,
29:10 mais ce que je redoutais plus que tout,
29:12 c'était le tabouret qui rend malade.
29:14 Alors qu'est-ce que c'est ? C'est un tabouret qui tourne sur lui-même,
29:17 on vous demande de vous asseoir dessus,
29:18 fermer les yeux et d'incliner la tête de gauche à droite,
29:21 ça enclenche toute une série de vertiges,
29:24 et le but est de ne pas tomber malade.
29:26 - Et vous avez arrivé ?
29:27 - Je ne suis pas très bon à cette épreuve, le meilleur c'était Jean-Louis Chrétien,
29:31 qui a l'âme de la marée, vous savez Jean-Louis il est breton,
29:33 et moi j'ai un truc, c'est que je pense à mon épouse,
29:37 je pense à ma femme et souvent dans les épreuves c'est elle qui m'aide, qui me guide,
29:42 et je passe finalement mais de justesse l'épreuve du tabouret.
29:45 - Oui, elle a toujours été très présente,
29:47 elle a eu peur pour vous mille fois dans votre vie, Cécile,
29:50 mais elle a toujours été là.
29:52 - Je peux dire qu'on a vécu cette aventure à deux, complètement.
29:58 Avec beaucoup de magie, parce qu'elle a toujours pris le temps de comprendre tout ce que je vivais,
30:02 ça me paraît essentiel quand on fait des métiers aussi exaltants que le mien,
30:07 d'emmener l'autre avec soi,
30:09 parce que sinon il peut y avoir un décalage entre celui qui vit l'exaltation et celui qui va rester au sol,
30:13 même si elle a une autre activité tout aussi exaltante,
30:16 et je crois que le partage dans un groupe c'est essentiel et nous on a eu cette chance.
30:20 - Vous avez vécu une situation aussi,
30:22 vous avez eu l'impression d'être Tintin dans le trésor de Rackham le Rouge, Philippe Ferrin.
30:27 - Alors attendez j'ai oublié !
30:29 - C'est à dire que vous êtes au fond de la piscine.
30:31 - Oui il m'arrive un truc terrible,
30:33 je me retrouve effectivement dans un scaphandre de plomb,
30:36 et à un moment donné j'ai plus d'air.
30:38 Et je me dis "c'est pas possible ils ont coupé le..."
30:43 Donc je fais un signe de secours, il me remonte en catastrophe,
30:46 et il m'explique qu'effectivement ils avaient coupé l'alimentation en air.
30:49 J'en parle quelques temps plus tard à Claudie Aignuret,
30:52 qui me dit "mais tu sais Philippe il m'est arrivé la même chose".
30:55 Et on se dit que c'était pas finalement un hasard mais un exercice.
30:58 - A propos de Tintin, Objectif Lune, ça vous a marqué, on a marché sur la Lune ?
31:03 - Alors ça me marque,
31:07 Tintin c'est aussi un aventurier, un explorateur,
31:12 donc je pense que ça fait partie de ce qui a créé en moi cette envie d'aller explorer,
31:19 et puis c'est aussi un regard innocent sur le monde, ce qui a toujours été le mien je crois.
31:23 - Et la fusée de Tintin en réalité a été dessinée par Albert Weinberg,
31:26 qui était le créateur de Dan Cooper, une autre bande dessinée, un pilote canadien,
31:30 et il s'est travaillé avec Hergé, c'est lui le vrai créateur de cette fusée de Vénémétique.
31:35 - Mais réaliser là aussi le pouvoir de la fiction,
31:38 finalement on la croyait fausse, elle ressemblait pas trop au Pol-Aim,
31:42 elle va ressembler beaucoup au Starship de Dylan Musk, dans sa version future.
31:52 - Et puis c'est à ce moment là que vous découvrez la pesanteur,
31:54 qui est le titre de votre livre philippin.
31:56 - Oui, alors la pesanteur on peut la découvrir déjà au plongeoir de la piscine,
32:00 mais brièvement, donc là la chute libre à bord d'un Ilyushin va durer une trentaine de secondes,
32:06 donc cette apesanteur va me suivre un peu toute ma vie,
32:10 puisque je vais la connaître ensuite dans l'espace,
32:12 et je la retrouverai comme pilote de zéro G plus tard.
32:15 Et c'est un peu comme une Madeleine de Proust,
32:17 à chaque fois que cette pesanteur se réveille,
32:19 ce sont les souvenirs de l'espace qui me reviennent.
32:22 - Alors l'espace ça commence ici, vous revenez de Russie,
32:24 vous êtes à Bretigny-sur-Ange, et on vous propose une mission pour Houston,
32:28 une mission mais sans aucune promesse.
32:29 - Non, ma mission est très étrange,
32:33 en fait elle part d'une coopération sur la suite d'Hermès, qui s'appelait le X-38.
32:37 Les américains décident d'essayer avec nous de créer un petit vaisseau spatial,
32:42 avant finalement de tout donner, de donner les commandes à Elon Musk,
32:46 et on me choisit à l'époque pour être l'astronaute référent,
32:49 mais on me dit bien "attention, si tu vas t'entraîner,
32:52 il n'y a pas forcément de vol à la clé, c'est à toi d'aller décrocher ce vol".
32:57 - Et vous ne refusez pas ce défi ?
32:59 - Non, alors j'ai deux mois avant de partir, j'ai une journée pour choisir,
33:05 ma femme est enceinte de sept mois, ça fait aucun doute, on va partir.
33:09 - Et vous voulez me montrer de quoi un français est capable,
33:11 parce que les américains ne sont pas toujours d'accord sur ce sujet ?
33:16 - C'est très étrange l'amitié qui nous lie, qui est très ancienne aux Etats-Unis,
33:21 c'est un respect mutuel, les américains sont interloqués par les français
33:26 parce qu'on arrive à faire des choses, on arrive à faire de grandes choses,
33:29 ça, ça les embête vraiment. Donc ils ont un espèce de respect
33:34 qu'ils n'ont pas forcément pour toutes les autres nations,
33:37 mais en même temps on reste toujours le "frenchie", c'est-à-dire un invité,
33:41 on n'est pas l'égal d'eux.
33:45 - Et résultat ? La mission, elle a évolué, vous le racontez dans ce livre
33:49 qu'on va évoquer à travers la date du 4 avril 2024.
33:52 A tout de suite sur Sud Radio avec Philippe Perrin.
33:55 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
33:58 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Philippe Perrin,
34:01 "Aspasio Noste" français, le dixième.
34:04 Ce livre en apesanteur qui est sorti le 4 avril 2024,
34:08 on a longuement parlé sur tout ce qui a précédé votre séjour dans l'espace,
34:12 et effectivement le séjour dans l'espace, c'était la conséquence
34:15 de cette proposition de la Houston. Pourquoi avoir fait ce livre aujourd'hui d'abord ?
34:20 - Il m'a fallu le temps, peut-être le temps de la maturité,
34:22 après l'espace je me suis engagé dans d'autres aventures,
34:24 celle de la souveraineté industrielle, celle de l'avion vert,
34:27 un peu de politique, le cas là à Toulouse.
34:30 J'ai jamais eu le temps, parce qu'il m'a fallu,
34:32 en fait j'ai tenu à écrire ce livre moi-même,
34:33 ça m'a pris deux ans et beaucoup de rigueur,
34:36 et donc il fallait que je puisse m'extraire du travail quotidien,
34:40 et j'avais eu la chance de prendre beaucoup de notes à l'époque,
34:42 donc tout ça a été pour moi très documenté,
34:44 il fallait quand même le mettre en musique.
34:46 - Oui, et vous pensiez que c'était important de raconter,
34:48 parce que moi ce livre, je n'ai jamais lu un livre
34:50 où il y a autant de détails sur une conquête spatiale,
34:53 sur la vie d'un spationauste,
34:55 vous avez vraiment travaillé dans les moindres détails.
34:57 - Oui, parce que pour emmener, j'ai donné beaucoup de conférences
34:59 qui m'ont aidé à bâtir ce livre,
35:01 et j'ai remarqué que pour emmener les gens,
35:03 il faut leur expliquer où on est avec force détail,
35:06 l'idée c'était vraiment de les prendre par la main et de les emmener,
35:09 et il semble que ça marche au sens où les gens me disent
35:12 "j'ai volé, j'étais à côté de toi",
35:14 mais ça nécessite justement tout ce détail.
35:16 - Alors justement en apesanteur,
35:18 on apprend aussi que vous voyez les choses de haut,
35:20 puisque lorsqu'on est en apesanteur,
35:22 on est au plafond et c'est assez particulier,
35:25 tout est inversé.
35:27 - Alors l'apesanteur, ça ouvre ce que j'appelle la troisième dimension,
35:30 on est dans une pièce ici,
35:32 on y est rentré, on pourrait la dessiner sur un papier en deux dimensions,
35:35 mais si je vous mettais en apesanteur,
35:37 on pourrait avoir les pieds au plafond
35:39 et on verrait la pièce différemment,
35:40 en fait il faut réapprendre un environnement qui s'agrandit,
35:44 qui se multiplie.
35:46 On apprend tout ça assez vite,
35:48 et finalement très vite on vit tous sur une même référence
35:50 parce que c'est pas facile de vivre chacun dans sa propre verticale.
35:54 - Oui mais en même temps on peut perdre une petite cuillère
35:56 qu'on croit en bas et qui est en haut.
35:58 - Alors on perd, on perd les choses,
35:59 et Jean-François Clavard m'avait dit "mais pour retrouver les choses,
36:01 ne regarde pas en bas ce qu'est le réflexe utérien,
36:04 mais regarde en l'air, c'est en général là que les objets vous narguent".
36:07 - Et il y a une chanson que vous avez évoquée aussi.
36:10 * Extrait de "Toute ma vie j'ai rêvé d'être une hôtesse de l'air" *
36:20 - C'est assez étonnant comme chanson,
36:21 elle vous correspond parfaitement sans les talons hauts.
36:24 - Alors j'aime beaucoup les hôtesses de l'air,
36:25 j'aime beaucoup les personnels naviguants,
36:29 quelle que soit leur spécialité,
36:30 donc c'est une façon de leur rendre hommage aussi.
36:32 Et puis je crois que j'ai toujours eu beaucoup de dérision sur ma propre vie,
36:36 j'ai toujours regardé les choses avec un regard d'enfant.
36:39 - Alors vous êtes arrivé, Philippe Perrin, effectivement à la NASA,
36:42 à un moment clé, c'est-à-dire que vous voulez renouveler le personnel de l'espace
36:47 pour préparer la destination Mars.
36:50 - On arrive et on nous dit très sérieusement
36:54 la première homme ou la première femme qui posera les pieds sur Mars est dans la salle.
36:59 Je ne sais pas si vous imaginez le frisson qui envahit toute la salle,
37:03 il s'avère que ce ne sera pas vrai,
37:05 puisque la conquête martienne prend un peu plus de temps,
37:07 et puis elle s'est transmutée en conquête lunaire.
37:11 Mais c'est dire aussi l'ambition que peut avoir le peuple américain.
37:16 Ce qui m'a beaucoup séduit, et j'essaie de donner les clés de ça,
37:19 parce qu'il faudrait qu'on importe cette capacité en France,
37:22 c'est de croire en soi, se donner l'envie de,
37:25 Johnny disait, l'envie d'avoir envie.
37:27 C'est la force un peu du peuple américain.
37:30 - Oui, et la force aussi de se battre,
37:31 parce que les Américains, en français,
37:33 ils n'en veulent pas d'abord en première ligne dans les volts de l'espace.
37:37 - Non, un de mes meilleurs amis va me dire des années après,
37:40 "Tu sais, quand tu es arrivé,
37:42 on m'a proposé de partager le bureau avec toi et je n'ai pas voulu."
37:46 Et ça va devenir mon meilleur ami,
37:47 parce qu'en fait, il va falloir aller chercher les Américains,
37:50 l'amitié, par la confiance et l'excellence dans le travail.
37:54 Donc je me tue à la tâche pendant mes six années passées à Houston,
37:58 pour montrer la différence.
37:59 - Oui, et la première année est difficile,
38:00 parce qu'il faut apprendre le détail de la navette spatiale.
38:03 On n'imagine pas ce que ça peut représenter, Philippe Perrin.
38:06 - Non, une navette, ça se conduit à quatre membres d'équipage.
38:09 Aujourd'hui, un Airbus a deux membres d'équipage.
38:12 Donc c'est une complexité.
38:13 Effectivement, il faut un an entier de sa vie à apprendre chaque partie.
38:17 - Mais c'est épuisant, chaque détail.
38:20 - Oui, en fait, j'ai passé six ans à Houston,
38:23 et c'est six ans au rythme d'études de médecine, de classe préparatoire,
38:27 enfin, ce que vous voulez, c'est-à-dire c'est jour et nuit.
38:30 Je disais souvent, je fais 35 heures, mais je l'ai fait deux fois par semaine.
38:33 - Exactement, parce qu'il faut apprendre chaque détail.
38:37 Chaque détail peut changer la navette spatiale, on peut chuter.
38:40 - Alors, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui,
38:42 où les véhicules sont automatiques, intégrés,
38:44 où finalement, l'homme n'a pas vraiment son mot à dire,
38:46 même si on lui met des écrans pour faire joli.
38:48 À l'époque, l'homme est en capacité de piloter la navette,
38:52 même dans les phases les plus critiques.
38:53 Je crois que c'est le seul engin qu'on puisse piloter au décollage.
38:57 La fusée elle-même peut être pilotée par le manche du commandant de bord.
39:01 C'est-à-dire l'intégration, il n'y a jamais aucun engin
39:03 qui n'a été à ce point-là intégré entre l'homme et la machine.
39:06 - Vous découvrez aussi à la NASA, Philippe Perrin, le simulateur.
39:11 - Alors, je décris toute une séance de simulation
39:14 pour que les gens comprennent la complexité, la beauté de ces machines volantes.
39:20 Et dans le simulateur, on a une partie des effets, on n'a pas tout.
39:26 Mais c'est vrai qu'en rentrant dans le simulateur avec le camarade,
39:30 on se regarde et il me dit "I have butterflies in my stomach".
39:34 Je ne connais pas l'expression, mais je comprends tout à fait ce qu'il veut me dire.
39:38 On est extrêmement émus, c'est comme si c'était pour de vrai.
39:40 - Oui, en même temps, qu'est-ce qu'on ressent dans ce simulateur ?
39:43 Qu'est-ce qu'on apprend ?
39:44 - Alors, on va apprendre la conduite, les opérations, les pannes,
39:47 la gestion des pannes, la dynamique de l'équipage.
39:52 Donc, on se prépare pendant des heures et des heures
39:54 à vivre un décollage qui va durer, lui, 8 minutes 30 de vol.
39:58 Des années et des années pour avoir la capacité de répondre
40:02 à tous les scénarios sur 8 minutes 30 de vol.
40:05 - Oui, et il y a la souffrance physique aussi.
40:07 - Alors oui, il y a les harnais qui vous rentrent dans les chairs,
40:12 il y a des anecdotes parce qu'on a les pieds en l'air,
40:14 on est engoncés, on ne peut pas se défaire.
40:16 Donc, on a des couches pour les besoins primaires.
40:21 Et puis, voilà, donc c'est une leçon de...
40:28 Comment dire ?
40:30 C'est un effort permanent,
40:31 mais c'est peut-être pas la chose la plus difficile de simulateur.
40:34 Ça va être la sortie extravéhiculaire le plus douloureux.
40:37 - Un jour, vous apprenez que vous allez pouvoir partir dans l'espace.
40:40 Vous vous souvenez de ce jour-là, Philippe Perrin ?
40:42 - Si je m'en souviens, la chance...
40:45 Pour moi, rien n'a été facile. Jamais.
40:48 Donc, je me suis toujours un peu battu pour.
40:51 Et je tombe malade, finalement.
40:53 Je déclenche une hernie discale suite à un accident en T-38,
40:59 qui fait lui-même suite à une éjection que j'avais eue sur avion d'armes.
41:03 Et je déclenche une hernie discale qu'il va falloir opérer.
41:07 Et c'est le jour où je suis sur mon lit, de douleur,
41:09 que le téléphone sonne, le patron des astronautes qui me dit
41:12 "Philippe, tu viens d'être sélectionné pour la plus belle mission
41:15 qu'on ait jamais offert à un étranger."
41:19 Je lui dis "Charlie, je ne crois pas, parce que je suis sur mon lit de douleur."
41:22 Il me dit "Écoute, fais-toi opérer, sinon six mois tu es rétabli,
41:25 ou peut-être trois mois d'ailleurs, on te fait confiance, tu pars."
41:29 - Et vous êtes devenu un astronaute bâtisseur.
41:31 - Et je suis devenu un maçon de l'espace.
41:33 - C'est-à-dire ?
41:34 - À l'époque, il faut construire la station spatiale.
41:38 Elle n'existe pas, il faut l'imaginer, il faut dessiner tous ces modules
41:43 avec des partenaires qui ne se connaissent pas, ou très peu.
41:46 Les français sont très utiles d'ailleurs à unir,
41:48 je pense à Jean-Loup ou Michel Tonini, les Russes et les Américains,
41:52 pour construire cet ensemble qui va finir par voler ensemble.
41:55 Et puis il faut l'assembler, c'est énormément d'heures de travail.
41:58 Et ma mission de 14 jours, ça va être trois sorties dans l'espace,
42:01 entièrement dédiées à l'assemblage de la station.
42:04 - C'est un travail extraordinaire.
42:05 - Alors ça c'est une vraie poisse physique.
42:08 Je ne me souvenais pas de missions où on ait fait trois sorties extravéhiculaires
42:12 en tout cas, en général, on ne donnait pas,
42:15 je crois que depuis les missions Apollo,
42:16 on n'avait pas donné trois sorties à un jeune sur une première mission.
42:19 Il faut que ce soit donné à un français.
42:22 C'est quand même là aussi une marque de respect énorme.
42:25 Et le défi, ça va être sur 14 jours,
42:29 deux jours d'intervalle, de sortir près d'une vingtaine d'heures dans l'espace et de construire.
42:33 - Alors il y a le scaphandre qui est obligatoire,
42:35 et avec le scaphandre, je crois que vous posez 250 kg.
42:39 - Peut-être, oui, c'est ça, 150 de scaphandre, moi plus les outils.
42:43 Alors on ne pèse rien, on flotte dans l'espace,
42:46 mais on a une pèse d'inertie qui est très étrange
42:49 parce que dès que vous vous posez dans l'espace,
42:53 vous n'arrivez jamais à vous stabiliser.
42:55 Vous êtes soit toujours un petit peu en mouvement,
42:57 soit toujours un petit peu en rotation sur vous-même.
43:00 - Quand on voit qu'on a marché sur la Lune,
43:02 la combinaison du capitaine Haddock est orange, et vous aussi ?
43:06 - Alors elle est orange dans la phase de montée,
43:08 parce que ça c'est l'orange qui permet d'être retrouvé
43:11 si on sautait en parachute,
43:12 il y a un parachute, il faut le savoir, sur la navette spatiale.
43:16 Dans l'espace, elle est blanche.
43:18 Elle est blanche parce que l'idée,
43:19 c'est de rejeter les rayons du Soleil pour ne pas trop chauffer.
43:22 Un astronaute dans l'espace, comme tout objet d'ailleurs,
43:26 est toujours en surchauffe
43:27 parce qu'il est bombardé de l'énergie du Soleil,
43:29 et en même temps, il n'y a pas de convection, il n'y a pas d'air autour,
43:31 donc il ne peut pas se libérer de l'énergie.
43:33 - En même temps, il y a les météorites qui peuvent vous arriver dessus.
43:36 - Alors, tout à fait, et ça c'est un problème statistique,
43:40 c'est-à-dire que probablement qu'elles arrivent au moins un jour,
43:42 mais dans mon vol, elles ne sont pas arrivées,
43:44 alors j'en ai vu passer quelques-unes,
43:46 filées comme des étoiles filantes sous mes pieds par exemple.
43:48 - C'est fou, hein ?
43:48 Alors, vous avez découvert une grande famille, Philippe Perrin, qui est la NASA.
43:53 - Oui, c'est comme dans les films, vous savez, la NASA, les barbecues, la famille,
43:57 quelque chose de très convivial,
43:59 pour moi, encore une fois, c'est le prolongement de ce que j'ai connu dans l'armée de l'air.
44:02 - Et vous avez un surnom, "PP".
44:04 - Alors, "PP", c'est mon surnom dans l'armée, c'est bon, Philippe Perrin, "PP".
44:09 Je fais la guerre du Golfe, on m'appelle "PP" à la radio.
44:12 Et puis j'arrive aux États-Unis, je leur dis ça,
44:14 ça les ravit parce qu'il existe "PP the Pew",
44:18 "PP le Putois", qui est un personnage fameux de bande dessinée,
44:21 qui parle français, qui est un dragueur invétéré,
44:24 si ce n'est qu'il se trompe toujours d'objectif,
44:27 et ça les fait beaucoup rire, donc "PP", oui.
44:30 - Et "PP le Putois", je ne sais pas si vous le savez,
44:32 mais l'origine du dessin animé,
44:34 le réalisateur était fan d'un film de Jean Gabin
44:37 qui s'appelait "PP le Moko". - Oui, tout à fait, "PP le Moko",
44:39 ça vient de "PP le Moko", oui, je savais.
44:41 - Et Charles Boyer a fait une version "Casbah" aux États-Unis,
44:44 et c'est comme ça que le personnage de "PP le Putois" est né aux États-Unis.
44:47 - Oui, oui, alors bon, après j'ai essayé de les éduquer,
44:49 j'ai expliqué qu'il y avait aussi "Gottlieb" avec "PP le Pervers".
44:52 - Oui, c'est autre chose. - Ça leur a plu aussi,
44:54 donc "PP", c'était très, très, très "frenchie".
44:56 - Alors, il se trouve aussi qu'il y a des portes bonheurs,
44:59 notamment, je crois que vous avez toujours eu
45:01 dans votre portefeuille des cheveux de votre femme Cécile,
45:04 et puis vous avez le petit prince,
45:07 vous avez aussi une vierge,
45:10 vous avez tout un tas de choses.
45:12 - Oui, vous savez, pour "Défier le Mauvais Sort",
45:15 tout est bon.
45:17 Oui, j'ai gardé toute ma vie une mèche des cheveux de Cécile.
45:24 La vierge, c'est au tout dernier moment,
45:26 parce que je ne suis pas sûr de pouvoir l'embarquer,
45:28 et c'est ma tante qui me donne une vierge
45:30 et qui me dit "elle te servira au décollage",
45:32 donc j'en prends grand soin d'être avec moi.
45:34 - Alors, le décollage, vous le racontez,
45:36 Philippe Perrin, dans ce livre, on n'imagine pas ce que ça peut être.
45:38 - Non, il n'y a rien qui peut vous préparer à ça.
45:40 Comme beaucoup de choses dans l'espace, d'ailleurs.
45:42 Les millions d'années d'évolution qui amènent à l'espèce humaine
45:44 font que l'espace vous est complètement inconnu.
45:46 Vous avez beau vous raccrocher à des entraînements,
45:48 le mieux, c'est encore les collègues qui vous racontent avant,
45:50 mais souvent, ils n'ont pas les mots pour le dire,
45:52 et on part, et on ne sait pas où on va.
45:54 Alors, au décollage, il y a cette puissance extraordinaire
45:56 qui est en fait dirigée dans une seule direction
45:58 et qui est vers le haut.
46:00 Sur Terre, il n'y a pas d'endroit où on ressent une accélération droite.
46:02 Les accélérations sont toujours associées à des virages,
46:04 des manèges.
46:06 Là, elle est droite,
46:08 et vous avez l'impression que vous êtes dans un endroit
46:10 où il n'y a pas de monde,
46:12 et que vous êtes dans un endroit où il n'y a pas de monde.
46:14 Et vous avez l'impression que vous êtes dans un endroit
46:16 où il n'y a pas de monde, et que vous êtes dans un endroit
46:18 où il n'y a pas de monde.
46:20 Et vous avez l'impression que vous êtes dans un endroit
46:22 où il n'y a pas de monde.
46:24 Et vous avez l'impression que vous êtes dans un endroit
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46:30 où il n'y a pas de monde.
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46:38 où il n'y a pas de monde.
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46:46 où il n'y a pas de monde.
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47:02 où il n'y a pas de monde.
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